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1
MÉMORIAL
DE
SAINTE-HÉLÈNE.
)
I ▼=
. V
A PARIS» DE l'imprimerie DE LEBEGUE*
MÉMORIAL
DE
SAINTE-HÉLÈNE,
OU
JOURNAL ou SE TROUVE G0KSI6NÉ , JOUR 9AR
JOUR, CE qu'a dit et PAIT NAPOLEON
DURANT DIX-HUIT MOIS;
Par le coMi'E de LAS CASES.
TOME TROISIÈME.
PARIS:
L'AUTEUR, RtJE DU Bac, n° 53}
Tous LES Libraires de Frange et de l'Etranoer.
1823.
I- '
(
r
TABLE
DES SOMMAIRES DU TROISIÈME VOLUME.
p«g«W
Description de l'appartement de TEmperear. ^- Détail»
mînotieax de sa toilette. •— Son costume. '— Bmîts ridi-
oules, absurdités snr sa personne,*— Complot de Georges.
— • De Céracliî. — ^ Attentat du lanais(|ue de Sohœnbf un. 9
Pftrtis h prendre après Waterloo. 95
Traits oaractérisiiqacs sur Napoléon. S7
P^i tique. — Eut deTEurope* — Ascendant irrésistible des
idées libérales. . 4^
Opinion de l'Empereur sur plusieurs personnages connus. ■
— « P0B8O di BorgOé •-* Metternich. — Bassano. — Gburke.
Cambaeérés. — Lebrun. — Fouché , etc. 4^
Papiers d^fiorope. --> Pblilique. 56
Arrivée du GfOUTernenr. 58
Progrés de l'Empereur dans son anglais. 5^
Preniière TÎsite du Goarerncnr. -** Déclaration esigée de
nous. 6»
CkmTersetion caractéristique. — Retour de Tlle d^be prém
dès Fontainebleau. •— Introduction du GeuTemeur» — -
Mortification de TAniisaL -* Nos grie& contre lui. —
Signalement de sirHudson Lowe. 63
CoDTentioo jes Souverains sur Napoléon , etc. — Paroles
remarquables. 76
Déclaration exigée de nous. . 81
Visite d^adieu de raftcien Gouverneur* -^ Coarersallon
remarquable. — Sullie d'un vieux soldat anglais. 83
Afessage de PEmpereur au Prince Régent. — Paroles carac-
téristiques. — Pôrttfeuiljie p^du 4 Wat^loo. «- Sur les
TABLE*
pagciî
ambassadeurs. — M. de Narbonnc. — Après Mosoow,
l'Empereur sur le point d'être arrêté en Allemagne. —
CompiedetoUatte^FEmpercdr. — Budjet d'un ménage
dans les capitales de TEnrope. — Dispute pour Tameuble-
menl de la me de la Victoire. — Ameublement des palais
impériaux. — Moyen de vérification de Napoléon. 90
Le G^v«xneor vMÎte ma c^antbrti •- Criiir]iie du Mahomet
de W^Ulvm. -^J^u Mahomet dèl'liistxiîré. -^<îr&ry. iroi
Ma vktie 4 PfantaiioiL- Hoase. — iaaianation. — Préaiièré
mécJia»e«té du Go«.i«niciir. — Pfcockinattons de Wapo-
-léon.— Sa politique en Egypu» »— A^FOii d>a(te illégal. wô^
^emiére insulte. — Première barbarie- du 'QovtetûêUt. -*i
Trabs canotsristiqaiat. "tis
Abbé de Pradi. — Son ambassade à Varsovie. -^ (ÎQérrd
de ftwaîe, aon lon^ffoe. ' . - ^^^
L'£n>p«Mur sonSneaL — Ft«mi«r jÔ1u:iioCDmpIette'réctil-'
sion — Ambassadeoctf Persiui et'Tiire« — Aflecdotes/* i3a
Jlcuxiéme jour de réclusion. -— iJEuntpèrékT reçoit le 6oa->
verneur dans sa chambre. — GonversalkMHr earact^isticpic. i4i
Bataille de Castiglîone. 1 5i
Ici ttoB Cmui çéogtaf^qiM pour i^inti^IKgvace é^B cAupîtrec,
à^ campagnes d'Italie insérées dans le Mémorial *,
Bataille «l'Arcole. ^ . iBi
Bataille dbJlWQli* ; ! ai2
Trc^mo joiirid«.r<dii9ÎOB, -^fieaii aiénito£ dé rhisioii^e de
TEmpereur. ' . ' 513^
Quatrième jour Â9 Téolttèran absotoe. — ^ Le Môniteurr ftf oira-
ble à TEmperenr, etc< ' ^i
Cinquième jonr de réclusion. 34S
Sixième jW 4e t^cfaisioii. '245
■ ■ ■ ■ •■ ■ * ■■■■■Il ■ w ■■ ■ . ■ ,
* Cette carte n'est pas jointe aux «Xtiiuj^laires iu-i» ', mah on peut se la
proc«iKr«é^arttac«ty & très^bAifrix»
i
Snr la Chine et la Russie. — Rapprochemens des deux grandei
réyoluticrns de France et d^ Angleterre. 94S
Doctoar Q^Méat»; explicatien». —!• CdbsbIm. -^ Opintan de
rënûgKf^ion sm le Coasdl, ->* Idéàs det^Emperenr aar
les biens des émigré»; syndicat projeté. -— Ci reonstances .
bcurensea ipn Gone^nreiit. ^ 1« earrîév« êe tPËmperenr. -^
Opinion des Italiens. — CosrooHfaMnt par le Pa{ie««a»Le»
mécoBtens^ séduits à Tilsit.— Bourbon» d%pa^e. -* Avfi-
yée do £anieus pakie de bois. «55
Iliade ; Homtee. 069
Pavoles caractéristiques de TEmperenr. 372
Hoche»-— 2>iT«rs généraux. 374
Invitation ridicule de sir Hudsen Lowe. • aSi
r
Napoléon À Plastiittt. — Ah Conseil d'£tat« -^ Code ctril. •—
Mot pour lord Saint-Vincent. — SarS'iatefieiiv de P Afri-
que. — Ministère de la marine. — Decrès, 283
£lat dangereux de mon fils. — Paroles remarquables. — Dic-
tionnaire des Girouettes. — Bertholet. 3o5
Bcception des passagers de la flotte du Bengale . 3o8
Egalité des peines. — L^Empereur me commande Thistorique
minutieusement d'é taillé de inon Atlas. > 3i5
Visite du GouTemewr.-— Conversation chaude arec TEmpe-
Tcnr. 540
Mme ia maréchale Lefôvre. 347
lie Gouverneur de Java. — Le docteur Warden. — Con-
Tersatîon famlUère de VEmpereur sur sa famille. 352
L'Empereur endormi . — Morale . 371
Le Gouverneur arrêtant lui-même un domestique. — Lec-
ture de la Bible. — Terre Sainte. 874
Caprices de Tautorîté. La princesse Stéphanie de Bade.. 376
Maximes de TEmperear. '— ~ Scène de Portalis au Conseil
d^Euty etc. — Accidens de TEmperenr & Saint-Cloud ,
à Anxonne , à Marly. 379
8 9ABLK.
Politique* S87
Bratus de Voltaire* 3^1
EtabUsiemens fraDçaîf aur le fleuTe Saint- Laurent. — L^Em*
pereur eftt po gagner rAmérique. •*• Carnot an moment
deVabdicatioii. Sg»
Etat de Piadoatrîe en France. •-« Sur les phjrsionomief • S99
L^Emperenr doTant le camp anglais. f o5
I^a Corse et le pays natal. -~ Paroles dé Paoli. — Magna*
nimité de Madame mère» — Lucien destiné à la Corse. -^
Cour du Cônsni. — M«* de Chevrense. — Lettre de Ma^
dame mère. 4^4
Moreau. — Georges. — Pichegra. «^ Opinion da camp de
Boulogne. -^ De Paris. 418
Politique.— Angleterre.— Lettres retenue» |)ar le Gouverneur.
—> Paroles c«racléristiques. 4^
riH DE XiA TABLE SU TROISliMS VOLUME.
/
MÉMORIAL
DE S -HÉLÈNE
I
Lundi I. — Mardi 2 Avril 181 6,
»
Descrlplioa de l'ap^partement de l'Emperear. ^^ Détails
mînutîeax de sa toilette* -** Son costame. — Bruits
ridîcales y absurdités sur sa personne. -— Complot de
Georges.'-— de Cérachi* *- Attentat du fanatique de
Schoenbrtin.
TotîT ce q^i|to^cî^e VEmpereiir et le concerne
$eail)}e deyoir . ^fre prëcJLçuxj des milliers de
per^pniï^ 1^ penseront .ainsi ; c'est dans ce sen-
timent, avec cette opinion^ (jue je vais décrire
minutieusement ici son appartement, Tameu-
blemient qui s*y trout« , les de'tails de sa , toi-
lette , etc. , etc. Et puis avec le temps , peut-être
un, jour son fils se plaira-t-il à reproduire les
détaii5,,la:Conteiture de sa prison? Peut-4tre
^imera-t-ilà s'entourer d'objets éloignes^ d'om-
bres fugitives, qui lui ; recomposeront une ^s-
pèce de realite' ?
L'appartement de l'Empereur est formé de
3. 4
•■>
40 MEMORIAL (Avril 181&)
deux pièces /i et JB, ainsi qu'on peut le voir
sur le plan de Longwood inséré au second vo-
lume *, chaci^ne de 45 pieds dé long sur 42 de
large , et d'environ 7 de haut^ un assez mauvais
■
tapis en couvre le plancher; des pièces de nan-
laiiiy tçndues en guise de papier, les tapissent
toutes deux.
Dans la chambre à coucher ^ se voit le petit
lit de campagne a^ où couche l'Empereur j le
' >
canapé i,.sur lequel il repose la plus grande
partie du jour; il est encombré de livres qui
semblent lui en disputer l'usage ; à côté est un
petit guéridon c , sur lequel il déjeûpe et dîne
dans son intérieur , et qui , le soir , porte un
chandelier à troiâ braiaéhes^ recouvert d'un
grand chapiteau.
Entre les deux fenêtres , à Topposite de la
porte, est une commode d^ contenant son linge ^
et sur laquelle est son ^and nécessaire.
La cheminée e^ supportant une fort petite
glace, présente plusieurs tableaux : i droite
est celui du Roi de Ronae sur un mouton , pai^
Aimée Thibault; à gauche, en pendant, est un
ji I ■ - - I ' ... — I .-
'^ Voyez le second Tolfune^ page 43.
I
I
(Ayriiisie) DE SAINTE-HÉLÈNE. il
autre portrait du Roi de Rome, assis sur un
carreau , essayant une pantoufle , par le même
auteur; plus bas, sur la cheminée, est un petit
buste en marbre du même enfant. Deux chan-
deliers , deux flacons et deux tasses de vermeil ,
tires du nécessaire de l'Empereur, achèvent
r ornement et la syme'trie de la cheminée.
Enfin au pied du canape% et précisément en
regard 4e TEmpereur quand il y repose étendu,
ce qui a lieu la plus grande partie du jour, est
le portrait de Marie-Louise , tenant son fils en-*
tre ses bras, par Isabey. Ce mauvais petit réduit
est ainsi devenu un sanctuaire de famille.
Il ne faut pas oublier , sur la gauche de la
cheminée et en dehors des portraits , la grosse
montre d'argent du grand Frédéric , espèce de
réveil-matin, prise à Postdam j et en pendant, à
droite, la propre montre de l'Empereur, celle
qu'il portait à l'armée d'Italie , recouverte des
deux côtés d'une boite en or , portant son
chiffre B. Voilà la première chambre.
La seconde pièce JB, servant de cabinet, pré-
sente, le long des murs du côté des fenêtres,
des planches brutes posées sur de simples tré-
teaux, supportant un bon nombre de livres
i
^.
42 MÉMORIAL ( athI 18.6)
epars , et les divers chapitres écrits par cliacua
de nous, sous la dictée de l'Empereur.
Entre les deux fenêtres est une armoire g^ en
forme de bibliothèque, à Topposite un second lit
de campagne h , semblable au premier , sur le-
quel l'Empereur repose parfois le jour, et se
couche même la nuit, après avoir quitte' le pre-
mier, dans ses fréquentes insomnies, ou avoir
travaille ou promené quelque temps seul dans
sa chambre.
Enfin dans le milieu est la table de travail i , avec
l'indication de la place qu'occupe ordinairement
l'Empereur et chacun de nous quand il nous dicte.
L'Empereur fait sa toilette dans sa chambre
à coucher; quand il se déshabille, ce qu'il fait
de ses propres mains. Il jette tout ce dont il se
dépouille parterre, s'il ne se trouve là un de
ses valets de chambre pour s'en saisir. Combien
de fois je me suis précipité pour ramasser son
cordon de la légion d'honneur, quand je le
voyais arriver sur le plancher !
La barbe est une des dernières parties de sa
toilette , qui ne vient qu'après qu'on lui à mis
ses bas, ses souliers, etc. Il se rase toujours
lui-mopie, otaût d'abord sa chemise, et demeu-
(Ayru,8x6) DE SAINTE-HÉLÈNE. 48
rant en siinple gilet de flanelle, qu*il avait quitté
sous les chaleurs de la Ligne, et qu'il a été
- oblige' de reprendre à Longwood , à la suite de
vives coliques, dont il a etë immédiatement
soulagé parla reprise de la flajiellé.
L'Empereur se rase dans l'embrasure de la
fenêtre à côté de la cheminée j son premier valet
de chambre lui présente le savon et un rasoir j
un second tient devant lui la glace de son né-
cessaire, de manière à ce que l'Empereur pré-
sente au jour la joue qu'il rase. Ce second valet
de chambre l'af ertit si le rasoir a laissé quel-
que chose en arrière. Cette joue rasée , il se fait
une évolution complète pour faire l'autre , cha-
cun changeant de côté.
L'Empereur se lave ensuite la figure , et très*
souvent la tête , dans un grand lauabo d'argent
j^ fixé dans l'encoignure de la chambre, et apporté
de rÉljsée. Vient ensuite l'histoire des dents j
après quoi l'Empeteur quitte son gilet de fla-
nelle. Il est fart gras, peu velu, a la peau blan-
che, et présente un certain embonpoint qui
nest pas de notre sexe j ce qu'il observe parfois
gaiment. L'Empereur se frotte alors la poitrine
et les bras avec une brosse ^ssez rudej la
Ù MÉMORIAL (Avril i8i6>
donne ensuite à scm- valet de chambre , pour
qu'il lui frotte le dos et les épaules, qu'il
arrondit à cet effet, lui re'pe'tant d'otdinàire
quand il est de bonne humeur : « Allons^ fort.,
ce comme sur un âne. »
Il s'inondait ensuite d'eau de Cologne, tant
qu41 en a eu à sa disposition; mais il en a bien-
tôt manqué^ et ne s'en trouvant point dans l'île,
il a dû se réduire à de l'eau de Lavande j ce
qui a e'té pour lui une privation réelle.
Quand il était en gaitë ou sans préoccupa-^
tion , il lui arrivait d'ordinaire , à la fin du frot-
tage de ses^ épaules, comme à chaque eVolu-
tiou pour les deux côtés de sa barbe, de consi-
dérer en face quelques secondes , le valet de
chambre eu service, et de lui appliquer ensuite
un bonne tape Bur les oreilles, en l'accompa-
gnant de quelques mots de plaisanterie.
C'est-là, sans doute, ce que les faiseui's de
libelles et de pamphlets, ont appelé battre
cruellement tout ce qui était autour de lui?
Car, à nous aussi, il lui arrivait souvent de nous
pincer l'oreille ou de nous la prendre à poignée^
mais à l'expression qui accompagnait toujours
ce geste , nous devions penser qu'on était bien
CAttO i8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. 45
lieureux, au temps de sa puissance , d'une
pareille fayéur,
C*eîst ce qui m^ rappelle du reste , et m'ex-
plique tout à fait aujourd'hui $ certaines paroles
d'un de ses anciens ministres. Ge ministre ( le
duG Decrès ) , au temps de sa gloire et de sa
faveur, dësitait vivement une certaine grâce.
Après avoir parcouru avec moi toutes les chan-
ces de succès, il lui échappa de dire, dans l'e'-
pancfiement : « Je l'aurai, après tout, la prê-
te mière fois que je serai bourré. » Et sur ce
qu'il remarquait quelque chose sur ma figure 9
il ajouta avec sourire significatif ; « Mon cher,
^ c'est qu'après tout, ce n*est pas aussi terrihle
« que tu le peines; ne l'est pas qui veut, je
it t'assurie... »
L'Empereur ne sortait de sa chamhre qu'ha-
billé et toujours en souliers , ne portant des
bottes que le matin , s'il allait à cheval. En arri-
vant a Longwood , il a quitte son petit uniforme
vert dé la garde j il n'a plus alors porte' qu'un
habit de ses chjissés, dont on avait ôtë le galon;
il lui ailait assez mal et commençait à être fort
use : on s'inquie'tait déjà comment on le rem*
placerait. Du reste ce n'était pas le seul besoin
46 MÉMORIAL (Avril 18/6)
4e cette espèce dont il était entouyé. Nous
souffrions de le yoij: contraint , par exemple ,
a porter plusieurs jours les mêmes bas ^e soie ,
et nous nous recriions sur ce qu'on pouvait
compter les jours par le i^ombre de marques
que les souliers y traçaient j il ne faisait qu eii
rire. Dans toute autre chose, il a cotitinue' sou
costume habituel j vesÇe et culotte de Casimir
blanc et cravaté noire. Enfin, quand il allait
sortir, celui de nous qui se trouvait là lui
donnait son petit chapeau ; chapeau ri^marqua«r
^le, en quelque sorte devenu identique à sa
personile, et dont on lui en a déjà vole' plun
sieurs depuis que ûous sommes dans File; car^
quiconque nous approche est ayide d'en rem-^
porter quelque chose. Combien de fois chacun
de nous a ëte persécute' par les personnes les
plus dislingue'es pour en obtenir, ne fuisse qii-un
bouton de son habit ou toute autre ïniiautie de
même nature.
J'assisjtais presque tous les jouts à eétte toi-
lette, soit que je m'y trouvasse par la fin de
mon travail ^ soit que \\y fusse appiete pour
cçtuser.
Un jour, considérant V Empereur rPtoettye
{i.riiti8^) DE SAINT&-HÊLfâfE. 4r
«(m gilet de flanelle, mes Cfàif s expriiiiâient sànâ
sdoute quelqtie 'chose de iparticulier. « Dé quoi
K scairili Votre ExceUénce ?' ( Exj>ïessioii de
« sa bonne humeur ). Qu'est-ce qui' l'occupe en
m ce moment? -~ Sire, io'est que je viens dé
i* twuvér , dans, un panjphlet, que Votre Ma-
«, jéste'^ paui* plus de sùrete', ét^it cuirassée ititiit
« et jour. Certains salons de Paris disaient
(I aussi quelque chose de semblable, et en don-
ic nattent pour preuve l'embonpoint subit de
« Vôtre Majesté , qui , suivant eux , n'était ' pas'
« naturel. Or , je |)eusais eii cet instant que je?
« pourrais témoigner . avec connaissance de
« cau^; que cet embonpoént rétait très-naturel y
« et que je pourrais affirmer aussi , qu'à Sainte-'
<f Hélène, dn moins, Votre Majesté avait laiské
«toute précaution^ de coté. -~ C'est une' des>
ff mille et une bêtises qu'ils ont écrites sur mon^
<« cQipptç*, Celle-ci estid'autant plus gauche ,
le que; . tous mvok qui me cdnnàissent savent le^
ce peu de soin que je preniais de ma conserva-
te tion. .Accoutumé dès l'âge de dix -huit, ans
ce aux boulets des batailles, et sachant toute Fi-
« nutilité de vouloir, s'en préserver, je m'a-
it bandonnais à ma .de!ititiée.i Depuis, lorsque-
48 MÉMORIAL (Ana imj
<c je suis arriye à la tête des afïaîres, j'ai àû me
ce croire encore aii milieu des batailles , dont
<c les conspiratioiis étaient les boulets : j'ai con^
ce tinué mon même calcul j je me suis abandonné
« à mon étoile ^ laissant à la police tout le soin des
ce précautions. J'ai été peut-être le seul sôuve-
ft rain de l'Europe qui n'avait point dé gardçs-
« du-corpsj on m'aboiidait sans avoir à tra-
ce verser une salle des gardes j quand on avait
•c franchi l'enceinte extérieure des sentinelles ,-
ce on avait la circulation de tout mon '|)alais;
« C'é.tait un |prand sujet détonnement pour
« Marie^Louise y de me voir si peu de défense i
« elle me disait scmtent que son père était bien
ce mieuit^^ardé, qu'il avait des armes autour de
« lui , etc. Pour moi , fêtais aux Tuileries
et comme ici, je ne sais seulement pas où est
fc mon épéej la voyez-vous ?
<c Ce n'est pas, continuai t-^il ; que je n'aye
tt couru de grands dangers }^J€i compte trente et
ce quelques conspii*ations À pièces authentiques,
c< sans pdtvles de celles *qui sont demeurées
iç inconnues : d'autres en inventent , moi j'ai
ce soigneusement cadié toutes celles que j'ai pu,
te La crise a été bien forte pour mes jours , sur-
(Arra 1816) DE SAINTE-HÉLÈNE. 49,
« tout depuis Marengo jusq[a'à la tentative de
«c Georges et Taffaire du duc d'Enghien. »
Napoléon disait que huit jours avant Tarres-
tation de Georges , un des plus déterminés de
sa bande lui avait remis en main propre une
pétition à la parade; d'autres s'introduisirent
à Saint-Cloud ou à la Malmaison parmi les gens j
enfin Georges lui-même parait avoir été fort
près de sa personne et dans un même apparte-
ment*
L'Empereur , indépendanànient de son étoile ,'
attribue son salut à certaines circonstances qui
lui étaient propres. Ce qui l'avait ^auvé sans
doute , disait-il , c'était d'avoir vécu de fantaisie,
de n'avoir jamais eu d'habitudes régulières ni
de marche suivie. L'excès du travail le retenait
dans son cabinet et chez lui; il ne dînait jamais
chez personne , allait rarement au spectacle , et
ne paraissait guère que quand et où il n'était
pas attendu , etc. \ etc.
Les deux attentats qui l'avaient mis le plus
en péril, me disait-il, tout e?i gagnant le jar-
din, la toilette finie , étaient ceux dh sculpteur
Cerachi et An fanatique de Schœnbrurin
80 MÉMORIAL (Avril is te)
Cerachi, avec cpielques forcenés, ayaiit ré-*
jBolu la mort dq. Premier Consul : ils devaient
l'immoler au sortir de sa loge au spectacle. Le>
Consul , averti , s'y rendit néanmoins , et passa
hardiment au trî^vers de ceux qui s -e'taient mon-»
tre'^ les plus empresse's à venir occuper leurs
postes j on ne les arrêta qu'au milieu ou vers Is^
fin du spectacle,
Ce'rachi, disait l'Empereur , avait jadis adoré
le Consul j mais il avait juré sa perte , depuis
qu'il ne voyait plus en lui , prétendait^il , qu'un
tyran. Ce sculpteur avait été comblé par le gé-
néral Bonaparte, il en avait exécuté le buste, et
sollicitait en ce moment , par tous les moyens
imaginables, d'obtenir seulement une séance
pour une correction , disait-il, nécessaire; Con-
duit par son étoile, le Consul 'ne put disposer
d'un instant , et pensant que le besoin était la
véritable cause des pressantes sollicitations de
Cerachi, il lui fit donner 6 mille francs. Il se
méprenait étrangement ! Cerachi n'avait eu
d'autre intention que de le poignarder quand il
poserait !
La conspiration fui dévoilée par un capitaine
de la ligne., complice lui-même, ce Etrange mo-
(Ayrii 18x6) DE S AINTE-MÉLÈNE . . 24:
« dification de la cervelle humamé^ observait
« Napole'on, et jusqu'où ne vont pas les combi-
(ir naisons de la folie et de la bêtise ! Cet officier
« m'avait en horreur comme Consul; mais il
c< mi' adorait comme gene'raL II voulait bien
« qu'on m'arrachât de nion poatfi ; mais il eût
« e'te' bien fâche' qu'on ni'eût ôte' la vie. Il fal-
« lait, disait-il , se saisir de moi , ne pas me faire
ce de mal, et m'envoyér à l'arme'e pour y conti-
ez nuer dç battre l'ennemi et de faire la gloire
« de la France. Le resté des conjure's lui rit au
«nez; mais quand il vit distribuer des poi-?
« gnards et qu'on dëpiassaît ses intentions, alors
« il vintlui-meme dénoncer le tout au Consul. »
A ce sujet quelqu'un dit à Napoléon., qu'il
avait e'të témoin , à Feydeau , d'une circonstance
qui mit la plus grande partie de la salle en
ëmoi. L'Empereur arrivait dans la loge de l'Im*
pératrice Joséphine; à peine assis, un jeune
homme grimpe vivement sur la banquette qui-
était au-dessous de la loge , et pose la main sur
la poitrine de l'Empereur; tons les spec^teurs
du côté opposé frémirent ; heureusement que,<:e
n'était qu'une pétition ^ que l'Empereui: prit et
lut froidement.
22 MÉMORIAL (Afrîl 16107
IjeJànaUque de Schœnbnm, disait l^mpe-
reur, était ie fils d'un ministre protestant d'Er^
flirt , qui , vers le temps de la bataille de Wa-
gram y résolut d'assassiner Napoléon en pleine
parade. Déjà il était venu à bout de percer l'en-
ceinte des soldats qui éloignaient de l'Empe-
reur j déjà il avait été' repoussé deux ou trois
fois d'auprès de lui, quand le général Rapp
voulant de nouveau l'éloigner de la main , ren-
contra quelque chose sous son habit ; c'était un
couteau d'un pied et demi de long, pointu et
tranchant des deux côtés. « J'en ai frémi en le
«considérant, disait l'Empereur, il n'était
« enveloppé que d'une simple gazette ! »
Napoléon se fit amener l'assassin dans sou
cabinet : il appela Corvisart, et lui ordonna de
tâter le pouls au criminel, tandis qu'il lui
adressait la parole. L'assassin demeura cons-
tamment sans émotion, avouant son acte d'une
voix ferme et citant souvent la Bible.
« Que me vouïiex-vous , lui dit l'Empereur?
« — Vous tuer. — Que vous ai-je fait? Qui
«f vous a établi mon juge ici bas? -— Je voulais
« terminer la guerre. -^ Et que ne vous adressiez-
« vous à l'Empereur François? ^rz Lui! Et à
(ATia isi6) DE SAINTE-HELENE, 23
« q^oi boni IL est si.iw^l, disait Tassassin! Et
(< puis, luimott, un autre lui succéderait; au
<r lieu qu'après tous , lés Français disparaî-
it traient aussitôt de toute f Allemagne. »
Vainement l'Empereur chercba à l'émouvoir^
« Vous repentez ^ vous , lui dit-il? — Non. —
« Le feriez-vous encore? — Oui. — Mais si je
« vous faisais grâce? p Ici pourtant ,. disait Napo-
léon, la nature reprit un instant ses droits^
la figure , la voix de l'homme s'alte'rèrent mo-
mentanément. « — Alors, dit-il, je croirais
K que Dieu ue le veut plus, j? Mais bientôt il
rpprit toute sa férocité. On le garda à l'écart
pljo^ de vingt*quatre heures sans manger; le
n^édeciu l'examina encore j on le questionna
de nouveau y tpjqit fut inutile , il resta toujours
le même homme, ou pour mieux dire, u^e vérir
tahlç hète féroce , et ou l'ahs^dcm^a a son sort«
Mercredi 3.
Partis à prendre après Waterloo*
L'Eï»p(çr6ur,/das^ Jla iu$tti9^e,:a travaille
à l'ombre 4^us Iç japdiu. Le^temps était superbe,
le jour des plvs pvirs et de&plus beaux. Il lisait
ïtf ' MÉMORIAL -cÀTtakié)
Fexpe'ditiôtt d'Alex^andre tdaris^ï^lfin y il aTftit
plusieurs cartes^etdndt^s: deT^dtdui;!! sô-iplaî^
gnait d'wn rédt fait ^ns goût, saits mtentiàn ^
qui nQjaipsfltife, ,#i?^it-tily^ioçï.me Id^e juste, des
granpies . VûjeS; di'lA^Çiî^wdryq j. ilyljiij prenait mne
4er^faii-e^cei«îo^'oeaUpfetc..,,^ .. , ^
Sur les cinq; lieures ^ i'.^i été le joWre dans
lé jardinj il y promenait qntpurd de tous. D^aussi
' loin qu il m'a aperçli', il m'a dit : « Arrivez,
à venez nous dire votre opinion sujr un point
« que nous deBàttons depuis une heure.
« En aiTivant de Waterloo , crôjëz-yous que
« J euése pli renvoyer le Corps Législatif et
i< saîiïVet KTranà sa^slùl? i-; itùii, àî^iè dît/
<t • le CorpsLegîslitif ' né se ' siérait pas disijoust
ic voloritài^eiïïeilt \ â eût fallu ëïnploy^r la force',
*c il leftfr pi-otéstë ; et ' il y eût eu' scafrdale: ' Le*
te' dissèiitimêiit <jui 'feût téclaté dans îJoù séirij
«•se fKt' ^r^pété dalns- la iiatibif/ Cëpendiaritf
a l'ennemi serait anjyéy-Yo^m'Majeste' eût suc-
ic combe', accuse'e par toute l'Europe , accuifee
a par les étrangers', accusée p3.r nous-mêmes ,
« êttipoittafit peut-être ïa ïnaïédiction .univer-
€c selle, -et semblant n'avoir; ctë qu'un chejf
«c d'aventures et de,violettces'. Att lieu de cela
(ATrii i8i6 ) DE SAINTE-^HÉLÈNE: 25
« Votre Majesté est sortie pure de la mêlée , et
« demeurem le héros d'une cause qui vivra
« éternellement dans le cœur de tous ceux qui
«r croyentàla cause des peuples: elle s'est assuré,
«c par sa modération , le plus beau caractère de
et rhistoire , dont autrement elle eût pu courir
« le risque de devenir la réprobation : elle a
« perdu sa puissance, il est vraij mais elle a
« comblé la mesure de sa gloire !
et Eh ! bien, c'est aussi en partie mon avis, a
« repris l'Empereur j mais est-il bien sûr que le
« peuple français sera juste avec moi ? ne m'ac-
cr cusera-t-il pas de l'avoir abandonné? L'his-
«c toire décidera : je suis loin de la redouter} je
« l'invoque I
ft Et moi-même, me suis- je demandé quel-
ce quefois, ai -je bien fait pour ce peuple mal- ,
« heureui tout ce qu'il avait droit d'attendre ?
« Il a tant fait pour moi I Saura- t-il jamais, ce
« peuple, tout ce que m'a coûté la nuit qui pré-
ce céda ma dernière décision? cette nuit des
et incertitudes et des angoisses !
ce Deux grands partis m'étaient laissés : celui
et de tenter de sauver la patrie par la violencç,
c< ou celui de céder moi-même à l'impulsion
3. 2
r
S6 MÉMORIAL ( AtHI 1816 )
ic générale. J'ai dû prendre celui que j'ai suîtî j
€t amis et ennemis y bien intentionnés et méchans,
« tous étaient contre moi. Je demeurais seul ,
« j'ai dû ce'der } et une fois fait, cela a e'te' fait :
« je ne suis pas pour les demi-mesures ; et puis
« la souveraineté ne se quitte pas , ne se reprend
(c pas de la sorte, comme on lé ferait d'un
« manteau.
« L'autre parti demandait une e'trange vi-
ce gueur. Il se fût trouve' de grands criminels ,
« il eût fallu de grands châtimens. Le sang
ce pouvait couler j et alors sait-on où nous étions
c( conduits ? Quelles scènes pouvaient se renon-
ce vêler? Moi, n'allais-je pas par-là me tremper,
ce noyer ma mémoire de mes propres mains dans
Cl ce cloaque de sang, de crimes , d'abominations
ce de toute espèce > que la haine , les pamphlets ,
ce les libelles, ont accumulés sur moi ? Ce jour-là
ce je semblais justifier tout ce qu'il leur a plu
ce d'inventer. Je devenais pour la postérité et
ce l'histoire^ le Néron, le Tibère de nos temps,
te Si encore, à ce prix , j'eusse sauvéla patrie !..
c< Je m'en sentais l'énergie I... Mais était-il bien
ce sûr que j'aurais réussi ? Tous nos dangers ne
ce venaient pas du dehors ; et nos dissentimens
v
(ATriii8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. 27
« au dedans ne leur ëtaient-ils pas supérieurs ?
<t Ne voyait-on pas une foule d'insensés s'achav-
« ner à disputer sur les nuances avant d'avoir
«c assuré le triomphe dé la couleur ? A qui d'eux
« eût-on persuadé que je ne travaillais pas pour
ce moi seul , pour mes avantages personnels ?
et Qui d'eux eut-on convaincu que j'étais désin-
t< téressé?Que je ne combattais que pour sauver
« la patrie? A qui eût-on fait croire tous lesi
« dangers , tous les malheurs auxquels je cher-
« chais à la soustraire? Ils étaient visibles pour
« moi i mais quant au vulgaire , il les ignorera
« toujours , s'ils n'ont pesé sur lui.
^ Qu*eût-on répondu à celui qui se fût écrié:
« Le voilà de nouveau le despote, le tyran!
tf le lendemain même de ses sermens il les viole
tt de nouveau ! Et qui sait si, dans tous ces mou-
ft vemens, cette complication inextricable ^ je
«n'eusse point péri d'une main, même fran-
« çaise, dans le conflit des citoyens? Et alors
« que devenait la nation aux yeux de tout l'u-
« nivers et dans l'estime 'des générations les
« plus reculées ! Car sa gloire est à m'avouer !
« Je ne saurais avoir fait tant de choses pour
« son honneur et son lustre , sans elle, en dépit
28 MÉMORIAL (A^rU 1816)
« d'elle : elle me rendrait trop grand ! Je le
« repète, riiistoire décidera !... »
Après cette sortie il est revenu sur les mesures
et les détails de la campagne, et s'arrêtait avec
complaisance sur son glorieux de'but, avec an-»
goisse , sur le terrible, désastre qui l'avait ter-
minée.
ce Toutefois , concluait-il , rien ne me sem-
« blait encore de'sespe're' , si j'eusse trouvé le
« concours que je devais attendre. Nos seules
« ressources étaient dans les Chambres : j'accou-
« rus à Paris pour les en convaincre ; mais elle»
« s'insurgèrent aussitôt contre moi , sous je né
« sais quel prétexte, que je venais les dissoudre^
« Quelle absurdité ! Dès cet instant tout ftit
•r perdu *.
* Le temps, qai apprend tont, nous a fait connaître
les petits ressorts qui ont amené an des plus grands dé*
nouemens*
Voici ce que je tiens de la propre bonche des actenrs:
En apprenant Farrivée de Napoléon à i'Elysëe , après
Waterloo , Fonchë coart aox membres inquiets, dëfians ,
ombrageux de la Chambre : « Aux armes, leur crie-t-il !
« Il revient furienx et résolu de dissoudre les Cham*
« bres et de saisir la dictature. Nous ne devons pas
tf souffrir ce retour de la tyrannie* » Et de U , il court
( Avril ,816 ) DE SAINTE-HÉLÈNE. 29
« Ce n'est pas , ajoutait TEmpereur y qu'il
tf faille peut-être accuser la masse de ces Cham-
K bres; mais telle est la marche ineVitable de
« ces corps nombreux , ils périssent par défaut
« d'unitéj il leur faut des chefs aussi bien
« qu'aux armées : on nomme à celles-ci; mais
« les grands talens, les génies éminemment
« supérieurs , se saisissent de celles-là et les
aax meiUears amis de Napoléon : c Saves-vons , leur
« dît-il , qae la fermentation est extrême contre l'Em-»
c perear, parmi certains dëpatés, et que noas n'avons
« d'autre parti pour le sauver que de leur montrer les
« dents , de leur faire voir toute la force de l'Empereur^
c et combien il lui serait facile de les dissoudre» »
Les amis de Napoléon y aisément dupés , au fort de
cette crise soudaine, ne manquent pas de suivre» on
peut-*être même dépassent les suggessions de Foucbé, qui
recourt ensuite aux premiers» leui; disant « : Vous voyes
« bien qne ses meilleurs amis en conviennent , le danger
« est pressant ; dans peu d'heures ; si on n'y pourvoit ,
« il n'y aura plus de Chambre 9 et l'on serait bien cou-^
c pable de laisser échapper le seul instant de s'y oppo^
c ser. » Alors la permanence des Chambres» l'abdication
forcée de Napoléon et un grand empire succombe sous
les plus petites, les plus subalternes intrigues, à la £&veur
de rapports, de vrais commérages d'anti^shambre* Ahl
Foaché!.«.« Fouché!»«.* Que l'Empereur le connaissait
bien , quand* il disait qu'on était toujours sur de trouver
ion vilaiu pied sali dans les souliers de tout le monde l
r
30 MÉMORIAL {ATriitSiô)
« gouvernent. Or nous manquions de tout cela j
« aussi , en dépit du bon esprit dont le grand
« nombre pouvait être animé , tout se trouva ,
« dès l'instant, confusion, vertige, tumulte j la
« perfidie, la corruption, vinrent s'e'tablir aux
« portes du Corps I je'gislatif } l'incapacité, le
ce de'sordre, le travers d'esprit, re'gnèrent dans
ce son sein, et la France devint la proie de Té-
<c trangcr.
c< Un moment j'eus envie de résister, conti-
c< nuait-il , je fus sur le point de me déclarer en
a permanence aux Tuileries, au milieu des mi-
c( nistres et du Conseil d'Etat; d'appeler autour
ce de moi les six mille hommes de la garde que
« j'avais à Paris; de les grossir de la partie bien
« intentionnée de la garde nationale, qui était
« nombreuse, et de tous les fédérés des fau-
<c bourgs ; d'ajourner le Corps Législatif à Tours
<c ou à Blois ; de réorganiser sous Paris les dé-
tt bris de l'arniée et de travailler seul , ainsi et '
ce par forme de dictature, au salut de la patrie,
ce Mais le Corps Législatif aurait-il obéi ? J'au-
ce rais bien pu l'y contraindre par la force; mais
ce alors quel scandale et quelle nouvelle com-
cc plication ! Le peuple ferait-il cause commune
CilA.
(Avril .8«) DE SAINTE-HÉLÈNE. 84
•f avec moi? L'armée même m'obe'imt-elle coikSj
« tamment ? Dans les crises toujours renaissantes ,
« ne se se'parerait-on pas de moi? N'essayerait-
« on pas de s'arranger à mes dépens ? L'idée
w que tant d'eiforts et de dangers n'avaient que
ce moi pour objet, ne seraient-ils pas un prétexte
•t plausible ? Les facilités que chacun avait
a trouvées Tannée précédente auprà^des Bour-
« bons , ne seraient-elles pas au jourcrhui , pour
« bien des gens, des inductions décisives?
ce Oui, j*ai balancé long-temps, disait TËm-
« pereur, pesé le pour et le contre j et, comme
et je vois vite et loin, que je pense fortement, '
« j'ai conclu que je ne pouvais résister à la coa-
cc lition du dehors , aux royalistes du dedans , à
» « la foule de sectes que la violation du Corps
(c Législatif aurait créées, à cette partie de la
« multitude qu'il faut faire marcher par la
(c force;enfîn à cette condamnation morale qui
« vous impute , quand vous êtes' malheureux ,
c< tous les maux qui se présentent. Il ne m' est
, « donc resté absolument que le parti de Tab-
« dication^ elle a tout perdu malgré moi : je
■ *
« l'ai vu, je l'ai ditj mais je n'ai pas eu d'autre
« choix, *
33 MÉMORIAL (Arrii xSie)
« Les allies avaient toujours suivi contre
«c nous le même système; ils l'avaient commence
« à Prague , continué à Francfort , à Châtillon ,
it à Paris et à Fontainebleau. Ils se sont con-
K duits avec beaucoup d'esprit ! Les Français
K purent en être la dupe en ^S'IW; mais l'iiis-
cc toire concevra difficilement qu'ils le fussent
« en 4 84 ^ elle fle'trira à jamais ceux qui s'y
« laissèreuT prendre. Je leur avais dit leur his-
«f toire en partant pour l'année : Ne ressem--
« blons pas aux Grecs du Bas-Empire qui
(c s'amusaient à discuter entre eux ^ quand le
« bélier frappait les murailles de leur ville.
ce Je la leur ai dite encore quand ils m'ont forcé
« d'abdiquer : Les ennemis veulent me sépa-
« Ter de V armée; quand ils auront réussi , ils 4
« sépareront F armée de vous; vous ne serez
« plus alors qU'un vil troupeau , la proie des
« bêtes féroces. >?
Nous avons demandé à l'Empereur, si , avec
le concours du Corps Législatif, il eût cru pou-
voir sauver la patrie ? Il a répondu sans hésita-
tion , qu'il s'en serait chargé avec confiance , et
eût cru pouvoir en répondre,
« En moins de quinze jours, disait-îl, c'est-
{ATra.ai6) DE SAINTE-HÉLÈNE. 33
«à- dire, ayant que les masses de l'ennemi
« eussent pu se présenter devant Paris , j'en
ce eusse complette les fortifications; j'eusse réuni,
« sous ses murailles , des de'bris de l'armée , plus
«dé 80 mille hommes de bonnes troupes, et 300
« pièces attelées. Au bout de quelques jours
« de feu , la garde nationale , les fe'de're's , les
ft habitans de Paris, eussent suffi à la deTense
« des retranchemens; il me serait donc demeuré
« 80 mille hommes disponibles, sous la main.
« Et l'on savait, continuait-il, tout le parti
« que j.' étais capable d'en tirei*. Les souvenirs
« de 4 84 ^ étaient encore tout frais : Champau-
• bertf Montmirail , Craone ^ Montereau,
« vivaient encore dans l'imagination de ceux
« qui avaient à nous combattre. Les même lieux
« leur eussent rendu présens lés prodiges de
« Tannée précédente ; ils m'avaient alors sur-
« nommé , dît-on , le 400 mille hommes. La
« rapidité , la force de nos coups leur avait
« arraché ce mot ; le fait est que nous nous
« étions montrés admirables : jamais une poi-
« gnee de brave n'accomplit plus de mer-
« veilles. Si ses hauts faits n'ont jamais été
« bien connus dans le public, par les circons-»
y
y
•
U MÉMORIAL (ATrii 1816}
« tances de nos desastres;, ils ont e'te' dignement
« juges de nos ennemis , qui les ont comptés
« par nos coups* Nous fûmes vraiment alors les
« Briare's de la fable !...
« Paris , continuait-il , serait devenu en peu
« de jours une place imprenable. L'appelle à la
« nation, la magnitude du dariger, Tinflamma-
« tion des esprits, la grandeur du spectacle,
tt eussent dirigé de toutes parts des multitudes
« sur la capitale. J'aurais agglome're' indubita-
tt blement plus de HOO mille hommes , et je
tt n'estime pas que les alliés dépassassent 500
« mille. L'affaire était alors ramenée à un com-
« bat singulier qui eût causé autant d'effrot
« à l'ennemi qu'à nous^j il eûthésité , et la con-
c< fiance du grand nombre me fût revenue.
« Cependant je me serais entouré d'une' con-
« suite ou junte nationale, tirée par moi des
« rangs du Corps Législatif-, toute formée de
« ncHns nationaux, dignes de la confiance^ de
«c tousj j'aurais ainsi fortifié ma dictature mi-
ce litaire de toute la force de l'opinion civile j
« j'aurais eu ma tribune, elle eût soufflé le ta-
« lisman des principes sur toute. l'Europe ; les
« souverains eussent frémi do voir la conta-
itl
5
S
>
(ATrii,8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. 35
« gion gagner Içs peuples; ils eussent tremble,
« traite', ou succombé!.,..
« Mais, Sire, nous sommes-nous ecrie's, pour-
ce quoi n'avoir pas entrepris ce qui eût infail-
cc liblement re'ussi , et pourquoi nous trouvons-
« nous ici ?
et Eh bien î vous autres aussi , vous y Voilà ,
« reprenait-il j vous blâmez , vous condamnez !
« Mais si je vous faisais passer en revue les
« chances contraires , vous changeriez bientôt
« de langage. Et puis> vous oubliez que nous
« avons raisonné dans Thypothèse que le Corps
« Législatif se fût réuni à moi ; et vous sa-
ft vez ce qu'il ei; a été. J'ieusse pu le dissou-
cc dre, i] est vrai; la France, l'Europe me blâ-
« ment peut-être, et la postérité me blâmera
K sans doute d'avoir eu la faiblesse de ne pas
ff m'en défaire après son insurrection ; je me
« devais , dira-t-on , aux destinées d'un peuple
« qui avait tout fait pour moi. Mais en le dis-
« solvant, je pouvais, tout au plus, obtenir de
ff l'ennemi quelque capitulation , et encore ,
« je le répète m'aurait- il fallu du sang et me
<c montrer tyran !.. J'en avais néanmoins arrêté
ft le plan dans la nuit du 20 , et Ip 21 au matin
36 MEMORIAL (Avril i8ie)
« allait voir des déterminations d'une e'trange
« vigueur j quand, avant le jour, tout ce qu'il y
« avait de bon et de sage vint xn'avertir qu'il
« n'y fallait pas songer; que tout m'e'chappait
« et qu'on ne cherchait aveugle'ment qu'à s'ac-
K commoder. Mais ne recommençons pas ; n'en
« voilà de'jâ que trop sur un sujet qui fait tou-
te jours du mal. Je le re'pète de nouveau*, Fhis-
« toire décidera !•••• £t l'Empereur est rentre
dans son intérieur en me disant de le suivre.
Jeudi 4.
J'ai été trouver l'Empereur sur les cinq
heures , dans le jardin ; il avait pris un bain trop
chaud, et il en souffrait. Nous avons été en
calèche ; le temps était magnifique : depuis
plusieurs jours il est fort chaud et très -sec.
Napoléon a travaillé, avant le dîner, avec le
Grand-Maréchal, dont la femme dînait che^
l'Amiral. L'Empereur est rentré de suite, après
le dîner , dans sa chambre.
(Avra i8x6> DE SAINTE-HELENE. 37
Vendredi 5 au Lundi 8.
Traits caractëristicpes.
Tous ces diffërens jours, l'Empereur est
monte à cheval sur les six à sept heures du,
matin, n'emmenant qxie moi et mon fils.
Je puis affirmer que je n'ai jamais surpris,
dans Napole'on, ni pre' juges ni passions, c'est-
à-dire , jamais un jugement sur les personnes et
sur les choses, que la raison ne l'ait dicte; et
je n'ai jamais vu, dans ce qu'on aurait pu
appeler passions, que de pures sensations, ja-
mais de^ guides ; aussi je dis avec ve'ritë , que ,
dans l'habitude de dix-huit mois, je ne l'ai ja-
Dpiafe trouvé n'ayant pas raison.
Un autre point dont j'ai pu me convaincre ,
et que je consigne ici , parce qu'il me revient en
ce moment, c'est que, soit nature, soit calcul,
soit habitude de la dignité, il renfermait, la
plupart du temps , et gardait en lui-même lés
impressions de la peine vive qu'on lui causait,
et encore peut-être davantage les émotions de
bienveillance qu'il éprouvait. Je l'ai surpris
souvent à réprimer des mouv.emens de sensibi-
38 MÉMORIArL (AyriiiSie)
litë, comme s'il s'en fût trouve' compromis. Tôt
ou tard j'en fournirai quelques preuves. En
attendant voici un trait caractéristique qui va
trop au but que je me propose dans ce journal ,
celui de montrer l'homme à nu ^ de prendre la^
nature sur le fait, pour que j'aie dû me trouver
arrête' par d'autres conside'rations.
Napoléon, depuis quelques jours, avait quel-
que chose sur/le cœur; il avait e'te' extrêmement
choqué d'une circonstance domestique, il s'en
trouvait vivement blessé. Durant ces trois jours
que nous nous sommes promenés à l'aventure
dans le parc, il y est revenu presque chaque
fois avec beaucoup de chaleur, me faisant tenir
très-près à soû côté et ayant ordonné à mon fils
de pousser en avant. Dans un certain -moment
il lui arriva de dire : « Je sais bien que je suis
« déchu ; mais le ressentir du milieu des miens î
« Ah !... »
Ces paroles, son geste, son accent, m'ont
percé l'ame j je me serais précipité à ses genoux,
je les aurais embrassés si j'eusse pu.
« L'homme est exigeant , a-t-il continué , sus-
<c Ceptiblej il a souvent tort, je le saisj aussi
K quand je me défie de moi-même , je me de-
(ATrii i8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. 39
« mande : eût-on agi de la sorte aux Tuileries ?
« C'est toujours là ma grande épreuve. *
Il a ensuite beaucoup parle de lui , de nous ,'
de nos rapports re'ciproques, de notre situation
dans Tîle, de Tinfluence que notre attitude
individuelle aurait pu exercer, etc., etc.. Et
ces re'flexions e'taient nombreuses, vives, fortesj
elles étaient justes. Dans l'e'motion qu'elles
me cajisaient je me suis écrie' : « Sire, permet-
cc tez-moi de m'emparer de cette affaire j jamais
c< elle n'a paru bien certainement soùs de telles
«. couleurs j si elle était vue de la sorte , je suis
« sûr qu^elle navrerait de douleur , et vous ver-
« riez quels repentirs ! Je ne vous demande qu'à
« pouvoir dire un mot. « Sur quoi l'Empereur,
revenant à lui , a dit avec dignité : « Non,
« Monsieur j bien plus, je vous le défends, L'é-
ic pauchement est fait , la nature a eu son cours,
« je ne m'en souviens plus, et vous, vous ne
« devez jamais l'avoir su, »
En effet , au retour nous avons tous déjeuné
dans le jardin, et il s'y est montré plus gai que
de coutume. Le soir il a 4i»e dans son inté-
rieur.
ho MÉMORIAL (AYrii i8i60t
Mardi 9, Mercredi 10.
Politique. ^- Etat de l'Europe» -r- Asceadant Irrësistible
des idées libérales»
. Il est arrive , le 9 , un bâtiment d'Angleterre
portant les journaux jusqu'au 2 A janvier. L'Em-
pereur, dont les promenades à cheval ont con-
tinue tous les matins , a passe le reste du temps
dans sa chambre à parcourir ces journaux.
Les derniers numéros que nous venions de
recevoir étaient aussi chauds qu'aucun de ceux
que nous eussions vus. L'agitation en France
allait croissant j le Roi de Prusse arrêtait chez
lui les socie'te's secrètes, il conservait la Land-
werj la Russie faisait de nouvelles recrues;
l'Autriche se querellait avec la Bavière; en .
Angleterre la persécution des protestans de
France et la violence du parti qui se rendait
maître, remuaient l'esprit public et préparaient
des armes à l'opposition : jamais l'Europe n'a-
vait e'te' plus en fermentation.
Au re'cit du déluge de maux et des eVene-
mens sanglans qui affligeaient tous les depar-
temens, l'Empereur s'est élance de soi| canapé,
(Avril ,«i6) DE SAINTÊ-HÉLÈNE. %i
et frappant du pied avec chaleur , il s'est dcrle' t
» Ah ! quel malheur cjiie jtt n'aie pu gagner
le l'Amérique I Dé Tantrê hémisphère j'euss<l
K protégé la France contre les féacteûPS ï La
«c cl*ainte de moh apparition eût teiin en Bride
« leut violence et léurddriEiSon; iïdlt suft de
« mon nom pour enchaîner les exteÉ et frapper
u d'e'pouvante ! . r m ->
Puis octatinuant sm le mém^ ^ûjet , il a cdritlu
avec une <:haleur qui tenait de t^inâpiralii^ -î
flc La contre-i^vohitioft , même efi la liS^^nt
« aller, doit inévitable]»^ ^ ncr)^)* d*éMc*
« même dans la r^^voltition. Il saffit à pi^nt
« de TatmosphWe'deb jeunes idé^po^t^td^lfei*
* les vieux ^eoddisVes } târrien ne isauittit de'^
« sormais détruire ou effàceï-ies igtands 'priri^
« cipes de notre révolution jqe» grandes- et
« belles vérités dm vent demeuwr à jamais , tant
«• HOU6 les- avons entrelacées de lustré , ^é liio'^
«• numens^ de prodiges^ nous- en* avons noyé les
«premières souillures dans des* flots de gloire;
^ elles sont désormais immortelles! Sorties de-
«r la tribune française, cimentées du sang des
•r batailles , décorées des lauriers de la victoire,
« saluées des acclamations des peuples, sanc-
3. 3
»2 MÉMORIAL (Ami iEiG)
r tionnees par les traites, leis alliancjBS des sou-
fr yerains, derenues familières aux oreilles
Il comme à la bouche des Rois , elles ne sau-
te raieut plus rétrograder!!!
«c Elles i^iyent dans la Grande-Bretagne , elles
«c ^éclairent T Amérique, elles sont nationalisées
« en France : voilà le trépied d'où jaillira la
« lumière du monde ! 1 1
« Elles le régiront; elles seront la foi, la
m . ïreligion ^ la morale de tous les peuples , et
«: cette ère mémorable se rattachera , quoi qu'on
m ait voulu dire , à ma personne; parce qu'après
«■tout, j*ai fait briller le flambeau, consacré
« les principe^, et qu'aujourd'hui la persécu^
ft tion achève de m'en rendre le Messie. Amis
fc et ennemis, tousim'en diront le premier soldat,
« le grand représentant. Aussi, même quand
fc je ne serai plus , je demeurerai encore pour
fc les peuples l'étoile • • • • ;
I • • • V . - .1
■' ?
t ». «
r
I
r y
(Atra ,ei6) DE SAINTE-HELENE. HS
Jeudi II. — Vendredi la.
Opinion de l'Empereur sar plasienrs personnages
eonniu. -^ Poïzo di Borgo. — Mettemich. — Bassano»
«— Clarke. — Cambacérès. —Lebrun. — Foachë, etc.
L^Emporeur a continue de prpfiter des mati*
nées supportables pour monter à cheval} il
déjeunait dans le jardin; la conversation se
prolongeait ensuite avec un grand abandon et
beaucoup d'inte'rêt sur sa vie privée, les eVe-
nemens publics, les personnes qui Tout entoure,
celles qui ont joué un grand rôle chez l^es autres
puissances, etc., etc..
Il n'était plus question de leçon d'anglais :
elles ne se prenaient plus qu'à cheval ou dans
le cours de la journée en promenant j la ré-
gularité de la langue perdait beaucoup, la
facilité de l'exprimer gagnait infiniment.
Aujourd'hui sur les cinq heures nous avons
fait notre tour de calèche accoutumé} le soir
les conversations ont recommencé sur des anec-
dotes ministérielles et plusieurs personnages
devenus célèbres.
Napoléon nous a fait l'histoire de M. Pozzo
U MÉMORIAL (Atrii i8i6j
diJBorgo^ son compatriote , qui avait été mem-
bre de la législative. C*est lui , croit-on , qui
a conseillé à l'empereur Alexandre de mar-
cher sur Paris, bien que Napoléon se fût
jeté sur ses derrière3. « Et en cela, disait TEm-
•t pereur , il a , par ce seul fait , décidé des
€c. destinées de la France, de celles de la civi-
cc lisation européenne, de la face et du sort du
ti monde; il était devenu très-influent sur le
<c cabinet russe. AuSO Mars, disait TEmpéreur,
Il a fait aussi l'histoire de M. Capo d^Is*
tria.
Il est passé de-là à M. de Metternîch. C'est
lui, nous a-t-il dit, qui
L'Empereur est venu ensuite à ses propres
ministres : Bassano^ qu'il croyait, disait-il,
lui avoir- été sincèrement attaché j ClcrJce^
dont le temjps devait, selon lui, faire pleine jus-
tice; C. ,que les derniers événemens avaient
montré être bien peu de cho||^. 11 l'avait fait srfc-
cessivement ambassadeur à Vienne, ministre
(Amii8i6) DE SAINTE^HELENE; )^5
de rinterieur , ministre des relations • extérieu'-
res, etc. Talleyrand, observait l'Empereur,
Tavait jugé d'un mot, en disant de lui, avec
son esprit et sa malice ordinaires, q;ue c'e*
tait un homme propre à toutes les places
la veille du jour qu'on l'y nommait.
Vint ensuite M. Camhacérès^ que Napo--
léon disait être l'homme des abus, avec im
penchant décidé pour l'aneien régime. Lebrun^
au contraire, avait, disait-il, une pente ex-
trême vers le sens opposé : c'était , disait l'Em-
pereur, l'homme des idéalités. Voilà les Jeux
contre-poids, observait-il, entre lesquels s'était
placé le Premier Consul, qu'on appela si plai-»
samment dans le temps le tiers consolidé.
M. de T et jFbwcA/ eurent leur tour :
il s'y arrêta long-temps, et partit de là pour
faire une vigouretfse sortie sur l'immoralité
des hauts administrateurs en France, et gé-
néralement de tous les fonctionnaires ou hommes
à place} sur leur manque de religion politi-^
que, ou de sentiment national, qui les por»
tait à administrer indifféremment, un jour
pour l'un, un jour pour l'autre ; « Cette
^légèreté, cette ihconsé^ucnee , nous venait
L
»6 MÉMORlil. (Avril .8.6) jj
' « de loin ; disait-il, nous demeurions toujoui's
« Gaulois : aussi ûous ne vaudrions tout notre ^^
« pris que lorsque nous substituerions Icsij^,
« principes à la turbulence , l'orgueil à la,
« vanité', et surtout l'amour des institutions i
« l'amour des places. » .
*^ ilropt
De tout cela , l'Empereur concluait que Iffiaiii
souverains, à la suite de nos derniers e'vénJ'iSM
mens, devaient nécessairement avoir retenu nm' ^ *
-. .1 . ■ 11.- r"""'*
arrière - pensée de mépris et de depit coat( -^ ,
un grand peuple qui se jouait ainsi de ^sjg
souveraineté. «Du reste, continnalt-il , l'a"'*''"
* cuse est peut-être dans la nature des chos^ij^. "
« dans la force des circonstances. La ^^'^icefn;
* oratie ëlève la souveraineté' , Yaristocr^'^ d
« seule la conserve. La mienne n'avait p4 ^^
«encore pris les racines ni l'esprit qui V.otit^
» vaient lui être propres j au moment iT^^^etis
« crise, elle setait trouvée encore de la. -^ .
H mocratie; elle avait été' se confondre ^'mt avoi
« la foule, et céder à l'impulsion du monv^ ^î"»
« au lieu de lui servir d'ancre de salut cobjj^^ . "
*■ la tempête, et de l'éclaii'cr sur son a|'«>, tons
«élément.» ^'etden.
^ ,-"« disais.
'" partial,
C Avril ,ei6) DE SAINTE^HÉliWE, ht
T et M. Fouché qui reyiennent si sou-
vent t je cberche à me répéter le moins pos*»
sible *• '
* Je dois m'excoser ici de noayeau sur le peu d'ordre
et le trop d'abandoa que poorraientprësenter mes récits»
J^aî essayé d'abord de réunir eu nue seule masse pln-^
sieurs détails épars de la même nature et sur les mêmes
objets; ils eussent présenté plus d'ensemble 9 de forcQ
et de couleur ; mais cette opération même 9 quelque
fkcile, quelque simple qu'elle fût y s'est encore troUTés
au-dessus de ma santé et de mes forces.
La même cause doit faire excuser aussi l'extrême
négligence du style 9 ainsi que les inoorreetions de toutes
espèces qu'on pourrait rencontrer. Ce dernier ppint» da
reste , est celui qui m'a le moins inquiété 9 espérani que
l'importance des choses ferait passer sur l'arrangement
des mots*
Les seuls points sur lesquels j'ai pu me satisfidre à
mon aise , ont été les retranchemeus; anssi , sont-ils fort
nombreux et de plus d'une espace. C'est sur ce qui touche
les personnes surtout que j'ai élagué]^ayec;'profusion ;
aussi puis - je affirmer qu'il n'est aucun de ceux qui
croiraient ayoir à se plaindre qui ne me doive au con-
traire quelques chose.
;Uae fois en train de retrancher et de supprimer^,
j'ai été sur le point de sabrer toute observation y],tQute
réflexion, tous sentimens de ma part à l'égard de Na-^
poléon, et de me réduire entièrement aux simples faits;
ear , me disais^je , si l'on venait à m'accuser d'une exa-.
gératlon partiale ^ ne suffirait-il pas, aux yeux de bien
M Mémorial; u^tnim)
««M, de T..t;7..;. avait attendu, disait TEmpe-
n reur, deux foisvingt-quatre heures à Vienne ,
<c des pleins pcruvoirs pour traiter de la paix
c en mon nom. Mais j'aurais eu honte de pros-.
te tituer ainsi ma politique^ et pourtant il m'en
« coite peut-être Fexil de Sté.-rHëlène } car je
« ne disconviens pjis qu'il ne soit d'un rare
dés genstd'one telle impalatîon, si facile k porter, pour
frapper moa ouvrage , et nuire à moa but ? D^un autre
cote, ma circonspection, ma réserve, me suis^je demandé,
oonviiincront - elfes bien d'ayautage 9 ramèuerout-eiles
beauboop de mobde à mon opiaiou ? Non» Et dës-lors
k quoi bon géuer en moi des seotimeos de si bonne foi ?
Pourquoi contraindre nue expansion d'une si réelle , si
intime conviction ? Car tout ce que j'ai exprimé je l'ai
eru; et si j'ai pu me tromper en le croyant^ bien ccrltai-^
nement je ne trompe point en le disant, £060, et c'est
ce qui m'a décide , tant ont écrit avec passion dans uii
scfns directement opposé > se sont tellement évertués k
fttire ressortir le mal , que je puis bieQ à mon tonr , si
fj trovve quelque satisfaction, m'évértper aussi à
faire ressortir le bien. IjCS gens froids.^ sages , raisonna-»
blés de tous lés temps etde tons les pays » me suî»-je
dit , s'ils aiment et recherchent la vérité > sauront bien
dépouiller ces productions extrêmes de leurs excès
adverses et se mettre en présence des faits à nu ^ et j'ai
conservé au manuscrit ce dont mes sentimens ont pu eu^
iowbrer ces faits*
lAniiiM) DE SAINTE-HELENE, »9
ce talent , et ne puisse en tout temps mettre uu
•r grand poids dans la balance. »
tf T , continuai4;-rl, était toujours en état
« de traliison ; mais c'était de complicité avec
« la fortune. Sa circonspection était extrême;
ic se conduisant avec ses amis comme s'ils de-
« valent être ses ennemis j avec ses ennemis
K comme s'ils pouvaient devenir ses amis. M. de
« T. •...•.. avait toujours été contraire, dans
i< mon esprit, au faubourg St.-Germain. Dans
« l'affaire du divorce , il avait été pour l'im-
ft péraÇricç Joséphine ; c'était lui qui avait
« poussé à la guerre d'Espagne , bien que dans
« le public , il eut eu l'art de s'y montrer con-
« traire. >» Aussi était-ce par une espèce de ma-
lice que Napoléon avait choisi Valencey pour
y placer Ferdinand. « C'était lui enfin, disait
« l'Empereur, qui avait été l'instrument prin-
« cipal et la cause active de la mort du due
K d'Ënghieu.
Une actrice célèbre (M«^J* Raucourt ) l'avait
peint, assurait Napoléon,. d'une manière fort
vraie : « Si vous le questionnez, disait -elle,
«f c'est une boîte de fer blanc dont vous ne
«^ tirez pas un mot; si vous ne lui demandez rien ^
50 MÉMORIAL . (Atrii iSiS^
« bientôt vous ne saurez comment l'arrêter, ce
« sera une véritable commère.»
C'est en effet une indiscrétion qui , dans le
principe y heurta la confiance de l'Empereur et
Tebranla dans son esprit. « J'avais confié, disait
« Neipolëon , une chose fort importante à M. de
« T.* j peu d'heures après Joséphine me la
« rendit mot pour mot. J'envoyai chercher atis-
tc sitôt ce ministre pour lui dire que je venais
« d'apprendre de l'Impératrice une chose que
« je n'avais confiée qu'à lui seul : or le cercle du
« rapport se composait déjà de quatre ou cinq
« intermédiaires. »
*c Le visage de M. de T... est tellement
« impassible , disait l'Empereur , qu'on ne sau-
« rait jamais y rien lire; aussi Lannes ou Murât
« disaient-ils plaisamment de lui, que si, en
« vous parlant, son derrière venait à recevoir un
« coup de pied, sa figure ne vous en dirait rieu.»
M.deT.... avait un intérieur fort doux et
même attachant j ses familiers et ses agens l'ai-
maient et lui étaient fort dévoués.
Dans son intimité on l'a entendu parler volon^
tiers et gaîment de sa profession ecclésiastique 3
il réprouvait un jour un air que l'on fredonnait
(Avril 1816) DE SAINTE-HÉLÈNE. 54
autour de lui; il l'avait en horreur, disait-il; il
lui rappelait le temps où on le forçait d'appren*
dre le plein-chant et de chanter au lutrin.
Une autre fois , un de ses habitues racontait
pendant le souper; M. de T , préoccupe,
semblait étranger à la conversation. Durant le
récit , il échappe au conteur , qui se trouvait en
verve , de dire de quelqu'un : Celui-là est un
vilain drôle ic^estunprélremari^. M. de T.- ,
reVeillé par ces paroles , saisit une cuiller , la
plonge précipitamment dans le plat vis à vis de
lui, et d'un geste menaçant lui crie : «Un tel,
« voulez -vous des epinards? » Le narrateur de
se confondre, et chacun de rire, M. de T ,
comme les autres.
L'Empereur , lors du Concordat , avait voulu
faire M. de T cardinal, et le mettre à la
tête des affaires ecclésiastiques: c'était son lot,
lui disait-il, il rentrait dans le giron, réhabili-
tait sa mémoire, fermait la bouche aux décla-
mateurs. M. de T .•. ne le voulut jàînais :
son aversion pour Tétat ecclésiastique était in«
vincible.
Napoléon avait été sur le point de lui donner
l'ambassade de Varsovie, confiée depuis à Tabbé
S2 MÉMORIAL { AttU i8iS)
de Pradt; mais des affaires d'agiotage , des salle*
te's, disait-il, sur lesquelles M, de T e'tait
incorrigible , le forcèrent à y renoncer. C'e'tait
par le même motif et sur la réclamation de plu-
sieurs souverains d'Allemagne , qu'il s'e'tait vu
contraint de lui retirer lé portefeuille des rela-
tions extérieures.
Touche , disait l'Empereur, était le T ....,
des clubs, et T ^., , le Foucbe des salons.
te L'intrigue, observait-il, était »ussi neces-
te saire à Fouchë que la nourriture : il intriguait
« eu tous temps , en tous lieux , de toutes^ ma-
« nières et avec tous. On ne découvrait jamais
« rien qu'on ne fût sûr die l'y rencontrer pour
ce quelqiae choses il n'e'tait occupe' que de cou-
c rir après : sa manie était de vouloir être de
« tout ! Toujours dans les souliers de tout
ce le monde. » C'etîût le Aot souvent repe'te' de
l'Empereur.
Lors de la conspiration de Georges, quand
on arrêta Moreau, Touche n'était plus au
ministère de la police, et cherchait fort à se
faire regretter. « Quelle gaucherie , disait-il , ils
ir ont arrêté Morèau quand il revenait de sa cam-
« pagne à Paris, ce qui pouvait montrer en lui
«
(ATriii8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. 58
•t une innocente confiance : c'est quand il se
«rendait à Gros-*Bois, au contraire, qu'il
et fallait le saisir ; car il devenait évident alors
« qu'il fuyait. ».
On connaît de lui le mot qu'il a dit, ou qu'on
lui à prête', sur l'affaire du duc d'Enghien : C'est
plus qu'un crime, c'est une faute. De pareils
traits peignent plus le caractère d'un homme
que des'volumes entiers.
L'Empereur connaissait bien Fouché, et
n'en a jamais ëtë la dupe.
On l'a beaucoup blâm^ de s'en être servi
en 481 5 > où en effet Fouche' l'a indignement
trahi. Napoléon n'ignorait paâ ses dispositions;
mais il savait aussi que le danger reposait plus
sur les e'vënemens que sur la personne. « Sî
ft j'eusse ëte' victorieux , disait-il , Fouche eût
« ëte' fidèle : il est vïai qu'il se donnait de
« grands soins pour être prêt selon toutes les
« chances. Il me fallait vaincre ! »
L'Empereur, du reste eut connaissance de
ses menëès^ et l'on va Voir qu'il le ménageait
peu.
Après le retour de l'Empereur en18^5,nn
des premiers banquiers de Paris se prësenté à
V •
h^ MEMORIAL ( ATtii 1816 )
l'Elysëe, pour le prévenir que peu de jours
auparavant quelqu'un arrivant de Vienne , s'é-
tait présente chez lui avec des lettres de crédit,
et s'était informé des moyens d'arriver à Fou-
ché. Soit réflexion y soit pressentimetit y ce ban-
quier conçut quelques doutes sur cet individu;
et vint les communiquer personnellement à
l'Empereur, qui fut frappé que Fouché lui en
eût fait mystère.
En peu d'heures Real eut trouvé l'homme en
question; il le conduisit aussitôt à L'Elysée, où
il fiit enfermé dans un cabinet. L'Empereur le
fit amener au jardin. « Me connaissez* vous, dit-
ce il à cet homme? » Ce début/ les idées
qu'inspirait la présence de l'Empereur , ébran*
lèrent fortement l'étranger. « Je sais toutes vos
I « menées, continua Napoléon avec sévérité, si
•c vous le confessez à l'instant je puis vous faire
le grâce, sinon vous ne sortez de ce jardin que
« pour être fusillé. — Je vais tout dire : Je
«c suis envoyé ici par M. de Metternich au duc
«f d'Otrante , pour lui proposer de faire partir
« un émissaire pour Bâle : il y rencontrera
« celui que M. de Metternich y a envoyé de
« Vienne j ils doivent avoir des signes de recon-
r
(Avril e8i6) de SAINTE-HËLENE. 55
« naissance et les voici, dit il en délivrant quel-
ce cjues^papiers.-^Avez-vous rempli votremission
« auprès de Fouchë? — Oui. — A-»t-il envoyé'
« son émissaire? -— ^ Je n'en sais rien. »
L'homme fut remis sous la clef, et une
heure après quelqu'un de confiance ( l'audi-
teiir F,.«». ) était en route pour Baie; il s'a-
houcha avec l'émissaire autrichien; et eut
même avec lui jusqu'à quatre conférences.
Cependant Fouché, inquiet de la dispari-
tion de son Viennois^ se présente un soir
chez l'Empereur, affectant une gaité, une
aisance^ au travers de laquelle se réfugiait
un extrême embarras. <c Plusieurs glaces se
« trouvaient dans l'appartement où nous pro-
ie menions, disait l'Empereur ; je me plaisais
« à l'étudier à la dérobée; sa figure était hi-
•r deuse ; il ne savait guère comment entamer ce
t qui l'intéressait si fort. — Sire , dit-il enfin, il
•r y a quatre ou cinq jours qu'il m'est arrivé
t une circonstance dont je crains de n'avoir
« pas fait part à Votre Majesté Mais j'ai
« tant d'affaires. a.*. Je suis entouré de tant
« de rapports , de tant d'intrigues. é/.... Il m'est
« venu un homme de Vienne , avec des propo-
56 MÉMORIAL ( Atrii 181 tf )
« sitions si ridicules Et cet homme je ne
« le retrouve plus.
a M. Fouche', lui dit alors l'Empereur, il
« pourrait être funeste pour vous que vous
« me prissiez pour un sot. Je tiens votre homme
ce et toute son intrigue depuis plusieurs jours.
« Avez -vous envoyé' a Bâle? — Non, Sire. ^^—
« Ce sera heureux pour vous j s'il en fe'tait autre-
ce ipent; et j'en aurai la preuve, vous péririez. »
. Les evenemens ont montré que ce n'eût e'té
que justice. Toutefois ici il paraît que Fouchén'y
avait pas envoyé; aussi l'affaire en demeura là«
Samedi i3.
Papiers d'Earope. •— ' Politlqo»*
L'Empereur a de'jeûné au jardin, et nous y a
tous fait appeler. Il a résume lés ^piers quel
nous avions parcourus le matin, et s'est étendu
sur la haute politique. Voici ce que j*en ai re-»
tenu de plus saillant.
^ « Paris au 43 vendémiaire était tout à fait
^|^ dégoûté de son gouvernement, disait l'Empe-*
« reur; mais la totalité des armées, la grande
•c majorité des départemens , la petite boiirgeoi-
«c sie, les paysans lui demeuraient attachés:
fATrii i8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE: m
«aussi la révolution triomphar-t-elle Ile cette
«f grande attaque de la contji:e-re'volution pl^p^
« qu'il n'y eût; encore que , quatre au.qinqana»
ff que les nouveaux principe^ eussent^etç pïpr
« clamés^ on portait, de? scwçfil le^pln? effrQy^-.
ff blés et les plus cal^mijteusLe9;,0ii^çWcli^i|:$i^v
« naeilleur ay^niTii . ., ', • , . . ;, .,
« Mais quelle di£férenf:e,açujourd'lwii*....>U.«.
é Un soldat, d^s.la, longueur delà jQ^i^éeurd^s^
ir Tennui de s.es case;mes, ^^b^soin .de* par](er.
•c de pierre.;, il ne.p.eut ^aïler -)Je. Eont|Q|l(]^^.
« ni d^ Pra^e,^ qu'U ne . çpnijtaît p^sj.àl fau-
vc dra qu'il parle des victoires ^e^J^fa^engOi
» d* Austerlitz , d'Iéna ^ de celui, qui les a ga-
tegnees, de mdiî'infîtf; qiii'i-femplis toutes les
« bouches et snisniam fèiiiesllés*i!maginations.
(( Une telle sibiatign esjt^a^s.qxemple ^d(ns
« Thistoire j ^e quelquç coté q]i.'<>n la cpjQsidè^e'^.
fc on ne voit que malheurs ! Que rçsulterarjt-il
« de tout cela? Deux pe^ple^. s^ur un mêiu^
«sol, acharnés, irréconciliables, qui se, cha*
« mailleront sans relâjChe , et s'extermiperqnt
«peut-être.. . ...^. , ,. ;:^^. :,| ... ,;,.'-^j y
c( Bientôt la même fureur gagnera toute;
« l'Europe. L'Europe ne formera bientôt plus
3. h
'^
58 MEMORIAL (Avril i8i5)
(t que deux partis ennemis : on ne s'y diyiseta
<t plus par peuples et par territoires ; mais par
«couleur et par opinion. Et qui peut dire
«les crises, là durëe, les détails de tant
« d'orages ! car l'issue n'en saurait être dou-
«t teuse , les lumières* et le siècle ne retrogra-
« derontpas!.*. Quel malheur que ma chute !...
« J'araîs referme l'outre des vents; les haïôn-
«r nettes l'ont déchirëe. Je pouvais marcher
« paisiblement à la regénération universelle :
«c elle ne s'eiécutera désormais qu'au travers
« des tempêtes I J'amalgamais , peut-être extir-
• pera4-on ! »
r ■
Dimanche 14.
Aififés mil QowemtttT •
Lé temps était revenu à la pluie ; depuis
deux jours il était détestable. Des hâtimens
étaient en vue ; les signaux ont appris qu'ils
portaient le nouveau gouverneur , sir Hudson
Lowe.
L'Empereur à dîner, était silencieux et triste^
il n'était pas bien ; il s'est retiré de fort bonne
heure.
(Awa iai8) DE SAmTE-HÉLÈNE. B9
Procès d« l^mpenar «tel ste an^aia^
Sur les midi, j'àî reçu quatre lettres d'Eu-
Mpe, qui m'ont donné tout le konhcur dont je
pouyais jouir ici.
J'ai vu l'Empereur à cinq heures dans 1« jar^.
dinj il profitait d'un intervalle de Èeau temps!}
la plttie atait été battante toute la journée. J«
lui ai fait part de mes lettres. Chacun de nous
en avait reçu : ellfes nous arrivent ouvertes,
piTtom point de nouvelle» ; mais elles nous
mcmtraient que nous avions des amis, el c'est
sur tm roc qu'il est doux d'en êtee assuré.
Pendant le dîner, il nous fait, en anglais, un
ïëcit des papiefe français, contenant, disait-i^,
la destinée de M. Lapeyrousej le lieu où il
a^ait fait naufrage, ses divers événemens, sa
mort et son journal etc. , etc., -le tout composait
des détails curieux , piquans , romanesques,
qui nous attachaient extrêmement j l'Empe-
reur en a joui, et s'est mis à rire j car son lécît
n'était qu'une fable improvisce pour nous
montrer ses progrès en Anglais , disait-il.
^
60 MÉMORIAL (AtHI leifiT)
Mardi i6.
Première visite àa GoatemeaPk — - Déclaration exigée
de nous.
Le nouveau Gouverneur est arrivé sur les \
heures, malgré le mauvais temps et la pluie
j^ui coutinuait encore ; il était accompagné de
r Amiral, chargé de le présenter, et qui lui
avait dit , sans doute , que c^était l*heure la plus
convenaî)^.
^. .L'JEufipereur ne Ta point reçu; il était ma-
lade ,:et se fut-il bien porté, il ne l'eût pas reçu
davantage. Le Gouverneur, en arrivant de la
sorte, manquait aux fornies de la bienséance la
plus: commune j il nous fut aisé de deviner que
'fêtait une espièglerie de TAmfral. Le Gouver?
Heur, qui n'avait peut-être pas l'intention de se
rendre aucunement désagréable , a paru fort
déconcerté j nous en riions sous capej pour l'A-
.mirai : il en était triomphant.
Le Gouverneur, après avoir hésité long-temps,
et donné des marques évidentes de mauvaise
humeur, nous a quittés assez brusquement.
Nous n'avons pT;i douter que toute l'ordon-
nance de cette première entrevue, avait été
(Afriiiai6 DE SAINTE-HÉLENE; 61
conduite par T Amiral, dans l'intention secrette.
de nous indisposer , dès les preiniers momens >
les uns contre les autres. Le Gouverneur s y sera-
t-il prête' ? n'en aura-t-il eu aucuii soupçon ?
C'est ce que le temps nous apprendra.
Sur les cinq heures et demie , l'Empereur m'a
fait appeler dans le jardin : il était seul i il m'a
dit qu'il se présentait une nouvelle circons-
tance personnelle à chacun de nous : on allait
exiger notre déclaration individuelle d'unir
notre destinée à la sienne, ou, si nous le pré*
ferions, on devait nous sortir de Sainte-Hélène,
et nous rendre à la liberté.
Nous ne devinions pas le motif de cette me-
sure. Etait-ce , de la part du ministère anglais ,
pour se ménager des pièces régulières? Mais
nous n'étions partis de Plymouth , pour Sainte^
Hélène , qu'avec cette condition préalable.
Etait-ce pour isoler l'Empereur ? Mais devait-
on croire que nous l'abandonnerions ?
Il me demanda quelle serait ma détermina-»
tiou à cet égard j je répondis qu'elle ne pou-
vait être douteuse j que si j'avais pu éprouver
quelques déchiremens, c'eût été a* moment de
ma première détermination j qu'à compter de cet
63 MEMORIAL (Avril ««.g)
ÎMtant; mon sort s'etaiit trouve invVocable-
méat fixé : qu'alors j'avais suivi la gloire et
mou honneur; que depuis, chaque jour d'avan-
tage, je suivais mes affections et mes sentie
mens. La voix de , rEmpereui* devint plus
douce ; ce furent là ses.remercimens; je le con-
naissais désormais : ils étaient grands !
J'ajoutai, que d'ailleurs ma détermination
aurait peu de mérite ; elle ne changerait ,
disais - je , rien à notre situation j nous de-
meurions le lendemain de cette signature ,
ce que nous étions la veille. Notre desti-
née ne dépendait point du calcul des hommes ,
mais de la forée des choses* Il serait peu sage à
nous de compliquer nos peines par des pré-
voyances ou des ccHnbînaisons h6rs des facultés
humaines ; nous devions nous abandonner avec
tranquillité au cours mystérieux des événe-
mens; trouver quelques jouissances dans Texcès
de nos maux , en nous nourrissant de cette sa^
tisfaction intérieure , récompense précieuse qu'il
était hors du pouvoir des hommes de balançey
ni de détruire.
(Avril 1816J DE SAUSTE-HËLENE. 16^
MeTcredi 17.
Conversation caractéristique. — Retour de l'île d'Elbe
préyu dès Fontainebleau* «^- Introduction du Gourer**
nenr. — * Mortification de l'Amiral. — Nos griefii
contre loi. «-<• Signalement de sir Hudson Lowe.
L^Empereur m'a fait venir à 9 heures chex
lui ; il a lu avec moi un article du Courrier de
Portsmouth , où Ton peignait fort au long ^on
séjour à Briars. La peinture était fidèle.
Il m'a fait rappeler dans le milieu du jour pour
causer. Une partie de la conversaticm fournit
des deVeloppemens trop précieux du caractère
de l'interlocuteur, pour que je n'en transcrive
pas ici quelques traits
Il se trouvait parfois entre nous des cou-*
trariétés , des piquasseries , des bouderies qui
«
gênaient l'Empereur et le rendaient malheu-
reux : il est tombé sur ce isujet > il analysait
notre situation avec sa logique ordinaire; il
appréciait les peines et les ennuis de notrç
exil; il en indiquait les meilleurs soulage-
mens. Nous devions faire 5 disait-il > des sacrifia
ces mutuels^ nous passer bien des choses:
l'homme ne marquait dans la vie qu'en don*
6» MÉMORIAL (A^ra iSiS)
misant le caraçtc^e que lui avait donne la na-«
tare , où en s'en créant un par re'duçation , et
sachant le modifier suivant les obtacles qu'il
rencontrait. -,
« ypl^s deye% tâcher de ne &ire ici qu'une
« famille^ observait-il j vous, m'avez suivi pour
fp adoucir mes peines : comment ce senti-
ic ment ne suffirait-il pas pour tout maîtriser?
« Si la sympathie ne peut faire ici tous les frais,
« il faut être conduit du moins par le raison-
ir nemetit et le calcul^ il faut savoir compter ses
« peines, ses sacrifices, ses jouissances, pour
« arriver à un résultat^ de même qu'on addi-
ic tionne ou qu'on soustrait tout ce qui se caU
i( aile. Tous les dëtail$ de la vie ne doivent-ili
m pas être soumis à cette règle? Il faut savoir
« vaincre sa mauvaise humeur. Il est assez
« siiiiple que vous ayea^ ici dés différends , des
ir querelles ; mais il faut une explication, et non
« i>as une bouderie ; l'une amène des résultats y
V l'autre ne fait que compliquer les choses : la
« raison, la logique, un re'sultat surtout, doi-
« vent être le guide et le but constant de tout
it [ci bas, » Et alors il se citait lui-mêine, ou
pour avoir suivi çps principes, ou pour s'ei^
(Ayra 1816) DE SAINTE-HËLÈNE; 6B
être éloigne. Il ajoutait qu'il fallait savoir par-
donner , et ne pas demeurer dans une hostile et
acariâtre attitude , qui blesse le voisin et em-
pêche de jouir soi-même; qu'il fallait recon-
naître les faiblesses humaines , et se plier à elles
plutôt que de les combattre.
« Que serais-je devenu , disait-il , si je n'eusse
K suivi ces maximes ? On m'a dit souvent que
« fe'tais trop bolQ, pas assez de'fiant. C'eût e'té
« bien pis si j'eusse e'te' lé contraire. J'ai e'té
« trahi deux fois j eh bien, je le serais peut-être
« encore une troisième ; et c'est par cette grande
K connaissance du caractère des hommes, cette
«indulgence raisonnee que je m'e'tais crëëe,
« que j*ai pu gouverner la France, et que je
« suis le plus propre peut-être , dans Te'tat où
« elle se trouve , à la gouverner encore. En
*
« quittant Fontainebleau , n'avais- je pas dit à
tt tous ceux qui me demandaient leur ligne de
K conduite : Allez au Roi, servez -le... J'avais
« voulu leur re;ndre légitime ce que beaucou,p
ff n'eussent pas manqué de faire d'eux-mêmes j
« je n'avais pas voulu laisser écraser ceux qui
ff eussent été obstinément fidèles 3 enfin je n'a^
66 MÉMORIAL {AtfU iM)
te vais pas vonla sartout ayoir à blâmer per-
te sonae au retour, »
Ici , contre ma constante coutume , il m'es^
échappe d'oser questicmner^ en quelque sorte ,
TEmpereur : « Comment, Sire, me suis- je écrié,
fc dès Fontainebleau, Votre Majesté a sofigé a|i
«c retour? «*— Oui, sans doute, et par le raisonne*-
^ m^ïU le plus simple. jSi les Bourbons, me suis*
« je dit, yeulent commencer une cinquième
ce dynastie, je n'ai plus rien à faire ici, mon rôle
f est fini; mais s'ils s'obstinaient, par hasard, à
(( vouloir recontinuer la troisième, je ne tarderai
ce pas à reparaître. On pourrait dire que les Bour-
a bons eurent alors ma mémoire et ma conduite
ce à leur disposition; s'ils l'eussent voulu, je
ce demeurais pour le vulgaire, un ambitieux,
ce un tyran, un brouillon, un fléau. Que de
te sagacité, de sang froid il eût fallu pour
c< m'apprécier et me rendre justice !.. Mais leur
« entourage, une faïusse marche, m'ont rendu
« désirable, et ce sont eux qui ont réhabilité
« ma popularité et prononeé mon retour; au*
ic tremëntmamissionpolitique était consaaxméei
ce je demeurais pour toujours À l'ij^e d'JËlbe; et
te nul doute qu'eux et moi nous y euss^ions tous
(ÀTfU.i8i«î DE SAINTE-HELENE. 67
« g^gae : car je ne suis pas revenu pour recueil*
« lir un trône, mais bien pour acquitter une
« gfande dette. Peu le <^omprendront, n'im-
« porte, j'entrepris une ëtrange charge, mais
<c je la devais au peuple français , ses cris arri-
« vaient jusqu'à moi ; pouvais-je y demeurer
« insensible?
« Mon existence, du reste, a l'ile d'Elbe, était
«c encore assez enviable , assez douce ; j'allais
«c m'y créer en peu de temps une souv^aineté
«c d'un genre nouveau : ce qu'il y avait de plus
« distingue en Europe commençait à venir pas-
ff ser en revue devant moi. J'aurais offert un
« spectacle inconnu à l'histoire ; celui d'un mo-
« narque descendu du trône, qui voyait défiler,
« avec empressement devant lui, le monde ci vi-
ce lise. »
« On m'objectera, il est vrai, que les alliés
K m'auraient enlevé de mon île , et je conviens
« • que cette circonstance a même hâté mon re-
« tour. Mais si on eût bien gouveméen France,
« si les Français eussent été contens , mon in-
« fluence avait fini, je n'appartenais plus qu'à
«f l'histoire , et l'on n'eût point songé , à Vienne ,
« à me déplacer. C'est V^g^ta^tion créée , entrer
I
68 MÉMORIAL (AtoU«i6)
« tenue en France, qui a forcé de songer à mon
« eloignement. »
' Ici le Grand-Marechal est entre' chez TEm-
peréur, annonçant Tarrivee du Gouverneur,
conduit par T Amiral , et suivi de tout son
ëtat-tnajor.
Après quelque temps encore de conversation y
Bertrand est reste' seul avec Napole'on, et j'ai
gagné le salon d'attente (voir le plan). Nous y
étions tous réunis, et en grand nombre, nous
efforçant d'échanger quelques motsj nous nous
observions bien plus que nous ne causions.
Au bout d'une demi-heure , l'Empereur étant
passé dans son salon, le valet de chambre
en service, à la porte et de notre côté, a appelé
le Gouverneur, qui a été introduit. L'Amiral
suivait de près ; mais le valet de chambre , qui
ri'avait entendu demander que le Gouverneur,
a refermé brusquement la porte sans admettre
l'Amiral, qui, sur ses instances , s'est vu même
repoussé j il s'est retiré, fort déconcerté, dans
une embrasure de fenêtre.
Ce valet de chambre était Noyerraz, hon et
vrai Suisse , dont toute . l'intelligence , disait
(Avril i8»6) Ï)E SAINTE-HÉLÈNE. 6©
souyent l'Empereur^ était dans son attachement
à sa personne.
Nous demeurâmes saisis d'une circonstance
aussi inattendue^ que nous crûmes être la vo-
lonté de l'Empereur. Mais bien que nous eus-
sions à nous plaindre de l'Amiral, nous avons
.été à lui pour le distraire de son embarras; sa
situation vraiment cruelle nous peinait. Cepen-
dant l'état-major du Gouverneur â bientôt après
, été demandé et introduit ; l' embarras de l'Amiral
s'en est accru. Au bout d'un quart d'heure,
TEmpereur ayant congédié tout le monde, le
Gouyerneur est ressorti-j l'Amiral a couru à lui,'
ils se sont dit quelques mots avec chaleur , nous
ont salués et sont partis.
Nous avons rejoint PEmpereur au jafdin, et
lui avons parlé de la déconfiture de l'Amiral : il
ignorait tout. Parla plus singulière fatalité, le
hasard seul avait amené cette circonstance ; mais
il en a été ravi, disait-il; il en riait aux éclats,
il s'en frottait les mains : c'était la joie d'un en-
fant ; celle d'un écolier qui vient d'attrapper
son régent;
« Ah! mon bon Noverraz, a-t-ij dit, tu as
« donc eu une fois de l'esprit* Vous verrez qu'il
7 MÉMORIAL ( AVrà 1816)
u m'aura entendu dire qae je né voulais plus
<c voir l'Amiral , et il se sera cru obligé de lui
<( fermer la porte au nez : cVst charmant I II
<( n'y aurait pourtant pas à se jouer avec ce
« boa Suisse ; si j'avais le malbeur de dire qu'il
<( faut se dëfÎBiire du Gouverneur, il serait
c( homme k le tuer k mes yeux. Du reste ^ coif*
<( tinuait plus gravement l'Empereur , c'est la
« faute du Gouverneur , <pie ne demandait-il
« l'Amiral î d'autant plus qu'il m'avait fait dirfe
« ne pouvoir m'étre présenté que par lui ; que
<( ne IVt-il fait demander encore quand il m'a
« présenté ses officiers; c'est donc tout4i-fait sa
« £aute« Au demeurant, l'Amiral y a gsgné
<c sans doute , je n'eusse pas manqué de l'apois-
f( tropfter en présence de tous ses compatriotes.
c( Je lui aurais dit que , par le sentiment de
<( l'habit militaire que nous portions tous deux
(( depuis quarante an^;, je le plaignais d'avoir,
(( aux yeux du monde , compromis , dégradé son
(c ministère,, sa nation, son souverain , en man-
« quant, sans nécessité, et sans discernement^ &
« un des plus vieux soldats de l'Europe : je lui
(( eusse reproché de m'avoir débarqué k Sainte-
<( Hélène comme un galérien de Botany--Bay;
(Avili i8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. T'f
« je lui eusse dît que j^our un véritable homme
<t d'honneur, je devais être plus vénérable sur
<c un roc , que sur mon trône , au milieu de mes
(c armées. »
La force , la nature de ces paroles mirent fin
a toute gaîté, et terminèrent la conversation.
fbMais puisque nous sommes sur le compte
e l'Amiral et qu'il va nous quitter, résumons
ici, et avec autant d'impartialité que peut ad-
mettre notre situation et notre mauvaise hu-
meur, les torts que nous avons k lui reprocher;
le toAt pour n'y plus revenir.
ITous ne pouvions lui passer la familiarité
affectée dont il usait avec nous y bien que nous
y rëpotidissions peu ; nous lui pardonnions en*
coré moins d'avoir osé essayer de l'étendre
jusqu'à l'Empereur; nous ne pouvions lui par-
donner non plus l'air gonfié et satisfait de lui-
même , avec lequel il l'appelait général. Certes
l'EmpereuT avait immortalisé ce titre ; mais le
terme , le ton et l'intention , étaient autant d'ou-
trages.
En arrivant dans l'île , il avait jeté l'Empereur
dans une chambre de quelques pieds en carré ,
et l'y avîiît retenu deux mois , bien qu'il existât
A
f
73 MEMORIAL (ArtiiiSie)
f *
(i^autres logcmcns dans Tile; notamment celui
que Imi-même s^ëtait adjugé. Il lui avait indi-
rectement interdit la promenade a cheval dans
Tenclos de Briars ; on avait abreuvé d'embarras
et d'humiliations les officiers de l'Empereur,
lorsqu'ils venaient le visiter journellement dans
sa petite cellule. g|||
Plus tard a Longv^rood , il avait placé des sen*
tinelles sous les fenêtres mêmes de l'Empereur,
et, par un tour d'esprit, qui ne pouvait être
que la plus amère des ironies, il prétendait que
ce n'était que dans l'intérêt du Général^ et
pour sa propre sûreté. Il ne perm,ettait d'ar^çrer
à nous qu'avec un billet de sa p^yt, jet epi nous
mettant ainsi au secret, il disait que c!était u;ie
attention particulière pour que Ton n'importu-
nât pas l'Empereur , et qu!il n'était Ik que son
Grand'MaréchaL II donnait un bal, et en-
voyait une invitation par écrit ^n Général Mo-
napartê, comnjLe a chac^u de ceux de sa suite;
Il répondait avec un persifflage indécent aux
notes du Grand-Maréchal, qui employait le
mot d'Empereur, qu'il ne savait pas qu'il y
eût aucun Empereur dans l'île de Sainte-Hé-
lène , qu'il n'en connaissait aucun. en Europe ou
\
( A^xa 1B16 ) DE SAINTE-HÉLÈNE. 73
ailleurs qui fut hors de ses états. Il refusait a
rEmpereur d'écrire au Prince Régent , a moins
qu'il ne reçut la lettre ouverte , ou qu'on ne lui
en donnât lecture. Il avait gêné les égards, les
expressions, les sentimens d'autrui pour Na-
poléon ^ mis aux arrêts des subordonnés,, nous
«urait'-on, pour s'être servi de la qualification
empereur , ou autres expressions semblables,
usitées souvent néanmoins par ceux du 53<"% et
sans doute , disait Napoléon , par un sentiment
irrésistible de ces braves. ,
L'Amiral avait limité, par son seul, caprice, la
direction de nos promenades. Il avait même , à
cet égard, manqué de parole a l'Empereur; il
l'avait assuré , dans un moment de rapproche-*
ment , qu'il pouvait désormais aller dans toute
l'ile , sans que la surveillance de l'oUcier an-
glais préposé a sa garde put mé^e être aper-
çue. Mais deux ou trois jours après, au moment
où Napoléon mettait le pied a l'étrier pour aller
déjeûner k l'ombre , loin de notre demeure ha-
bituelle, il eut l'insigne désagrément d'être
contraint de rentrer : l'officier ayant déclaré
qu'il devait désormais faire partie de son
groupe, et ne point le quitter d'un pas. Depuis
3. 5
f» MÉMORIAL (A*rii.8i«)
cet instant PEinpcreur ne voulut jamais revoir
l'Amiral, Celui-ci d'ailleurs n'avait jamais (A^
servie les formes de bienséance les plus ordi-
naires , affectant toujours de choisir pour ses
visites des heures inaccoutumées; dirigeant
dans la même voie les étrangers de distinctiom
qui arrivaient dans Tile , pour éviter , par Jà
sans doute , qu'ils ne parvinssent jusqu^k l'Em-
pereur, qui ne manquait pas de les refuser. On
a vu que l'Amiral en avait agi de la sorte lors
de la première visite du Gouverneur; sa joie ,
dans cette dernière circonstance , sur le OEiau-
vais succès du Gouverneur,, n'avait que trop
visiblement trahi ses intentions.
Toutefois s'il fallait , a travers notre mauvaise
humeur et la délicatesse de sa mission , résumer
une opiÉion impartiale , nous n'hésiterions pas
k convenir , k la suite de tant de griefs , que
ces griefs reposaient bien plus dans les formes
que dans le fond , et nous dirions , avec l'£m«-
pereur , qui avait naturellement un faible pour
lui , que l'amiral Cockburn est bien loin d'être
un méchant homme , qu'il est même susceptible
d'élaiïk généreux et délicats ; mais qu'il est
capricieux^ irascible, vain, dominateur, fort
IM^ ,ft>e ) DE SAINTE-HÉLÈNE. 76
baULtué k r«ntorité , Peiêeirçwt «an$ ^jt^gaiîM ;
mettftat souvent la fàtte k h plaee ât !a di«
dpût^. £t pour^xpritter en4€ttlcittots lanattrte
de njfts rapports , inm^ dirions que , comme geô-
lier ^ il aéteiioux, humain, généreux; nous
lui derons de la reconuaissanee ; tuais que^
Mflame notre hôte , il a <eté ^éttéfalement im-^
p$»U 9 souvent pire encore ^ et nous airons Heu
d'en être mëcontOM et de nous plaindre.
Sur les 2 ou 3 genres TSnapereur a fait sa
promenade accoutumée; il a beaucoup causé
arec nous dans le jardin 9 et un calèche /sur les
circonstances du matin ; et la conveïsartion mxv
cet oh}pt a repris encore après le diùer. Quel*
qu'un a pbseanré , toutefois àssex plaisamment ,
que ies à^n% premiers jours du Grouverneur
avaient été des jours de batailles^ et4evaieB( lui
faire cxoire que uotts "étimm iala*aitableB y nous
qui wmmes oaturellement si doux et si patietiSr
A cfis dernières expressions , TEmpereut n'a
pu .s'empêcher de sourire et de pwoer Toin&iUo
ifi r<observatfWr.
On est passé de Ik au signalement de sir Hùd-
son-Lovre^ on l'a trouva un homme d'environ
1^5 ans , d'une taille commune ; minée y maigre y
76 MÉMORIAL ^ ( A^ii i8i6 )
stt j rouge de visage et.de chevelure , marqueté
de taches» de rousseun ; des yeux obliques, fixant
à la dérobée et rarement en face., recouverts d^
sourcils d'un blond ardent, épais et fort proémi-
nens, <( Il est hideux ! a dit TEmpereur , c*est
« une face patibulaire. Mais ne nous hâtons^
(( pas de prononcer, le moral après tout 'peut
(( raccommoder ce que cette figure a de sinistre;,
(( cela ne serait pas impossible. »
Jeudi 18.
1
Convention des Souverains sur Napoléon^ etc* — Paroles
remarquables.
Le temps avait été horrible depuis plusieurs
jours : aujourd'hui il est devenu très^beau ;
TEmpereur est sorti de bonne heure pour pro-
mener danià le jardin; sur les W^ heures il est
monté. en calèche , il a fait une promenade plus
longue que de coutume. Avant dîner, 1- Empereur
m^ai fait appeler pour lui traduire la convention
des Souverains relative à sa captivité. La voici:
Convention entre la Grande-Bretagne , Vjiur
triche , la Prusse et la Russie , signée a
Parfsle20aoûti8r5.
« Napoléon Bonaparte étant au pouvoir des
( Ami »8iG ) DE SAINTE-HÉLÈNE. * 77
souverains alliés, leurs Majestés le Roi du royau^
me-uni de la Graude-^Bretagne et d'Irlande ,
rjEmperçur d'Aiitriche.. , l'Empereur de Russie
et le Roi de Prusse ont agréé , en vertu des sti-
pulations du traité du 25; Mars 4845, sur les
mesures les plus propres à rendre impossible
toute entreprise de sa part contre le repos de
l'Europe.
. (c Article I". Napoléon Bonaparte est con-
sidéré par.lespuissance^qui ont signé le traité
du 20 Mars d^riçiiçer, comme leur prisonnier.
Art. 2™®. Sa garde est s|>écialement confiée
an Gouvernement Britannique.
Le choix de la place et des mesure^qui peu-
vent le- mieux assurer l'objet de la présente sti-
pulation sont réservés a Sa Majesté 3ritanniq[ue«
« Art. 3™«. Les cours impériales d'Autriche
et de Russie et la cour royale de Prusse , nom-
meront des commissaires , pour se rendre et ha
hiter dans la place que le gouvernement de
S. M. Britannique aura assignée pour la résidence
de Napoléon Bonaparte, .et qui,. sans être res-
ponsables de. sa. garde , s'assureront de sa pré-
sence.
ë
<( Art. W™«. s. M» très*Chrétienne est invi-
n MÉMORIAL ( Attii .âiô )
tét, au nom des quatre coûts cinfcssus mentron-
nies j rf'ehvdyief pnr'eilteitiretrf un commissaire
françâËis^ au liett rfe' la' détention de Napoïéon
Bbnupai^tfi-.
Atrt. 5**. Sa Majfei^të Ite rot rfu royaunre uni
dte' la Grande-Bretagne et de TMaride , s'bMîgc
\ rem^^lir les engag^méns cpk lui sont assigna
par la présente convention. ,
« Art. 6**^. La Jtféseillfe convention sera ra-
tifiée et k i^àtiftcsrtïo'ir sera écïfttugée dans qurn^te
jours^ dtrpiite tôt s*iï est J)ossi:Mfe.
<c En foi décjttot les plénipotentiaires respec-
tifis ont signé la présenté c^onvention, et y ottt
apposa lé scièati de lenrs aftùies.
Fatît à f ârîs ce 20 Août de Tannée de notre
»e*g*ètfr, *g+5.
I TlÉlÉÉlI I
La fefctur'e foi te, PEmpereùr m*a démandé
ce ^e f en pensais.
<( Site , âî-jé riBpondu:, dans fa position où nous
t( nous trthrrdns , |*àime mieux d^éndrcr des
(c intérêts d^in éëùf que de ïiâ déctsion compli-
ce (|uée dfe qpiâtre. L'Angleterre évidemment a
cr dicté ce traité ; voyez avec quel soin elle sti-
k {hïle (JttMlc ^eîtilc répondra , disposera du
( AthI i$i6 ) DE S AINTÊ^HÉLENE. 7S
« prisonnier ; je ne la vois occupée q^uli nantir
i< sfô mains du léi^ier d'Arehimède / elle ne
<( sailrail donc ayeit Tidée de. lé briser, n
L^ËHqpereur^ saÂs expliquer sa pensée sur cet
ok^t j esi; passé aux difFérenles chances qui pou-
raient amener sa sortie de Sainte-Hélèn« , et a
dit ces paroles remarquables : v Si Ton est sage
f( en Europe y si Tordre s'établit partout ^ alors
<( nous ne vaudrons plus ni Tardent ni les soins
(( que nous coûtons ici ; on se débarrassera de
(( nous ; mais* cela peut se prolonger encore
(( quelques années ; trois , quatre ou cinq anj :
<f autrement, et a part les événemensr fortuits,
(( qu'il n'est pas doiiilé Ik rintefligénce humaine
« de prévoir , je ne V^oîs guère, éton ami, que
(c âteux grandes chance^ bien incertaines ptnrr
(f sortir d'ici : le besoin que pourraient avoir
(( de nioi f es rois contré fes peu pïés' débordés ;
(( ou éélui que pourraï^ùt avoii* ïé's jjkeuples
<i iDUleVéî^ âui prises aVée^ f es :f oîs ;' car, dans
(( cette inirtlèn«e lutte dti jJi'ésent aivéCî le pasâé,
« ie suis l'àAïtVe et lé médfiâteur naturel , j'a-
« Vais aspira k eA être le juge suprême ; toute
(( mon administration au dedans^ , toute ma di-
« pïoiiiatié au d'chdrs' , roûliieiif vers ce grand
■
i
J
6Û MÉMORIAL ( Aviii .816 )
(( but . L^sue eût été plus facik et plus prampte;
« mais le destin en a ordonné autrement. -Enfin
« une dernière chance , et ce pourrait être la
<( plus probable , ce serait le besoin qu^on au-
<c rait de moi contre les Russes; car, dans T^tat
« actuel des choses , avant dix ans, toute TEu-
(( rope peut être cosaque , ou toute en répu-
<s blique ; voila pourtacnt les hommes d'état qui
u m'ont renversé ,
« •* *
«.....,.. t >
« , . . , »,..,.., . r
<f ........... Y ••• r •••• f ••••'••••*• •
Et puis, revenant sur la décision des Souve-
rain^ ^ son égard, a son style , au^el qu'elle té-
moigne (c il est diflicile dç Ips expliquer, î^-t-il
« dit.
(( ^ra/ipoi^/ Il est religieux, et je suis son fils! »
(( Alexandre! Nous nous somn^es aimés ! »
<^ lie roi 4e Prusse/ Je lui ai fait beaucoup
(( fie mal sans doigte ; ms^is je pouvais en faire
(( davantage ; et puis n'y a-t-il dpnc pas de la
(( gloiipe, une véritable jouissance k s'agrandir
(c par le cœur ! »
, (f Pqur VjingUterre , c'çst a l'aniniQsité 4e
( ÀTta «aiG ) DE SAINTE-HÉLÈNE. 84
a ses ministres que je suis redevable du tout,
(c Mais encore serait-ce au Prince Régent à s^en
<f apercevoir , à interférer , sous peine d'être
(c noté de fainéant ou de protéger une vulgaire
« méchanceté.
« Ce qu'il y a de sûr, c'est que tous ces Sou-
« verains se compromettent , se dégradent , se
<( perdent en moi
Vendredi 19.
Déclaration exigée de nous.
L'Empereur avait le projet de déjeûner
dans le jardin, le Grand^Maréclial et M"^ Ber-
trand étaient venus en suite de cette intention.
L^Empereur avait passé une mauvaise nuit ,
n'avait point dormi : il a déjeûné dans son inté-
rieur.
Le Gouverneur nous a notifié officiellement
que nous devions lui donner chacun notre
dëcli^ation, exprimant que nous demeurions
volontairement k Longwood , et nous soumet-
tidns d'avance à toutes les restrictions que
nécessiterait la captivité de Napoléon ; voici la
mienne: • » :
Déclaration. — a Je , soussigné , réitère la
SS MEMOKIAL ( Jmû >tis )
u déclaration; tpjkt f ai déj^ Imte en. rade de Ply-
<# tkê^f^ : fottkmr m'attacher \ la deslm<6 de
<r PËtnp«»6ur Napoléon , Tai^coaapagner , le sui-
<^ ttid y et dimiAuef , autant ^'il est eni mon
(c pouvoir , rinjuste traitement ^'il ëpwmve
t^ par la ^îolalidii la plus iaouie du droit des
^ geâ^ ^ laqudte m'est d'auliiiii: fhi» sensi^ble
« personnellement, que c'est moif qivi lai a^î tvans*
(( mis Toffre et l'assurance du capitaine Mait-
« land du fielleroplion , comme quoi il ^Tait
<c les ordres dté recevoir fTÈmpéreUr et sa suite,
« sous la protediM àt pÉtsfillofk brîtafMî^ue ,
(( si cela hti é<afk agréable , et dé lé eôttdtfhre
ff cttAttgletewé.
it hà lettre de TEmp^ereut îf apd'léô* ( (Jue
«^ eorfutaît toute TAtfgle^eiM), ail Frine^ Ré-
(c gent , laquelle j'ai communiquée d'avanéé âA
«p eaptWiiHe^ MailfïâAdf , isdns qtv'il Waît fait la
<t Ijâwindre obsetvàtiiin , déitfoAti'e au tKifon?^ ,
ce brénr «rieut qtte ne pôu^ifaieÉt le^ fstirië Ibtr^s
<r itf e^ paroles , cîottt Ae PÊrtiptn-e'ùJr vint H-
«e breïttent lu devshit d^' ce«té oflfr'é d'hd^t-
r tdîf é , et ddmbirtl , pât tûûÉéc[tieAt , drt Ta
<( rendu la dupe de sa confiance et de sa[ botiiie
« foî.
i Ana iM ) DE SAIHT&HÉLÈIfE. 83
i( Aujourdliui ^ malgré Fexpériekice q[ae j'ai
i< de riiorriBle séjoiir de Tîle de Sainte-Hélèiie ^
« si contraire à la santé de PEmpereur et H eella
i( de tout EuFopéeïl , et quoique depuis sis
a mois que nous sommes dams File y }\ie éprouvé
<c toute espèce de privations^lesquelleà je mul^
¥ tipli'e journellement moi -même poui^ tn'ex-
i( poser le moins possible du manque d'égk^d
u que réclament mon rang et mes habitudes ;
« toutefois j constant dans les mÀnes sentimeffs ,
<( et résolu désormais k ce que la cfrainte d^au^
<r crni n^l, Tespoir d'aucun bien pussent me se-
« parer de PEmperetrt Napoléon, jeréitère mon
« désir de vouloir demewer atiprès de lui, en
(( m^ soumettant aux ré^rictionsqui lui servent
«r arbitrairement imposées. »
Samedi 20.
Visile d^adieu âe Fancien Gouverneur. — Conversation
retuar^able. — Saillie dVn vieux soldat anglais.
Le colonel Wilks , îepassant en Europe , est
arrivé^ avec s» fiUe, pour prendre congé de
VEmpereixr': elle a été présentée par madame
Bertrand. J*ai déjà dit que le colonel Wiiks
8* MEMORIAL (A^^riiiiwij
était l'ancien gouverneur de la colonie, pour la
Compagnie des Indes; c'est lui que T Amiral avait^
remplacé en cette qualité , au nom du roi, lors-
que notre translation k Sainte - Hélène avait
fait passer cette île des mains de la Compagnie
dans celles du Gouvernement. '
L'Empereur était ce matin d'une gaité remar-
quable ; il a causé quelque temps avec ces dames,
puis il s'e$t retiré, avec M. Wilks , dans une
embrasure de fenêtre, me faisant suivre pour^
servir d'interprète.
Le colonel Wilks , comme je l'ai déjà peut-
être dit, a été long-temps agent diplomatique
de la Compagnie , dans la péninsule indienne ;
il a écrit une histoire de ces régions , a beaitcoup
de connaissances, surtout en chimie : c'étaît'dQne
un militaire , un littérateur , un dij^lomate , un
chimiste. L'Empereur l'a questionné sur tous ces
objets, et les a traités lui-ménjie avec beaucoup
d'abondance et d'éclat; la conversation ,a été
longue , vive et variée , elle a duré plus de deux'
heures. Voici les principaux trait* que j*en ai
retenus. Je me répéterai peut-être , car l'Empe-
reur et le colonel Wilks avaient déjà eu, il y
k quelques mois, une longue conversation pré-.
( Av«i.t8ifr) DE SAINTE-HÉLENE. 85
cifiément sur les mêmes ol]^ets ; mais n'importe,
ces objets sont d'un tel intérêt , que j'aime
mieux encore répéter quelque chose que de
rien perdre,
' L'Empereur lui a d'abord parlé de Tarméè
anglaise , de son organisation , et surtout de
son mode d'avancement, il l'a opposé au nôtre,
et a répété ce que j'ai dit ailleurs sur son ex-*
cellente composition , les avantages de - notre
conscription , l'esprit valeureux des Fran-
çais , etc.
Passant a la politique, il a dit : « Vous avez
H perdu l'Amérique par l'afiranchissement ;
(( .vous . perdrez l'Inde par l'invasion. La pre-
(( mière perte était toute naturelle : quand les
(( ^nfans déviennent grands, ils font bande k
(< part; mais pour les Indous , ils - ne grandis-
(( sent pas y ils demeurent toujours enfans ; aussi
(( la .catastrophe ne viendra que du dehors :
« ^ous ne savez pas tous les dangers dont vous
« avez été menacés par mes armes ou par mes
w négociations, etc., etc.
« Mon système continental! Vous en
« avez ri peut-être ?—• Sire , a dit le colonel,
M nous en avons fait le semblant ; mais tous les
v'J
«« MÉASOIUL ( And aa
« gens sensés ont s«aû le cMf^ '*— £b bien 1 «
<r continué TEmpereur , mai > je me sais tf ouyé
K seul de mon avis sur le contÂn/ent.; il m^t lUltt
f( pour Tinstant employer partout 1a yiolence/»
(( Enfin l'on commence i me comprendre ^ déjà
<c TarJbre porte «oo fimîi : j'ai commencé > le
(c temps fera le i^ste. * « .
^c Si je n'eusse succomlié, j'aurais changé la
M £ace du commerce, ausiû bien cpxe la route de
(( rindustrie; faTais naturalisé , au malien de
« nous y le sucre , Tindigo ; j'aurais natniialisé
4( le cpton , ^ bien d'autres dioses encore :
(c on m'eût tu déplacer Iqs .colonies , «i fon
« js» fit obi^tîné k ne pas nous en donner une
« portj<on.
« L'impulsiofi cbez nous était immense ^ la
« prospérité , les progrès, croissaient outre me^
u sure ; et pourtant vos mrinistres rép^daîent
Ai par toute l'Eitrope que nous étions misérables
.(( et quie nous retombions dans la barbarie.
« Aussi le vulgaire des alliés a^-t^l été étrange*
i< ment surpris a la vue de notre intérieur ^ aussi
(( bien que vous autres , qui en êtes demeurés
« déconcertés , etc. , etc.
(i Le progrès des lumières en France était
( àmiUM ) DE SÀIICfË-HELÈNE. 8t
#r gigaj[itesi[ue,iesidië«spartautserecti^ai«aitet
fc s'ëten^atcnt , "p^ce qme nous nous efforcions
«r d^ renda*^ la seience populaire. P» exemple^
cr on m'a dit jqu/t tous ëticx tcèsrforts snria €hi-
if BÎie; etlneif^e fittU loin de prononcer de
«c jfHtl côlë de Peau «e trouve b plus habile
(( ou les plus lûMles chimistes... -i-^En Fcance,
« a dit aussitèt le colaniel. »**-*« Peu importe ,
« a continué l'EdnpereuT ; mais j^ maioliens 4pie
K flans la masse française, il y a dix, et peut*étre
f( cent fois jdus de connaissances chimiques
u (^u^en Ang]ieten« ; parce qœ les diresses
« l)ranches mdustrkUes i'apfdiqueat aujour-
a d'hui à leur travail ; et c'était Ik «n des carac-
K tères de mon école : si Ton m^en eàt laissé 1«
a temps, bientôt il n*y aurait plus eu de métier
<c en France, tous eussent été des arts, ^tc, etc. n
Ën&i il a terminé par ces mots remarquaUes :
te L'Angleterre et la France ont tenu daiis leurs
9i mains le sort de la terre , celui surtout Je la
a civilisation européenne. Que de mal b^mis
<( nous sommes fait ! Que de bien nous pouvions
« nous faire 1
<c Sous Técole de Pitt , nous avons désolé le
k monde , et pour c[iiel résultat? Tous avez im-
90 MEMORIAL (Afiii tSii)
barquement de Tilt d*Elbe ; le dief obeerrail
aux seldate qu^ils étaient bien vêtus ^ bien noiir-
ris y que leur solde était k )ouf ; k ({uoi le gre-
nadier auquel il stressait répondait à ebaque
obserration : « Oui assurément. •— Ëh bien! con-
« dut le obef 9 d'un aii confiant et prostripteur,
f( TOUS n'étieai pas de la sorte avec Bonaparte ? U
H y avait de l'arriéré , on voua devait ?— -ce Ek
« qu'est-ce que cela fait y repartit vivement le
u grenadier ^ s'il nous plaisait de lut fiûre
K crédit ? n
Dimanche 21.
MeMage de l'Empêrear au Prince Rëgent.-^ Parole»
caractérUti<(aes* —-Porte-feuille perda à WaterlcM>. -*-
Sur les ambassadeurs. -^ ]M[. de I^arboime. «^^ Après
MoscoWy TEmpereur sur le point d'être arrêté en Ai-
magne. —Compte de toilette deTEmpereur*— -Budjet
d'un ménage dans les Capitales de l'Europe. -^ L'a-
meublement de la maison- de la rue de la Victoire. •*-*
Â.meublemens des palais . impériaux. -— Moyens de
vérification de Napoléon.
UEmpereur m'a fait demaader au jardin, sur
les quatre heures, pour servir d'ii^terprète. Un
capitaine Hamilton ^ commandant la frégate la
Havane , partait le lendemain pour l'Europe.
{ Ami ,•«$ )DE SAIWTE-HÉLtNE, W
Il ëtoit xentu prendre congé de rEmpereur «tec
loits ses officiers.
Le capitaine Hamilton parlait français*
Quand je sais arrivé , PEmpereur s^exprimait
avec dialeur.
a On veut savoir ce que je désire y disait-il ?
« je demande ma liberté ou un bourreau. Rap-
4r portez ces paroles k votté Prince-Régent. Je
^ ne demande plus des nouvelles de mon fils ,
u puisqu^on a eu la barbarie de laisser mes
a premières demandes sans réponse. » '
« Je n'étais point votre prisonnier: les sau-
« vages eussent eu plus d'égards pour ma pc|-
« sition. Vos ministres ont indignement violé
Il en mpi le droit sacré de Thospitalité, ils ont
« entaclié votre nation pour jamais ! »
Le capitaine Hamilton s'étant hasardé de ré*
pondre que TEmpereur n*était. pas prisonnier
de TAngleterre seule, mais de tous les alliés^
TEmpereur a repris avec chaleur :
<c Je ne me suis point livré k la Russie y elle
u m^eût bien reçu sans doute; je ne me suis
<c point livré k TAutriche , j'en aurais été éga*
(c lement bien traité; mais je me suis livré,
K librement et de mon .choix , a rAngleterre ,
$8 MEMORIAL ( Avril 1816 )
<( parce que je croyais k ses lois^ à sa morale
« publique ; je me suis cruellement trompé !
« Toutefois il est un ciel vepgeur , et tôt ou
(t tard vous porterez les peines d'un attentat
<( que les hommes vous reprochent déjà!
ft Redites tout cela au Prince Régent , Mon-
«sieur. » Et accompagnant ces dernières pa-
roles d'un geste de là main, il le congédia.
Nous avons continué de promener quelque
temps encore. Le Grand-Maréchal , qui avait
accompagné quelqufes pas M. Hamilton , étant
revenu, nous avons cru devoir le laisser seul
avec TEmpcTeûr ; mais k peine rentré dans ma
chambte , il m'a fait appeler. Il était sëiil dans
la sienne, et m*a demandé si je ne m'étais pas
assez rctirédans la journée. Je lui aï dit que le
respect seul et la discrétion m'avaient été d'au-
près de lui. A quoi il m'a répondu que c'était k
t;ort^ qu'il n'y' avait ici rien de mystérieux ni
de secret, ce Et puis, a-t-il ajouté^ une cer-
« tainé liberté , un certain abandon , ont bien
« aussi leur cliarme. » Ces paroles, dccoulées
négligemment de la bouche de Napoléon , peu-
vent servir k le peindre plus que beaucoup de
pages. ,
( AtrJi i8i6 ) DE SAlNTE-HElENE. 98
Nous avons alors parcouru une publication
anglaise , renfermant les pièces officielles trou-
vées dans le pôrte-feuillc qui lui a été enlevé
à Waterloo. L'Empereur, étonné lui-même de
tous les ordres qu'il donnait presque k la fois ,
des détails sans nombre qu'il dirigeait sur tous
les points de l'Empire , a dit : « Cette pùbli-
(( cation après tout ne saurait me faire du mal ;
(( elle fera dire a bien des gens que ce qu'elle
(c. contient n'est pas d'un homme qui dormait:
« on. me comparera aux légitimes; je n'y per-
ce drai pas. »
Après le dîner, l'Empereur a causé long-
temps de sujets rompus. En parlant de ses am-
bassadeurs , il a trouvé que M. de Narbonne
était le seul qui eut bien mérité ce titre et
rempli vraiment cette fonction. « Et cela, disait-
(( il, par l'avantage personnel , non seulement
(( de son esprit , mais bien plus encore par celui
' « de ses moeurs d'autrefois , de ses manières ,
« de son nom; car^ tant qu'on n'a qu'a près-
(( crire , le premier venu suffit , tout est bon ;
« péutrêtre même l'aide-de-camp est-il prê-
te férable. Mais dès qu'on en est réduit k né-
<( gocicr, c'est autre chose; alors a la vieille
n MEMORIAL ( àTTii ia.ft )
<r aristocratie des cours de TEurope on ne doit
<( plus présenter que des élëmens de cette même
a aristocratie ; car elle aussi est une espèée de
u Maçonnerie : un Otto , un Andrëossi entre*
cr ront-^ils dans les salons de Vienne? aussit6t
<( leÉ ëpanchemens de Topinion se tairont y les
(( habitudes de mœurs cesseront; ce sont de^
<r intrus; y des profanes; les mystères doivent
(( être interrompus. C'est le contraire pour un
<( Narbonne, parce qu'il y a affinité, sympa-
ii thie y identité ; et telle femme de la vieille
<c roche livrera peut-^tre sa personne k un
w plébéien , qu'elle ne lui découvrira pas les
(( secrets de l'aristocratie. »
L'Empereur aimait beaucoup M. de Nar-
bonne ; il s'y était fort attaché et le regretta vi-^
vement. U ne l'avait fait son aide«<le-H;amp que
parce que Marie-Louise , disait<il, par une intri-
gue de son entourage, ISavait refusé poui^ cheva-
lier d'honneur ;poste qui était tout-k'-fait son lot,
disait Napoléon, u Jusqu'à son ambassade , ré-
ce pétait-il, nous avions été dupe de l'Autriche.
(( En moins de quinze jours M. de Narbonne
<f eut tout pénétré, et M* de Metternich se
« trouva fort gêné de cette nomination^ »
( Afrii .si€ ] DE SAINTE-HÉLÈNE. bi
«r Toutefois, observait TEmpereur, ce que
« peut faire la fatalité ! les succès mêmes de
«r M. de .Narl)!onne m*ont perdu peut-être ; ses
H talens m^ont été du moins bien plus nuisibles
•r qu^utiles : TAutriche , se croyant devinée ,
« )eta le masque et précipita ses mesures. Avec
« moins de pénétration de notre part , elle eût
« mis plus de réserve , plus de lenteur ; elle eût
if prolongé quelque temps encore ses indécis
€c fiions naturelles ; et durant ce temps , d*autres
« chances pouvaient s^élever. »
Quelqu'un ayant parlé des ambassades de
Dresde et de Berlin , et penchant k blâmer nos
agens diplomatiques dans ces cours , lors de la
crise du retour de Moscovr ; TEmpereur a ré-
pondu que le vice y à cet instant, n*avait point
été dans les personnes , mais bien dans les
choses ; que chacun avait pu prévoir d'un coup-
d'ceil ce qui pouvait atriver j que lui n'en avait
pas été la dupe une minute. Que s'il n'avait pas
ramené l'armée lui-même k Wilna et en Alle-
magne y ce n'avait été que par la crainte de ue
pouvoir regagner la France de sa personne. II
avait voulu remédier , disait-il , k ce péril im^-
minent par de ^audace et de la rapidité, en tra-
96 MEMORfAL^ (Avnirs.S)
vcrÉiaat toute U Oerxnanie , seul et vite. Toute-
fois, il sMtâit vu à l^instant d'être retenu en
Silesie,:; « Mais heureusetneiijt , disait-il , les Prus-
se siens passèrent, k se con^ulteir , lé moment
(( qu'ils, eussent dû employer à agir. Ils firent
(( comme tles Saxons pour Çliarles XH , qui di-
<( sait gaîment a sa sortie de Dresde, dans une
a occasion semblable : Vous ven-ez quUls dëli-
« béreront demain sMls auraient bien fait de
H jn'arréter aujonrd'hui, etc., etc.))
L'Empereur, avant dîner, m'a fait appeler
dans son cabinet pour faire quelques tliêifies
anglais.; il venait, me disait-il, de faire son
compte de toilette ; elle lui coûtait quatre na-
poléons par mois. Nous avons beaucoujî ri de
l'immeasité du budjet;- Il m'a parlé de faire ve-
nir ses vêtcmîcns, ses souliers, ses bottes, de ses
ouvriers ordinaires, qui avaient ses racsui-es.
J'y trouvais de graves inconvénient',* 'mais* ce
qui devait iious mettre d'accord ,'• lui\disais-je \
c'est que bien certainement on ne le permettt-ait
pas. * • - ^ .•>,'.-
((. Il est dur pourtant, observait- il y de ràc
« trouver sans argent, et je veux régulariser
« quelque chose a cet égatd. Aussi , dès ^Ue le
( Arrii i8.e ) DE SAIKTE^HÉLÈNE. 97
ce biU,.»qui doit fixer 'notre situation ki, nous *
« sera notifié , je m'arrangerai pour avoir un
<f (crédij annuel 4e 7 a 8 mille napoléons sur Eu-
<c gèn;e. Il ne saurait ;s'y refuser, il tient de moi
<c plus de quarante millions peut-être ; et puis
« qe serait faire injure a ses septimens person-
« nelsj que d'en douter. D'ailleurs /nous ayons
« de grands comptes a régler cnsemMe; je suis
« sûr que si j'^avais chargé une Commission de
(c mes Coascillers-d'Etat, d'un rapport a ce su-
<^ jet ). elle m'eut présentjé une reprise sur lui de
(( dix a douze miUions.au moins. »
A ,dîner, l'Empereur nous a questionnés sur
ce. qui était nécessaire, disait-il, pour un gar-
çon, dans une capitale dç l'Eui'opè , ou pour un
ménage raisonnable , où ; enfin pour un ménage
de luxe.
Il aime ces questions et ces calculs, et les
traite avec une grande sagacité , et des détails
toujours curieux.
- Chacun de nqus a présenté ses Ludjets, et
l'on 4'esit accordé, pour Paris, a quinze mille,
qiiarapte mille et cent mille- francs. L'Etnpe-
reur s'est arrêté sur l'extrême* différence qu'il
y avait entre le prix des choses, et des mômes
\
choses suivant les personnes et les circons-^
tances.
ce En quittant Tarmée d*Italie, a-t-^il dit, pout
(( Tenir k Ps^is, madame Bonaparte avait écrit
K qu'on meublât , avec tout ce quHl y avait de
a mieux y une petite maison que nous ài^oit^
H rue de la Victoire. Cette maison ne' valait
a pas plus de quarante mille francs. Quelle fui
H' ma surprise, mon indignation et ma mauvaise
a humeur , quand on me présenta le compte dej^
c( meubles du salon , qui ne me semblaient rieA
« de très-extraordinaire, et qui montaient pout^-
« tant k là somme énorme. de cent vingt k cent
M trente miUe francs. J*eus beau me défendrtP,
« crier, il fallut payer. L*entrepténeur montrait
<c la lettre qui demandait tout ce qu*il y avait dé
f( mieux : or tout ce qui était Ik était de nou-
i< veaux modèles , faits exprès ; il n'y avait pas
<f de |ug0«4e^patx qui ne m*eùt condamné. » '
De Ik TEmpereur est passé aux prix fous de-
mandés pour les ameuUemens des palais imjpé-
riaux, aux grabdes économies quHl y avait in^
troduites. Il nous a donné le prix du trènë' ,
celui des ornemens impériaux^ etc., etc. . Qum
de plus cnricTix> que de tenir de sa bouche ces
t ATrU >«,6 ) DE SAINTE-HÉLÈNE.
détails, ce$ comptes , le mode dé ses économies !
Combien je regrette de ne les avoir pas consignée
dans le temps ! niais veut-on connaître an de ses
moyensdeverification.il revenait aux Tuileries;
91*00 avait magnifiquâinent meublés en soti al>-
sence. On n*eut rien de pins pressé que de lui
faire voir et admirer le tout : il s'en montre très-
satisfait , et s'arrétant k une embrasure de fe-
néUre, devant une fort riche tenture, il demandé
des ciseaux, coupé un superbe gland d*or en peii-
dant, le met froidement dans sa poche et con-
tinue-son inspection , au grand étoanement de
ceux qui le suivaient , incertains et cherchant
à deviner son motif.
A quelques jours de la, k son lever , le gland
ressort de sa pocfae^ et le remettant k icelbi qui
était cliargé des ameublemens : « Tenc% , mon
« cher , lui dit-il , Dieu me garde, de penser
a que vous me volez ; mais on vous vole : vous
(( avez payé ceci un tiers àunlessus de sa vdeur :
(r on vous a traité en intendant de grand Sei-
^ gneur, vous eussiez pu faire un meilleur mar-
« ché si vous n'aviez pas été connu. ))
Cest que Napolé^m, dans une de ses prome-
nades matinales , et déguisé , ce qui lui arrivait
♦00 . MEMORIAL ( Avril 1816 )
fréquemment , était entré dans plusieurs maga-
sins de la rue Saint-Denis , avait fait évaluer ce
qu'il avait emporté, proposé des entreprises
analogues, et amené le résultat a sa plus simple
expresision., disait-il. Chacun connaissait son
/aire a cet égard , et c'était la , disait-il encore,
ses grands moyens d'économie domestique , qui,
malgré une extrême magnificence d'ailleurs ,
était portée au dernier degré d-exactitude et de
régularité. En dépit de ses immenses occupa-
tions , il revisait lui-même tous ses propres
comptes ; mais il avait sa manière , on les lui
présentait toujours par spécialité. Il s'arrêtait
sur le premier article venu, le sucre, par exem-
ple , et trouvant des milliers de livres , il pre-
nait une plume et demandait au comptable :
(( Combien de personnes dans ma maison, Mon-
(( sieur ? ( et il fallait pouvoir lui répondre sur
le champ )—««(f Sire , ta»t.-— A combien de livres
ce desucr^ par jour les portez-vous l'une dans
If
<( i'autre*? -rr- Sire, k tant: » U faisait aussitôt
. son. calcul^ et se montrait satisfait, du s'écriait en
lui rejetant son papier : « Monsieur , je double
« votre pro|)re;. estimation , et voiis dépassez
(( en<:pre énorméïîi«*it : votive compte est donc
(Av«)i8i6) DE SMtrafi^JHELÈNE. 404
(( faux ? ^.eçommencQz ;taut cela^ et motitrea^moi
« plus d'exactitude}. » Et il suffisait de- ce seul
-calcul , de cette seule algarade pour tenir cha-
cun dans la plus strictte^ régularité; Aussi disait*
il parfois de son administration. 'privée , comme
de son administration publique :<(, J'ai introduit
(( ua tel ordre, j'emploie de telles contrcrépréu-
« ves^, que je ne puisse tre volé de beaucoup. Si
« j^ le SUIS encore, je le laisse sur la conscience
« du coupable j il n'en sera pas étoulFé , cela ne
(( saurait être lourd. »
Lundi 22 au Jeudi 26, ,
Le Gôuvèroeur visite ma cliambre. «-^ CHiiqnîe du Ma-
homet de Voltaire. — D^ Mahonaetr^^irbistcyireîf -*-
Grétry.
Depuis plusieurs jours le temps a été ttès-
Dji^i^vais. L'Empereur à discontinué ses prome-
na4es du matin : son Iravail est devenu plus
régulier ; il a dicté chaque jour sur Tépoque des
événemensde 481^.
Sir Hudson-Lowe est venu visiter l'établisse*
ment : il est entré chez moi et y a demeuré toi
quart. d'heure. 11 m'a dit elre fâdté de la ma-
nière dont nous nous trouvions; nos demeures
«8 WEMORIAL (A.rii.8.«)
étaient piolet des bivouacs ^ conTeiiait-il , <pie
des chambres. Et il avait raison : le papier gou-
dronne , dont on s'était servi pour la couver-^
ture , cédait déjk a la chaleur du climat ; quand
il &isait du soleil y )Mtouffais ; quand il pleu-^
vait, j*états inondé.
Il allait donner Tordre d*y remédier autant
tçk% possible , disait4] ^ et a ajouté poliment ;
qu*il avait apporté avec lui quinze cents à deux
mille volumes français ; que , dès qu*ils seraient
en ordre , il se ferait un plaisir de les mettre
k notre disposition, etc., etc.
Racine et Voltaire ont fait les frais de ces
$oirée3 : Phèdre , Athalie ^ qui nous étaient lues
par PEmpéreur , ont fait nos délices. Il ajoutait
des observations et des commentaires qui leur
dominaient un nouveau prix.
Mahomet a été l'objet de sa plus vive criti-
que , dans le car^ctè^e et dans les moyens,
y olti^ire, disait l'Empereur, avait ici manqué
k l'histoire et au cœur humain. Il prosti-
tuait le grand caractère de Mahomet par
les intrigues les plus basses. Il disait agir un
grand homme , qui avait changé la face du
m^nde, comme le plus vil scélérat, digne au
( A.di .1.6 ) DE SAINTE-HÉLÈNE f 0»
pltt$ du gibet., n ue travestissait p^s moins in*
convenablement le girand ouractète d'Opar,
dont il ne faisait qu*un coape«jarrets de mélo*
^ame^^et un vrai maijue.TiV<>-*^
Voltaire pëchait ici sa]:tottt par la base ^
ea attribuant li Tintrigue ce qù n'appartient
tpa'k Topinion. << Les Iiommes qui ont change
« Tunivers , observait l'Empereur , n'y sont ja-
« mais parvenus en gagnant des che&; mais
« toujours en remuant des masses. Le premier
« moyen est du ressort de l'intrigue, et n'amène
« que des ré^ltàts secondaires ; le second est
« la marche du génie/ et change la fàte du
« monde !»
De là , l'Empereur y passant k la vérité his-
torique 9 doutait de tout ce qu'on attribuait k
Mahomet. c( Il en aura été sans doute de lui
<( comme de tous les cheSs de sectes , disait-^
« il. Le Coran y ayant été fait trente ans api^ès
« lui^aura consacré bien des mensonges. Alors
<( l'empire du ^Prophète, sa doctrine, sa mission,
« étant déjk fondés , accomplis , on a pu , on a
i[ dû parler en conséquence. Néanmoins il reste
tf encore k expliquer comment l'événement pro*
tt digieux, dont nous sommes certains, la con-
Uh .MEMÔMiL" • i- ^i ( A^vîi h,z )
a .q\»ête du BiQB.de/a>'^u*s'opJ^er eri'si^udfé'
^(utemps^ cinquante bu-sftixahtè ans ont siifB.'
«Par qui a-t-elle été opérée? par d«s peupla-î-'
(( des du désert , peu nombreuses , ignorantes?,
(( nous dit-on, xnal aguerries, sans discipline,
^ sans, système. . Et pourtant elles agissaient
« .conU*ç le monde citilisc, riche de. tant de
a moyens! Ici le fanatisme ne saurait 'suffire-;
(( car il lui a fallu le^ temps dfe se ciéer lui-
«( ipême, et. lacarriècc d^ Mahomet n'a été
«que de tiieize: àns.L. » •:
.L'Emper^r- pensait 5 qu'indépendamment
des cireonstajicfisfortuites-qui amènent, parfois ,
les prodiges, il fallait encore qu'il y eût ici,
en* anière. , quelque chose qUe nous ignorons.
Que l'Europe avait sans doute succombe sous lek
résultats de quelque caus^' première qui nous
de;n[içurait cachée j que peut-être ces peuples,
^Urgis tout -a* coup du fond de^ déserts , avaient
çu che;^ eux .de longues guerres civiles ,^ parmi
lesquelles s'étaifcnt forpios de grands caractè-
W9.^j de, grands, taleng ,vdes impulsions ?rrésis-
tij)les:,; ou quelqu^autrc cause de cette natu-
^ En;f*)m9îo.y JXapolcon, sur les affaires de l'O-
(Awrii »ai6) DE SAINTE-HÉLÈNE. 105
rient , s^éipigftait l>^ucoup des çroyaac^ €«m^
mufies^ tiir^^s de bos lirres JiAi&iuejis. il anrait ^
k cet ëgai*4> 4^^ ÛM^ t^lMl^rlk-ltît ii lui , ^eft pis
d'K^ypt^ ^ui AV^t ^W^4 cf fémUfiX dans «on
(c II .^st ^toniwM: , p«Mar rn^^air à ¥altaire ,
« çlisait-âl, .pQ9i}>icijoi ^^ 4 i^wpjppili^ ia l^cJiire.
« dip 1|L ^ç¥^ ne tcojnpej^ |d)|s ]['Mi9;l]$$(e «f le
« vrai goût, alors il ]^j:^ iMmé^^tfiM&^ mll^
« p«iu: cent. On ^e jci:oir.|L jpi'^y^ Pftîitf^ qon-
« tiaçis^it **il , .4}u'avL fao^çR}; # J|l :B^^utÎKm ,
« y^dtaixis ^Ikt^tr^tM^ (Qwf^liljle et ilaietM. On
(( s'iétajyt ^D4^(N*m^ ^or le^ l^eiiiti^s die iceuxHci,^
« cVss^t «|i {^lu^naiifr Ccm^ijfv^efitdû leocé^i^l. n
Et TEmpereur disait vrai. Il est sâr fpie c^^eat
en nous rameii^nt à la c^vilisf(i|bion , qu*il nous
a ramene's au l)on goût. G^est lui qui fit repa-
X9^tffi ^ffi t^m» Mos .^bA&r^d'jSSttvce aalMnaiHC
df aiAartiqu«84t iyrî^ues, jusqti^aux jpièces ip:éme
proscrites par la politique : ainsi on irf^jîjt Jli-
chard Cœur-de-Lion , qu'un tendre intérêt avait
comme consacré aux Bourbons.
(< Le paurre Grétry tn'en sollicitait depuis
3 ,7
406. MÉMORIAL , ( AvrU i8i6 )
(( long-temps, disait TEmpereur; je hasardais .
« la une épreuve redoutable; on .me prédisait
* de grands scandales. La représentation eut lieu
¥ néanmoins sans» nul ii^conyénient. Alors j'or-
cr donnai de la répéter huit jours , quinze. Jours
ir de suite, jusqu'à indigestion. Le charme
« rompu, Richard a continué d'être joué sans
« qu'on y songeât davantage ; jus(î[u'au moment
<r où leg Bourbons k leur tour l'ont proscrit,
<f parce qu'un tendre intérêt le consacrait dé-
•f sprmais k ma personne. »
Étrange vicissitude, qui s'est renouvelée en-
core , nous a-t-on dit , pour le drame du Prince
Edouard ou du Prétendant en Ecosse. L'Em-
pereur l'avait interdit k cause des Bourbons ,
et les Bourbons viennent de l'interdire a cause
de rEmpereur.
Vendredi 26.
Ma visite àPlantation-House. — Insinuation. •— ' Première
méchanceté du Gaaverneur. — Proclamations de. Tïa-
poléon. -^ Sa politique en Egypte. — Aveu d'acte
illégal.
i
J'ai été k Plantatioû-House faire ma visite.
I^ady Lowe m'a paru belle,, aimable, un tant
r
(Avril 1816) DE SAINTE-HELENE, 10T
soit peu actrice. Sir Hudsou Lo-we Ta épousée
peu de temps avant son départ d'Europe , et
précisément, nous a-t-on dit, pour Taidcr à
faire les honneurs de Iji Colonie. J'ai compris
que cette dame était veuve d'un des ofl&ciers de
Taucien régiment de sir Hudson Lowe , et sœur
d'un colonel tué a Waterloo.
Le Gouverneur m'a témoigné une politesse
k et une bienveillance toutes particulières qui
m'ont frappé. Nous étions de connaissance de-
puis longtemps , sans que je m'en doutasse, m'a-
t-il dit. Depuis long-temps V Atlas de M. Le-
«ag^e, continuait-t-il , avait charmé ses instans,
sans qu'il pût imaginer certainement alors la
circonstance qui lui ferait connaître son auteur.
Il s'était procuré cet ouvrage en Sicile , où il
lavait fait venir de Naples en contrebande. Il
ne. tarissait pas sur les louanges données a
l'Atlas ; il avait souvent lu la bataille d'Iéna
avec le général Blucher, au quartier-général
cluquel il était commissaire de sa nation , dans
la campagne de h%K^\ il avait toujours admiré
les «pressions libérales , l'esptit de modération
€t d'impartialité avec lesquels l'Angleterre,
Inen qu'ennemie , y était comst^mment traitée :
A os MEMORIAL (ArryiSifi)
mais certains passages équivoques Pavaient
grandemtînt frappé dans le temps, observait-il;
c'étaient des passages d'opposition au de cen-
sure envers celui qui nous gouvernait. Il les ex-
pliquait par ma qualité et mes doctrines d'an^
cien émigré; et aujourd'hui cela lui semblait
une singulière contradiction de me retrou*
ver ici, auprès de cette personne, etc. , etc., etc.
Or nous venions d'apprendre que sir H. Lowe
avait toujours été , en Italie, un chef de haute
police , un agent actif d'espionnage et d'embau-
chage. J^ n'ai pu me défendre, je l'avoue, de
soupçonner, dans ce|]te conversation, certaine
insinuation. S'il en eût été ainsi, et l'Empereur
ti*en a pas douté , la chose était assez bien em-
barquée de sa part; et si je me fusse moins
respecté., je pouvais lui faire beau jeu , et le
laisser aller fort loin ; mais je me suis contenté
de répondre qu'il s'était tout'^-a-fait mépris sur
rapplication des passages équivoques , et qu'ils
ne pouvaient s'adresser à Napoléon, puisqu'il
me voyaîit îrapi^ès de lui.
J'ai trouvé chez moi au retour deux ou-
vrages français «que sir H. Lowe m'a\%it envoyés
dès le matin, avec un billet dans lequel il ex-
r
(Ana.SiS) DE SAINTE-HÉLÈNE. 409
primait son espoir qu'ils seraient agréables à
l'Empereur. Le croirait-on î le premier de ces
ouvrages était VAmbassade de Varsovie, pat
Tabbé de Praidt !... Pr^mièr^ méehanceté de sir
H Lowe! car c'était uue nouveauté, il est
vrai,' mais un v^^pitable libelle, uniquement
dirigé coutrç Napoléon.
Quant au second , au premier instant je Tai
cru un trésor ; j'ai pensé qu'il aHait tout-a-fait
nous tenir lieu des moniteurs , et nous fournir
tous les matériaux qui nous manquaient. C'était
le Recueil des proclamationsctde toutes les pièces
officielles de Napoléon, comme G^/îrfro/, comme
Premier Consul^ comme Brnpereur: mais il était
dulibelliste Gold^mitb ; fort incomplet, les plus
beaux bulletins àont supprimés , les discours ait
Corps^ Législatif sont tronqués , etc. , etc. Toute-
fois, dans cet état d'imperfection, ce recueil
demeure ençoye le plus beau monument qu'au-
cun homme ait jamais laissé sur la tei're.
L'Empereur, après le diuer , s'est amusé a lire dans
Goldsmith quelques-unes de ses proclamations a
l'armée d'Italie. Elles réagissaient sur lui-même ,
il s'y complaisait , il quêtait ému. u Et ils ont osé
«dire que je ne sav ais p%3 écrire ! s'cst-il écrié.. !i>
440 ' MEMORIAL ( Àvta i8i6 )
Il est ensuite passé à celles d'Egypte , et a
beaucoup plaisanté sur celle dans laquelle il se
donnait comme inspiré et envoyé de Dieu.
H C'était du charlatanisme , convenait-il ; mais
« du plus haut. D'ailleurs, tout cela n'était
« que pour être traduit en beaux vers arabes,
« par un de leurs scheiks les plus habiles. Mes
<(f Français, disait-il, ne faisaient qu'en rire, et
c< leurs dispositions k cet égard' étaient telles,
« en Italie et en Egypte, que pour pouvoir les
(( ramener k entendre citer la religion , j'étais
« obligé d'en parler fort légèrement moi-même,
i( de placer les juifs à côté des chrétiens, les rab-
k bins k côté des évêques. »
Du reste il était faux, comme on le disait
dans Goldsmith, qu'il se Snt jamais habillé en
musulman ; s'il était jamais entré dans une mos-
quée, cela avait toujours été, disait-il, comme
vainqueur, jamais comme fidèle. Je renvoie k
cet égard aux campagnes d'Egypte. Il donnait
trop -k la gravité, avait trop de respect de lui-
même pour avoir jamais laissé échapper aucun
signe équivoque k ce sujet.
n Et après tout, observait-il gaîment, ce
ce n'est pas quHl eût été impossible que les
( Avril isiô) DE SAINTE-HÉLÈNE. , 4W^
<e circonstances m'eussent amené a ^nilirasser
« PIslamismej et^ comme disait cette bonne reine
« ,de France: VousrrCen dire)ttp.nt / . . . Mais ce ^
(f n*eût été qu'à bonne enseigne j il m'eût fallu
((.pour cela au moins jusqu'à TEuphrate. Le
(( changement de religion, inexcusable pour des
(( intérêts privés , peut se comprendre, peut-
. - ■ ' . '
(( être par Timmensité de ges résultais politi-
« ques. Henri IV avs^ît bien dit. : Paris vaut
« 1^/2^ m^5^0. Croit-on que Tempire d'Orient,
(( et peut - être la sujétion, de toute l'Asie ,
« n'eussent pas valu un turban et des panta-
« Ions; car c'est au vrai uniquement k quoi
« cela se fut réduit. Les grands sclieiks s'étaient
<( étudiés a nous faire beau jeu, ils.aVaij^nt
<{ aplani les grandes difficultés j ils permettaient
« le vin, ^t nous faisaient grâce de toute for-^
« malité corporelle j nous ne perdions donc que
<( nos culottes et un chapeau. Je dis ngus, car
« l'armée, disposée comme elle l'était , s'y fût
(( prêtée indubitablement, et n'y eût vu que
« du rire et des pljtisa^nteries. -Cependant voyez
« les conséquences! je prenais l'Europe, a re-
« vers, la vieille civilisatiou européenne de-
« meurait cernée , et qui eût songé alors \ in-
>.
V
Ait. ItféitO&I AL ( And iM )
u quieier le cours des destinées de notre France ,
« ni cetui de la régénération du siècle !..r
« Qui eût osé l'entreprendre ! Qui eût pu y
(( parvenir ! etfc. »
L'Empéréùr, continuant de parcourir Gofd*
sihitfi , est toml>^ par. hassttd sur l'acte des con-
suls (foi cassait le général Latour Fôissac y pour
là reddition de Mantoue. « C'était un acte illé*
<( gai , tyrannique , sans doute , a-t-il observé ;
(i mais ici c^était un rtial nécessaire , c'était la
c^ faute des t ois. Il était cent fois, mille fois
« cou^aUe, et pourtant il est douteux que nous
(( toussions fait condamner. Son acquittement
u eût produit te ptué mauvais efiet. Nous le
i< Érappâmes dotac avec iWme de l'honneur et
(c de Topmion; mais, je le répété, c'était un
(c acte tyrannique , un de ces coups de lK)Utoirs
<( lndispensaï>lemÊni nécessaires parfois, au mi**
(( liéû des grandes nations , et dans les grandes
(( cii^consiances. »
Samedi a7*
Première iasaîte. — Première barbarie du Gouverneiir.
-^ TVàtt& tatUctéf isti^éâ.
Le Gouverneur est venu sur les deux heures»
(A*«fl.8,6) DE SAIÎÏTË-HEtÈNE. 118
1} a fatit demandef k TEifipereiir son agrément
pour qtTén Ut conpacaâtK tèus ats doaestiqpoiies
devant l«ii. Prmàirê ÎMuUë du Gûuvemmr.
Il voulait probablement Wrii|èr ^ïh ataiept
fait leiir dédatatioû avec pleine et lil»re vo-*
IdMé. Ms àû Bf oûthôlon , cbatg^ dit service de
k «Ekaîâon , a tépoûdô ^ au noiÉ de TEmperenr ,*
iir Hlids<m Low», q<ie Sa Mi^sté ne pouvait
iiËa^iièt qu^on tvX la prétention de mettre le
dëigt ititrf lui et ^<m valet dé ebambre; que si
M éetûaadait sa pêrurîftfiion , il la refusait ; que
si les mstraotidns portaient i^etté mesure , on
afiit hk £Knrc0 , «n pouvait la remplir^ qué ce
sentit Ub oUtiage de plus^ ajouté à c&xt que le
atairtère anglais accumulait sur aa tête.
Je leiï Ai }oifits kcet itistant ^ il m^a été aisé de
irAt que léë deut interlocuteurs étaient peu sa-
til4iailtsrun de TàutiPe» Après quelques momens
de silence et de mécontentement apparent , le
Gouverneur , s^adreâsant k moi , m^à dit qu'il
semblait qu^autour de l'Empereur on ne cber-
éhlt qu'à créer des désagrémens et des em-
barras. Il m^a ittîé au courant. Je lui ar obiservé
qu'il était aàsèt ^itople que TEmpcreur, ayant
Ut3i« maiâ<m ^ qull n'avait pas demandée , il n'y
A\}^ ' MEMORIAL ( Avril, iSiô )
voulut pas de sou gré aucune interférence étrai>n
gère. Que si lui, Gouverneur, avait qpielques
doutes k éclaircir*,* relativement aux domes-^
tiquQS , il avait deux sy stêines ♦ k suivre : des
voies indirectes , inaperçues , qui ne blèssçnt
point; ou bien la force et Tautorité ; qu'il possé-
ds^it celles-ci, et que rien ne pouvait le gêner k
cet égard: mais que la route qu'il prenait était
fojt éloignée de nos mœurs. Que l'Empereur
du reste youlait se montrer l'homme U plus
facile et le plus tranquille du monde, dans sa
sil;uation nouvelle,- cju'il se rétw^ait en lui-^
même , ne voulant , ne demandant rien , sentant ,
dévorant tout; que la fortune avait pu lui. ar-
racher la puissance ,^ mais que rien ne pouvait
le dépouiller dû respect de lui-même ; que la
connaissance, la délicatesse de sa dignité étaient
les seules chqses qui lui r^ta^eut , dont il pût
se dire le maître «
Toutefois les domestiques vinrent, M. de
Hontholon et moi nous nous mimes a l'écart ,
pour ne pas sanctionner une telle mesure par
notre présence. Le Gouverneur leur parla et
vint nous joindre ensuite, nous disant : ce Jç
« suis content k présent , je puis mander a mou
(ArrUiSie) DE SAINtE-HELENE. 44 5
K Gouverneiaen^; que tous ont signé de plein
« gré *et de leur bonne volonté. »
Il lui restait pourtant dé riiumeùr sans
doute ; car il se mit , assez hors de ^ propos y à
nous vanter la beauté du site y nous disant
(|u^après tout^ nous n^étions pas si mal. Et
comme nous observions que dans ce climat bril-
lant nous restions sans ombrage , sans un seul
arbre. On en plantera ^ nous dit-il. Quel mot
atroce ! Première barbarie du Gouverneur l
et il nous a quittés.
' Vers les cinq heures l'Empereur est monté
en voiture pour faire un tour de promenade.
En sortant de chez' lui il nous a dit: u Mes^
^ sieurs y un homme de moins , et fêtait le
^ m'ailr^ du monde l Cet homme le devinez-
« vous? » Nous écoutions.'..... « Eh! bien, c'est
« l'abbé de Pradt, a-t-il dit, l'aumônier du
c( Dieu Mars. )) Nous nous sonïmes mis a rîre:
(c Je n'en impose pas , a-t-il continué , c'est
<( ainsi qu^il commence dans son ambassade
<c de Varsovie , vous pouvez le lire. C'est un
« bien méchant ouvrage contre moi ;, un vrai
« libelle , dani^ lequel il m'accable de torts ,
« d'injures, de calomnies. Mais soit que j'aie
Jl 46 MÉMOÏlIAt C Ana iM \
« été bien dtspMé, S0it q[aHl i/jr i^t, eomme on
(c dit , que la Yéritë qui loi»me , îl n'a fait que
« me Itixt rire , il m^a viament aanisé. »
Deux de noua avaient parfois des difft^reads.
Oa ne le trouve ici qae parée qiie Yj rencontre
des traits caractéristiques de l'aine et du cœur
de celui k qui noua nous étions consacrés, El
pois d^aifienrs les papiers du temps et le retour
de Tutt d^eux en Europe f à cause de cette cir^
«
conatanct ^ Tontassea fait eonnailre.
Me rendant au salon pour y attendre le diuer ^
fj ai trouva TËmpefeur qui s'exprimait avec la
dernière chaleur sur ce ^u)et , qui le eantrariait
k Texcis. Gela a é%é fort long, très-vif^ fort
touchant» <c ..*»*..•, ^ .. « i. . ,...'. .
« Vous m'aves suivi pour m'4tre ^gréaWes ,
H dites-vous? So)re^ frères/ autrement vous
u ne m^étes qu'impottuns !*..... Vous voulez
<c me rendre heureux? Soyû^fràn^l autrement
e vous ne m'étee qu'un supplice \
« Vous parlas 4e vous l>i|ttre ^ et cejla sous npies
u yeux ! nesuis^je donc plus tout pour V9S soins^
a et Toeil de l'étranger n'estril pas arrêté sur
(( nous! . . « . Je veux qu'ici ehax:un soit animé
« de mon esprit . . . . * }e veux que chacun soit
.^
( An«i i6is ) DE SAlNTfi-HfiLENE. iA 7
c( bettreuK ratqur de ;moi; <|ue cbnm isitrtout
« y partage le pen de jeuîsiaiioes 4[ui jia«s sant
(( laissées. Il Q^«st pas {«scpiVii pelât Emmaiiiicl
a «que voilà, «pie ye ne prétende «a evoir-n fàvt
i< . complète ...<••».« ^ »••.,. »
I^e dîner seul a tenuiie la isteDCiiriale ^
rEsapereur j di éU ^îlencienx. An dessert
il s'est fait apporter YoVtxiisej et a eutasié
la lecture de q«i€S<|aes--uties de ses pièces-^
qu'il a interrompae bie^tet a)p?ès« Noms hou
en dëgeûtons diaque jour davaiitage.
L'EmpereuT s'est retire de trcs-bcw»c îieore,
et bientôt aprës Jn'a fait appd«r daais sa
chambre à coucher, t» je «uis demeure assea
taW » i
Dimanche 28.
AUië de Pradt -^ Son ambassade à Yarsoorie.^ Guerre
de^Rossie* — * Son origine»
L'Empereur est r&^petm sur M* Tabbé de
JPradt et son ouvrage; il le -réduisait à la
premièi^ et à la demîàre page. « Dans la
tt première, 'disait-il, il se dooane pour le seul
•ce homme qui ait arrête' Napoléon dans sa
« course ; dans la dernière , il laisse voir que
448 MÉMORIAL (Ami.iSiS)
ce FEmpereur, à sou passage ; au .retour de
te ]\{qscow, le chassa de sou ambassade; ce
«qui est vrai, et c'est ce que son amour-
•t propre cherche à. défigurer ou à venger :
« voilà tout r ouvrage.
«Mais l'abbe, continuait-il, n'avait rempli
tt à Varsovie aucuii des buts qu'on se propo-
« sait ; il avait , au contraire , fait beaucoup
« de mal. Les bruits contre lui étaient ac-
« courus . en foule . de toutes parts au-devant
«de moi. Les auditeurs de son ambassade,
« ces jeunes gens même, avaient ëtë choques
« de sa tenue , et furent jusqu'à l'accuser d'in-
« telligence avec l'ennemi , ce que je fus loin
« de croire. Mais il eut en effet avec moi lAe
« longue conversation qu'il dénature comme
« de raison j et cest, pendant même qu'il
« del)itait complaisamment un long verbiage
« d'esprit, que je jugeais être autant d'inep-
•c ties et d'impertinences, que je griffonnai
«c sur le coin de la cheminée , sous les ^ pro-
« près yeux de M. de . Pradt , et tout en l'ë-
« coûtant, l'ordre de le retirer de son ambas-
t( sade et de l'envoyer au plus tôt en France ^.
* Vojci lettre du Gyp.
1
( Avril i8.6) DE SAINTE-HELENE. 449-
« Circonstonce qui fit beaucoup rire alors,
<c et qu€|||'abbë semble tenir extrémemeEt à
<t dissimuler. »
Du reste ^ je ne puis me refuser de trans-
crire ici ce qu'il dit, dans cet ouvrage, de la
Cour de l'Empereur Napoléon à Dresde, parce
que ces paroles font image, et donnent une
juste idée de la natpre des choses et des per-
sonnes en .ce .moment-là, ;
« O vous , y. est-il dit., qui voulez vous
«faire. une juste idée de la prepotence qu'a
« exercée en Europe l'Empereur Napoléon ! qui
« désirez mesurer les degrés de frayeur au
« fond de laquelle étaient . tombés presque
« tous les souverains ! transportez - vous en
«esprit à Dresde, et venez-y contempler ce
«prince superbe, au plus haut période . de sja
« gloire , si voisin de sa dégradation ! »
« L'Empereur occupait les grands appar-
« temens du château j il y avait mené une
« partie nombreuse de sa maison, il y tenait
« table , et à l'exception du premier diman-
«che, où le roi de Saxe donna un gala, ee
« fut toujours chez Napoléon que les Souve-
^■^
4 20 MEMOm AL ( Ami i8«e )
« raifis et une partie de leurs fiuaiilles se tévr
« mreiit« d'après les mvitations ihd|fssëes par
« le Grand-Marechal de son palais. Qael<pies
« partic]alkers y étaient ladmis. J'ai joui de
ce œt honnettr y h jchit de ma «lominatisii i
« l'amljassade de Yam^rie. #
fc Les lerers de l'Eraperevr se tenaient, coma/t
« aux Tuiiems , à Q iieures. C^^st ti qa^S
«( fallait voir en quel nombM , ai^et ^dtle
« «oumifision craintive une foule de princes ,
« joon£ondas «ree les eourttsaas , Murent à
ic peine apeiiçits pi^ eux , jatCendaient le ao-
« ment de oempafraître devant le nevvei ar-
« làtre de fenrs destinées. »
Ce «lorceau et quel<jues autres , d'une
aussi grande vérité et â*ane aussi belle dic-
tion , eont etoufifes sous une foule de détails
pléi^tts de déguisement et de malice. Ce sont
des lËaits dénaturés y dit l'Empereur, des con-
versations mutilées ; et , s'arrêfant sur les dé«
tails de l'Impératrice d'Autriche , comblée d'a-
dulations , et sur ceux de rEmpereur Alexan-
dre, dont l'auteur vante les vertus aimables,
les tjualités brillantes au détriment et en op-
(A^a iW6) DE SAUfTE-HÉliïîE. 12»
•po«^tk>ii ^de; hîi -, NœpoleOB i'û$^ ëotehi : « Certes
« ce o'iest pas là hn «ftèqne français ^ is' est un
binage .dei'Oiîent, addratenr. du soleil qui
% s'çlè^e. « Ëftitci'je rai» iséppitmer encôré^^ et
f9X i un sentmient de : ptgtie^ d^sorÉasIis ; piu^
sieurs autres articles et beaa^tip^ de détails.
...;Tollte£Qis à sesefiKcirt» pmt prouver que
mus. Saarons: été: ks .in^Stéis aginsssetirs "dans
l^ qJwtellfiide.Eusste, •}€ Vaisopposèi ce qui
iIL'Smpwèdr ^ parkut de tetf e' gu«ri1&, disait? :
« Il n!ietf poiat tié petits: dtràièmens pour -l^s
« aatioiifi et. les smvverains : oé sout eux qui
«gouveruent: leurs destinées. Dépuis quelque
« tenqis/ il s'ëtait élevé de' la mésintelligence
« àitre la France et la Russie. '
« La France reprochait à -la Russie la vio-
« laticoi du systèime continental.
« La Russie exi|peait une indemnité . pour le
«.duc d'Oldembourg,. et* élevait d'autres pré-
« tentiçHpo.
« Des rassêmblem^is tusses s'approchaient
« du duché de Varsovie ; une année française
tt se formait au nord de TÀlleniagne. Cependant
« on était ëttcore loin d'être décidé à la guerre ,
3. 8
■
1
4 2£ MEMORIAL ( Af t a i8««)
te lorsque tout à coup nx&e nouT^Ile armée imsB^
« SQ met ea marche vers le dudié, et mie sete
« insolente est prësentëe à I^uris , oomme uitima-
« tnm f par Tambassadenr russe , ^i , ao
« dé&ttt 4e soa aeceptetiou, menace de ^Me?
« Paris sous 8 jcmrs» ;
<c Je crus alors la guerre déclaiiée. Depuis
« lang*temps je n'iëtais plus accoutumé à un
« pareil ton. Je n'étais pas dans Thakitudç de
« me laisser prévenir} je pouvais marcher, à la
d Hussie» k la tète du rerte de rEun^j Ten-
« treprise était populaire^ la cause était euro^
« pëeune.; c'était le dermer effort qui restait
« à faire à la France. Ses destinées ^ celles d«
<c nouveau système européen « étaient au bout
ff de la lutte. La Russie était la dernière res«
f( source de l'Angleterre } la paix du globe
a était en Russie , et le imccès ne devait point
ce être douteux. Je partis ; toutefois arrivé à la
4c frontière» moi , auquel. la Russie avait déclaré
<c la guerre en retirant son ambassadeur , je crus
« devoir envoyer le mien ( Lanriston ) , àTEm-
cc pereur Alexandre , à Wilna ; il fut refusé et
ce la guerre commença I
u Cependant, qui le croirait? Alexandre et
ï
(Aftu i8t«) DE SMNTE-ïDEliaVE. 4S?
«moi noufi étions Ions 1^3 4â«i(t continmi^
« FËmpEireur , dam l'attitude dci d^nx braYa-*
« cheSy qui 9 saoa atoir eiiiFie de i|e battra ^ ch^r^
«tchent à s'effrayer mutuellement/ Volontiers
« je n'eusse pus &it la ^eiçre ; j'^taia ^ntom%\
fc encomlffë de circonstance^ in<^partunes, et
c tout ce que j'ai appris depuis^ m'assure ({u'A-
t lexandré en avait bien moins envie encore»
K M. de Romana^of y qui avait conservé des
« relations à Paris, et qui plus tard, au moment
t des échecs éprouves par les Russes, fut fbrt
« maltraité par Alexandre, pour la résolution
« qu'il lui avait &it prendre, Tavait ateuréque
« le inomoit était venu où Napoléon, ëmbar-^
« rassé y ferait des sacrifices pour éviter la
« guerre ; que l'occasion était favorable , qu'il
« fallait la saisir j qu'il ne s'agissait que de s«
« montrer et de parler fermer qu'on aurait les
« indemnités du duc d'OldemboUrg ; qu'on ac<v
« querrait Dantzik , et que la Russie se créerait
« une immense considération en Europe.
^ Telle était la clef du mouvem^it des trou-
« pes russes 9 et de la not# insoléntei du prince
«Kourakin, qui, sans doute, n'était pas dans
« le secret, et qui avait eu» ie tort, par son peu
Hk MÉMORIAL (Atiîi 1816)
t( d'ôsprit , d'exocuter ses iMStructicms trop à la
ce lettre. La mèine présomption, le même sys*
k tème amena encore le refus de recevoir Lau-
«c riston à Wilna ; et voici , disait Napoléon ,
A les vices et: le iiialhetar de ma diplomatie
R nouvelle : elle demeurait isolée ^ sans affinité,
f( sans' contact au milieu des objets qu'il s'agis-
ce sait de manier« Si j'avais eu un' ministre des
« relations extérieures de la vieille arisfocra-
« tie , un homme supérieur , il eût pu , il eût dû
#c danà la coni^rsation deviner cette nuance, et
<c nous n'eussions pas eu la guerre. Talleyrand
f( en eût été capable jpeut-etre; mais ce fut au^des-
<c sus de la nouvelle école. Pour moi, je ne
«c pouvais pourtant deviner tout seul ; la dignité
«c m'interdisait les éclaircissemens personnels^
fc je ne pouvais juger que sur les pièces , et j'a-
ft vais beau les . tourner , les retourner, arrivé à
fc un certain point , elles demeuraient muettes ,
« et ne pouvaient répondre à toutes mes
« attaques. ■
cr A peine eus* je ouvert la campagne, que
tt le masque tomba ; les vrais sentimens de
«c l'ennemi durent se : montrer. . Au bout
*" de trois ou quatre jours ^ frappé de nos
'
J
(CAffitiii6} DE SiJD!^i&Hi!tEN£.
ic prcisaier^ succès ^ Alexandre ijae; .dépi^i^
« qui^lqp'iuà. pour me dire «JWiM jFj ^^*^^*^
«i^^VafCuer la territoire envahi, reY^nir lauJUilië-
M Bien, il allafit traiter. Mais à n^qn j^ur je p:|:i§
tf cela pour uii,e ruse;; j'et$iifli ; enfié[ di^ succès.^
« j'ayais pris Vana^ russe euflagraut4e][iitjt<>uj^
« était culbuté et çu désordre f j'avais cofupé ^7
« grsiiiou; {6 devaia espérer de le^pl^ipe; je çpi^
« dcmçqu-OB, ne voulait. que gjlgpeif dif . teu^pj^
« pour se sauvera ^ se ^lUe^. Iful dou.tequç i^i
c j'avais été^ cwv^inçu de. la :boI^3lp foi d!A-
« lexdndte , je n'eus^ ^ccédç' 4. s^ doo^o^^,
n Je serais ; revenu aU; I^^émfjn, il ;n!eû* j a#
tt passé la Dwinai Wyin^ ,?ût ^tff neu;tralifé.î.
nous n^us y $)9riQnf rfsn^us , dliacuu avec
« deiix ou traiA li^t^iljkms de;.]^ti^ £N^ ^^
t B0UB eussioK^ traité en psKSpniifi^^ Quç de
a combinaifMpus j'eiisse. introduite^ U;.,. ;]^ n eujt
Q «u . qu'à dfLoisir !...••«. Nous nqus ^serion^
«sépaxés hopis punis.. •«•• , ^
ft Et malgré les -évéuemens qui onf;, suivi» et
« le laissent triomphant , est-it biç^ prouvé
^ ^<^: ce pa^rti eût; éjté moû^s ayaajitagieux pour
« lui que qq qui e^t arrivé jlepi^is? II. est venu
•^à Paiâsv il.esjt vrai; maisi avec toute Tïiiir
4S6 MEM^liAli (AniiitiG)
«r rope. Il a accpiis la Pologne ; mais quelles
« seront les suites de r^ranlement donne à
« tout le système ettropëen ^ de l'agitation
te donnée à -tons les peuplés, de Taccroisse^
«r metit de Fînfluence européenne sur le xêste
tic de la Rttssîè, par raglomération des acqui**
if sitioôik nouvelles, par les eôurses lointaines
iir dès Soldats iliisieft, par TinAtiehce dés htmones
ift-ët des lunfiêl^es' hétér6gèhes (^i vienneift
lé sV r^gîer de tontes parts! étc;, etfci
« Les souTerains russes se contenteront-ils de
(^'toiisôlider oe qu'ils ont acquit? Mkis si Tâm^
^ ][>ition les saisit \ au ëbnti'aire , à (pielle en-
ic trèpri^e, à quelle «nt'ftravaganôe né peuYént-
tc Us jpas ëe livret! et pourtant ik ont p0rd^
te MoscoW, ses richesses , ses ressources ^ éeUes
^ d\m grand noc^re d -antres tilles I Gé sont
^ atctant de plaies cpii saignenont pltts- d# cin^
W ii|uante ans. l^t pourtant quç n^aurîdas-tious
«c pas pu fixer i Wilna pour le bîen-étre de
tr tous, celui des peuples au^si bien qi^e celui
te desl rcâs! ! !....
Dans un autre mtittnent l'Empereur disait :
« J'ai pu partager Tempire^ttipc avec la Uns&ie ;
«il en a ixà plus d'une fois question enfn
(4i>iiiAi6) DE SAINTE-HâL£NE. 45*^
m irtms^ Gtosiàiitiiiople Va toctjdnips tssam^^ Cette
«c capitale ëtait le ^nd fimba^i^ , la vi^ié
« peirre d'àiflii^p^p^iàefit. La Rœsiè là VouA^t;
« )# ne- dÊ»mis pas l'accorder : c'est iine ittef
4 trop "péécmaa/e^ b\W ^nin^^ à elle seule ad
fc fUiGipire : icekù cpii la possê^deira peut gùa-
«Teraerlemopid^.^
ISXwûaàe l^Eittp^^iirv su rekunaiit , ea' est
Mt^À il dsiré < « Qu'a^doae gagtië Alexan-
« dn qufil il'eAt:olltifitiii^àWii&a à bien meil^
ce lever cémfté2tm H eat-^h^p^ à^quelcpt'ua
de dire tilt '%€)^f d^voif- vaii|«Ë cft d^tbè 4e^
« menië iri^nis^aBt^ ^ Ce i^otiirrâi 4tre
ftla^ piQiifiëe du vvttlgaire, È'^m \étiné VWoïpe^
-«reiirj ce^4ate ssôiràit £ftfe délits d'ûti èroi. tJii
«r5i, s'ilf^M^ènie'pàt iiii4iièaie, QtiâeiS'^3^^
«wUiÈ» s'il eu est isKiapaU^', HJô doit^îtir,
ft da» une att^tî pmit ^treptise , . aVùû:
«f pbtir bttt fe Viét^ire i màit bien 6es té^-
« tats. Et pbis ke ^'^ttétet^tHùp. même ipi^
«^ cette âOfifflidër^lioii valgââte^ |e maintiens
« ^è^^'le^lMt eiicdi»e serait manque; ciBti'Msi
«là'^aliDlë des suffirages deit demeura^ ati
<<VaÀn£tt. ^i p0ttna&t taièttre to péifàllèie
^ ^ei suèciè^ d'Àlliemi^ë itifec ceux dék alliés
« jçn Fraina^ Lg^.gma.ëckirësvrélediis^ ¥iàs-^
«toire ne le f^Qot ']H»at. : .
, ,a Les aUi^ ^nt veigktts traînant tonter l'Eii-
f Wp^îîQoijtîçe, pi^çlque riien du tottfc Us. pxe^
«^^^entaient ^0;jDim^ h0lmnes («.Jiiipe» ils
xi.d^^ifut uaç :rd$erv^ ^ale. Sils étaient; battus
«ils ne couraient aucun. ]ris(i]tto; ils 9e ve^
f pVaient, A{oi , lau^ contraire, eh AUemague y
f< à 500 tiei^ aMrJlQiii,:j')ëtai|i ipbine à force
fc 4^h f |e d^béufrâis. mUmté de puisaMoice»
Il (et de .p§Q|i|€|s . rôteaus' sedletamt paz la
je <;rs4n^ ) A>c)ii9iqpii^ instaiiK», 2|ii ^piiemieri iéalifio
«Us ji9i^|^i^entr$9 d&lan^. Je: triomphais -au
c n^i^U '4^» .p^iilt 1^)0f»k3S r^iiaissansf il me
f fsdlla^r fSn^ ecisa^ aiâant d'adrcsae; que/ de
a£asreet4 Qu'U Jfiue* fidlut uu iét99|i^
«t dans : itqutffi oe» ! ^AtrQpi ifiesii ^ ilû ^tta^ge
«r tf>up-d'(]eil| HAe etraii|«e erm^oejdaasijoaes
j^ C09ibiii|2iîga)>p , d^^pppQttT^'^ if&xi tjons. cçuat
:4 peut-âtre qpai Wetivirônnaient I ; • . i , :
Q^eb. act^ les alUës Oppoie^imtrib: à de
<^;tels.actqs7 $^ }^ a'^eusçe vaiiicpH àtAiif*|er-
cç lito , j>lteis; $,tPU touft, h: Prusfe :,^ur . les
«jMcas. Si, je ft'pMSse. U^oiD^ié: ^lémt.XAn-
a.tri'cUe, et; VEsp/E^e se ,dMQlâi!ai,^t;;Si«r .-«aes
(Atni tm) DE SÀlNTE-tlÔî-ÈNE. M^
<c derriëjres. Si- je) n'enssa bàtlû à Wagram ,'
«qui ne fut' pas :finer ncftxnre aussi . d^isi-'^
tsivé, jTaTais. à craÙMbre :qoé k Rnnie |ie
« m'abaiidondiAv qaela^ussbnese'sonieTàt^
P et li^ Anglais, iétaioatî : déjà 'devant ^Antêbv
« Tootcftii^ q^Ueb Mtrdhé* niei^ conditions
ft- après- la '.YÎéttnBe? -r.i ■:• '? •//•••> . ■ '. >
« A Aùstttrlitkv ):'At> laiiasë la liberté k
t Alexandre. ^ -^qne je 1 pouvais fûre mon prî*
f Après ïëna ^ fax laissa le tr^në^à la maison
« de Prusse qite j'en avais abattue.
^ Après Wagram, fai ni^gttg^de morceler la
f monarchie autrichienne. ^'^ ■ î >
9 Attcibuqra-t^A' tant c^a t i ' de lfi( simple
« magnâmmité ? Les gens fwt» efi^ffrof^nds^*^^
« raient la droit de m'en Uftihen Aussi > sans
trapousser ce sentiment, qui ntf lii'ert pas
'>
* Depois mon irétoar en*Earope , oh m'a assnrë quM
éiiUàitdetii èilleté » au atkj^n , aé l'Etiîjj^éÉr Alè^iaii-
4f9 9 ^|i|rft«i»t aofûimsaïuenjt ! 91'oQk le. l^isB&t; p#eir*
Si cela était rrai « qaell^ Ticissitu^e de forfime ! Le vain?
quéur magnanime aaralt pëft dans lès fers'} àa loin de
FEiiropei priv^: de sa fcniîUe; ^ pfëcisémeut àu iiotn
du raiocii qn'il 4? ^t ^.gâ»Br)sn8eufeR^.éco!iité ! j !
430 MÉMORIM. ( Avm i^ie)
« étranger , aspinûs^ je k de plivs hautes peasées
«c encore. Je ycolaîs préparer Ifei ftudon de»
«grands intérêts européens ^ ûnsi qi^e j'avais
ic opéré ceUes des partis ap lailieu de nous«
« J'amàitiomiais 4'vl^fenr un jour la gralide
«cause des p6upcle& tl dea irqis^ il flte fiillait
«c donc me créer des titres auptès de ceux-ci^
^ nie Tctadre populaire au unlieu d^eux. II- est
ic ^rai qaie ce ne pouvait être saps perdre anptès
« des autres , je le sentais bien ; mais f.étais tout
« pitiasaiit ',et peu timide) je m'in^iétais peu
m des murmures.passagers dses.peuples ; bien sûr
«'<]uè le résultât devait ine les ramener tt^il*
«liblement. ...
tt Gepëndsnl , tontÎ0iiait l'Empereur , je fis
4e /une' grande faute après Wagram, celle de. ne
«r pas abattre l'Autriche dàvdntageé' £lle de>-
-m ineurâit trop fi>rte pour notre sàreté : c'^est
JL el le (pli n ous a perdus.. Le lendemain dg 1^
« batoUle, j'aurais du. &ire connaître,^ pau? ime
f( proclamation , <{ue je uq traiterais av^eo I'iAa-
-* Irïthê, (ffoJt SOÛS là sépàtatiiMipïèLlâble des
« trojis couronnes d^ÀutricKe^ aè Hongrie et de
^ Bohème» Etile oroi]*a-t-dn? Un. prince de la
« maisoii d*Àuli*iclitè in'à ftiit ïïii^inuer plusieurs
(Arriii«t6) DE SÀÏM'E-ItÉLENE- nU
« fois de lui en faire passer une , on m^e de
« le mettre sur lé trône dé sa maison y allégant
* que ce ne /lerait q^i'ii^ors fpxe cette puissance
«-mftj^^fait ode bonne loi lalvec moi. Il offrait
« de me donner en espèce d'otage, •.* .*•• ....
« , en outre de toutes les garanties
t'iina^înables. 3^ " •' '
L'Ëmpdrëtir disait s'en êtte'même occupa. Il
avait balance (juêlqTie temps avant son' mariage
avec lAaTÎe-Lôuîse ; maïs dèpttis , continùaît^îF,
il en eût è'te' incapable. Il se senlait des sentie
mens trop bourgeois sur Tarticle dés allià^ce^^
disait-il ' : if L'Autriche ëtait dèvèniié ma fà^-
« mille j et pourtant ce mariage m'fei perdu,.
« observait-il. Si je ne m'étais pas cm tranquille
* et même app^uyë sur ce point j j'aurais retarde'
* de trois ans^ la rè'suri'eCtïon dé la Pologne,
« j'aurais attendu que l'Espagne ftit soumise et
« pacifiée. J'ai poi?^ le pied i^r un abhiie récôtt-
« vert de fleurs ? etc., ^tci.. » . ; j
i^
i .1» .
■» « * • i' ■» ' «*•.,►.
«32 MÉMORIAL (AnUi&i€)
Lundi 20^
s . . . j . • '1 ^
L'Empereur sonffralût — - Prè^àier jour de cônaptette
réclasion. •*« Amteâfôdeart iPevbaDi ei STonew --^^
I * •• • . •
Sur les cinq heures le Grai|47Mare€hal m'^
&it nue petite visite ds^n^ma: çhai^br^e; il n'a-
vait pu voir rEmpereur qui était reste enfumé
tpu1;elajp^r^ée, étant souf]fraQi^t u'ayantYoulu
voir .personne. Sur la (in du }our j'ai- 'été. me
promener quelques instaus dans. le» allées. (pxe.
p^rçoi^rt d'ordinaire vers ce tpmps l'EinpeKur. ;
j'étais triste de m'y tjrouver seul. Nous aypuç.
dinésa^ns lui.. : /-
Sur les neuf heures , a» mômem où je c;alçu-
lais quç la joiffnée se serpt^éçôulée sans^ue je
Iç vJb^^ilm'afaitdemafi^ea*; j|e lui ai témoigné
de riiwiuictude. Il m'a dit qu'il étaiij bien,
qu'il ne souffrait ps^s^ qy'il Ifti avait pri^
fantaisie de demeurer seul; qti'il avait lu toute
s
la journée; qu'elle lut avait paru courte et d'un
calme parfait.
Cependant il avait l'air triste, ennuyé. Dans
son désœuvremejQit il a pris mon Atlas, qui s'esf
/^
Uniii8t6) DE Si^TË-HELËNE. 433
• ' • • • • • . ,
ouvert à la misiippe^mônde ; il s*est arrêté sur
la Perse. » Je rayais bien judicieusement ajus"*
* tëe, a-t-il dit. Quel heureux pdint d'appui
« pour mon levier, soit que je voulusse in-
fe quitter la Russie , ou déborder sur les Indes,
« J'avais commencé des rapports avec ce pays >
ir el j'espérais les amener jusqu'à l'intimité,
fc aussi bien qu'avec U Turquie. Il était à
« croire que- ces animaux eusscînt assez conï*
<r pris leurs intérêts pour cela ; mais ils m'ont
« échappé Fun et l'autre au montent décisif.
'« L'or des Anglais a été plus fort que m«s
« combinaisons ! Quelques ministres infidèles
« auront , pour qtielqnéfil guinées , livre l*exis--
« tence de léfir pays ; résultat ordinaire sous
« des monarques de sérail ou des rois fai-
« néans. »
De là l'Empereur , laissant la haute poli-
tique, est passé à des anecdotes de sérail^
puis aux Persans de Montesquieu , et à ses
Lettreift) qu'il dis^t pleines d'esprit , d'obsei«-
^tions fines y et surtout la satire sanglante
du temps. Il s'est ensuite arrêté sur les am-
bassadeurs tiitc et persan qui ont demeuré
à Paris sous soft règne. Il me demandait quelle
4S]| MBMOKIAL (àtfP taisx
impreMion ils ataienit produits dms là capi-
tale; s'ils j fmsAient des yisites; s'ils rece^
Tftient da n&Qnd^^ etc. » «te^
Je répondais qu'un moment ils ayaient occur?
pe la capitale , et fort long-temps fait Iç spec-*
tacle de la cour: le Persan surtout. A son arriTée,
il recerait volontiers , et comme il distribuait
facilement des essences et allait même jusipi'aux
schalls, il y eut fureur parmi les femmes; mais
le grand nombre le força bientôt de borner sa
libéralité , et dès-lors, et le moment de la vogu^
. passée y il ne fut plus ({uestion de lui. J'ajoutais
à l'Empereur qu'à la Cour et quand Sa Majesté
n'y était pas, nous nous étions permis parfois,
très-inconsidérânent sans doute^ quelques espi^
gleries à leur égard. Un jour entre autres à nu
doncert de l'Impératrice Joséphine, jî^ker^JCan^
avec sa longue barbe peinte, s'enuuyant sans
doute de cette musique , s'endormit debout
adossé à la muraille, ses pieds un tant smt peu
en avant, appuyés à un fauteuil queiretenait le
coin de la cheminée; on trouva gai de le lui sou*
tirer doucement, de sorte qu'il manqua gbssev
tout de son long , et ne se retint qu'en faisant
un bruit effroyable* C'était celui des deux qiu
^
lAifi) DE SAINTE-HÉLÈNE. 4S&
«itendait le mieux la plaisantene; cependant
Qi$tte fois il se Cacha yiolemment; et comme nous
M nous comprenions que des jeux et dn gestc^
k^ène était des plus plaisantes. Le soir Tlmpë*
ratrice, qui se fit expliquer la cause du bruits
qu'elle ^vait ^itendu, en rit beaucoup, et gronda
^en dayantage. «c C'était très mal assurément,
« observait l'Empereur j mais aussi que diable
« Yenait-il £ûre là? — Sire, il vemût faire sa
« cour. Ainsi que son camarade le Turc : ils espë*
K raient queVotre Majesté le saurait, bien qu'elle
« fiât peutrètre alors à 500 lieues. » J'ajoutais
que nous leur avions vu fMre des actes de eour^
tisannerie bien plus forts encore , quoiqu'il ne
s'en fût peutrètre pas aperçu davantage. « Nous
« les avions vu, lui disais- je , après les grandes
« audiences diplomatiques du dimanche , suivre
« Votre Majesté à la messe , et partager les tra-
« vées de la cbapelle avec des Cardinaux de la
il sainte église remaine. -«- Quelle monstruosité
K pour eux I s'écriait l'Empereur. Quel ren<*
« versement de tous leurs principes et de toutes
« leurs coutumes ! Que de choses extraordinai-
re res j'ai fait fairel et pourtant ri^i de tout cela
« ^'était commandé , pas même aperçu ! ^
Ad(5 MÉMORIAL . (a^UiM)
La conversation continuant . sitr :• les Aeva.
Orientaux, je racontais qu'on m'avait dit que
rarehi^chancelier Cambacérès leur avait un
jour donne un gtand dSnë à tous deux em
semble.
Quoique des mêmes contrées et de la mêisie
religion , ils montraient pourtant deux nuances
fprt différentes : le Turc, disciple d'Oinar,
était le janséniste ; le Persan, sectateur d'Aly ,
^tait le jésuite* On disait plaisamiKûeat qa^
ce repas ils s'observaient l'un et l'autre, à l'é-
gard '^du vin» comme deux evêqu6s auraietit pu
le faire pour le gras du vendredi*
Le Turc, attrabilaire et ignorant, fut dé-
clare n'étré qu'une grosse bête» Le Perisan,
littérateur et fort causant, p^ssa pour: avoir
beaucoup d'esprit. On observa qu'il prenait
totis ses mets à pleines mains, n'employant
que ses doigts pour manger, et il s'en serait
peu fallu qu'il n'eût servi ses voisins de la
éSorte, Un de nos usagés lé frappa , c'était
de nous voir manger dii pain atec tous nos
jncts. Il ne concevait pas qiïe nous nous crus-
sions obligés, disait41>, de manger constamment
de la même chos^ aviec toutes choses.
(Atrii tmy DE SAINTE-HELENE, *37
Je dois avoir déjà dit que rien n'amuse
et ne distrait plus coinplétepient l'Em]péreur,
comme le * récit des mo^ats et des histoires
de nos salons.
L'émigration , le faubourg Saint^-Geirmain ,
étaient d^ sujets sur lesquels il revenait avec
moi le plus Volontiers , dès que nous étions en-
semble, et il expliquait cela , me disantuhe fois :
« J'étais au fait des miens; mais j'ai toujours
« ignoré ceux-là. « C'était d'ailleurs en lui, ob-
servait-il I 1q pefiicbant naturel de savoir ce qui
se passait chez le voisin , le commérage des peti-
tes villes. « Ce n'est pas, ajoutait-il, qu'on ne
« m'en parlât beaucoup au temps de ma puis-
ât sance; mais si Ton m'en disait du bien, je me
« tenais aussitôt en garde ; je craignais les insi-«'
« Buations; «t si l'on m'en parlait mal, je me
« défiais de la délation et j'avais à me défendre
« du mépris. Ici, mon cher, aucun de ces in-
« convéniens : vous et moi nous sommes déjà de
« l'autre monde ; nous causons aux Champs
(( Élysées. Vous êtes sans intérêts, et moi sana
« défiancé. »
J'étais donc heureux quafid l'occasion se pré-
sentait , et je la saisissais de raconter avec em-
3. 9
438 MÉMORIAL (k^ttû im}
pressemenl. Du reste, rEjXLpereur me devinait
à cet égard et m'e^ tenait ecntipte; cftr à lafin
d'une de mes histoires , me pinçant l'oreille^
il me dit d'an son de yoix qui me ravisait ;
r J^ai trouve dans votre atlas iqii'im Roi du
ce Nord ayant été mure dans un cadiot., tai sol-^
» dat avait demandé et obtenu de s'y enfermer
cr avec lui pour le désennuyer y soit en le &iK
a sont parler, soit;en lui racontant : mou cher ^^
» vous^ voilà ce soldat. » Je lui racmitai àaoo
en ce momeM la mystificsttion qm'oà avait pla*
cée sur le compte de M. de Marbois; -eU» étsûir.
neuve pour l'Empereur.
Un jovLT Asker-kan , disait-on , qtai était ma^^
lade, et ennuyé de sa médecine persanne^ or«
d<mna qu'on fût chercher M. Sourdoi^ , tm
des fameux médecins de Parkj on se tramqpa
et l'on fot ches& M* de Marbois , eK-ministra
du trésor > et alors président de la Cour de»
comptes, «t Son Excellence l'ambassadeur di»
ft Ferse, lui dit ^ on^ est fort malade et désire
« avoir une entrevue avec vous. » M. de Màr^
bois ne voit pas d'abord quels rapport-s il pQut
avoir avec l'ambassadeur de Perse. Toutcifois
c^était l'envoyé d'un grand prince'; et il n'est
(ATrii i8i6) DE SAINTE-HELENE. 430
rien dont la vanité ne s'accomaiode» Il s'j rend
arec pompe^ et il faut conyenir qne son co$tume ,
son maintien^ sa fignre , n^ëlftieiit guère pro|H:es
à détromper Asàer-kan^ qui, dès qu'il l'aperçoit
hi tire la langue, lui tend le bras el lui prë-»
sente Iq pouls. Ces gestes étonnent M. de 3lar«
Loisf mais ce pouvait être un usage de VOrieiitw
E accepte la main et la lui serre; quand quatre
eskafiers entrent ayec solennité , et vont placer»
sous le neiL de monsieur re:s-nuni8tre , un vase
des moîn^ équivoques pour 9sl meilleure infor^
mation sur l'e'tat du malade* A cette vue signi^^
ficative y le grave M. de Marbois se fiche tout
louge , et veut savoir ce qu'on a prétendu.
Tout s'explique , c'est M. Bourdois qu'on a
voulu avoif;^ la seule consonnance des noms a lait
toDite l'erreur; mais voilà pourtant M« de Mar-"
bois la risée de la capitale, et de long^temps il
&e pourra se présenter nulle part sans réveilla
«Ofisitôt en tous lieux une bruyante gaîte.
« Les salons de Psaris sont terribles avec leurs
« quolibets, observait alors l'Empereur; et cela
« parce cpi'il f«at convenir que la plupart sont
< pleins de sel et d'es{»'it« Avec eux on est
<(' toujours battu en brèche^ et il est bien rare
4ttO MEMORIAL (ArriiiSiG)
ce qu'on u'y succombe pas. <— Il est sûr, disais-
ic je , que nous ne respections rien, que nous nous
K attaquions même aux dieux . Rien ne nous était
je sacré, et V. M. suppose bien qu'elle, l'Impéra-
« trice, n'étaient pas épargpiéeSi — Ah! je le
4c crois bien , répondait TEmpereur ; mais n'im-
« porte, racontez toujours. — Eh bien, Sire,
« on.disait qu'un jour V, M. , fort mécontente à
ce la lecture d'une dépêche de Vienne, avait dit
« à l'Impératrice , dans sa colère et sa mau-
« vaise humeur : Votre père est une ganache.
«. Marie-Louise , qui ignorait beaucoup dé ter-
ce mes français , s'adressant au premier courtisan
ic qui lui tomba sous la main .: l'Empereur me
c< dit que mon père est une ganache; que veut
« dire cela? A cette interpellation inattendue,
« le courtisan , dans son embarras , balbutia que
(c cela voulak dire un homme sage ^ de poids ,
K de bon conseil. A quelques jours de là, et
«c la mémoire encore toute fraîche de sa. non-
ce velle acquisition , l'Impératrice présidant le
ce Conseil d'État, et voyant la discussion
<c plus animée qu'elle ne voulait, interpella,
« pour y mettre fin , M. Càmbacérès , qui , à ses
« cotés, bâillait tant soit peu aux corneilles.
(Atrii 1616) DE SAINTE-HÉLÈNE. AU
« — C'est à vous à nous mettre d'accord dans*
« cette occasion importante , lui dit-elle , tous
« serez notre oracle; car je vous tiens pour
« la première, la meilleure ganache de TEm-
« pire, » À ces paroles de mon récit , TEmpereur
riail à s'en tenir les cotes. <c Ah quel domiitage /
te disait-il, que cela ne soit véritable ! Voyiez-.
« vous bien Tensemble du tableau : l'enipe;-
« sure comproniise de Cambacërès^ l'hilarité dje.
« tout, le Conseil, ^t l'émbàrras de la pauvrie
R Marie-Louise épouvantée de tout son succès* v
La conversation avait ^urélong-tfmp$ ainsi,
et peut-être y .avait-il déjà plus de 2 beurqs
que j'étais avec l'Empereur j je m'étais évÉtçtué
à babiller tant et plus pour le distraire, et j'a-
vais réussi. L'Empereur s'était raninié; il avait
ri :quand il me renvoya il était beaucoup mieux,
et moi je partais heureux.
Mardi 3o. î ,., ,
Deuxièine jour de réciusion* -— L'Empereur reçoit le
Gouverneur dans sa chambre*-** Conversation carac-«
téristiqae. ^ •
Je devais ^11^1^ diner avec mon fils à Briars;chez
notre hôte , à notre ancienne demeure* Sur Des â
4 «2 MÉMORIAL (A^ii iB^g)
keureâ et demie )'ai ete prendre les ordres de
riL&iperéur ; il était Gomme hier , et n avait pas
le projet de sortir davantage.
Un mfttajit avant d'arriver à Hut's gâte , chez
M"*® Sartratidi f ai reucoditré Je Gouverneur qui
allait à Longwood. Il m'a demande commenta
portait i'Emperèikr. Je lui ai dit en être inquiet^
qu'il sfavait reçu aucun de nous bieir; qu'il
mWaît dit ce 'matin être bien; mais qu'à son
visage j'eusse préféré qu'il m'eût dit être
iHiCômatoié.
Vers les huit heures et hernie nous nous soin-
mes itiiseu routé pour revenir à Longwood j il
fefeaît très-obscûr. Le temps s'est mis à une
pluie battante , aussi vive, aussi mordante que
la grêle^ Nous avons fait la course la plus désa-
gréable , la plus pénible, la plus dangereuse^ à
chaque instant à la veille de nous précipiter
dans les abîmes, paToe que nous galopions au
hasard sanç rien "voir., Kpus spn^mes arrivés
traittpwcés.
L'Empereur ^vait donné Tordre dé m'intro-
duire clicz lui à mon retour. Il était Jbien ; mai^
il n'était pas sorti plus que la veilbi) ot n'avsult
(A«ii 18^6) DE SAINTE-HÉLÈNE. ^U
f^ reçu dWantage. Il m'attendait, a-t-il dit,
et ayait beaucoup de choses à me r^.coutçr.
Ayant appris que le Gouverneur était yenu^
il rayait adiais dans sa chambre, bien qu'il ne
fut pas habillé, et se trouvât obligé xle garda-
9oa canapé. Il avait parcouru, vis-à-vis de lui,
dsms Iç calme le plus parfait , disait-il , tous les
points qui pouvaient $e présenter naturellement
À l'esprit, n a parlé de protester contre le traite
dp 2 août^ où les monarques alliés le déclarent
proscrit et prisonnier. Il demandait .quel était
le droit de ces souvertiins de disposer de lui
aaus m participation , lui qui ^it leur égal , et
trait 4tS parfois leur maître.
S'il avait voulu se retirer en Russie , disait-<-
il, AJkxwdre, qui s'était dit son ami, qui n'a^
ffttt eu avec lui que des querelles politiques ^
s'il ne l'eût pas maintenu Hoi , l'eût du moins
traité comme tel. Le Gouverneur n'en discon*
venait pas. .
S'il eût voulu, continuait^l, «e réfugier en
AiXLtxkhd, rSempereur François, sous peine de
ilétris8iijréet4'imiaoralhe, ne pouvait lui iater^
dire, naur-fiteulenxent son «mpire, maisi même
^ miiisaa, sa fonùlle, dont lai Napoléon était
A Hk MÉMORIAL ( Avril 1816)
meml>rè. Le Gouverheur en coâ venait encore.
« Enfin , si comptant mes intérêts personnels
.«'pour quelque chose, lui avait-il dit, je me
rc fusse obstiné à les défendre en France les
le armes à la main, nul doute que les alliés ne
« m'eui^ent accordé par traité une foule d'avan*
« tages,; peut-être même du territoire. » Le
Gouverneur, qui était demeura long- temps sur
lès lieux, est convenu positivement qu'il eût
obtenu sans peine quelque grand établissenàent
souverain.
^ Je ne l'ai pas voulu, avait poursuivi TEm^
« pereur, je me (suis décidé à quitter les affatiires,
ff indigné de voir |es meneurs de la France la
ce trahir , on se méprendre grossièrement sur ses
A plus chers intérêts ; indigné de voir que Jk
^ masse des rëprésentans pouvait; plutôt que
ô de périr, transiger avec cette indépendstnce
9t sacrée, qui , non moins que l'honneur , est
« aussi une de escarpée et sans bords. Dans
« cet état de choses, à quoi me suis- je décidé?
« quel parti ai-je;pris? J'ai été chercher- un
« asilie dans un pays auquel on croyait des lois ,
« chex un peuple dont pendant viugt ans j'avais
« été le plus grand ennemi. Vous autres, qu'a-.
( Arrii i8i6 ) DE SAINTE-HELENE. 1 )^5
«. vez-vous fait?.... Vos actes ne vous hbnoire-
« roQt pas dans: l'histoire ! Et - toUlefois il est
«une Providence yengeresse j ;tôt. ou tard vous
« en porterez la peine ! Un long temps nç s'ë^
«coulera pas que votre prospérité', vos, lois
« n'exjpient cet attentat!.... Vos ministres , par
«: leurs instructions , ont assez prouve qu'ils
« voulaient se défaire de moi ! Pourquoi les
ft Rois qui m'ont proscrit n'ont-ils pas ose or-
tt dphner ouvertement ma mort ! L^un eût été
«aussi légal que l'autre! Une fin prompte eût
« montré plus 4*énergie de leur part que la
« mort lente â laquelle ob me condamne. Les
« Galabrëi^ ont été bien plus buîÈnains^ plus
« généreux que les souverains ^^N##iaistres I
a Je ne me donnerai pas isiàxiiti |^«^^sô que
«ce serait une liucheUÊÊ^
«^geux de snrmdnt^#nïfarttme! iChacua ici
, «bas eiBt tenu Â' reniât, son destin; mais si l'on
^ compte me tenir ici:, votas me la devez comme
« un bien&it j car ma demeure ici estunèimort
« de dbisrque jourt L'île est trop petite pour
« moi, qui cliaque: jour faisais dixVquinze, vingt
«lieues â cheval. Le climat u'estpas le nôtarej
^ ce n'est ni notre soleil ni nos saisons ! Tout ici
^
I»6 MÉMORIAL (ATrii.sie)
<c respire un 6iumi mortel ! la position est désa-
« grëable, insalubre, il ny a point <feau; et
« coin de l'île est disert» il a repoussé ses habi-
te tans 1 »
Le Gouverneur ayant alors observé que ses
instructions ordonnaient ces limites resserrées,
qu'elles commandaient même qu'un offîcier le
suivrait en tout temps.
« Si elles eussent été observées ainsi, je ne
€c serais jamais sorti de ma phambre j et si les
« vôtres ne ppuvent point accorder plus d'é-
« tendue^ vous ne pouvex désoriiiais rieu pour
« nous. Du rest^ je nedemande ni ne veux rien.
fc Tranficaettez me& MUtimens à votre Gouverr
« nement. "»
Il est échappé au Gouverneur de dire : Yoîlà
ce qpie c'est que de donner des instructions de
si loija, et sur une p^sonne que Ton ne cour-
sait pas. Il s'est Teje&é sur ce qu'à l'arrivée de
la maison Qu dû palais dei)oisqui est en route,
rat pourrait prendre peut-être de meiUeiircis
mesures.; que le vaisseau qui arrivait portait un
grand nombre de meubles , des comestibles
qu'011 supposait liiiétive agrâibles^ que le Oou*
(Afrij %m^ DE SÂINTE-HEIuËNE. 4*7
veniem^t faisait tous ses efforts pour adoucir
^ situation.
L'Ëmperew a répondu que tous ces efforts
se réduisaient à bien peu de choses : qu'il avait
prie, qu'on Tabônnât .au Moming Chronicle et
9a Statesman pour lire la question sous les
expressions les moins désagréables; on n'en
avait rien Êiit : il avait demandé des livi^s, sa
seule consolation ; neuf mois étaient écoulés ,
il ne 1^ avait point reçus : il avait demandé des
liourvelles de son fils , de sa femme , on était
demeuré sans répondre.
« Quant aux comestibles , aux meubles ,
<f au logement, avait-il continué, vous et moi
^ sommes soldats, Monsieur; nous apprécions
* ces choses ce qu'elles vallent. Vous avez été
« dans ina ville natale , dans ma maison peût-
« être ; sans être la dernière de l*île , sans que
* j'aie à en rougir , vous avez vu toutefois le
* peu qu'elle était. Eh bien! pour avoir pos-
« sédé un trône et distribué des couronnes,
« je n'ai point oublié ma condition première :
« mon canapé , mon lit -de campagne , que
« voilà, me suffisent. »
Le Gouverneur a observé que ce palais de
4»» MÉMORIAL (Avril ,8ié)
bois et tout ce qui l'accompagne était du moins
une attention.
a 4
(c Poijtr vous satisfaire peut^-êtfe au!!C yeux
«de TEurppe, a repris FEiripereur} mais à
(c moi , il sont tout à fait indiffërens et ëtràn-
« ger$, Cen'e^t point une maison, ce ne sont
a point des meubles qu'il fallait m*envoyer;
« mais bien plutôt un bourreau et un linceul!
4€ Les uns me semblent une . ironie , les autres
<t me seraient une faveur. Je le repète, les ins-
« tractions de vos ministres y conduisent, et
«< moi je le reclame. L'Amiral , qui n'est point
« un méchant homme , me semble à présent
«c les avoir adoucies. Je ne me plains point de
ce ses actes ; ses formes seules m'ont choque'. »
Ici le Gouverneur a demande si , dans son igno-
rance, il n'avait pas lui-même comniis quelques
fautes, ce Non, Monsieur, nous ne nous plai-
ce gnons de rieu d;epuis votre arrivée. Toutefois
ce un acte nous a blesses : c'est votre inspection
ce de nos dome^ticpies , en ce qu'elle e'tait inju-
ce rieuse à M. de Montholon , dont c'était suspec-
, ce ter la bonne foij [petite , pénible , offensante
ce envers moi , et peut-être aussi envers un gé-
cc néral anglais lui-même, qui venait mettre
(ATtUiÇiÇ) DE SAINTE-kJH.ENE. Ah%
« le doigt entré moi et mon valet de chambre. »
Le .Gouverneur était assis dans un fauteuil
en travers de l'Empereur , demeuré étendu sur
son canapé. Il faisait sombre , le soir était venu ,
on ne se distinguait plus bien. « Aussi y obser*
« vait . l'Empereur , est-ce inutilement que j'ai
« cherché à étudier le jeu de sa figure et à con-
« naître l'impression que jejpouvais causer en
« ce moment.
Dans le coujrs de la conversation , l'Empe-
reur, qui avait lu le matin la campagne de
iSihy par Alphpnse de Beauchamp, dans la
qu'elle tous les bulletins anglais sont signés
Lotê^e, a demandé au Gouverneur si c'était lui.
Cehii-ci s'est hâté de répondre et avec un em-
barras marqué^ qu'ils étaient de lui, et que cela
avait été sa manière de voir.
En se retirant, sir Hudson Lowe , qui dans le
cours de la conversation , avait plusieurs fois
offert à l'Empereur son médecin, qu'il disait
très-habile , lui a réitéré 'de la porte la prière
de trouver bon qn'il le lui envoyât : mais l'Em-
pereur le devinait et l'a constamment refusé.
Après ce récit, l'Empereur a gardé le silence
quelques minutes , puis il a repris , comme
450 MËMORIAL ( AttU iSiS)
par suite de reflexions : « Quelle ignoble et sinii-
«r tre fignre que celle de ce Gouyerneur ! Dans
a ma vie je ne rencontrai jamais rien de pa*
fc reil Ir*. C'est à ne pas boire sa tasse de café,
« si on avait laissé un tel homme un instant senl
n auprès!-... Mon cher, on pourrait m'ayoir
M envoyé pis qu'un geôlier III »
N. B. Nous allons placer ici trois autres
chapitres des campagnes d^'Italie,
Le premier montre une campagne de 26
jours, pleine des pîus grands événemens, et
couronnée par la Bataille de Castiglîone^ dont
il porté le titre.
Le second et le troisième , sous les titres
â^Arcole et de BwoU^ sont une suite de nou-
veaux prodiges.
BATAILLE DE CASTIGLIONE.
Depnîs l'inyaslon de Wtirmserf le 29 (oillet 1796,
jusqu'au reblocns de Mantone, le 24 aoûtsaWant,
espace' de 26 jours. ( J^cyez la Carte, )
I. Le maréchal Wurmser quitte le com*
mandement de î armée d^ Allemagne y et prend
h commandement de V armée autrichienne
m Italie. — L'armée d'Italie avait ouvert I^
campagne au mois d'avril. On était en juin,
et les années du Nord, du Rhin, et Sambre-r
et-Meuse 9 étaient encore inactives. Ces grandes
et belles armées, de plus de 2Q0 mille hommes,
faisant les principales forces de la républi^
que , tenaient tranquillement garnison en Hol-
lande, sur Meuse et Rhin, et dans l'Alsace.
Lorsqu'on apprit l'arrivée des Français sur
TAdige et le blocus de Mantone^ la cour
d'Autriche renonça à l'offensive qu'elle avait
projetée en Alsace et sur le Bas-Rhin , et
ordonna su maréchal WuxmsejT 9 qui avait été
destiné à cette opération 9 de reuenir en toute
hâte diriger les affaires d'Italie 9 et d'jr amener
30 mille hommes de ses meilleures troupes ;
4 52 MÉMORIAL
qui, jointes aux renforts envoyés de toute
la monarchie, devaient lui composer une ar-
mée Ae près de 400 mille hommes.
' L'armée 'française d'Italie avait rempli sa
tâche en détruisant l'armée qui lui était
opposée. Si les armées du Nord en eussent
fait autant, la grande lutte eût été terminée.
Cependant le bruit des préparatifs de Ja
ïnaison d'Autriche retentissait dans toute l'Ita-
lie. Toutes les nouvelles confidentielles des
ag«ns diplomatiques, toutes les lettres des
ennemis de la France étaient pleines de dé-
tails sur l'immensité des moyens qu'on allait
déployer , sur la certitude que V empereur
à* Allemagne , avant la fin d'août, serait maître
de Milan, et aurait chassé les Français de
l'Italie.
II. Situation de Vatmée d^Italie. -^ Dès
la fin de juin le général français suivait
attentivement tous ces préparatifs , et en con-
cevait de vives alarmes. Il faisait sentir au
Directoire qu*il était impossible que 30 mille
Français pussent soutenir seuls l'effort de
toute la puissance autrichienne. Il demandait
qu'on lui envoyât des renforts des armées
DE SAINTE-HÉLÈNE. ^ 53
du Rhin ; ou bien que ces mêmes années éh-
trassent en campagne sans délaL II rappe*
lait la promesse positire qu'on lui ayait
donnée à son départ de Paris, qu'elles com-
menceraient à opérer le 45 avril; il se plai-
gnait que 2 mois se fussent écoules sans
qu'elles eussent bougé.
Wurmser quitta lé Rhin, avec ses renforts,
vers le commencement de juin; et vers la fin
du même mois, les armées du Rhin^ et Sam^
bre-et- Meuse ouvrirent enfin la campagne.
Mais alors leur diversion n'était plus utile à
l'armée d'Italie : Wurmser y était déjà arrivé.
Le général français réunit toutes ses forces
sur r Adige , et sur la Chiesa ; il ne laissa per-
sonne dans les Légations , ni en Toscane, si
ce n'est un bataillon de dépôt dans la cita-
delle de Ferrare et 2 à Livourne. Il affai-
blit, autant que possible, les garnisons de Coni ,
Tortone et Alexandrie; il rassembla sous sa
main tous les moyens disponibles dé l'armée.
Le siège de Mantoue commençait à donner
des malades; et quelque soin que Ton eût
porté à mettre le moins de monde possible
3. >I0
^m MÉMORIAL
defànt dette place malsaine, nos pertes iicf
laissaient pas d être considérables.
Le général en chef me, put reunir en li-
gne que 30 mille hommes présens sous les
armes. C'est avec cette armée qu'il allait
avoir à lutter contre la principale armée de
la maison d'Autriche.
La correspondance des divers pays de l'I-
talie étant très-active avec le Tyrol , où se
réunissaient toutes ces forces ennemies, on
pouvait s'apercevoir chaque jour de Tin-
fluence funeste de .ces grands préparatifs sur
les esprits- . Les partisans des Français trem-
Llaient j ceux de l'Autriche, au contraire ,
9
étaient fiers et menaçans. Mais tous s'éton-
naierit qu une puissance comme là France ,
laissât une armée, qui avait si bien mérité
d'elle , saiis secours et sans appui. Ces ob-^
sèrvations pénétraieilt jusqu'aux soldats mêmes ,
par leur habituelle communication avec les
hâbitans du pays.
A la fin de juillet, le général Soret avait
son quartier-général à Salo : il était chargé
de couvrir -le débouché de la Chiésa, où passe
une grande route qui communique de Trente
\
I
DE SAINTE-HÉLÈNE. 465
â Brescia. Massëna était à Bossolengo , faisant
occuper la Corona et Montebaldo par la bri--
gade Joubert, et campait, avec le reste de
sa division, survie plateau de Rivoli. La bri-
gade de Dallemagne était postée à Vérone j
la division d'Augereau occupait Porto-Lé^-
nago et le bas Adige. Le général Guillaume
commandait à Peschiera> où 6 galères, sous
les ordres du capitaine de vaisseau Lalle-
mând, assuraient le lac de Guarda. Enfin
Serrurier pressait lé siège de Mantoue. Kil-,
maine commandait la cavalerie de l'armée.
in. Flan de campagne de TVurmser. — .
Wurmser pouvait passer la Brenta , débou*
cher, par Vicence etPadoue, sur l' Adige. Par-
là il évitait les niontagnes; mais il se trouvait
séparé de Mantoue par T Adige, et obligé de la
passer de vive force devant l'armée française •
ou bien il pouvait de'boucher entre T Adige et
le lac de Guarda 5 s'emparer de Montebaldo ,
du plateau de Rivoli, faire vqnir son artillerie
et ses bagages par la chaussée qui suit la rive
gauche de l'Adige. Son armée se trouvait alors
avoir franchi les montagnes et T Adige, et n'a-
voir plus d'obstacle pour arriver jusqu'à Man-
I
V
>I 56 MÉMORIAL
tôue. Mais son artillerie et sa cavalerie ne pou-
vaient se joindre à son infanterie qu'après la
prise du plateau de Rivoli. Il pouvait donc se
trouver attaque, et obligé de livrer une bataille
déciBwe avant d'être joint par son artillerie et
sa cavalerie.
Cependant, il n6 tint pas compte de cet in-
convénient , et adopta ce dernier parti. Wurm-
ser y instruit de la prise du camp retranché
de Mantouc ,et des dangers de la place , préci-
pita son mouvement de 8 à 40 jours. Il divi-
sait son armée en trois corps : Le premier
et le plus considérable formant son centre , dé-
boucha par Montebaldo et s'empara de tout le
pays entre l'Adîge et le lac de Guarda > il était
composé de JJ- divisions formant WO mille hom-
mes. Le second formant sa gauche , composé
d'uiie division d'infanterie de 4 ou 4 2 mille
hommes avec toute Tartillerie, la cavalerie et,
les bagages ^ suivit laj chaussée qui de Rove-
redo conduit à Vérone , le long de la rive
gauche de TÀdige , et devait se réunir à l'ar-.
mée en passant l'Adige , soit au plateau de.
Rivoli, soit sur les ponts à Vérone. Le troi-
sième , formant sa droite , fort de 3 divisions y
\
DE ' SAINTE-HÉLÈNE. A 57
formant 30 à 35 mille hommes, se dirigea sur
la rive gauche du lac de Guarda , suivit le
deT)Ouché de la Chiesa > en côtoyant le lac
d'Idro ; par cette marche , ce corps avait tourne'
le Mincio, coupait une desgrandesroutes.de
Tarmee française à Milan , et tournait tout
le siège de Mantoue. Ce plan e'tait , de la part
de Tennemi, le résultat d'une extrême confiance
dans ses forces et dans ses succès. Il comptait
tellement sur notre défaite , qu'il s'occupait
déjà de nous couper toute retraite. Ainsi Wurm-
ser, tsn perspective , cernait d'avance l'ar-
mée française : la croyant enchaînée à la néces»-
sité de défendre le siège de Mantoue , il pensait
que cerner ce point fixe, c'était cerner l'armée
française, qu'il en regardait comme inséparable.
IV. VFurmser débouche par Montebaldo,^
par la chaussée de Rot^eredo à Vérone, et
parcelle delà Chiesa ^ 29 Juillet* — A la&i
de juillet , le quartier-général de l'armée fran-
çaise fut transporté à Brescia. Le 28, à 1 heures
du soix , le général français partit de Brescia
pour visiter ses avants-postes. Arrivé le 29 à
la pointe du jour à Peschiera , y il apprit que la
Corona et Montebaldo étaient attaqués par
498 MÉMORIAL
des forces considérables. Il arriva à 8 heures.
du matin à Vérone. A 2 heures après midi les
ttoupes légères de Tennemi se montrèrent sûr
le sommet des montagnes ({ui séparent Vérone
du Tyrol, et s'engagèrent avec nos troupes.
Le général en chef rétrograda toute la soirée^
et porta le quartier-général à Castelnovo entre
TAdige et le Mincio. Il était là plus à portée
de recevoir les rapports de toute la ligne.
' Dans le courant de la nuit , il apprit que
Jt)uher.t, attaqué k la Corona par toute une ar-
mée, avait résisté tout le joi^rj mais qu'il venait
de se r.eplier sur le plateau de Rivoli, que Mas-
séna occupait en grande force ; que des lignes
nombreuses de feu couvraient toutes les monta-
gnes entre le. lac de Guarda et FAdige ; que,
sur les hauteurs de Vérone, les feux indi-
quaient qu'à la fin du jour les troupes enne-
mies s'y étaient augmentées; que du côté de
Montebello , Viçence , Bassano , Lignano , il n'y
avait ni mouvemens, ni ennepiis; mais que du
côté de Brescia, 3 divisions ennemies avaient
débouché par la vallée de la Chiesa. Une cou-
vrait les hauteurs de Sainte Osetto , semblaqt
se diriger si^r Bresci^ ; l'autre avait pris posi-
r
DE SAINTE^HÉLÈNÉ; 459
tion à Gavardo , et paraissait se porter sur
Ponte-Marco et Lonato^ la troisième avait
pris sur Salo, qù Ton se battait drfjà. »
Un peu plus tard, il fut instruit que la di-
vision ennemie de Saint - Osetto avait de'jà
envoyé' son avant-garde à Brescia , où elle n'a-
vait trouve' aucune résistance, puisqu'on n'y
avait laissé que 300 convalescens pour la garde
des hôpitaux. Ainsi la communication de l'ar*
nfe'e avec Milan, par Brescia , se trouvant inter-
cepte'e , on ne pouvait plus correspondre avec
cette ville que par Cre'mone.
Des. coureurs ennemis se faisaient de'jà voir
sur toutes les routes, qui de Brescia vont sur
Milan, Cre'mone et Mantoue, annonçant par-
tout qu'une arme'e de 80 mille hommes avait
débouche' par Brescia, en même temps qu'une
autre, de 100 mille, de'bouchait par Vérone.
Il apprit aussi que la division ennemie diri-
gée sur Salo, en était venue aux mains avec
Soret; et que celui-ci, ayant eu connaissance
des deux autres divisions qui se portaient sur
Brescia et sur Lonato, avait craint de se trou-
ver couperet de Brescia et de l'armée, et avait
jugé à propos de se replier sur les hauteiirs;
460 MÉMORIAL ,
de Dezenzano, à fin de conserver ses commuui-
cations; qu'il avait, laissé] le général Guieux à
àalo j avec 4&00 hommes dans un antic^e
château , espèce de forteresse à Tabri d'un coup
de main;. que la division çnnemie • de Gavardo
avait envoyé quelques coureurs sur Ponte-
Saint-Marco ; mjàis qu'ils y aidaient été conte-
nus par une compagnie de chasseurs qui s'y
trouvait.
V. Grande et prompte résolution que prend
le général français'. Combat de S ah. Combat
de LonatOj Si juillet. -^ Des ce moment le
plan d'attaque de Wurmser se trouvait dévoilé.
Seule contre toutes ces forces, l'armée française
né pouvait rien : on n'^'tait pas un contre trois.
Mais , seule contre chacun des corps ennemis, il
y avait égalité.
I-iC général français prit son parti sur-le-
champ. L'ennemi avait pris l'initiative^ qu'il
espérait conserver j le général français, résolut
de déconcerter ses projets, en prenant lui-même
cette initiative. Wurmser supposait l'armée
française fixée à la position de Mantoue. Napo-
jléoii décida aussitôt de la rendre mobile, en le-*
vaut le siège de cette place» sacrifiant son équi»
DE SAINTE-HÉLÈNE. 464
pag€ de siège, et se portant rapidement, avec
toutes les forces îeunies de l'armée, sur un des
corps de Farmëe ennemie, pour revenir succes-
sivement contre les autres corps. La droite de
l'armée autrichienne , qui avait débouché par
la diaussée de la Chiesa et Brescia, étant la
plus engagée , il marcha d'abord sur elle.
Serrurier brûla Sâs affûts et ^es plates-for-
mes^ jeta ses poudres à l'eau, enterra ses pro-
jectiles, encloua ses pièces, et leva le siège de
Mantoue dans la nuit du 34 juillet au pre-
mier août.
Augereau se porta de Legnago sur le Mincio
à Borghetto. Masséna défendit, toute la journée
du 30 , les hauteurs entre T Adige et le lac de
Guarda. Dallemagne se dirigea sur Lonato.
Le général en chef se rendit sur les hau-
teurs en arrière de Dezenzano. Il fit remarcher
Soret sur Salo, pour dégager le général Guieux ,
qui se trouvait compromis dans la mauvaise
position où il l'avait laissé. Cependant ce géné-
ral s'était battu Jf8 heures contre toute une
division ennemie^ cinq fois on lui avait livré
l'assaut , et cinq fois il avait couvert les avenues
de cadavres. Soret arriva au moment même où
n
A et MÉMORIAL
l'ennemi tentait un dernier effort : il tomba sur
3es flancs, le défit entièrement , lui prit des dra-
peaux ; et dégagea. Guieux.
Dan$ le même moment la division autri<r
chienne de Gavardo s'e'tait portée sur Lonato,
pour prendre position sur les hauteurs^ et
tâcher d'ope'rer sa jonction avec Wurmser sur
le Mincio. I^e gene'ral en chef mena lui-même
la brigade de Dallemagne contre cette division.
Celte brigade fit des prodiges de valeur j la
32^ en faisait partie. L'ennemi fut battu , mis
<Bn de'route et éprouva une grande perte.
Ces deux divisions ennemies , battues par
Soret et Dallemagne, se rallièrent à Gavardo.
Soret craignit de se compromettre^ et revint
prendre une position interme'diaire entre Sale
et Dezenzano,
Pendant ce temps Wurmser avait fait passer
sur les ponts de Vérone son artillerie et sa
cavalerie. Maître de tout le pays entre l'Adige
et le lac de Guarda, il plaçait une de ses divi-
sions sur les hauteurs de Peschiera, pour mas-
quer cette place et garder ses communications.
11 en dirigeait deux autres, avec une partie .de
Sfi cavalerie, sur Borghetto, pour s'emparer dw
DE SAINTE-HÉLÈNE. ^63
pont sur le Miucio , et de'boucher sur la Cliiesa ,
afin de se mettre en communication avec sa
droite. Enfin avec ses deux dernières divisions;
d'infanterie, et le reste de sa cavalerie , il mar-r
chait sur Mantoue , pour faire lever le siège de
cette place.
Depuis 2tt heures les troupes françaises
avaient tout évacué de datant Manioue: JVurmi
ser y trouva les tranche'es et les batteries encore
entières , les pièces renverse'es et encloue^es , et
partout des de'bris d'affûts , de plates-formes et
de munitions de toute espèce. La pre'cipitation
qui sepablait avoir pre'side' à ces mesures, dût le
réjouir agréablement; tout ce qu'il voyait au-
tour de lui semblait bien plus le re'sultat de
l'épouvante cjue les suites d'un plan calcule'.
Ma3sëua, après avoir contenu l'ennemi toute
lajourne'e du 30, passa, dans la nuit, leMincio
aPeschiera, et continua sur Brescia. La division
autrichienjie ^ui se présenta devant Pescliiera
trouva la rive droite du Mincio garnie de tirail-
leurs, fournis par la garnison et par une ar-
P^re-garde laissée par Massena , laquelle avait
ordre de disputer le passage du Mincio^ et
46W MÉMORIAL
lorsqu'il serait forcé de se concentrer sur La-
nato.
En se dirigeant sur Brescîa , Augereau avait
passé le Mincio à Borghetto. Il avait coupé le
pont et laissé aussi une arrière-garde pour bor-
der la rivière, avec ordre de se concentrer à
Castiglione lorsqu'elle serait forcée.
Toute la nuit du 34 juillet au 4®' août, le
général en c/t^marcha avec les dwisions Au-
gereau et Masséna sur Brescia , où on arriva à
40 heures du matin. La division ennemie de
Brescia, instruite que toute l'armée française
débouchait sur elle par toutes les routes, n'eut
garde d'attendre, et se retira en toute hâte. Les
Autrichiens en entrant dans Brescia y avaient
trouvé tous nos malades et nos convalescens j
mais ils y restèrent si peu et furent contraints
d'en sortir si précipitamment, qu'ils n'eurent
pas le temps de reconnaître leurs prisonniers,
ni d'en disposer.
Le général Lespinoîs et V adjudant - géné-
ral Herbin , chacun avec quelques bataillons ,
furent mis à la poursuite des ennemis sur Saint-
Osetto et les débouchés de la Chiesa.
Les deux divisions Augereau et Masséna
DE SAINTE-HÉLÈNE, 4 65
retournèrent^ par une contre-marclxe rapide ,
du côte' du Mincio , d'où elles étaient parties ,
pour soutenir leur arrière-garde.
VI. Bataille de Lonato, 3 août. — Le 2 août »
Augereau, formant la droite, occupait Monte-
chiaro; Massena , formant le centre , était campe
à Ponte-Marco, se liant avec Soret, qui, formant
la gauche , occupait une hauteur entre Salo et
Dezenzano , disant face en arrière pour contenir
toute la droite de l'ennemi*
Cependant ^es arrières-gardes qu'Augereau
et Massëna avaient laissées sur le Mincio s'é-
taient retirées devant les divisions ennemies, qui
avaient passe celte rivière. Celle d'Augereau ,
qui avait ordre de se réunir à Castiglione,
({uitta ce poste avant le temps, et revint en
désordre joindre son corps.
Napoléon, mécontent du général Valette, qui
la commandait, le destitua devant les troupes,
pour n'avoir pas montré plus de fermeté dans
cette occasion. Quant au général Pigeon, chargé
de Tarrière-garde de Masséna, il vint en bon
ordre sur Loiiato, qui lui avait été indiqué, et
s y établit.
L'ennemi ^ profitant de la faute du général
^66 ÎVIÉMORÎAI.
Valette, s'eiiipara de Gastiglione, le 2 même^'
et s'y retrancha.^
Le 3 , eut lieii la bataille de Lonato : elle fût
donnée par les deux divisions de Wurmser,
venues de Borghetto , et par une des brigades de
là division demeurée sur Pescliiera, ce qui, avec
la cavalerie, pouvait composer 30 mille tommes*
Les Français en avaient 20 à 23 mille , aussi le
succès ne fut pas douteux. Wurmser, avec les
deux divisions d'infanterie et la cavalerie qu'il
av^it conduite à Mantpue, ne purent s'y trouver.
, A l'aube du jour l'ennemi se porta sur Lïh-
nato, qu'il attaqua vivement ; c'est par là qu'il
prétendait faire sa jonction avec sa droite , sur
laquelle du reste il commençait à Concevoir des
inquiétudesi L'avant-garde de Masséna fut cul-
butée j l'ennemi prit Lonato. he général eït
chef, qui était à Pohte-^Marco , marcha lui-même
pour reprendre Lonato. Le général autrichien ,
s'étant trop étendu, toujours dans l'intention
de gagner sur la droite , afin d'ouvrir ses com-
munications avec Salo , fut enfoncé , Lonato
repris aii pas de charge, et la ligne ennemie
coupée. Une partie se replia sur le Mincio,
l'autre se jeta sur Salo j mais elle rencontra le
DE SAINTE-HI^LÈNE. 4 6f
général Soret en front, et avait le général Saint-
Hilaire en queue.
Tournée de tout côté, elle fut obligée de
mettre bas les armes. Si nous fûmes attaqués au
centre , ce fut nous qui attaquâmes à la droite.
Au jour , Augereau abordai l'ennemi , qui cou-
vrait Gastiglione, et l'enfonça , après un combat
opiniâtre, où la valeur des troupes suppléa au
nombre, L'ennenii éprouva beaucoup de mal,
perdit Castigliône, et se retira sur Mantoue,
d'où lui arrivèrent les premiers renforts j mais
seulement quand la journée était déjà finies'
Nous perdîmes beaucoup de braves dans cette
affaire opiniâtre j Farmée regretta particulière-
ment le général Beyrand et le colonel Pourail-
1er, officiers très-distingués,
VII. Reddition des 5 divisions de droite
de V ennemi , et dune partie de son centre^
•^Les trois divisions de droite de l'armée
ennemie eurçnt nouvelle dans la nuit de la
Iwitàille de Lonato^ elles en entendaient le
canon -: leur découragement devint extrême*
Leur jonction avec le corps principal de Far-
niée devenait impossible. Elles avaient vu
bailleurs sujt elles plusieurs dit^isions fran-
>1 68 MÉMORIAL
çaises , et les croyaient toujours manœuvrant
contre elles. Uarmée française leur sem-^
blait innombrable, ils la voyaient partout.
Wurmser avait, de MantQue, dirigé une
partie de ses troupes vers Marcaria , pour pour-
suivre Serrurier. Il lui fallut perdre du temps
pour faire revenir ces troupes sur CasU*
glione. Le % il ne se trouvait pas en mesure.
Il employa toute la journée à rassembler ses
corps, à réorganiser ce qui avait combattu à
Lonato, et à réapprovisionner son artillerie.
Quand le général français ^ sur les t ou
3 heures après-midi, vint observer sa ligne
de bataille , il la trouva formidable j elle
présentait encore îiO .mille combattans. Il or^
donna qu'on se retranchât à Castiglione,~ et
partit lui-même pour Lonato, afin de veiller
en personne au mouvement de ses troupes,
qu'il devenait de la plus haute importance
de rassembler, dans la nuit, autour de Cas-
tiglione. Toute la journée, Soret et Herbin
d'un côté, DaiUemague et St.-Hilaire de Tau-
tre, avaient marché à la suite des trois di-
visions ennemies de la droite, et de celles
coupées du centre à la journée de Lonato^
DE SAINTE-HÉLÊNÉ. 409
les araieat jkwlrsamés sah» r relâché , \fat-
not des prisoimtero à ehafoe pa»* Des ba*
taillons entiers ayaient pos^ les armes à Saiat-^
Osetto, d'autres à Gavardoy, d'autres enfin
enaient incertains xbns l«s valle'es voiânes.
» ou 8 miUe àé ceut-ci «<mt instruits par
d«s pajsaais qu'il n'y ayait.^Q 4200 Finan-
çais daos Lonato; ils j. maff«^eiât dans J'esr
poir de s'ouvrir un chemin vers lej Mincio^
«était » heure» ipre!J.roidâj Nfïpolifon j èn^
trait de son côte', Tenant de Caétiglione, On
lui annonce un pàrleinient^re, il apprend eu;
«ïênie temps q[à'on prend les armes, que des Co-
lonnes ennetiiies débottchent pa? Pdnte-Sainî-
îfarco qu'elles veulent entrer dans Lonatoi^j
font sommer cette ville de se rendre.
Cependant noos étiofis thi^BùT»- maîtres de
Silovet de Gav^rdbf dèSrlors il devenait eVi-
<I«at que ce ne pouvait être que des coloairies
P»dtiés\ ^I «Bew^aient A se- frayer un pas-l
«ge. Napole'on fit mcmter à cheval son notfir
1»«Q* e'tat>'nugbr i il se fit amener l'officié»:
parlementaire * et lui fait débander les yeux
»<» milieu dô tout lé moiiv^naent d^un grand
luaitier-général. « Allez dire a votre général,
3. 44
470 MÉMORIAL
« lui dit-il , queP je lui donné 8 minutes pour
ce poser les armes. Il se trouye an milieu
« de V armée française ; passe ce temps il n^aor
« rait rien à espérer. » •
Harassés depuis 3 jours , errabs , incertains }
ne sachant plus que devenir, persuadés qu'ils
avaient été trompés par. les paysans, ces ft
ou 6 mille hommes posèrent les armes. Ce
seul trait peut donner une idée du d&ordie
et de la confusion de ces divisions autrichiennes »
qui , battues à Salo ^ àLonato à Gavardo , poor^
suivies dans toutes lés-directions, étaient désor-
mais à peu- près fondues. Tout le reste du II et
la nuit entière se passèrent a rallier la tota*
lité des colonnes et à les conceiitrer sur
Castiglione.
VIII. BatcdOç de Castiglione , 5 août. ^
*
Le 5 avant le jour , V armée française toute
réunie^ forte de 25 mille hommes y compris
la division Serruriei:, occupa les hauteurs de
CastigUonCy excellente position. Le général
Serrurier avec la division du siège de Mautoue,
avait reçu Pordre de|iharcher toute la nuit, et de
tomber au jour sur les derrières dé la gauche
de Wurmser : son attaque/devait.être le signal
I
DE SABNTE-HÉLENE. «74
de h bataille. Q/i atte^nd^itun .grand .succès
moral de cette attaque inopine'eî; eti, pour la
rendre plus sensibloj, l!arn^e /rariçaisfijiignit
de reculer. r î-. ;
Aussitôt qu'on entendit les preiniers couple
du corps de Serrurier j qui ^ étà^% xnajt^de ^ ^^rait
cte' remplace par le général Fiorella ,. du mar^
tha viy;ement à.rennenxi , ^t Vqxji toDoJbaj au? de«
geb^ déjà elxranl^s dans, leur confiance , iflf
n* ayant plies leur premièie ardeur^ Ua inàiMt-
Ion , au milieu de la plaine y fonaait im fort
appui pour la gattcfaiejeiinemie4iUadjudant^gë4>
méral Verdier fut chargé- de Fattaquerj l-aidé-
de-camp du gériénd en chef' llarïnant s'y
dirigea! avec 20' pièces d'artiltelrie i le po^teCtit
enlevé'. Massena attaqua la droite, Augcireau'fe
centre, Fiorella prit la gauche à iSéversV pir*-
tout on fut victorieux / réhncttiî fut iûAs daiiS
Une déroule completlë. L'éicessivè fatigue dei
troupes françaises put seule sauver les detris
de Wunnser : ils fuyyent en désordre au-delà
du Mincio, ou Wûrmser espérait se maintenir î*
il y eût trouvé Tava^îtage de rester en- comnui-^
nicatioB avec Ms^toue. Mais la division Aucc-
I
472 MÉMORIAL
gMTMU se .dirigea sur Borghetto , celle de Mas-
nioA sot P^Bchiera,
I^e gérerai Ouillanme, commandant de cette
dernière placé , cpi y avait été laissé arec kOO
hommes ^euleinent , en avait muré les portes
pour s'y mieux défendre. Il eût fallu US heures
pour les désencombrer* Les soldats durent
«auter par -- dessus les remparts pour aller à
rennemi. Les troupes autrichiennes qui hlo->
•;<|uaient Pèschiera étaient fraîches. EUçs soutin-
l'eut long** temps le combat contre la 48* de
ligne. Elles furent enfin enfoncées , perdireBt
48 pièces de c9BÔh> et beaucoup de prisonniers.
/ h^ igé9éral éini^ef Qfis^rcha avec la divisiou
^rrurier sur Vérone. Il y arriva le 7 dans la
miit; .Wurvaser en avait fait fermer les portes,
irpulant jgagner la nuit pour faire fikr ses ba-
gages]^ mais on les enfonça à coups de canon et
l'on pénétra dans la ville. Les Autrichiens v
perdirent beaucoup de nionde. La division Au-
gereau éprouvant des difficultés à opérer son
passage à Borghetto, revint passer à Peschîera.
Perdant l'espérance de conserver la ligne du
JMfincio , Wurmser essaya de conserver les posi-
tions importantes dii Hontebâldo et de la Roca
DE SAINTE-HÉLÈNE. n»
d'Anfo. Le général Saint - Hil^ire mareha
sur la Roca d'Anfo, attaqua rennemi 4aiii^
la vallée de Lodron, et lui fît beaucoup de pri^
^nniers. On s'empara de Riva, et:Wunnser
fut obligé de brûler sa flotille« M^sëna mardad
sur le MontebaldO) et reprit la Coroua, Auge-'
leau remonta la rive gauche de T Adige , en
suivant les crêtes des montagnes, et arriva jus-
qu'à la hauteur d'Ala. L'ennemi éprouva des
pertes considérables dans les tentatives dontll
accompagna sa retraite. Ses troupes n'araient
plus de moral.
Après la perte de deux batailles comme
celles de Lonato et de Castiglidhe , Wunnser
aurait dû comprendre qu'il ne pouvait plus^
disputer ce qu'il convenait aux Français d'oc-
cuper pour s'assurer de la ligne de FAdige. Il
se retira à Roveredo et à Trente. L'armée fran-
çaise avait aussi elle-même besoin de repos. Lés
forces de Wurmser , après ses défaites , étaient
encore égales aux nôtres ; mais avec cette diffé-
rence que désormais un bataillon de, l'armée
(iltalie en mettait quatre des ennemis en fuite ^
et que partout on ramassait du canon ^ des pri-
sonniers et des objets militaires.
n
>
47* MÉMORIAL
' WurmBer avait ravitaille la garnison de
Mantoue , il est vrai \ mais il ne ramenait pas
en ce moment de toute sa Lelle armée, y compris
te cavalerie , plus de 1^ à H5 mille hommes.
Du reste, rien ne saurait être comparable an
découragement et à la démoralisation de cette
belle iarmëe, ap rès ses revers , si ce n'est Tex-
tréme confiance dont elle ëtait animée au corn*
mencement de la campagne.
Le plan de Wurmser, <jui pouvait réussir
dans d'autres circonstances , ou contre un autre
bomnie <^e son adversaire , devait pourtant
avoir IHssue fUneste qu*il a eu ; et, bien qu*au
premier coup d'oeil la défaite de cette grande
et belle armée, en si peu dé jou^s , semble ne
devoir être attribuée (ju*à l'habileté du général
français, qui improvisa sans cesse ses manoau-*
yres, contre un plan général arrêté à l'avance,
il faut convenir que ce plan reposait sur de&
bases fausses. C'était une faute que de faire agir
i^éparément des corps qui n'avaient entre eux
aucune communicatioiji, vis à vis d^une orméo
centraliste , et dont les communications étaient
faciles. La droite ne pouvait communiquer avec;
DE SAINTE-HELENE. 4T5
Je ceiitre que par Royëredo et Lodrcm. Ce fut une
seconde faute encore que de «subdiviser le corps
de la droite^ et de donner des buts differens à
ces différentes divisions. Celle qui fut à Brescia
ne trouva personne contre elle , et celle qui at-
teignit Lonato eut à faire aux troupes qui la
veille étaient à Vérone devant la gauche autii-
chienne y laquelle , dans ce moment, n'avait plus
rien devant elle» L'armée autrichienne comptait
de très-bonnes troupes; mais elle en avait aussi
de médiocres : tout ce qui était venu du Rhip ,
avec Wurmser, était excellent et animé de Tes-
poir devla victoire; mais tous les cadres de Tan-
tienne armée de Beaulieu , battue dans tant de
circonstances:, traînaient avec eux le décourage-
ment. Une des dispositions de Wurmser, que les
circonstances raidirent des plus funesties , c'est
qpe la plus grande partie de sa droite se trouva
composée de Hongrois , troupes lourdes , qui
une fois déroutées, ne surent plus comment se
tirer de ces montagnes, et qui , à cause de leur
langage, ne purent se faire entendre,
IX. Second siège de Mantoue. Le^ pren^iier^
jours de la levée du blocus de Mantoue furent
^Wployés par la garnison à défaire les ouvrages
in MÉMORIAL
àeê aisiégeans y à faire entrer hs pièces et les
inunitiona qu^ik troublèrent. Mais les^promptot
revers de Wunnser ramenèrent bientôt les Fran-^
çaià devant la place. La perte de Tëquipage
d'artillerie ne laissait plus d'espérances de ppn^
voir en faire le siège. Cet équipage, formé à
grande peine , de pièces recueillies d^ns le^
diff^'rentes places d^ l'Italie ^ était presqu'en**
tièrament perdu. D'ailleurs, la saison devenait
trop mauvaise , Touverture et le service de la
tranchée eussent été trop dangereux pour les
troupes» au moment ou^ la malignité du climat
allait exercer ses ravages. Ze général françaU
n'ayant donc pas sous la main un équipage dc^
siège qui pût lui doimer l'assurance de prendre
Mantoue avant six semaines , ne voulut pas son-
ger à en former un second , qui n'eut été prêt
qu'au moment même où de nouveaux évém^*
tnens pouvaient Texposer à le perdre de noch
veau I en le forçant de lever le siège une seconde)
fois. Il se coQQtenta donc d'un simpler blocus. Le
général Saliuguet en fut chargé; il attaqua Go*
vernolo j et le g^éral Dallemagne , Borgo-^Forte :
ils s'en emparèrent ainsi que de tout le Seraglio^
rejetèrent l'ennemi dans la place et en resserré-
' DE SAINTE-HÉLÈNE. 477
reat etroitem^it le blocus. On s'occupa de
multiplier les xedoutes et les fortifications au-
tour de la ville 9 afin d'y employer le moins de
monde possible; car tous les jours lesassiegeans
diminuaient par le ravage de la fièvre , et l'on
prévoyait avec e£froi que ce ravage ne ferait
qu'accroître avec l'automne. Il était vrai que la
ganiison était soumise aux mêmes maux et à la
même diminution.
X; Conduite des difftirens peuples d^ltalit
durant aett^crise. — Cependant la position de
lltalie, dans le peu de jours qui venaient de s'é-
couler, avait été une véritable révélation. Tou-
tes les passions s'étaient montrées au grand jour;
chacun se démasqua. Le parti ennemi se montra
à Crémone» à Casai-major j et quelques^ étin-
ceUes se laissèrent voir à Pavîe. En général la
Lombardie montra un bon esprit j à Milan sur-
tout presque tout le peuple témoi^a une grande
constance et beaucoup de fortitude: ils gagnè-
rent notre confiance, et méritèrent les armes
^'ils ne cessaient de demander avec instance.
Aussi le général français leur écrivait-il dans sa
satisfaction : « Lorsque Tannée battait en re-
^ traite, que les partisans de l'Autriche et les
^
17Ô MÉMORIAL
« enqemis de la liberté la* croyaient perdue
« sans ressource /lorsqu'il était impossible à
« yous-*mêmes' de soupçonner que cette retraite
« n'était qu'une ruse, vous avez montré de Fat*
«c tachement pour la France , de l'amour poar
jK la liberté; vous avez déployé un zèle et un
m caractère qui vous ont mérité l'estime de i'âi^
« mée, et vous mériteront la protection de la
« République française. »
' m Chaque jour votre peuple se rend davan-
« tage digne de la liberté. Il acquiert diaqae
M jour de l'énergie. Il paraîtra sans doute un
« jour avec gloire suri la sc^e du monde. Re*
<c cevez le témoignage de ma satisfaction çt du
« vœu sincère que fait le peuple français pour
« vous voir libre et heureux. » Le^ peuples de
Bologne, Ferrare, Reggio, Modène, montrèrent
un véritable intérêt pour notre cause. Parme
demeura fidèle à son armistice j mais la régence
de Modène se .montra ouvertement notre enne-*
mie. Â Rome, les Français firent insultés dans
les rues^ on y proclama leui: e;s:pulsion de l'Ita-
lie. On suspendit l'accomplissement des condi- ]
tions de l'annistiçe non . encore remplies. Le
i;enéral en chef .eût pu punir une pareille cou^
DE SAINTE-HÉLÈNE, 479
fltiite; mais dWtres pensées }e portaient ailleurs
et l'obligeaient d'ajourner le châtiment, si les
négociations n'amenaient le repentir. Le car-
dinal Mattey, archevêque de Ferrare , témoigna
sa joie à la nouvelle de la levée du sie'ge de Man-
toue. Il appela les peuples à l'insurrection contre
les Français. Il prit possession de la citadelle de
Ferrare, ety arbora les couleurs du Pape.Le Pape
y envoya aussitôt un légat et par-là viola Farmis-
tice. Après la bataille de Castiglione, le général
français fit arrêter Mattey , et le fit conduire à
Brescia. Le cardinal, interdit, ne répondit que
par ce seul mot : Peccavi ! ce qui delsarma NapO"
Uon^ qui se contenta de le mettre trois mois
dans un séminaire à Brescia. Depuis, ce car-
dinal a été plénipotentiaire du Pape à Tolen-
tbo. Le. cardinal Mattey était d'une famille
princière à Rome i c'était un homme borné, de
peu de talent; mais qui passait pour être d'une
dévotion sincère. Il était minutieusement atta-
ché aux pratiques du culte. Après la mort du
Pape Pie VI , la cotir de Vienne s'agita beau,
coup , au conclave de Venise , . pour le faire
nommer Pape j mais elle ne réussit point.
480 MÉMORIAL
OùaramonU, é^êquà à^încola, Remporta, H
prit le nom de Pie VII.
N. S, de l'éditeur écrit sous dictée» — Le
rapport ne donne que 20 mille hommes amenés
du Rhin par Wurmser. Le chapitre dit 30 , et
celui*- ci a raison» L'inégalité des forces a
toujours été telle entre les deux armées, que
le généml français , dans ses rapports « croyait
être obligé souvent de diminuer les forces de
Tennemii pour ne pas décourager sa propre
armée. C'est ce qui explique la différence des
nombres qu'on rencontre parfois entre TOu vrage
et les pièces officielles.
■I i T 1
BATAILLE D*ARCOLE.
mm
De l'offeosiye dlÀlvenzi, le 29 novembre 1796, jusqu'à
Feutière expulsion de son armée ^ le 21 novembre
suivant, espace de 19 jours. ( Ployez la Carte» )
■
I. Le maréchal Ahenzi prend le comman^
dément de la nouvelle armée autrichienne ;
ia /brce.^^hes armées françaises du Rhin et de
Sambre-etrMeuse avaient e'te' battues fen Alle-
magne j elles avaient repasse' le Rhin. Ces succès
consolaient la Cour de Vienne de ses pertes en
Italie. Ils lui donnaient la facilite d'humilier
l'orgueil des Français dans cette partie. Elle
donna des ordres pour former une armée , de'-
gager Mantoue , délivrer Wurmser , et reparer
ks affronts qu'elle avait reçus de ce côté. Elle
assembla quatre divisions d^infanterie et une
de cai^alerie dans le Frîoul , et deux dans le
Ayrol , faisant ensemble 60 mille hommes. Ces
troupes se composaient de forts de'tachemens
des armées victorieuses d'Allemagne, des cadres
recrutés de Tarmée de Wurmser, et d'une levée
extraordinaire de -15 mille Croates. Le com-
lïiandement général fut donné au maréchal Al-
viuzi, et Ton confia le corps particulier du
482 MÉMORIAL :
Tyrol, d'enviroa 4 ft nulle Ixommes, au général
Pavidowicli. Le Sénat de Venise secondait en
secret les Autrichiens. Il lui demeurait dé-
montré ({ue les succès de la cau$.e française
seraient la ruine de ^n aristocjatie. Il voyait
chaque jour l'esprit de. ses peuples de t^e
ferme se déterriorer et appeler à grands cris
une révolution, La cour de Rome avait levé le
masque; se trouvant compromise depuis lei
affaires de Wurmser , elle n'espérait plus son
salut que dans les succès de l'Autriche. Elle
n'exécutait aucune des conditions de l'armisticQ
de Bologne ; elle s'apercevait avec effroi que le
général français temporisait, et que, par une
feinte modération et des négociations prolon-
gées , il ajournait l'instant du châtiment. Elle
était, exaltée d'ailleurs par les succès d'Alle-
magne , et instruite à point du petit nomhre de
Français , et du grand nombre de leiirs malades;
elle mettait.en mouvement ses moyens physiques
en levant des troupes , et ses moyenis moraux
en persuadant les esprits, à l'aide des couvens
et des prêtres, de la faiblesse des Français, et
de la force irrésistible des Autrichiens*
IX. Bon état de t armée française jf fofi*.
\\
DE SAÏKTE^HÉLÉNE, 483
ràon des peuples d^ Italie appelle ses succès.
~Le gëi^ral français 9 -était flatte long-temps
de recevoir de ikouyeaus renforts. II. avait fou^
temént représente au Directoire/ ou que 1^
armées du Nord defvaient repasser le Rhin, Qt|
^'il fallait qu'on lui eiivoyât 50 mille hommes,
(k lui fit des promesses qu'on ne réalisa pasf
et tous les secours qu'QU lui dç^iia sfe veTlui-'
sirent à quatre regimens, détacha de la Vendée:
l'esprit de cette province s'était amélioré. Ces
régûnens 9 composant environ 8 mille honmies ^
arrivèrent successivement dans un intervalle d^.
• t.
deux mois. Ils furent d'un grand secours ; com-
pensèrent les pertjes éprouvées les mois précé^-
dens , et maintinrent l'armée actiy e à son nom-^
Ire habituel de 30 mille comhattans. Les let-
' s
très du Tyrol, du Frioul, de Venise., de Rome^
ne cessaient. ^i^^r/^r des grands préparatifs qui
se faisaient contre les Français j mais cette fois
l'esprit plus prononcé des peuples , et d'autres
circonstances , donnaient une toute autre phy-
sionomie à ritalie et aux affaires. Ce n'était
plus comme avant Lonato et Castiglione. Les
prodiges accomplis par les Français , les nom-
breuses défaites éprouvées par les Autrichiens,
l
^8» MÉMORIAL
araietit tourné l'opinion. Alors lèB trois quarts
de l'Italie pensaient qull était impossible que
les Français pussent conserver leur conqnéte.
Aujourd'hui les trois quarts de cette même
Italie ne croyaient pas qu'il fut au pouvoir des
Autrichiens de jamais la leur arracher. On fit
sonner bien haut l'arrivée des quatre régimens
venant de France. Leur mouvement se fit par
bataillons, ce qui composa douze colonnes. On
prit toutes les- mesures pour que le pays et
une partie de Tannée crussent qu'on s'était ren<-
force de douze régimens.
On croyait que les vivres manquaient dans
Mantoue, et que cette place tomberait infailli-
blement avant que Tarmée autrichienne pût
recommencer la lutte , de sorte que nos troupes
entendaient parler des préparatifs de V Autri-
che avec confiance : elles semblaient sûres de
la victoire. LVrmée était bien nourrie, bien
payée, bien vêtue; son artillerie était nom-
breuse et bien . attelée j sa cavalerie faible en
nombre, à la vérité , mais ne manquant de rien,
et en aussi bon état que possible.
La population de tous les pays occupés par
nos armées faisait à présent cause commune
r
DE SAINTE-HÉLJÈNE. 485
avec nous. lEAle appelait nos succès de tous ses
yœux. La disposition des pays au-delà du Pô
était telle, qu'ils pouvaient même suffire à con-
tenir les levées que le cardinal secrétaire-
d'état de Rome appelait l'armée du Pape, Cette
misérable Cour, sans esprit, sans courage^ sans
talens, sans bonne foi y n'était pas autrement
redoutable.
IIL Combat de la Brenta.-^ Vaubois éi^acue
le Tyrol en désordre. — Au commencement
de novembre, le quartier-général de l'armée
antricbienne était à Canégliano, et de nom-
breux postes garnissaient la rïyé gauche de la
Piave. Dans le Tyrol , des corps opposés à cha-
cun des nôtres se formaient sur la ligne du
TAvisioj partout l'ennemi se montrait en force.
Le projet d'Alvinzi n'était pas douteux; il ne
voulait pas, comme Wurmser, attaquer par le
Tyrol j il craignait de s'engager dans les mon-»
tagnes« Il attribuait à l'intelligence du soldat
français, à sa plus grande dextérité, les succès
de Lonato et de Castîglione. Il résolut donc
7
de faire sa .principale attaque par la plaine , et
d'arriver sur T Adige par le Vérpnais , le Vi-
centainet le Padouan. Le 2 novembre, ce ge'tie'-.
3. n
m MEMORIAL
rai }ela deux ponts sur la Piave, et se porta sur
Bassano ayè€ k9 à 50 mille honulies. Massena >
en obseryation, contint toutes ses eoloniies^
l'obligea de déployer toutes ses forces, gagna
quelques jours, et se replia sur Vicence, où il
fut joint par le gênerai français, qui amenait avec
lui la division Augereau , une brigade de Man«
toue , et se trouvait dès-lors avoir sous sa main
20 à 22 mille hommes. Le projet de Napoléon
était de battre Alvinzi, et de se porter ensuite
sur Trente , par un mouvement invei-se à celui
qu'il avait fait il y avait peu de temps, et de
prendre à dos l'armée qui ope'rait dans le TyroL
Alvinzi , qui avait passe' la Brenta , fut attaque'
le 5, et culbute'. Toutes ses divisions furept je-
tées au-delà de cette rwiére.
Mais Vaubois , qui e'tait aux mains avec l'en-
nemi, depuis !e 2 novembre, n'avait pu se main-
tenir ni à Trente, ni danâ aucune position in-
terme'diaire. Sa division ne disputant plus le
terrain, revenait en désordre sur Vérone. Tout
paraissait faire craindre que la position de la
Corona et du Monlebaldo ne pourrait arrêter
Vennemu On craignit pour le siège de Man-
toue. Le général en c\\eifut doAc obligé de
N
/
DE SAINTE-HÉLÈNE. >18T
rétrograder sur Vérone , et d y arrirer assez à
temps ponr ralliel* Yaûbois, et àéaurêr les ]|po^
sitions du Montébaldo et de Rivoli. Il passa la
tevue de là divisioh Vaubois sur le plateau de
Rivoli. « Soldats, leur dit-il d'un ton se'vère,
fr je ne suis pas content de vous. Voiis n'avez
« marque ni discipliné, ni constance. Vous
« ave2^ ce'de" au pretnier e'cbec. Aucune position
K n'a pu vous rallier. Il en e'tait dans votre
<( retraite qui étaient inexpugnables. Soldats
« du 85* et du 39®, vous n'êtes pas des soldats
» français. Que l'on me donne ces drapeaux,
« et que l'on écrive dessus : Ils ne sont plus
« de l'armée d'Italie ! » Un morne silence ré-
glait dans tous les rangs ; la consternation était
peinte sur toutes les figures. Des sanglots se
font entendre; de grosses larmles coulent de tous
les yeux, et l'on voit ces vieux soldats, dans
leur émotion, déranger lerirs armes pour es-
suyer leurs pleurs. Le général en chef fut
obligé de leur adresser quelques paroles de
consolation. Général^ lui criaient-ils, mets-
nous à Vapant'garde^ et tu verras si nous
sommes de l'armée d'Italie!! Effectivement, ces
régimens qui avaient été le plus grondés ^ furent
1
1 88 MEMORIAL
mis à r avant-garde , et s'y couvrirent de gloireJ
. IV. Bataille de CaldierOy 1 2 novembre. Les
ope'rations d'Alvinzi se trouvèrent couronnées
des plus heureux succès : de'jà il e'tait maître
de tout le Tyrol et de tout le pays entre
la Brenta et FAdigej mais le plus difficile
lui restait encore à faire. C e'tait de passer
TAdige de vive force devant Tarme'e française.
Le chemin de Vérone à Vicence longe TAdige
pendant trois lieues , et ne quitte la direction
du Jleupe qu*à Villa-Nova^ où il tourne .per-
pendiculairement à gauche pour se diriger sur
Vicence ; à Villa-Nova, la petite rivière de
TAlpon coupe la grande route, et se jette,
après avoir traversé Arcole, dans TAdige, en-
tre Roncô et Alhare- Sur la gauche ^de ViUa-
Nova se trouvent des hauteurs offrant de très-
belles positions , connues sous le nom de . Cal-
diero. En occupant ces positions, on garde une
partie de TAdige, on couvre Ve'rone , et. Ton
se trouve en mesure de tomber sur les derrières
de rennemi , si celui-ci se dirigeait sur le Bas-
Adjge.
Le Général français eut à peine assuré hi
défense de Montebaldo^ . et .raffermi les troupes
DE SAINTE-HËLÈNE. 489
de Vaubois , qu'il voulut occuper Caldiero
comme donnant plus de chances à la deTensive y
et plus d'énergie à son attitude. Il de'boucha le
11 de Vérone, la brigade de Verdier en tête,
culbuta Tavant-garde ennemie , et parvint bien-
tôt aux • pieds de Caldiero : Mais Alvinzi lui-
même avait occupé cette position, qui est
honné également contre Vérone. Le 4 2 , à la
pointe du jour, on vit toute son armée couron-
ner ces hauteurs ; qu'il avait couvertes de for-
midables batteries. Le terrain reconnu, Mas-
séna dut attaquer ïa hauteur , et forcer la droite
de Tehnemi ; cette hauteur enlevée , et Tennemi •
la gardait mal, la bataille se trouvait décidée;
Le général Launay marcha avec sa demi-'brigade *
et s empara de la liauteur; mais il ne put s'y
maintenir, et fut fait prisonnier* Cependant la
pluie tombait par tôrrens , le chemin devint
hientôt impraticable pour notre artillerie , pen-
dant que nous étions écrasés par celle de l'en-
nemi. Nous avions trop de désavantage à gravir
contre un ennemi en position. L'attaque fut
contremandée , et Ton se contenta de soutenir
la bataille tout le reste du jour. Connnfe la plufe
dura toute la journée , et celle dû lendenôuîin
>
490 MÉMORIAL
le général fiançais prit le parti da retourner
au camp de Vérane.
L^$ pertes dans cette affaire avaient été égar
le$, cependant Tennemi s'attribua avec raison
k; tictoire , ses avants-postes s'approclièrent de
Saint-Michel, et la situation des français devint
yrj^ini.ent critiqufi.
y. MurmurM et seniimens dù^ers gui agih
Uni y armée frcafiçaist. — Vaubois , battu tn
Tyrol, avait fait des pertes considérable} jl
nVyait plus que Ç^OQO hommes. Les deux au-
tres divisicms, après s'être vaillamment battîtes
sur la Brenta, s'étaient vues en retraite sur
Vérone /ayant manqué leur opération sur Cal-
diero. Le sentiment des forces de l'ennemi était
dans toutes les têtes. Les soldats de Yauboîs/
pour justifier leur retraite dans le Tyrol , di-
saient s y être battus un contre trois. Les s^-
dats mêmes demeurés sous les yeux 4e N^ipo-
léç^7 tiTouvaient les ennemis trop nombreux.
1^65 de^x divisions^ après leurs pertes , ne comp-
taient p^s plus de I S^ OQO hommes sous les armes.
L'ennemi avait perdu ausisîi ^ans doute ^ v^v^
il aiv^Lit eu l'avantage ; Il ayait acquis le se&-
ti^ow 4^ sa ^çipérioritéi il avait p» compter j^
DÉ SAINTE-HÉLÈNE. iQ4
son aise le petit nombre des Français ; aussi ne
doutait-il déjà plus de la deliyrance de Man-
toue , ni de k conquête de ritâlie. Il avait fait
ramasser une grande quantité d'échelles , et en
faisait faire beaucoup d'autres/ voulant énle^
ver Vérone d'assaut. A Mantoue la garnison
s'était réveillée, elle faisait de fréquentes sor-
ties, qui harcelaient sans Cesse les assiégeâtes ;
et les troupes se trouvaient trop faibles , pour
contenir une si forte garnison. Tous les jours
ou était instruit que quelque nouveau secours
arrivait à Tenn^ai : nous ne pouvions en espé-
rer aucun ! ^^àBn les agens de l'Autriche, ceux
de Venise et du Pape, faisaient sonner tres-
sant les avantages obtenus par Alvinzi , et sa
supériorité sur nous. Nous n'étions plus en po-^
âtjjSn de prendre l'offensive nulle part : d'un
côté la positicm de Caldiero^ que nous n'avions
pu enlever ^ de l'autre , les gorgés du Tyrol qui
venaient d'être le théâtre de la défaite de Vau-
^is. Mais eussions nous occupé des positions
f^i eussent permis d'entreprendre sur lui ^ il
avait trop de Nsupëriorité par le nombre. Tout
nsitevdisait pour Tinstant toute offensive^ il fal*
^itdonc laisser Tinitiativeà Temiemi^ et attcn*
492 MÉMORIAL
dre froidemenf ce qu'il voudrait entreprendre/
Lia saisGOi e'tait extrêmement mauvaise , la pluie
tombait par torrens , et tout les mouvemens se
faisaient dans la boue* L'affaire de Caldiero,
celle du Ty roi , avaieiit sensiblement baisse le
moral de l'armée. On avait bien encore le sen-
timent de la super ioiri té sur l'ennemi à nombre
égal I mais on ne croyait pas pouvoir lui résis-
ter, dans r infériorité où l'on se trouvait. Un
grand nombre de braves avaient été blessés deux
et trois fois à différentes batailles , depuis Yen*
trée en Italie. La mauvaise humeur s'en mêlait.
« Nous pe pouvons pas seuls, disaient-ik ^
ce remplir la tâche de tous , l'armée d' Alvinzi
« qui ise trouve ici , est celle devant laquelle
« les armées du Rhin et de Sambre-et-Meuse
a se sont retirées ; et elles sont oisives dans ce
<t moment , pourquoi est-ce 4 nous à remplir
tt leur tâche? On ne nous envoyé aucun secours ;
ce si nous sommes battus , nous regagnerons les
« Alpes, en fuyards et sans honneur. Si au
« contraire nous sommes vainqueurs, à quçi
fc aboutira cette nouvelle victoire; on nous op-
a posera une autre armée semblable à celle
a d' Alvinzi, comme Alvinzi lui*méme a succédé
DE SAINTE-HÉLÈNE. 493
ft àWurmser; et, dans cette lutte constamment
(c inégale, il faudra bien que nous finissions
« par être ecrase's.
Napoléon faisait répondre : « Nous n'avons
te plus qu'un effort à faire , et Tltalie est à nous.
« Alvinzi est sans doute plus nombreux que
« nous; mais la moitié de ses troupes soiit
« de véritables recrues; et lui battu, Man-
« toue succombe ; nous demeurons maîtres
« àê ritalie, nous voyons finir nos travaux, car
X non-seulement l'Italie , mais encore la paix
« générale sont dans Mantoue. Vous voulez
« aller sur les Alpes , vous n'en êtes plus ca-
« pables. De la vie dure et fatigante de ses
« stériles rochers, vous avez bien pu venir
« conquérir les délices de la Lombardie; mais
« des bivouacs rians et fleuris de l'Italie ,
« vous ne vous élèveriez plus aux rigueurs
er de ces âpres sommets , vous ne supporteriez
« plus long-temps, sans murmurer, les neiges
« ni les glaces des Alpes. Des secours nous
« sont atrivés ; nous en attendons encore ; beau-
« coup sont en route. Que ceux qui ne veu-
« lent plus se battre , qui sont assez riches ,
« ne nous parlent pas de l'avenir. Battez. Al-
i9h MEMORIAL
ft yinzi; et je vous reponds du reste!!! » Ces
paroles , répétées par tout ce qu^il y «Tait de
cœurs généreux, relevaient les âmes, et faisaient
passer successlyement à des sentimens opposés.
Ainsi , tantôt Tannée, dans son décourageQi<ffit »
eût voulu se retirer ; tantôt y remplie d'enthou*
siasme , elle parlait de courir aux armes*
Lorsque Ton apprit à Brescia , Bergame , Mi^
lan , Crémone, Lodi, Pavie, Bologne, que Tarmék
avait essuyé un échec , les blessés , les malades
sortirent des li^itaux * encore mal guéris , et
tinrent se ranger dans les rangs, la blessure
encore sanglante* Ce spectacle était touchae&t ^
et remplit l'armée des plus vives émotions.
YI. Hf arche de nuit de V armée sur Ronco f
elle y passe ÎAdà^e sur un pont de bateaux^
•—Enfin \e A% novembre ^ a la nuit tombante,
le camp de Vérone prit les armes. Les co-
lonnes se mettent en laarclie dans le plus
grand silence : on traverse la ville, et I'ob
vient se former sur la riv4B droite. L'beure à
laquelle on part, la direeti^on, qui est celle
d€ la. retraite , le silence qu'on garde , contre
l'habitude constfmte d'apprendre, p^r l'ordre
dui joiir, qu'on va se battre j la situation de^
DE SAINTE-HELENE. 495
affaires, tout enfin ne laisse aucun doute qu'on
se retire. Ce premier pas de retraite, qui
entraine nécessairement la levée du sie'ge de
Mantoue, présage la perte de toute Tltalic.
Ceux des habitans qui plaçaient dans nos
victoires Tespoir de leurs nouvelles destinées,
suivent inquiets , et le cœur serre' , les mou-
vemens de cette armée qui emportent toutes
leurs espérances.
Cependant l'armée, au lieu de suivre la
route de Peschiera, prend tout-à-coup à gauclit;,
et longe l'Adige : on arrive avant le jour à
Ronco. Andréossy achevait d'y jeter un pontj
et l'armée , aux premiers rayons du soleil , se
voit avec étonnement, par un simple à gau-
che , sur l'autre rive. Alors les officiers et
les soldats, qui du temps qu'ils poursuivaient
Wurmser avaient traversé ces lieux, com-
mencèrent à deviner l'intention du général. Ils
voyent que ne pouvant enlever Caldiero il le
tourne. Qu'avec \% mille hommes ne pouvant
rien, jen plaine ^ contre 1^5 mille, il les attire
sur de simples thausams , dans de vastes ma-
rais, où le nombre ne sera plus rien, mais
où le courage des têtes de colonne sera tout.
496 MÉMORIAL
Alors l'espoir de la victoire ranime tous les-
cœurs , et chacun promet de se surpasser ,
pour seconder un plan- si beau et si hardi.
Rilmaine e'tait reste daps Vérone, avec
4500 homnies de toutes armes; les portes
étroitement fermées, les communications sé-
vèrement interdites, L'enpemi ignorait par-
faitement notre mouvement.
Le pont de Ronco fut jeté sur la droite
de l'Alpon, à peu près à un quart de lieue
de son embouchure. S'il l'eût été sur la rive
gauche, du coté d'Albaredo, on se fut trouvé
en plaine, tandis qu'on voulait se placer dans
des marais, où le nombre demeurait sans effet.
D'un autre côté on craignait qu'Ai vinzi , ins-
truit y ne marchât subitement à Vérone ,^ et
ne s'en emparât; ce qui eût oblige le corps
de Rivoli de se retirer à Peschiera , et eût
compromis celui de Ronco. Il fallut donc se
placer sur la rive droite de TAlpon, de ma-
nière à pouvoir tomber sur les derrières de
l'ennemi qui attaquerait Vérone , et par-là
soutenir cette place par la rive gsmche, ce
que l'on n'eût pu faire si l'on eût i jeté le* pont
sur la rive fauche de l'Alpon, parce que
DE SAINTE-HÉLÈNE. 497
Fennemi aurait pu border la rivé droite de
cette rivière, et, sous cette protection, enle-
ver Ve'rone* Cette double raispn avait donc
de'terminé le placement du pont. Or, troii^
chaussées partaient de Rontoj où ce pont avait
été' jetej et toutes étaient environne'es de ma-
rais. . La première se dirige sur Yerone en
remontant TAdige ; la 2® conduit à Villa-
Nova, et passe devant Arcole, qui a un pont
à une lieue et d«mie de l'Adige, sur la pe-
tite rivière de TAlpon, La 3« descend l'A-
dige, et va sûr Albaredo.
VIL Bataille d" Arcole, 4" journée, i5
novembre n — Trois' colonnes se dirigèrent
sur ces trois chausse'es. L'une , à gâtiche , re-
monta VALdige jusqu'à l'extrëmitë dès marais ;
ie M l'on communiquait sans obstacle avec
Ve'rone : ce point était des plus importans;
par là plus de craintes de voir rennemi at-
taquer Vérone, puisqu'on se fût trouve' sur
ses derrières, La colonne de droite prit vers
Albaredo , et occupa jusqu'à l'Alpon. Celle
du centre se porta sur Arcole, où nos tirail-
leurs parvinrent jusqu'au pont sans être aper-
çus. Il était 5 heures du matin, et l'ennemi
498 MÉMORIAL
ignorait tout. Les pîemiers coups de fusiîs
se tirèrent sur le pont d' Arcole , où deux
bataillons de Croates, ayec deux pièces de
canon, bivouaquaient^ comme corps d'obser-
yation, pour garder les derrières de Tannée,
ou étaient tous les parcs, et surveiller les
partis que la garnison de Legnago aurait pu
jeter dans la campagne. Cette place n'était--
qu'à trois lieues : Tennemi avait eu la né-
gligence de ne pas pousser des postes jus-*
qu'à l'Adige; il regardait cet espace comme
des marais impraticables. L'intervalle d'Ar5
cole à l'Adige n'ëtaiit point gardé; on s'était
contenté d'ordonner des patrouilles de hou-
zards, qui ttois fois par jour, parcouraient
les digues, et éclairaient l'Adige. La route
de Ronco à Arcole rencontre l' Alpon à 2 milles,
et de là remonte pendant un mille la rive
droite de ce petit ruisseau, jusqu'au pont^
qui tourne perpendiculairemeut à droite, et
entre dans le village d' Arcole. Des Croates
étaient bivouaques , la droite appuyée au vil-
lage, et la gauche vers l'embouchure. Par ce
bivouac ils avaient devant leur frant la digue ^
dont ils n'étaient séparés que par le ruisseau ;
r
DE SAINTE-HÉLÈNE. 499
tiraat devant eux, ils prireiit en flanc la
colonne dont la tête ëtait snr Àrcole. Il fallut
se replier en tonte hâte, jusqu'au point de
la chaussée y qui ne prêtait plus son flanc
à la rive gauche. On instruisit Altinzi que
quelques coups de fusils avaient ëtë tirëj^ au
pont d' Arcole j il y fit peu d'attention. Ce*
pendant à la pointe du jour on put observer
de Caldero et des clochers voisius le mou«
Tement des Français. D'ailleurs les reconnais*
sances des houzards , qui tous les matins lon-
geaient l'Adige pour s'assurer des eVenemeu
de la nuit 9 furent reçua à coup de fusils
de toutes les digues , et poursuivis par la ca«
Valérie française. Alvinzi acquit donc de tout
côte' la certitude que les Français avaient
passe l'Adige, et se trouvaient en force sur
toutes les digues. Il lui parut insensé d'ima-
giner qu'on pût jeter ainsi toute une armëe
dans des marais impraticables. Il pensa plutôt
que c'était un détachement posté de ce côte
pour l'inquiéter, lorsqu'on l'attaquerait en
fotce du xîôté de Vérone. Cependant ses
reconnaissances du côte de Vérone lui ayant
rapporté que tout y était tranquille, Alvinzi
1
2O0 MÉMORIAL
crut important de rejeter ces troupes françaises
au-delà de T Adige , pour tranquilliser ses der-
rières/ Il dirigea une division sur la digue
d' Arcole , et une autre vers la digue qui longe
r Adige , avec ordre de tomber tête baissée sur
ce qu'elles rencontraient , et de lout jeter dans
la rii*ière} vers les 9 beures du matin ces deux
divisions attaquèrent en effet vivement. Massëna,
qui était charge' de la digue de gauche ayant
laisse' engager l'ennemi, courut sur lui au pas
de charge, l'enfonça, lui causa beaucoup de
perte, et lui fit un grand nombre de prisonniers.
On en fit autant sur la digue d'Arcole : on at-
tendit que l'ennemi eût de'passe' le coude du
pont. On l'attaqua au pas de charge j on le mit
en de'route , et on lui fit beaucoup de prison-
niers. Il devenait de la plus haute importance
^ de s'emparer d'Arcole, puisque de là on débou-
chait sur les derrières de l'ennemi, et qu'on
pouvait s'y établir avant que l'ennemi put être
formé. Mais ce pont d'Arcole , par sa situation,
résistait à toutes nos attaques. Napoléon essaya
un dernier effort de sa personne : il saisit un
drapeau, s'élança vers le pont, et Vy plaça, La
colonne qu'il conduisait l'avait à moitié franchi,
\
DE SAINTH^HÉLÊNE. i04
lorô({ue Iç feu de flanc fit manquer l'attaque.
Les grenadiers de la tète abandonnes par la
qaeue hésitent , ils sont entraines dans la fuite ^
niais ils ne veulent passe dessaisir de leurgène*
rai ; ils le prennent par les bras , les chevelil',
les habits , et l'entri^inent dans leur fuite ^ an
milieu des morts , des toiourans et de la fumée.
Legénéralenchef^ii^réci^ixé dans unmaraisj
il f enfoncé ju^u'à la moitié du corps; il esi
eu milieu des ennemis i mais les Français s'à«-
perçoivent- que leur général n'est point a^^^oc
eux. Un èri se fait entendre: « Soldats en ayant
K pour sauver le général. » Les braves revien-
nent aussitôt au pas de course /Sur l'ennemi, le
repoussent jusqu'au*d'ii?/^^z//70/z/^ et Napoléon
est sauvé. Cette journée fut celle du dévoueiaefiit
militaire. Le général Ijannes était accouru dé
Milan; il avait été blessé kOQiremolo;'i\'ét^it
encore èouffrant dans ce iiioment : il se plaça
entre l'^nemi et Napoléon, le couVrit de son
corps et reçut trois blessures ; ne voulant jamais
le quitter. Mhiron , aide-de-catnp du général en
chef, fat tué couvrant de son corps son géhéràl...
Mort héroïque et touchante !. Belliard, Vi-'
gnôles, furent blessés en ramenant les troupes
3. 43
202 MÉMORIAL
enauanL Le brave général Robert y fut tae,
Onjît jeter un pont à Tembonchure de TAl-
pon 9 afin de prendre Arcole à reyer»; mais p«h
dantce temps, Alvinzi, instruit du yëritabk ;
état des choses , et concevant les plus vives alar^ I
mes sur le danger de sa position^ avait aban^ |
donne Caldi^ro, défait ses batteries, et fait re^
passer T Alpon à tous ses parcs , ses bagages et
6es réserves. Les Français du haut du clocher de
Ronco virent avec douleur cette proie leur
échapper; et c'est alors ^ et dans les mouvemens
précipités de Tennemi , qu'on put juger toute
rétendue et les conséquences du plan du gênerai
français. Chacun vit qiiels auraient pu être les
résultats d'une combinaison si profonde et si J
hardie : Tarmée ennemie échappait à sa destruc-
tion. Ce ne fut que vers lés Jt heures que Te
général Guy eux put marcher sur Afcole par la
rive gauche de VAlpon. Le village fat enlevé'
sans coup fe'rir; mais alors il n'y avait plus rien
d'utile; il était 6 heures trop tard; l'enneHÛ
s'était mis en position naturelle. Arcole n'étoit
plus ^u'un poste intermédiaire entre le front des
deux armées; Le matin ce village était sur les
derrières de l'ennemi.
!
DE SAINTE-HÉLÈNE. 203
^ Tou te£ais dis grands rësultats avalait çouromië
cette journée : Caldiëroéjtait, évacue, et Yérone
Mt courait plus de dangers. Deux diyisic^is
■d'ALviiizi avaient été défaites avec des pertes
ocmsidéraUes. De nombreuses colonies de pri-
sonniers, et grand nombre de trophées fjfli
^k^èrent . ai4. trûi^ers du camp ^ remplirent
^'enthousiasme les spldàts . et , les^ officiers ». et
t^acun reprit la confiance et le s^time^t de fci
I victoire.
VIII. Seconde journée^ ^6 nopcmbréu
•*-• Cependant ï)ayidowich avec son corps du
Tjrol avait attaqué, dès la veille, les hautéucs
cfe Rivoli. Il en avait chassé Vaubois , ert l'avait
contraint de se retirer sur Gaâtel-Novo. Déjà les
toureurs ennemis paraissaient aux portes de
Vtpone.Kilmaine; débarrassé d'Alvinzi et de
toutes craintes sutia rive gauche v par l'évacua
tloû de Gàldiér6, avait 4i^%é4out&^im^ttM*
thh^Qxhi tvm dipoite j raaxs il' était à craindre
«pie si l'ennemi marchait vig<nireufeemei|tcSTîir
Calstël^Noyo, il nd forçât Vaubois , n'arrivât à
M4ûtoUe,>n0 silrpï^l- Tamée assûégeante, ine)ëe
joignit à la garnison, né <ionpât la >T6tiadte: an
«
quarUer-gdnflirdtt lèX à rai'méé qui était à ilqnco
^n MÉMORIAL
Il fallait denc êtte, & la pointe àujcfax,mm»
sure <!« soutenir Vaubois , protéger Manioàé et
ses coi«miinicatioiis,:et battre Davidowicli, «'il
s'hait avance danà la jommée.U ëtait ie'ceasaiw,
pour la réussite de ce préjet , de calculer- le»
Heures. Il se résolut donc , dans l'iricertitàdedfi
ce qui se serait passé dans la joùrnéB , de suppo-
rter que tout ayait été mal du côté de Vaubois.
Xl fit évacuer Arcole, qui avait coûté tant de
sang } replia toute son armée sur la rive droite
46" l'Adige , ne laisBaut sur la nve g^ijche
qu'une brigade ctqttdqnfes pièces die cano^. Il
ordonna, dans cette position, qu'on fit la soupe
Jén. attendant ce «Jùi se serait passé d« côté de
Vaubois pendant «Jette journée. Si l'ennemi |
avait marché sut€à8tel-Novo, il fixait lever le
pont de l'Adige; disparaître de devanj Alvimi,
se trouver à 4 iiewes d.^ièr^ Vaubois à Cattet
ifya/o,^ culbuter V ennemi mr IZâfO&.On avait
làisGé à Arcble dès bivonacs allunÉ^ , ainsi vqûç
rdes Jpiquets de ^rand'jgaïde , polir qu • Alvinzi ne
s'aperçût de rien. A quatre heutes. après iiiinuit
i'oa battit pour prendre lefr arme»,, afiîi d'être
prêt à marcher. Mais dans lemênae iiKwnent on
apprit que Vauboia était ausor.e..tn position à
DE SAINTE-HÉLÈNE. 205^
moitttç chemin ^e Eiyoli à Ca$tel-Novo, et qu'il
ganmti^sait de tenir toute la journée. Davido-
wich était le -niâme général qpi avait commandé
mie des diviisions que Wurms^r avait fait débou*
citer par la Chiesa : il sç' souvenait d^ rœultats j
il n'avait garde d^ se compromettre,. Cependant
vers 3 heures du matin . Alvinzi , instruit de
la marche rétrograde des Français ^ fit occuper ;
Arcole * sur-le-champ , et dirigea au jour deux
colonnes sur les digues de T Adige et d' Arçole
pour marcher jsur nous. La fusillade s'engagea
a 20O toises de notre pont j les troupes le repasr|
sbent au pas de charge^ tombèrent ^ur l'ennemi^
le rompirent^ le poursuivirent vivement jus-
I <p'aux débouchés des marais qu'ils remplirent
de leurs morts. Des drapeaux, du canon et des
prisonniers furent les trophées de cette joarnée,^
(âdeux nouvelles divisions d'Alvim&i furent
• • . . . >
deiaites.
Sur le soir \e général JrançctiS'ij^^ les mêmes
motifs et les mêmçs combinaisons, fit le même
mouvement que la veille. Il cojpcentra toutes
ses troupes sur la rive droite de ^ Adige , ne
laissant qu'une avant-garde sujr la rive gauche/
IX. 8«.« journée j 17. nwepipre. ,~ Çepen-
Y\
•I
n
206 MÉMORIAL
dant ÀIvînzi) induit en erreur par un espion'
qui assurait que le général français avait repassé
l'Adige, marché sur Mantoue, et ti^ayait laissé
qu'une arrière-garde à Ronco, del)oucba à ia
pointe du jour, avec Tintention d'enlever k
pontdëRonco, Un moment avant le jour, on
apprit que rien n'avait bougé du coté de Vau-'
}>bîs, que Davidowich n'avait point fait de
mouvemens. On revint sur Tautre bord de TA-
dige. La tète de nos cojionnes se rencontrèrent
à moitié des digues avec deux autres divisions
d'Alvinzi* Il se livra un combat opiniâtre, nos
troupes furent altematiuement en auant et
en arrière^ Pçndémt un moment^ les balles
arrivaient sur le pont. La 75* avait été rompue,
le général en chef plaça la S2* en embuscade,
ventre i terre dans un petit beis de saules , le
long de la digue d'Arcole. Cette demi-brigade
se releva, fit une décharge, marcha à la baïon-
nette , et culbuta dans les marais une colonne
(ennemie, épaisse de toute sa longueur; c'é-
tait 3 mille Croates ^ et ib y peVirent tous.
Masséna, sur la gauche, éprouvait des vicis-
situdes ; mais il marcha à la tête de sa dwision,
son chapeau au bout de son épée , eh signe de
DE SAINTE-HÉLÈNE. 20r
drajieau, et fit un horrible carnage dé la divi-
sion çui lui était opposée.
Après midi le généràlfrançais jugea (ju'en-^
fin le moment d'en finir était venu. Car si Yau^
bois apcàt été battu le jour encore par Davi-
dowich , il serait obligé de se porter , ht nuit
prochaine , à son secours et à celui de Man^
toue. Dès-lors Alvinzi se porterait sur Vérone,
il recueillerait Thonneur et les résultats de la
?ictoire ; tant d'avantages remportés dans Vtois
journées seraient perdus. H fit èolnpter soigneu-
sement le nombre des prisoimiers, récapitula
les pertes de l'ennemi; il conclut qu'il s'était
affaibli dans ces trois fours de plus de 20 mille
Sommes; qu'ainsi désormais ses forces en ba-
taille ne seraient pas beaucoup plus à* un tiers
aurdessus des nôtres. Il donna ordre de sortir
des rnarais et d^ aller attaquer t ennemi en
plaine.
Les circonstances de ces trois journées avaient
tellement changé le moral des deux années»
que la victoire nous était assurée. L'armée passa
le pont jeté à l'embouchure de l'Alpon. Elliot,
ûide-de^iomp du général en chef, chargé d'en
Construire un second , y fut tué. A deux heures
/
UtoS MEMORIAL
aprifS midi l'armée française «tait en bataille,;
sa gauche à Arcole et sa droite dabs la direct*
tion de Porto-Lignano; elle avait en face leii'^
n^mi, dont la droite s'appuyait à TAlpon, et
la. gauche à dos macais. L* ennemi était à che-
pqI ^wk la route d^. Moutëbello. L'adjudant
Lgrcet était parti de Lignano avec 6 à 7 cents
homi^esi, W- pièces de ca^pn et I! cenjts 'chevaux^*
pour tourner les marais : auxquels renuemiàp*-
puyait.sa gauche ^ Vers 3 heures , au moment
où ce détachement de la garnison de Lignant*
se portait pur l'ennemi , que la ca^cHinade était
vive sut toute la ligne , et que les. tirailkum
ét^i»ei\t a^xinains,/^ général. fmnçQi^oxàovm.
au €Îie^4'csçadron; Hercule. de se porter, avec'
S^ guides,, et ^o\i 5.trompettes, au travers dea
rosea.ii^x et dejchargex s.ur, rextjrémité de la
gai^c|^e 4^. l'enixemi ? au mém^ moipent q|ie la
garnison de Lignano commencerait à la canon-
ner par derrière j ce qu'il exécuta avec : intelli-
gence ». et contribua beaucoi|p au succès de la
JQUrnée. X^^ennemi fut ci^lbuté partout; sa.
ligne fut rompue, il laissa beaucoup de prison-^
niers. Alvinzi avait échelonné 7 à Ç mille hom-^
mes sur ses derrières,, pour assurer sa retraite ^
DE SÀINTE-HÉLÉNE. SC9
• • *
et pour escorter ses parcs j et par-là Isa ligne de .
l^ataille ne se trouva pas plus forte que la nôtre.
U fut mené battant tout le reste de la soirée*
Toute la nuit il continua sa retraite sur Vi-
c^nçie. Notre cavalèrife le poursuivit au-delà de
Montébello*
Arrive' à Villa-Nova, Napoléon s^arrêta pout
avoir les rapports de la poursuite da rennetaii,
et de la contenance que faisait son arrière-^
garde* Il entra dans le couvent d^ Saint-Boni-
facyej Féglise avait servi d'ambulance. Il y trouva
A ou 5 cents blessés, la plus grande partie
morts } il en sortait une odetir de codante ^ il
recula d'horreur! Il s'entendit appeler par son
nom : deux malheureux soldats friançais bles^eV
étaient depuis trois jours au milieu des T?iorts ',
Sans avoir mangé; ils n'avaient point été pansés,
ils désespéraient d'eux-mêmes; tnais ils furent
rappelés à la vie par la vue de lei^ir général :
tous les ^secours l«ut furent prodigués.
Le général français visita les hauteurs dé
Caldeiro* et se remit en marche vers Vérone. A
im<*chemin, il rencontra un officier d'état-ttaj'ot
autrichien que Davidowich envoyait à Alyiriïri.
Ce jeune homme sç croyait aii milieu dessiens^»
210 MÉMORIAL
D'aprè3 ses dépêches , il j avait trois jours que
les deux armées ne s'étaient communiquées;
Davidowich ignorait tout.
X. Varmée française rentre triomphante
dans Vérone par la rii^e droite. — Napoléon
entra triomphant dans Vérone , par la porte de
Venise , trois jours après en être sorti mystérieu-
i^ement par la porte de Milan, On se peindrait
difficilement rétonnement et l'enthousiasme des
hahitai^; nos ennemis mêmes les plus déclarés ne
purent rester froids, et j oignirent leurs honmiages
à ceux de nos amis. Le général français passe sur
la rwe droite de tAdigç^ et CQurt sur Davido*
wich qui était encore à Rivoli. Il est chassé
de poste en poste et poursuivi l'épée dans les
reins jusqu'à Koveredo. De ses 60 à 70 mille
hommes, on calcule qu' Alvinzi en perdit de 30
à 35 mille dans ces affaires, et que ce fut l'élite,
de ses troupes.
Cependant de si grands résultats ne' s'étaient
pas obtenus sans pertes, et l'armée avait plus
que jamais besoin de repos. Le général français
ne jugea pas devoir reprendre le Tyrol, et s'éten-
dre jusqu'à Trente. Il se contenta de faire
occuper Monte'bello, la Corona, les gorges de la
r
DE SAINTE-HEÏJÉNÊ: ' ZU
Chiusa et de l'Adige. AlVinzi se rallia à Bas-
sano et Dayidowîch à Trente. Cependant on de-
vait croire ^'on obtiendrait bientôt Mantoue ,
ayant que le général autrichien ne pût recevoir
une nourelle armée. Les fréquentes sorties de
Wurmser, pour obtenir q[uelc[ues rivres, le
grand nombre de déserteurs qui étaient maigres,
et depuis un lûois à la demi-ration, le dénû-
ment de ses Hôpitaux et le grand nombre de ses
malades , tout dut donner l'espoir d^nne prompte
reddition;
' ^
BATAILLE DE RÏVOLL
• . . - ■
Depuis rpffensiire' de ProYera,.lei jaoTÎer 1797, ji»-*
qa'à la reddition de Mantoae, le i^ fëmer saivants
espace à\m mois^X^oyez la carte*)
L État de IJtcdie.'^ Venhetaiis^it de hùu--
velleS' IcYee^^ d'E&cljayCpSp: il arrivait tous let^
jours ^6 nqfiyeap.x bataiilLous ddnà Us }agunes,
lea partis . ëtj^iiçnt en .pr6sei^<^.6 tl^AP tp\Ltel^ les
villes du pays Vénitien. Les citadelles f de Vé-
rone et de Brescia étaient dans les mains des
troupes françaises. Des troubles survenus à
Bergame firent sentir la nécessité d'occuper la
citadelle; le général Baraguey-d'Hilliers en prit
possession. Les négociations avec Rome conti-
nuaient , mais elles ne marchaient pas : l'expé-
rience avait prouvé qu'on ne pouvait rien
obtenir de cette Cour que par les menaces
et la présence de la force. Le général en
chef annonça à Milan son départ pour Rome *
il fit partir le général Lahosse auec 4 mille
Italiens pour Bologne, y dirigea une colonne
de 3 mille français , et fit prévenir le Grand-Duc
de Toscane que ses troupes traverseraient ses
DE V &éJQSTErHÉLÊNË. U$
£tatS| pour se reiidre i Perùgia ; il paatit effeo
tivement lui-même. ,. ût se rendu à Bologne^
.M9ii£redim vint l'y trouver ^ pour: ménager les
intërêta dé son mattré, et s'en retoiilii6i.conYaixioii
que le géilëral français marçliàit sur Kome«
Pour cette fois, cette Caxii: ne: fat point dupe
de toutes ces apparences ;.ellfe resta immcibxlei
£31e était au &Jit des pkns adojptes à Yiesineji
et en.esjpfi'jcait le siiccèâs. Cependaht, Idrsqu «lie
apprit que le général françaiséfait à Bologne v
le s^fataire d'état fut étottnié, mais le ministre
d'Autriclie soutint son qpurige r ^^ lâi iai^^uadlt
comprendre que rien n'était plus ibseii^reux pont
feijirs vues,; que: : d'attirer , l« ^[^^ral français
4ans le fond de l!l,talie f et quj^ fallût-il quitter
Rwe, ,se serait encore nu' boiUieur, puisque
l^ 4^aite dfiç^ 3Fr»iif«is;> wrJ^Adigie, en serait
^^'au^tanit pliisijassurç'p/ : .. r.; ,! j: :,
IL SUua£pn4ô.Vmrfé^ ^tmrkbiâime. —
C99fi4^ablcS55; Lé| Pft4Pttaiu, Jq T^i^imn^^t twt
Iq iÇi^^ss^i^j^^/pi^li: fi9WP?r5te>dfe, jWW)|||5S,aufeirî
chiennes. Il s^était écoulé deux miois depuis
U ,ba|tailk j;l'Aî»(^e{ . l^Utiilfthe> iM.aVeiti hftil^
S4Q MEMORIAL
tebaldo ^ enlre le lac de Guarda et 1* Adige ; sa
gauche par la rive gauche de TAdige. Quelques
mois aprè^ , Alviuzi avait attaqué sur deux co-
loiines.; Tuiie opérant dans le Tyrol , l'autre sur
la Piave, la Brenta et TAdige. Mais la batailê
de Ijonato, celles de Castiglione ^ d^rcck^
aidaient fait éûhouer ces deux plans de cam-
pagne. La Cour de Vienne adopta cette fm
un nouifeau plan y qui se liait avec les opéra-
tions de Rome. Il fut arrêté que Tannée autri-
chienne ferait deux grandes attaques t la pre-
mière par leMontebaldo, ccMtnme avait f ait Wurm*
ser; la seconde sur rA4ige,' par. les plaines du
Padouan. Que les deux corps qui exécuteraient
ces attaques n'auraient rien de coniniun entïe
eut; qu'ils marcheraient indépendamment l'un
de l'autre j de sorte: que si- l'un réussissait, le
premier but serait rempli y ëtiMaiitoue deUo-
quée. Le corps priçM^ipal de.T4it déhibucher par
le Tyrol; et s'il battait. l'àrmét^ française, il
arriverait sous les n)U]:$ de Mà!attjpue> j fej*ait.$a
JQtictiotoai^Qîlç d^iLiâq^;c^r^^q;u:Ji ^gii^Sait 4ur
l'Adige. SI feu cônjtr^ii» la; principale •attaqûl
échouait , et que le second côrpc^ aréu^sît, le
siège de Mariitotte serait égalemejit'kvé, ^ la
DE SAINTE-HELENE. »^T
place réapprovisiounëe. Alors ce coxps d'armëé
se jieterait dans le Sëraglio, et établirait ses coni'-
municatioiis avec Rome, Le maréchal Wuilhsef
prendrait le commandement de l'armée qui
était dans la R(»nagne. La grande quantité de
généraux, d'officiers et de cavalerie démontée
qui se trouverait dans Mantoue , servirait à
discipliner l'armée du Pape , et ferait une di-
yersion qui obligerait le général français à
avoir aussi deux corps d'armée , l'un sur la rive
gauche, Tautre ^ur la rive droite.du Pô.
Un agent secret enifoyé de Vienne, fort
intelligent , fut arrêté par une sentinelle ;
comme il franchissait le dernier poste de Tar-
mée française dervant Mantoue. Ojq lui fit rendre
sa dépèche qu'il avait avalée , renfermée dans
une petite boule de cire à cacheter. Cette dépê-
che étaït une petite lettre écrite en caractères
très-fins , signée de l'Empereur François. Il an-
nonçait à Wurmser qu'il allait être incessam-
ment dégagé. Dans tous les cas, il lui ordon-
nait de ne pas se rendre prisonnier j d'évacuer
la place; de passer le Pé; ce qu'il pouvait faire
puisqu'il était maître du Séraglio ; dé àè rendre
dans les états du Pape^ où îLprendrait le com-^
3. Ay^ ■
2>I8 MÉMORIAL
mandement de son année. L'Emperenr d'Au-
. triche , supposait , comme on le voit , que
Wurmser était maître du Se'raglioj il était
mal infoimë.
V. Combat de Saint-MioheL — En exécu-
tion du plan adopté par la Cour de Vienne,
Provera eut le commandement du corps d'armée
qui devait agir sur F Adige , pour passer cette
rivière et se porter sur Mantoue. Les bataillons
volontaires de Vienne faisaient partie du corps
d'armée, qui était composé de 3 divisions for-
mant 25 mille hommes. Aux premiers jours de
ja^nvier, Provera porta son quartier-général à
Padoue. Le 42 il se dirigea, avec 2 divisions,
sur Montagna, où était Tavant-garde d'Auge-
reau , commandée par le brave général Duphot.
Au même moment la troisième division autri-
chienne , qui avait pris position sur les hau-
teurs de Caldiéro, marcha sur Saint-Michel
pour y attaquer Tàvant-garde de Massera, dout
le quartier-général était à Véronnej c'était une
fa^usse attaque* Le général Duphot , attaqué à
la pointe du jour par Tavant- garde de Provera,
composée des volontaires de Vienne , la contint
facilement et la repoussa* Mais sur midi , toute
DE SAINTE-HÉLÈNE. Siô
Parm^e autrichkmie s'étant déployée , Duphot
fit retraite, et re|>assâ l'Adige à Legnago. La
division qui formait la droite de Prorera^ et
qui attaqua Saint-Michel , était la plus faible*
Le général Masséna marcha de Vérone ati se-
cours de son avant-garde. La division autri-
chienne fut rompue, dispersée et poursuivie
Tëpée dans les reins jusqu'au-delà de TAlpon.
Ce fut dans ce moment que le général fran«
çais arrira en poste de Bologne, Il avait été
instruit, pas ses agens de Venise, du mouve-
ment de Tannée autrichienne sur Padoue* Il
a^vait fait camper les troupes itadiennes sur la
frontière de la Transpadane, pour s'opposer
«u Pape j dirigé les 2 mille Français de Bologne
sur Fefrare , où ils avaient passé le Pô à Ponte-
di-Lagoscuro, et rejoint Taimée sur TAdige,
De sa personne, il passa le Pô à Borgofwte, se
fendit au quartier-gériéral de Roverbella, et
arriva à Vérone au plus fort du feu du com-
bat àe Saiût-Michel. Il ordonna sur-le-champ
â Masséna de replojev, dans la nmit , toutes ses
troupes sur Vérone*
L'ennemi paraissait être en opération, et il
fallait tenir toutes les troupes disponibles , pour
220 MÉMORIAL
pouvoir se porter où serait la véritable attaque.'
Dans la nuit on reçut des nouvelles du vquar-
tier-gene'ral de Legnago, qui disaient que toute
Tarme'e autrichienne e'tait en mouvement sur le
Bas-Adigej que le grand état-major de l'ennemi
y e'tait 9 ainsi que deux épuipages de pont. Le
rapport du ge'ne'ral Duphot ojBficier de confiance,
ne laissait aucun doute sur les nombreuses
forces de'ploje'es devant lui : il les portait à
20 mille hommes, et supposait que c'était la
première ligne de l'ennemi. On fut confirmé
dans l'opinion que l'ennemi opérait sur le Bas-
Adige, par la nouvelle de ce qui s'était passé
à la Corona. Joubert manda que pendant toute
la journée du 4 2 il avait été attaqué par l'en-
nemi , qu'il l'avait contenu , et que la division
autrichienne avait été repoussée dans toutes ses
tentatives.
VI. Le général Ahînzi occupe la Corona et
Jette un pont sur VAdige. — Le général fran-
çais ordonna à la division Masséna de repasser
rAdige, et d« se réunir sur la rive droite. Il
attendit ainsi toute la journée du 43, ce qui se
serait passé ce même jour à Legnago, sur l'A-
dige et la Corona, Les troupes furent prévenues
DE SAINTE-HÉLÈNE. 221
d^être prêtes à faire une marche dé nuit et
d être sous les armes à -1 heures du soir. La
division qui était à Dezenzano, se porta le 41
à Castel-Novo, et attendit là de nouveaux'
ordres. ' '
Il pleuvait à grands flots. Les troupes étaient'
sous les armesj mais le général en chef ignorait*
encore de quel côté il les dirigerait. A dix heu-
res du soir les rapports du Montel)aldo et du
Bas-Adige arrivèrent. Jouhert mandait que le
^3 à 9 heures du matin , Tennemi avait déployé
de grandes forces j qu'il s'était battu toute la
journée j que sa position étaift très-resserrée , il
avait eu le bonheur de se maintenir j ' iliais qu*à
deux heures après midi, s'étant aperçu qui!
était débordé par la gauche, par la marche
d une division autrichienne qui longeait le lîac
de Guarda et menaçait de se placer entre Pes- '
chiera et lui; et par sa droite par une autre
division ennemie qui avait longé la rive gauche
de TAdige, jeté un pont à une lieue au - dessus
de Rivoli , passé ce fleuve , et filait par la rive
droite, longeant le pied du Montébaldo, pour
enlever le plateau de Rivoli , il avait jugé indis- '
pensable d'envoyer une brigade pour s'assuf er
^ 222 MEMORIAL
le plateau de Rivoli , la clef de toute la posi-
tion I et <{ue sur les quatre heures il avait juge
l^irmê]^ nécessaire d'abandonner la Corona,
a^ d'arriver de jour sur le plateau de Rivoli ,
qu'il serait obligé d'évacuer le lendemain avant
9 heures. Sur le Bas-Adige, Tenneçii avait
bordé la rive gauche. Nous étions sur la rive
droite. Jje projet de l'ennemi se trouva dès-lors
dfui^qué. Il fut évident qu'il opérait avec deux
grandes armées sur le Sfontébaldo et sur le Bas«
Adige<, La division Augereau parut suffisante
pour dispuV^r et défendre le passage de la
rivière. Sur le Mo^téhaldo il n'y avait pas un
moment h perdre y puisque l'ennemi allait faire
sa jonction avec son artillerie et sa cavalerie, en
s'emparant dij plateau de Rivoli j et que si on
pouvait l'attaquer Rivant qu'il ne se fût emparé
de ce point important , il serait obligé de corn-
l)attre S2^ns spn artillerie et sans cavalerie. Il ne
fut plus douteux que la principale attaque de
l'ennemi ne fut ps^r le IVIonteTialdo. Toutes les
troupes fu]rent donc dirigée^ sur le plateau de
ll^ivoli. Le général ep chef s'y rendit lui-même
à deux heures du ^^atin,
YH, Sl(tt0iMe 4& B^woU^ — Le temps s'était
DE SAINTE-HÉLÈNE; 223
i^.lairci, il faisait un clair cte lune superbe.
Napoléon monta sur différentes hauteurs et
observa les diverses lignes des feux ennemis.
Elles remplissaient le pays entre TAdige et le
lac de Guarda : l'atmosphère en e'tait embrase'.
On distingua fort bien cinq corps qui paraissaient
formes par cinq divisions qui auaient déjà corn--
mehcélôur mouvement la veille. Les feux des
bivouacs nmnonçaiént ^0 ou 50 mille hbmmes.
Les Français devaient Être à 6 heures du matin à
Rivoli, avec 22 mille hommes : c'était encore
une trèS'gtande disproportion} mais nous
aidions shur t ennemi îài^antage d'at^oir 60
pièces de canon et plusieurs milliers de che--
POUX. Il fut évident, par la position des cinq
bivouacs ennemis, qu'ils ifôulàient nous attaquer
vers 9 ou iO heures du matin. La colonne de
droite , qui était fort éloignée , avait pour but
de venir cerner le pldteàU de Rivoli par der-
rière î eUe ne poupaît être arrwée apant 40
heures; la 4" division du centré devait avoir
la destifiation d'attaquer notre position de gau--
che. La seconde, qui était sur la crête supérieure
du Montébaldo, près Saiat-Marco, avait pour
but de s'emparer (fe la chapelle de Saifet-Marco,
22W MEMORIAL
de descendre par le plateau de Rivoli , 6t d'dU-*
yrir le eheiûin à la colonne de gauche, qui avait
longé le pied du Montel)aldo, et se trouvait
tivouacjuée au boinl du plateau , le long de T A-
dige , au fond de là vallée. Le 5*"«. bivouac
paraissait une division de réserve : U étaU en
arrière.
Sur ces données, Napoléon étajblit son plan.
Il ordonna à Joubert, qui avait évacué la
cliapelle St.-Marco, et qui n'occupait plus le
plateau de Rivoli que par une arrière-garde,
de reprendre de suite Toffensive , de se réem-
parer de la chapelle, et à l'aube du jour,,
de pousser la deuxième division du centre
de l'ennemi , qui était sur la crête supérieure ,
aussi loin que possible. 400 Croates^ instruits
par un prisonnier, de l'évacuation de Saint-
Marco, venaient d'en prendre possession, lors-
que Joubert remonta s^r CQtte chapelle à k.
heures du matin , et reprit sa position en avant*
La fusillade s'engagea avec un régiment de
Croates, Au jour, Joubert attaqua la divi-
sion qui était devant lui, et la poussa de
hauteurs «n hauteurs sur la crête supérieure
du Montetaldo , qui domine la vallée de l'A*
DE SAlNTE-HELÈNE. 225
digé. La première division autrichieniie du
centre pressa alors sa marche, et un peu
avant neuf heures elle arrwa sur les hauteurs
de gauche du plateau de Rivoli. Elle n'avait
point d'artillerie. La W et la 85*, qui gar-
nissaient ce plateau , avaient chacune une bat-
terie. La 4 V , qui occupait la droite , repoussa^
les attaques de Tennemi; la 85^ fut débordée
et rompue. Mais le gene'ral français courut
à la division Massena, qui, ayant mai'ché
toute la nuit , prenait un peu de repos , la
mena à Permemi-y et, en moins à^ une demi-
heure , la 4" division autrichienne du centre
fut battue et mise en déroute; il e'tait 40
heures et demie, La division autrichienne de
la gauche , composée de 3 mille hommes d'in-
fanterie, de 5 à 6 mille hommes de cavalerie,
de toute Fambulance et le gros bagage de
rarmëei, qui était au fond de la vallée, en-
tendant la fusillade près du plateau, et s'é-
tant aperçue que Joubert , qui était à une
heue en avant , n'avait plus personne 4 la cha-
pelle St.-Marco, fit monter quelques batail-
lons de troupes légères pour l'occuper, et
prendre Joubert à dos. Lorsque ses bataillons
/
226 MÉMORIAL
furent à demi-hauteur, l'ennemi se hasarda à
faire déboucher ^2 pièces de canon ^ 2 à 3
bataillons d'infanterie et mille chevaux. Cette
opération était difficile; c'était une véritable
escalade. Joubert s^en étant aperçu envo|a
au pas de course 3 bataillons qui arrivèrent
à la chapelle avant renn^ni, et le précipi-
tèrent au fond de la vallée. Une batterie de
•45 pièces ; placée au plateau de Kivoli, mi-
trailla la partie de la colonne de gauche,
qui commençait à déboucher. Le colaael
Leclerc chargea par peloton avec 900 cbe*
vaux. Le chef d'escadron Lasalle était à la
tète du 4«^ peloton, et, par son intrépidité,
décida du succès. L'ennemi fut culbuté dans
le ravin ; on prit tout ce qui avait débouché;
infanterie, eavalerie, artillerie.
A 14 heures la colonne de droite de l'ar-
mée autrichienne arriva à la position qui lui
était indiquée. Elle j trouva notre division
de réserve de De^ens^no* Elle plaça une
brigade pour la tenir en échec. L'autre bri-
gade , forte de h mille hommes , se plaça sur
la hauteur, à chetal sur le chemin de Vé-
rone au plateau de Rivoli. Elle n'avait point
r"
DE SAINTE-HÉLÈNE. 227
d'ailillerie j elle . croyait avoir tourna l'armée
française , mais il e'tait trop tard. A peine
arrivée ^sur la hauteur , elle put voir la de'-
route des 3 divisions autrichiennes ifz/ centre
€t de la gauche. On dirigea contre elle 12
à 15 pièces de la réserve. Après une vwè
c^jxonvu^àçi ^ elle fut attfnquée , cernée et entiè-
rement prise. La 2"® brigade, qui e'tait plus en
arrière, en position contre la^re'serve de Dezen-
zano, se mit en retraite. Elle fut viveiiaent
poursuivie , une grande partie fut tuée bu prise.
Il e'tait une heure après midi ; l'ennemi était
partout en retraite et vivement poursuivi.
Joubert avança avec tant de rapidité', qu'un
iXK)ment nous crûmes toute l'arme'e d'Alvinzi
prise « Joubert arrivait à l'escalier, sçule re-
traite de l'ennemi j mais Alvinzi sentant le dan-
ger où il e'tait, marcha avec ses troupes de
réserve , contint Joubert et même lui fit perdre
un peu de terrain. La bataille e'tait gagnée
Nous avions du canon, des drapeaux et un
grand nombre de prisonniers. Deux de nos déta-*
chemens qui venaient rejoindre l'armée donnè^
rent dans la dwisian gui nous wait coupé le
chemm de Vérone. Lie bruit se répandit aussi-
22$ MEMORIAL
tôt sur les derrières que Tarmee française elait
cernée et perdue. . '
Dans cette journée, le général en cheJivX
plusieurs fois entouré par l'ennemi. Il eut plu-
sieurs chevaux tues ou blesse's; Chabot occupait
Ve'rone avec une poignée de mondes mais là
division de Caldiéro avait été si bien battue le
4 2 à Saint-Michel, qu'elle n'avait pu rien entre-
prendre. Elle se contenta de garder sa posi-
tion. '
VIII. Passage de VAdige par Proi^era^ —
Il marche sur Mantoue. — Le -1 W^, Provera jeta
un pont à Anghiari ; et le ^ 5 , à la pointe dut
jour, il passa l'Adige et se mit en marche Sur
Mantoue. Augereau se porta sur le pont de
l'ennemi , fit prisonnier 4 5 cents tommes que
Provera avait laissés pour sa garde , et s'empara
du poiit pendant la journéie du 4*5 j mais Provera
avait gagné une marche sur lui. Mantoue était
compromise.
Il est difficile d'empêcher un eimémi qui a
plusieujrs équipages de pont, de passer une
rivière, lorsque l'armée qui défend le passage
a pour but de couvrir un. siège. Le général doit
avoir pris ses niesures pour arriver à une posi-
DE SAINTE-HÉLÈNE. 229
tîon intermédiaire , entre la rivière (ju'il défend,
et la place qu'il couvre, avant l'ennemi. Le^
gênerai français avait donne' des ordres en con-
séquence. Aussitôt que l'ennemi aurait passe',
il fallait se diriger sur la Molinella, y arriver
avant lui, et, après avoir couvert la place, mar-
cher à sa rencontre. L'oubli de ce principe et
de ces instructions, compromit Mantoue.
Napole'on ayant appris, trois heures après
midi , que Provera jetait un pont à Angliiari ,
prévit sur - le -champ ce qui allait arriver. Il
laissa à Masse'na , à Murât et à Joubert ^ le soin
de suivre le lendemain Alvinzi, et partit à
l'heure même avec ^ re'gimens pour se rendre
devant Mantoue. Il arriva à Roverbello, comme
Provera arrivait devant Saint-Georges. Hohen-
zollern , qui commandait l'avant-garde de Pro-
tera, parut le ^6 à l'aube du jour. Il arrivait à
la tête d'un re'giment couvert de manteaux
blancs à la porte de Saint-Georges. Il savait que
ce faubourg n'e'tait point fortifie', qu'il n'e'tait
couvert que par un simple retranchement de
campagne j il espe'rait le surprendre. Miolis, qui
y commandait , ne se gardait que du cote' de la
yille. Il savait qu'il e'tait couvert par une divi-
232 MÉMORIAL
rai retourna à Vérone. La division Masséna se
rendit à Bassano. Une division d'Alvinzi com-
mençait à se rallier sur la Brentaj on la de'fit
et on la jeta au-delà de la Piave. Le général
Augereau marcha à Castel-Franco et delà à
Tre'vise, Il eut aussi à soutenir quelques le'gères
affaires d'avant-garde. Toutes les troupes autri-
chiennes repassèrent la Piave. Les neiges rem-
plissaient toutes les gorges du Tjrol j ce fut le
plus grand obstacle que Joubert eut à surmon-
ter^ Tinfanterie française triompha de tout.
Joubert entra dans Trente. Le ge'ne'ral Victor
fut envoyé' sur le Lavisio et par les gorges de la
^Brenta, se remit en communication avec Mas-
séna , dont le quartier-général était à Bassano.
On ramassa beaucoup de prisonniers dans
diverses petits combats j on trouva partout des
malades autrichiens et beaucoup de magasins.
L'armée se trouva dans la même position qu'a-
près les batailles de Roveredo, de Bassano, et
avant celle d'Arcole ; et Bessières fut envoyé
porter les nouveaux trophées à Paris. Les com-
bats de Saint-Michel, de Rivoli, d'Anguiari et
de la Favorite, firent perdre à Alvinzi plus des
deux tiers de son armée. De ses 80 mille hom-
DE SAINTE-HELENE. 233
mes, il n'en raffiena que 25 miUç en Autriche.
X. Reddition de Mantoue. — Désormais nous
• • • .
n'avions plus d'inquiétude sur Mantoue. JDe--
puis long-tenips la garnison avait été mise à la
demi-ration y tous les chevaux étaient manges.
Qn fit connaître à Wunnser les re'sultats de la
ktail^e de Riyoli j il n'avait plus rien à espérer.
Ou le somma de se rendre; il répondit .fière-
notent fju'jil avait des yivi;es pour un an. Cepen-
dant, à quelques jours de là, ]Uenau, son p^er
mier ^de-de-çamp , se rendit au quartier-géné-
n^l de Serrurier. J\ protesta que la garnisons
%?a\t encore pour trois mois de vivres.; mais
(pie le maréchal , .ne croyant pas que l'Autriche
pût dégager la place à temps, sa 'conduite serait
r^lée par :J^3 eQAditions qu'on lui ferait. Ser-^
rurifir rép(>n4J^t <îu!il allait prendre l^s ordres
dtt.gpnéral en chef À ce çujet.
^gpQléou se rendit à Jloverhiçllo; Serrurier
fit appeler J^^lç^au. Le général >fx:âtnçais resta
•
iûconnfi, enveloppé dans. s^ capotte.. La con-
versation ,s'eng4g.ea entre jSerrurier et Klena|i j
^^aji employait tous les moyens d'usage , et
diversait longuement sur les grands moyens qui
^'^t^îei»t k .Wurniser.et la grande q;uantité de
3. n
2^)^ MÉMORIAL
TÏTf es qu'il waît dans ses magasins de reserve:
Le général français s'approcba de la table , et
écrivit près d'une demi-heure ses décisions en
marge des propositions de Wurmser, pendant
que la discussion durait toujours avec Serrurier.
i^uand il eutjtni : « Si Wurmser, dit-il à
« Klenau, avait seulement pour 48 à 20 jours
« de vivres, et qa*il parlât de se rendre, il ne
ft mériterait aucune capitulation honorable.
«c Voici les conditions que je lui accorde , ajouta-
« t-il, en rendant le papier à Serrurier} tous y
«c lires surtout qu'il sera libre de sa personne,
ft parce que j'honore son grand âge et ses mé-
« rites, et que je ne veux pas qu'il devienne la
(c victime des intrigans qui voudraient le per-
« dre à Vienne. S* il ouvre ses portes demain^
« U aura les conditions que je viens décrire ;
fc s^U tarde \ h jours y un moiSj deux^ il aura
« encore les mêmes conditions. H peut donc
« désormais attendre jusqu^au dernier mor"
ic ceau de pain. Je pats à Vinstant pour
« passer le Pô , je marche sur Rome. Vous
« connaissez mes intentions 4 allez les dire à
« votre général. »
Klenau, qui n'avait rien conçu aux prepiières
DE SAINTE-HÉLEaSE. 285
paroles I ne tarda pas 4 juger à qui U aucàt
àfiùre. Il prit connaissance des décisions» dont
L'a lecture le pénétra de reconnaissance et d'a(ï*
miration pour un procède aussi généreux et
aussi peu attendu. Il ne fut plus question de
dissimuler I et convint qu'il n'avait plus de
vivres que pour trois jours. Wurmser fit solli«
citer le général ftmtçais, puisqu'il devait tra-
verser le Pô y de venir le passer à Mantoue y ee
qui lui ëv'iterait beaucoup de détours et de di&
ficultës. Mais déjà tous les arrangemens de
voyage étaient disposes. Wurmser lui écrivit
pour lui exprimer toute sa reconnaissance} et
peu de jours après il lui expédia un aide-de«
camp à Bologne > pour l'instruire d'une trame
d'empoisonnement qui devait avoir lieu dans la
Romagne , et lui donna les renseignement né-*
cessaires pour s'en garantir; Cet avis fut utile;
Le' général Serrurier présida donc aux détails
de la reddition de Mantoue^ et vit défiler
devant lui le vieux maréchal et tout l'état*
major de son armée. Déjà Napoléon était dans
la Romagiie, L'indifférence avec laquelle il se
dérobait au spectacle si flatteur d'un maréchal
de grande réputation, généralissime à^^ fbrces
28* MÉMORIAL
autricliiennès , à la tète de tout son t^tat-major,
lui téttiTéttant sbh ^pëé , fut un sujet d'étonné-
iH^nt qui retentit dans toute ï Europe.
N. S. de Te'diteur écrit sous dictée, — 4«
Alvinzi, quoiqu'on trouve dans, les divers rap-
ports, avait 80 mill^ Uommes Provera compris.
Les forces du Tyrol étaient de plus 50 mille
hommes. Provera en avait 26 >dont 7 mille com-
battaient à Saint-Michel, et 48 mille formant
deux divisions, marchèrent sur Mantoue. De
ces 48 mille hommes, 3 mille restèrent sur ses
derrières, 40 mille arrivèrent à Saint-Georges ;
et 5 mille restèrent en arrière sur la Molinella ,
pour parer le mouvement d'Augereau qui sui-
.vait : tout cela fut pris. S'il ne se trouva que
7 mille prisonniers dans la colonne de Prover a^,
c'est qu'il avait livré deux combats l'un â An-
guiari , un autre à Saint-Georges, et donné la
bataille de la favorite, qui lui avait conté da
monde ; et que beaucoup de soldats autrichiœs
entrés dans les hôpitaux ne sont pas compris
dans îe nombre des prisonniers» Les rapports j
ne marquent que 23 mille prisonniers ; le vrai
est que les Français en firent plus de 30 mille;
c'est que, en général, Tarmée gardait mal ses
i
DE SAINTE-HÉLÈNE. 2S7
I
/
prisonniers; elle en laissait échapper un grand
nombre. Le cabinet d^ Vienne avait organise
des administrations en Suisse et sur les routes,
pour favoriser leur désertion. On peut calculer
qu'un quart - des prisonniers se sauvait avant
d'être arrive' au quartier -général central. Uij
autre quart avant d'arriver en France, où il n'en
arrivait guàre qu'une moitié. Beaucoup aussi
s'encombraient dans les bôpitau;:^.
2^ Si dans le rapport ol&ciel, Bessières ne
présenta au Directoire que 74 drapeaux > c'est
que les méprises communes dans les mouvemens
dan grand état-^major, en retinrent 4 3 ^n
arrière . On les trouvera dans le nombire dp
ceux que présenta Augereau après la prise . d,e
Mantoue.
3® Des 60 (Irapeaux qu* Augereau présenta
au Directoire , A 3 étaient un reste des trophées
de Rivoli et de la Favorite qu'aurait du pré-
senter Bessières. Les Jil autres furent trouvés
m
dans Mantoue ; et font connaître les nombreux
cadres de l'armée de Wurmser , qui s'étaient
renfermés dans cette place. Le choix d'Auge-
reau pour porter ces drapeaux , fut la récom-
pense des services qu'il avait rendus à larmée,
2d« MEMORIAL
Mrtoat à la journée de Castiglione. Cepeni
dant n eAt été plus naturel encore de les en-
voyer par Masséna , qui avait des titres bien
supérieurs. Mais le gênerai en chef comptait
beaucoup plus sur celui-ci pour sa campagne
d'Allemagne 9 et ne voulût point s'en séparer.
Il en est qui ont cru que Naipolëon s'aperce-
tant qu'on affectait d'élever outre mesure le
général Augereau, fut bien aise, en l'envoyant
à Paris, de mettre ohacun à même d'apprécier
justement le caractère et lés talens de cet offi-
cier, qui ne pouvait que perdre à l'épreuve.
D'autres ont pensé au contraire , que le géne'ral
en cbef avait eu pour but de fixer les regards
de Paris, sur un de ses lieutenans : Augereau
était Parisien»
«■i
(ifai 1816) DE &ÂINT&HÉLÈNE. . %$%
Mercredi i mai.
iVoisième jour de réclusion. -« Beau résomé de l'his-
toire de l'Empereur.
L'Empereur n'est pas plus sorti de sa chambre
que la yeille. Je me suis trouve malade de la
course de Briars; j'ai eu un peu de fièvre .et une
forte courbature. Sur l«s sept heures du soir
l'Empereur m'a fait venir dans sa clpiambre : il
lisait RoUin, que, selon sa coutume, il disait
beaucoup trop bonhomme. Il ne semblait pas
avoir souffert, et me disait même q[u'il était
tsès-bien ^ mais je n'en ëtais que plus inquiet de
sa réclusion et de son calme. Il a voulu dîner
plus tard que de coutume, «t m'a retenu; il a
demande un verre de vin de Constance quelque
temps avant son dîner.; c'est ce qu'il fait d'ordi-
naire quand il se sent le besoin d*être réveille'.
Après le dîner il a parcouru quelques-unes
des adresses, des proclamations ou actes du
recueil de Goldsnaith^ d'ailleurs si incomplet :
quelques-unes Tout remué; alors posant le livre
et se mettant à marcher, il a dit : « Après tout,
« ils auront beau retrancher , supprimer, muti-
^ 1er , il leur sera bien difficile de me faire dis-
2>*0 MEMORIAL (Mairtig)
(c paraître tout à fait. Un historien français sera
ce pourtant bien obligé d'aborder l'empire, et
« s'il â du cœur, il faudra bien qu'il me res-
« titue quelque chose, qu'il me fasse ma part,
« et sa tâche sera aisëe ; car les faits parlent , ils
W brillent comme lé soleil.
« J*ai refermé le gouffre anarchique et de'-
« brouillé le chaos. J^ai dessouillé la révolu-
« tion, ennobli les peuples et raffermi les
« Rois. J'ai excité toutes les émulations, ré-
«f compensé tous les mérites , et reculé les
« limites de la gloire ! Tout cela est bien quel-
« que chose ! Et puis sur quoi pourrait-on m'at-
« taqùer , qu'un historien ne puisse me Aéferir
« dre? Séràit-ce mes intentions? Mais il est en
« fond îpour m'abisoudre. Mon despotisme?
i< Mais il démontrera que la dictature était de
«c toute nécessité. Dira-t-on que j'ai gêné la
"tt liberté? Mais il prouvera que la licence, l'a-
« nkrchie , les grands désordres, étaient encore
« au seuil de la porte. M'accusera -t- on d'avoir
«c trop aimé la guerre ? Mais il montrera rpie
•c j'ai toujours été attaqué. D'avoir voulu la
« monarchie universelle? Mais il fera voir
•c qu'elle ne fut que l'oeuvre fortuite des cir-»
im mè) DE SÂÎl^ïTE-HÉlJÈNE. ^M
« constances; que ce furent nos ennemis éux-
« mêmes qui m'y conduisirent pas à pas. Enfin ?
« sera-ce mon ambition ?. At î sans doute il
« m'en trouvera , et beaucoup ; mais de la plus
« grande et de la plus haute qui fut peut-être
<t jamais ! celle d'établir , de consacrer enfin
« l'einpire de la raison, et le plein exercice,
* l'entière jouissance de toutes les facultés
«t humaines I Et ici l'historien peut-être se trou-
ât vera réduit à devoir regretter qu'une telle
« ambition n'ait pas été accomplie, satisfaite ! .;.
Et après quelques secondes de silence et de
réflexion : « Mon cher, a dit l'Empereur, en bien
if peu de mots voilà pourtant toute mon his-
«t toire. » •
Jeudi 2
«
• ' i_ ' * •
Quatrième jour de récloslon absolue. — Le Moniteiur
favorable à l'Empereur, étc*
L'Empereur a encore gardé la chambre
comme les jours précédens. Il m'a fait appeler
le soir après mon diner, sur les neuf heures. Il
avait passé la journée sans voir personne j j'ai
demeuré avec lui jusqu'à onze heures; il était
/
m MÉMOKIAI. ( m i8t6)
gai et semblait bien portant. Je l'assurai que les
journées nous étaient bien longues quand on ne
le voyait pas ; qu'il ëtait difficile qu'il ne sentit
pas bientôt les effets funestes de sa stricte réclu-
sion , et du manque de respirer l'air du. dehors;;
Pour moi j'eA ëtals fort inquiet et tres-affiigé*
£n effet une demi-heure au moins ayant que de
me renToyér,il s'est mis dans son lit; les jambes
lui refusaient, disait-il, le service; il se sentait
fetiguë d'avoir tant marche' avec moi , bien qu'U
n'eut fait que quelques tours dans sa chambre.
Il avait beaucoup parle de la légion d'hon-
netir, du recueil de Goldsmith et du Moniteur,
n disait à l'occasion de celui-ci qu'assurément
c'était une chose bien remarquable et dont bien
peu d'autres pourraient se vanter , que d'avoir
traverse' la révolution si jeune et avec tant de
fracas , sans avoir i redouter le Moniteur. « Il
« n'est point une phrase, disait-il, que j'aje à
« en faire effacer. Au contraire, il demeurera
ce infailliblement ma justification toutes les fois
« que je pourrai en avoir besoiti. m
( lu 1816} DE SAINTE-HELENE; 2»3
Vendredi 3.
Cinquième jour de réclosion*
L'Empereur n'est pas sorti d'avantage, c'était
son cinquième jour de rëcfusion, il continuait
à ne voir personne. Nous ignorions au dehors
ce qui se passait dans son inteneur. lime faisait
appeler pour ainsi dire à la dérobée* J'y suis
entré sur lets six heures du soir.
Je lui ai renouvelé notre inquiétude et notre
peine de le voir ainsi renfermé. Il m'a dit qu'il
le supportait fort bien. Mais les journées étaient
longues, les nuits encore d'avantage. Il n'avait
rien fait de tout le jourj il s'était trouvé de
mauvaise humeur, disait-il ; encore en ce mo-
ment il était silencieux, sombre^ apesanti. Il
s'est mis au bain j je l'y ai suivi et ne l'ai quitté
que pour le laisser essuyer. Il a fini la soirée
par des objets ou des récits bien importons.. ••..
Samedi 4.
Sixième jour de récloaion*
L'Empereur n'est pas sorti encore- Il avait
dit pourtant qu'il monterait à cheval sur les
ih% MÉMORIAL (MaiiôiG)
quatre heures; mais la pluie est venue déranger
son intention. Il a reçu le Grand-Marechal.
Sur les huit heures il m'a fait appeler pour
dîner ayec lui. Il a dit que le Gouverneur était
venu chez le Graftd-Maréchal, qu'il y était
demeuré plus d'une heure. Il y avait tenu, une
conversation souvent pénible ^ même parfois
offensante. Il avait parcouru divers objets avec
beaucoup d'humeur et très-peu d'égards j d'une
manière très-vague et sans résultats : nous repro-
chant surtout, à ce qu'il paraissait, de nous
plaindre beaucoup et sans raison, disait-il; il
soutenait que nous étions très-bien^ et devrions
être éontens; que nous semblions nous abuser
étrangement sur nos personnes et nos situa-
tions, etc. 5 etc. Que du reste, du moins cela a
été compris ainsi, il voulait être i^ssuré cliaque
jour, par tànoignage évident de l'existence et
de la présence de l'Empereur.
Il est certain que ce point était la véritable
cause de son humeur et de son agitation. Plu-
sieurs jours venaient de s'écouler sans qu'il eût
pu recevoir de rapport de son officier ou* de ses
îîspions; l'Empereur n'étant point soi*ti, et per-
sorme n'étant sensé avoir été admis chez lui.
(Mai ,816) DE SAINTE-HÉLÈNE. 5tU
Mais cammeut s'y prendrait-il ? C'est ce qui
nous a fort oocupés à noire tour. L'Empereur
ne se soumettrait jamais , fût-ce au péril de sa
vie, à une visite régulière, 4]ui pourrait att
fait se renouveler capricieusement à tout^
Jbeure du jour et de la nuit. Le Gouverneur
emploira-t-il la force et la violence pour dis-
puter à l'Empereur un dernier asile de qu6l<|uep
pieds en carre , "Ct quelques heures de repos ?
Ses instructions doivent avoir prévu le cas-^
aucun (Outrage > aucun manquement , aucune
Jxarbarie ne m'y surpendraient.
Quant aux expressions du Gouverneur sur ce
.que nous nous abusions sur nos personnes et
notre situation , nous savons fort bien qu'au lieu
d'être aux Tuileries , nous sommes à Sainter
Hélène; qu'au lien d'être maîtres , nous som-
naes captifs : en quoi dèç lors pourrions-nous
4onc nous abuser ?
Dimanche 5.
Sar la Ckine et la Russie. '— Rapproche mens des 4eax
graudes réyplotions de France et d'Angleterre.
Sur les dix lieures du matin, l'Empereur
allait monter à cheval , c'était sa prenaière soi;-
ne MÉMORIAL (Md iSfd)
tie. Le résident de la compa^ie des Indesyà^la
Chine se trouvait là ; sollicitant dépuis long'-
temps l'honneur de lui être présente. Il l'a
fait appeler, Ta questionne pendant cpielques
minutes arec beaucoup de bienveillance. Nous
avons fait route ensuite pour aller voir M"* Ber^
trand. L'Empereur y est resté plus d'une heure;
il e'tait faible et change; sa conversation traî-
nante. Nous avons regagné Longwood. L'Empe-
reur a voulu déjeûner à l'air.
Il a fait appeler notre hôte de Briars, le
bon monsieur Balcombe, et le résident à la
Chine cjui se trouvait encore là. Tout le temps
du déjeuner s'est passé en questions sur la Chine,
sur sa population, ses lois, ses usages, son
commerce, etc., etc.
Le résident racontait qu'il y a peu d'années,
il était arrivé une circonstance entre les Russes
et les Chinois, qui eût pu avoir des suites, si les
affaires de l'Europe n'eussent entièrement ab-
sorbé la Russie.
Le voyageur russe Krusenstem, dans son
voyage autour du monde ^ relâcha à Canton
avec ses deux bâtimens. On le reçut provi-
soirement , et on lui permit, tout en attendant
(Ma;i8i6) DE SAINTE-HÉLENE; iVT
les ordres de la Cour , de vendre des fourrures
dont étaient charges ses vaisseaux , et de les
remplacer par du thé. Ces ordres se firent at-
tendre plus d'un mois; M. de Krusenstem était
déjà parti depuis 2 jours, quand ils archivèrent.
Ils portaient que les deux vaisseaux eussent à
sortir à l'instant J que tout commerce avec les
Russes, dans cette partie , demeurait interdit;
qu'on avait assex accordé à leur Empereur par
tei-re dans le Nord de l'empire j qu'il était
inoui qu'il eût tenté de l'accroître encore
dans le Midi par mer ; qu'on montrerait un vif
mécontentement à ceux qui leur auraient ap-
pris cette route. L'ordre portait encore que si
les bâtimens étaient partis ayant l'arrivée du
rescrit de Pékin, la factorerie anglaise serait
chargée de le faire parvenir, par la voix de
TEurope , à l'Empereur des Russes.
Napoléon s'était trouvé très -fatigué de sa
courte sortie; il y avait sept jours qu'il n'avait
pas quitté la chambre ; c'était la première fois
qu'il reparaissait au milieu de nous. Nous
avons trouvé ses traits visiblement altérés.
Sur les cinq heures, il m'a fait appeler, le
Grand-Maréchal était auprès de lui. Je Tai
2ns MEMORIAL (îUi uio)
trouve deshabille } il avait essaye' vaineraent de
reposer; il se croyait un peu de fièyrej c'était
de la courbature. Il avait fait allumer du feu
et n'avait pas voulu de lumière dans sa.cliam-
bre. Nous avons cause ainsi dans l'obscurité, à
conversation perdue jusqu'à huit heures ;, que
l'Empereur nous a renvoye's pour dîner.
Il avait ëte' question dans le jour, du rappro-
chement des deux grandes révolutions d' An-
terre et de France. « Elles ont beaucoup dç
« similitude et de différence , observait TEm-
.ce pereur : elles sont inépuisables pour la me-
« ditation. » Et il a dit alors des choses fort
remarquables et fort curieuses. Je vaijs ve'unir ici,
ce qui a été dit en cet instant, ou bien encore
dans d'autres momens.
• ■
« Dans les deux pays la tempête se forme sous
les deux règnes indolens et faibles de Jacques I
et de Louis XV ; elle éclate sous les deux in-
fortunés Charles I et Louis XVI.
« Tous deux tombent victimes; tous deux
périssent sur l'échafaud, et leurs deux familles
sont proscrites et bannies.
u Les deux monarchies deviennent deux ré-
publiques ^ et^ durant . cette . peViode , les deux
(Mit iai6 ) DE SAÏNTE-HÉLÈNE. SW
nations se plongent dans tous les eicés qùî
peuvent de'gi-ader Tesprif et le cœur. Elles se
de'shonorent par des scènes de fureur, de sang
et de folie. Elles brisent tous les liens , et
renversent tous les principes.
« Alors dans les deux pays deux hommes arrê-
tent le torrent d'une main vigoureuse , et régnent
avec lustre. Après eux les deux familles héré-
ditaires sont rappelées; mais toutes deux pren**
nent ime mauvaise direction* Elles font des
fautes; une nouvelle tempête ëclate ino^înë-
ment dans les deux pays , et rejette en dehors *
du territoire. les deux dynastie^ rétablies, sans
qu'elles aient pu venir à bout de faire opposer
la moindre résistance aux deux adversaires qui
les renversent;
« Dans ce parallèle singulier, Napoléon se
trouve avoir ëte' en France tout à la fois le
Cwmwellet le Guillaume III de T Angleterre.
Mais comme tout rapprochement avec Cromwell
a quelque chose d'odieux , je me hâte d'ajouter
que si ces deux hommes célèbres coïncident
e
dans une seule circonstance , il est difficile de
différer davantage sur toutes les autres.
« Cronlwell paraît sur la scène dans un âge
3. 46
250 MEMORIAL (M»i iM)
mûr. Il n'arrive au premier rang qu'à force
de duplicité I d'adresse et d'hypocrisie*
« Napoléon s'élance à peine au sortir de ren-
once» et ses premiers pas brillent d'une gloire
pure.
• C'est en opposition et en haine de tous les
partis , en imprimant une souillure éternelle à
la révolution anglaise , que Cromwell arrive au
pouvoir suprême.
m C'est au contraire en effaçant les taches delà
révolution française , et par le concours de tonâ
les partis qui s'efforcent tour à tour de l'avoir
pour chef, que Napoléon monte sur le trône.
' « Toute la gloire militaire de Cromwell fut
acquise sur le sang anglais ; tous ses triomphes
durent être autant de deuils nationaux. Ceux
de Napoléon ne frappèrent jamais que l'étran-
ger, et remplirent d'ivresse la nation française.
« Enfin la mort de Cromwell fut la joie de
toute l'Angleterre j elle devint une délivrance
publique. On ne saurait en dire précisément
autant de Napoléon.
« En Angleterre la révolution fut le soulève-
ment de toute la, nation «outre le Roi. Il avait
(Mil lÈ^) DE SAINTE-HÉLÈNE. 251
viol^ les lois^ usurpe le pouvoir absolu ; elle
voulut rentrer dans ses droits.
•r En France, la révolution fut le soulorement
â'tine partie de la nation contre une autre partie j
celui du tiers«-ëtat contre la noblesse; la réac*
tion des Gaulois contre les Francs. Le Roi fut
moins attaque comme souverain que eomùke
chef de la féodalité' : on ne lui reprocha point d'à-*
voir violé les lois ^ maison pre'tendit s'affranchit
et se reconstituer à neuf*
« En Angleterre, si Charles I avait cédé du
bonne foi , s'il avait eu le caractère modéré^
incertain da Louis XVI, il eût survécu.
ft En France, au contraire , si Louis XVI avait
résisté franchement , s* il avait eu lé courage.,
l'activité, l'ardeur de Charles I, il eût triomphé.
tf Durant tout le conflit, Charles I, isolé dans
66n ile, n'eut autour de lui que des partisans.
des amis^ jamais aucune branche constitution-
nelle.
* Louis XVI avait une armée régulière ; le
secours de l'étranger, deux parties eonstitu«^
tionnelles da la nation : la noblesse et le c^largé.
Il $e présentait en outre à Louis XVX HU ^cond
parti déeisif que n'eut pas Cbarles I ; celui dm
y
- 652 MÉMORIAL (liai 1820)
renoncer à être le chef de la féodaUiéy pour
le devenii* de la nation. Malheureusement il ne
sut prendre ni Fun ni Tautre,
« Charles I périt donc pour avoir résisté , et
Loui» Xyi pour n'avoir pas résisté. L'un était
' intimement jconvaincu des droits de sa préroga-
- tive : il est ^douteux, assure-t-on, que l'autre
eJÊL &{t bien persuadé , non plus que de sa néces-
sité.
' :. tt En Angleterre, la mort de Charles I fut
l'ouvrage de l'ambition astucieuse, atroce, d'un
seul homme.'
".'j/ic En, France, ce fut l'ouvrage de la multitude
aveuglée, celui d'^ine ^assemblée populaire et
désordonnée,
, « En Angleterre, les représentans du peuple,
-par une tqinte ^e pudeur,, s'abstinrent d'être
"-jugesiet piarties;dans le meurtre qu'ils cotnofian-
daient; ils nonunèrent un tribunal pour juger
•* le Roi. 7 ...
/« :En i'rance, ils. ont osé être tout à la^ fois
' accusateurs y juges et bourreaux.
. 'ft.G'est qu'en Angleterre l'affaiire. était con-
•• duite par une inain invisible; elle avait plus de
réflexion et de calme. En France elle le fut par
(M*i i8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. 253
la multitude , dont la fougue est sans bornes.
tt En Angleteite la mort du Roi donna nais*^ .
sance ft la republique. En France, au contraire^
ce fut la naissance de la république qui causa
la mort du Roi.
« En Angleterre l'explosion j>olitique s'ope'ra ,
par les efforts du fanatisme religieux le plu»
ardent. En France, elle. se. fit aux acclçtmations .
d'une cynique impiété; chacun selon son siècle J^
et ses mœurs.
. ft En Angleterre , c'e'taient les excès de la scmi- '
bre ëcole de Calvin. En France, c'étaient ceur
des doctrines trop relâchées de Técole moderne.
« En Angleterre la révolution se trouva mêlée
avec une guerre civile. En Francte elle le fut
avec des guerres étrangères ; et c'est à ces
efforts, A cette contradiction des étranger^; que
les Français attribuent, avec raison, là faute de
leurs excès. Les Anglais n'ont aucune excuse
de ce genre.
a C'est l'armée, en Angleterre , qui fut cou-
pable de toutes les fureurs , de toutes les extra-
vagances ; elle fut le fléau des citoyens.
« En France, au contraire, c'est à l'armée qu'o»
dut tout. Ce furent ses triomphes au dehors qui
S5)à lilÉMORIAJL ( Hâî iski )
affaiblirent ou firent oublier les horreurs du
dedans. C'est elle qui donna à la patrie Findé-
pendance, la gloire, les trophées.
CI En Angleterre, la restauration fut Tourrage
des Anglais mêmes ; elle fut reçue avec la plu»
vire exaltation : la nation échappait à l'escla-^
vagQ et crut retrouver U liberté'.-.* En France^
ce ne fut pas prëcisémetit de même, .
« Enfin, en Angleterre un gendre renverse son
Jbeau-père du trône : il est appuyé de toute
FEurope , et l'ouvrage demeure iinpérissable et
révéré*
<i En France, au contraire, Télu d'un peuple
qu^il a déjà gouverné quinze an$ avec l'assen-
timent du dedans et du dehors, ressaisit une
couronne quUl prétend lui appartenir. L'Eu-
rope entière se lève- en masse ; elle le met hors
la loi. 'li cent mille hommes marchent con-
tre sa seule personne; il succombé j on le jette
dans les fers et Ton prétend flétrir sa xne^
moire !!!
(»W 18.6) DE SÀINTE-HF^LÉJŒ. 255
Lundis.
Docteur 0*Méara; explication. — * Consali^l» — Opiaioà
de l'éiuigratioQ sar le ConsaL — Idées de llSmperear
sur les biens des ëmigrés. Syndicat projeté* — > Cir-
constances heureuses qui concourent à la carrière
de l'Empereur. -*• Opinion dés Italiens. *^ Cou-
ronnement par le Pape* -^ Les mécontens.sëdaîts lors
de Tilsitt. — Bourbons dtEspagae. '— Arrivée du fa-
meux palais.de bois* »
L'Empereur m'a fait appeler sur les neuf heu-
res. Il était tracasse des dispositions du nouveau
Gouverneur, surtout de Tidee qu'on osât vio-
ler le dernier sanctuaire de son intérieur, et
préférait la mort à ce dernier cTutrage* Il était
i^'solu à en courir les risq[Ues. Une catastrophe
lui semblait inëvitaUe; il supposait cp^elle
étftit ordonne'e , que Ton ne cherchait q;ue lés
prétextes ; il était décidé à ne pas les éviter..
« Je m'attends à tout, me disait - il dans un
* c^tain moment d'abandon ; ils me tueront ici ,
« c'est certain...... »
Il a fait venir le docteur O* Méara, pour
eoonaitre son opinion personnelle^ 'et m'a chargé
de lui traduire qu'il ne se plaignait ntillement
^ lu jusqu'à présent, bien au Contraire « ^a*il
^ MEMORIAL (Mai 181&)
k segardait comme un liomiéte homme, et la
preure çn ëtait qu'il allait s'en rapporter à ses
réponses. Il s^agissait de s'entendre : se considé-
rait-il comme son médecin, à lui personnelle-
ment, ou comme le me'decin d'une prison^ et
imposé par sou gouyernement ? Etait-il son cod-
fes&eui; ou son surveillant? Faisait-il des rap-
ports sur lui, ou oa ferait-il au besoin ? Dans 1 nn
des deux cas, TEmpereur continuait de recevoir
volontiers ses services, était reconnaissant de
ceux t[u*il avait déjà reçus j dans Tautre, il le
remerciait , et le priait de leis discontinuer.
.. Le docteur a répondu bien positivemâit et
avec affection. Il a dit que son ministère étant
4oul de profession, efr^entièrement étranger à la
politique ^ il se considérait comme le médecin
3é^sa personne^ et demeurait étranger à toute
autre considération f qu'il ne faisait aucun rap-
|K)irt , qu'on ne lui en. avait pas encore demandé;
iju'ii n'imaginait de cas qui put le porter à en
fiaiire» que celui de malade .grave où il aurait
hesoixi d'appeler les secours d'autres gens de
Tart, etc.% etc. ^ t : ^
Sur les t?L*ois heures^ l'Ëntpereur est sorti dans
k prdin, se pr^arant à monter à; cbevaLH
(Mai i8.«) DE SAINTE-HÉLÈNE. 257
•
venait de dicter longuement à Gourgaud, et avait
à peu près complettë son époque de 4 81 5r. Il
était contient de son travail.
J'ai ose lui recommander ensuite celle du
consulat; cette époque si brillante, où une
nation en dissolution se trouva magiquement
recomposa , en peu d'instans , dans ses lois , sa
religion, sa morale^ dans les vrais. principes , les
plie juges honnêtes et brillaiv»^ le tout aux ap*
plaudissemens et à l'admiration universelle de
l'Europe e'tonnee.
J'étais, en Angleterre à cette époque; la
masse de l'émigration, lui disais- je, avait été
vivement frappée de tous ces actes : le rappel
des prêtres, celui des émigrés, avait été reçu
comme un bienfait ; la grande foule s'était
empr^ ssée d'en profiter.
L'Empereur me demandait alors si ce mot
d'amnistie ne nous, avait pas choqués. « Non,
» disais - je , noiis savions toutes les difficultés
•c que le Premier Consul avait éprouvées à
•t notre égard ; nouj5 savions que tout le bon
« de cette mesure n'était dû qu'à lui , que lui
« seuVétait pour nous, que tout ce qu'il y avait
« àe mauvais venait ^ de ce^x qu'il avait été
S58 IVIEMORIAL {m mm)
« oblige de combattre en notre faveur. Plus
« tard, aJGUtai-je, et rentres en France, nous
« trouvions, il est vrai, que le Consul eût pu
« nous traiter mieux à l'égard de nos biens, et
A sans beaucoup de peine, par sa seule attitude
« Isilencieuse et passive j c'en eût e'te' assez pour
« amener partout des arrangemens à Tamiable
« entre les dépouille's et les acheteurs.
<c Sans doute je l'eusse pu , disait l'Empercttr»
« mais j)Ouvais-je me fier assez à vous autres
^ pour cela? Répondez.
« Sire , disais-je , à présent que je suiiS plus
» habitué aux affaires, que je vois plus en
^ « grand, je comprends facilement que la poli-
« tique le voulait ainsi. Les dernières circons-
« tances ont montré combien c'était sage; il ne
«r fallait point désintéresser ainsi la nation.
« L'affaire des biens nationaux est un des prc-
*t miers arcs -boutant de l'esprit et du parti
«e national*
•f Vous y êtes, observait l'Empereur, toute-
« fois j'eusse pu accorder toutes choses* J'en si
•« eu un moment la pensée, et j'ai fait utile faute
« de ne pas l'accomplir. C'était de composer
« une masse, un syndicat de tous les biens
r
(Mai !«,«) DE SAINTE-HÉLÈNE. 259
it tans des émigrés , et de le leur distribueY à leur
« retour, dans une échelle proportionnelle. Au
« lieu de cela, quand je nfie suis mis à rendre
«c individuellement , je n'ai pas tarde' à m'apei^
« cevoir que je rendais trop de riches, et ne faisais
ft que des insolens. Tel à qui , grâce à ses mille
« sollicitations et à ses mille courbettes , on
« rendait cinquante mille ecus, cent mille ecus
« de rente, tie nous tirait plus le chapeau le
« lendemain} et loin d'avoir la moindi'e recon-
« naissance , ce n'était plus qu'un impertinent
« qui prétendait même avoir payé soùs main la
« faveur qu'il avait obtenue. Tout le faubourg
« Saint-Germain allait prendre cette direction;
« Il se trouva que j'allais recréer sa fortune, et
* qu'il n'en fût pas moins demeuré ennemi et
« anti-national. Alors j'arrêtai ^ en opposition à
« l'acte d'amnistie, la restitution des bois non
« vendus, toutes les fois qu^ils dépasseraient
* une certaine valeur. C'était une injustice ,.
» d'après la lettre de la loi, sans doute; mais 1%
« politique le voulait Impérieusement : la faute
* en avait été à la rédaction et à Timpré-
* voyance. Cette réaction de ma part détruisit
» tout le bon effçt du rappel des émî^rén^ et
I
260 , MEMORIAL (Mai iSiS)
«^ m'aliéna lôutes les grandes familles^ J'eusse
ce pourvu à cet inconveniçnt ou j'en eusse neu-
« traliséles effets par mon syndicat, Poutnne
r grande famille mécontente , j'eusse attache
ce cent nobles de la province, et satisfait au fond
ce à la stricte justice; qui voulait que l'emi-
« gration entière, qui avait couru une même
ce chance, embarque sa fortune en commun sur
t* le même vaisseau , éprouvé le même naufrage,
ce encouru une même peine, obtint un même
H re'sultat^ C'est une faute de maj part, ajour
fc tait l'Empereur, d'autant plus grande (pç
ce j'en ai eu l'idée ; inais j'étais seul , entoure
« d'opposition et d'épines j tous étaient contre
« vous autres ; vous vous le peindriez difficile-
ce ment; et cependant les grandes affaires me
M talonnaient, le temps courait, j'étais obligé
«c de voir ailleurs,
ce Encore aussi tard tjue mon retour de l'ile
«r d'Elbe, a. continué l'Empereur, j'ai été sur
ce le point d'exécuteï* quelque chose de la
»cc sorte. Si l'on m'en eût donné le temps, j'al-
A< lais m'occuper des pauvres émigrés de .pro-
c( vince que la Cour av^it délaissés. Et ce
M qu'il jr a d'assez singniUçrjjX'est que. l'idée en
fMaîi8i6) DE SAINTE-HELÉNE: 261
« avait ^'té réveillée en moi précisément par un
« ancien ^ ex-ministre de Louis XVI , . que les
(i princes avaient laissé fort mal récompensé, et
n qui me présentait les moyens de réparer , avec
« beaucoup d'avantages^ bien des choses de ce
«genre. »
Je répondais à l'Empereur : « Les gens raison -
« nables, parmi l'émigration ^ savaient bien que
« le peu d'idées généreuses et libérales à leur
tt égard, ne venaient que de vousj ils ne se dis-
« simulaient pas que tout votre entourage les
tt eût détruits. Ils savaient que toute idée de no-
« blesse leur était o4ieuse ; ils vous tenaient
« grand compte de ne pas penser ainsi. Leur
<f amour - propre, le croirez - vous , trouvait
« même parfois quelques consolations à se dire
f que vous étiez de leur classe, etc., etc. »
Alors l'Empereur m'a demandé ce que nous
disions donc dans l'émigration, de sa naissance
et de sa personne, etc. , etc. Je répondais qu'il
' nous avait apparu pour la première fois à la
tête de l'armée d'Italie : aucun de nous ne sa-
vait ce qui précédait j il nous était tout à fait
inconnu . Nous ne pouvions jamais prononcer
^
262 MÉMORIAL (iWiSiS)
soti nom de JBuonapartc. Gela Ta beaucoup
fait rire, etc., etc.
La conTersation alors l'a conduit à dire (pi'il
s'était souvent arrête, et avait réfléchi mainte
fois sur le concours singulier des circonstan^
ces secondaires qui avaient amené sa prodi-*
gieuse carrière.
a ^o. Si mon père , disait-il , qui est tnort
ce avant M ans , eût vécu , il eût été nommé dé*
« puté de la noblesse de Corse à TAssemble'e
«constituante. Il tenait fort à la noblesse et à
« l'aristocratie ; d'un autre côté , il était très-
« chaud dans les idées généreuses et libérales :
« il eût donc été ou tout à fait du côté droit,
« ou au moins dans la minorité de la noblesse^
«t Dans tous les cas , qnclqu*eussent été mes
« opinions personnelles, j'aurais suivi sa trace,
« et voilà ma carrière entièrement dérangée et
« perdue.
« 2**. Si je m'étais trouvé plus âgé au moment
« de la révolution, j'eusse été peut-être moi-
« même nommé député. Ardent et chaud ,
« j'eusse marqué infailliblement quelqu'opinion
« que j'eusse suivie^ mais dans tous les cas, je
r
(Mai 18.6) DE SAINTE-HÉLÈNE. 26»
« me serais fermé la route militaire , et alors
« encore voilà ma carrière perdue,
.« 3^, Si même ma famille eût été plus con*
« nue j si nous eussions été plus riches , plus en
K évidence, ma qualité de noble, même en sui-
te vant la route de la révolution , m'eût frappé
«de nullité ou de proscription*. Jamais je
« n'eusse obtenu la confiance; jamais je n'eusse
< commandé une armée j ou si je l'eusse com-
« mandée , je n'eusse jamais osé tout ce que
« j'ai fait. Supposant même tous mes succès,
« je n'aurais pu suivre le penchant de mes idées
« libérales à l'égard des prêtres et des nobles;
« et je ne fusse jamais parvenu à la tête du
«t gouvernement.
« Jf®. Il n'est pas jusqu'au grand nombre de
« mes frères et de mes sœurs , qui ne m'ait été
« grandement utile , en multipliant mes rap-
« ports et mes moyens d'influence,
« 5**. La circonstance de mon mariage avec
« madame de Beauharnais m'a mis en point de
« contact avec tout un parti , qui m'était néces-
« saire pour concourir à mon système de fusion,
« un des principes les plus grands de mon
* administration > et qui la caractérisera spécia-
i
26)f MÉMORIAL (Mai 1816)
« lement.- Sans ma femme, je n'aurais jamais pa
tt avoir avec ce parti aucun rapport naturel.
« 6^. Il n'y a pas jusqu'à mon origine e'tran-
cc gère , contre laquelle on a essayé de crier en
« France, qui ne m'ait été' bien précieuse. Elle
« m'a fait regarder comme un compatriote par
« tous les Italiens j elle a grandement facilité
« mes succès, en Italie. Ces succès, une foisobte-
« nus , ont fait rechercher partout , et partout
<t les circonstances de notre famille, tombée
« depuis long-temps dans l'obscurité. Elle s'est
«c trouvée, au su de tous les Italiens , avoir
« joué long-temps un grand rôle au milieu
« d'eux. Elle est devenue, à leurs yeux et à
« leurs sentimens , une famille italienne ; si
« bien que quand il a été question du mariage
« de ma sœur Pauline avec le prince Borghèse ,
K il n y a eu qu'une voix à Rome et en Toscane,
« dans cette famille et tous ses alliés : dest lien ,
<c ont-ils tous dit, (^ est entre nous ^c^estune de
« nosfamUles. Plus tard , lorsqu'il a été question
« du couronnement par le Pape à Paris; cet acte ,
w de la plus haute importance,' ainsi que l'ont
« prouvé les événemens, esguya de grandes
« difficultés : le parti autrichien, dans le
(Mal 1816) DE SAINTE-HELENE. 266
< conclave , y ëtait violemmenrt oppose ; le
«parti italien Tempor^ta^ en ajoutant aux
«considérations politiques;, cette petite conr
« sideràtion de Tamour-propre national : jiprès
«. tout c^est une famille italienne que nous
t imposons aux barbares pour les goiiuer^^
« ner , nous serons vengés des Gaulois. »
Delà l'Empereur est passe natur^lement
au Pape, qui n'e'tait pas sans quelque pen-
chant pour lui, disait-il. Le Pape ne lui inor-
putait pas d'avoir ordonné sa translation en
France. II s'était indigné det lire dans cer«
tains ouvrages que l'Empereur s'était porté
à des eiLcès sur sa personne. ^11 avait reçu à
Font^nebleau tous les traitemens qu'il avait
désirés : aussi , revenu à Rome , il était bien
loin de lui conserver du fiel. Quand il avait
appris le retour de Tile d'Elbe en France,
U avait dit à Lucien , d'un air qui marquait
sa confiance et sa partialité, e sbarcato^ e
orriçato. Il est débarqué, il est arrivé. Il
lui avait ajouté plus tard : Vous allez à Pa-
« ris, c'est bien ; faites ma paix avec lui;
« Je suis à Rome : il n'aura jamais aucun
« désagrément de moi, » , ;,
3. M
566 MÉMORIAL (Mai iBi«)
« Aussi, est-il bien sûr, disait VEmpereur,
« que Rome sera un asile naturel et très-
•t favorable pour ma famille : on y croira
« qu'elle est chez elle. Enfin , terminait-il ei
«r riant, il n'est pas même jusqu'au nom de
f^ Napoléon, peu connu, poétique, redou-
te dtant , qui ne soit venu ajouter quelques pe-
^ tites choses à la grande circonstance. »
Je re'pe'tais alors à l'Empereur que la masse
de rémigration e'tait loin d'être injuste à son
ëgard. L'opposition sensée de la vieille aris-
tocratie avait de la haine eontre lui, il est
Vrai ^ mais uniquement parce qu'elle le ren-
contrait un obstacle. Elle était loin de ne pas
apprécier justement ses actions et ses t^ens;
elle les- admirait malgré elle. Les mystiques
mêmes- ne trouvaient en lui qu'un défaut :
<c jâhl que n^ esPdl légUime l leur est -il ar-
rivé de dife plus d'une foiâ> Austerlitsi^ nous
ébranla} mais* ne nous vainquit pasj Tilttt
subjugua tout. « Votre Majesté, disai<i-je^ a
« dû juger elle-même, et jouir à son retour
« de Ftiniversalité des hommages, des accl»-
« mations et des veeux. »
« C'est donc à dire, reprenait l'Empereur
(«Kî'ièi») DE SAINTE-HËLËNE. 86T
à en tiftttt, (|tife si, à tettê ëpoqu6, j'eusse
*ptiy on f eusse yfovXn ttà'eti tenir au reposa
ii ëi àti {^kisii"; i»î j'etisfee addpte te rôle ées
ff Êiifiean&^ ki tcàlt eût refprifS son*anéieii coar9>
* vdtis m'eussiez adore ? Mais , ftioil citer , â
«l'en eusse eîù le gotfit et la tolont^, ce <|ih
ir n'était pàà d«*s? ftfd îiàttife^ âssureVent , les
« éii^cojïsiaticéi^ êîiedté hé m'en etïss^t pdi9
^ laissa lé mûîtfe. ^ '
f)elà l'Ënipétetir eâf |rasÉe dut diffiëtltte^
Sàîls norhbré qiri l'ont entoura et ifeaîto^îsrf
saa!» êesse; et, ttffivé à. la gùer^^e d'Esf«gaei
il a dit : (< Cette fhàlhenrèùsé gu^frrè lÈl'ft
«f percfej elfe à divisé ttes forèéS , multiplié
«riiies efforts, attaque' itfà KMDràlilé, et poiir^
<^tâ*t ofï rie pouvait laisseir la péninsule aux
« fi<à*lriiiâfioti^ dés Aïigtàië , aux înttigùes , à
«Péspoit^ ad prétexte deîs BôuAGiis,- Du te^té\
* éetii d'Espagne nii^ritai^iil bien peii qu'on
« léÈ ciaigûît. NatioftàleÉHene, ils àg^s- étaîeWt
* et notis lt?i!ir étions fôùt à fait étrangers ;-
«au château de Marraéhf à Bcyonfoe, fkk
^VrfGhaalés IV et là RéiSaë hé pa^ sàvèir
*fe dfifïéréncé &ë Madame d^s MdnttiiiMreiicy
« k AWidaAié d^ B . . . , . ^ : t^ è^fitiw n6m
268 MEMORIAL (MiiiBie)
<c même leur était plus familier à cause de^
« gazettes et des actes publics, L'Impératrice
« Joséphine , qui avait le tact le plus exquis
te sur tout cela 9 n'en reyenait point. Au de-
fc meurant, cette famille était à mes pieds
« pour que j'adoptasse une fille quelconque,
« et que j'en fisse une princesse des Asturies.
flc Ils me demandèrent nommément M*^* de Tas-
« cher^ depuis duchesse d'Aremherg; des rai-
« sons personnelles à moi s'y opposèrent. Un
« instant , je m'étais fixé sur M*"* de la Roche^
^Joucaûlt^ depuis princesse Aldobrandini ;
« mais il me fallait quelqu'un qui me fût
«c vraiment attaché, une fenune qui fut vrai-
«ment Française^ qui eût de la tête, des
« talens , et je ne trouvais pas tout . cela. »
Aujourd'hui l'Empereur à diné avec nous;
il j avait long-temps que nous en étions privés.
Après le dîner il nous a lu Claudine, nouvelle
de Florian, et des morceaux de Paul et Virginie,
qu'il aime beaucoup par des ressouvenirs de ses
premiers ans, disait -il.
Le transport TAdamante est arrivé j ce vais-
seau avait manqué l'ile , il faisait partie d'un
convoi , dont les autres étaient arrivés depuis
(Mai i8i5) DE SAINTE-HÉLÈNE. 269
près d'un mois. Sur ces bàtimens était le fa*
maux palais de bois qui avait rempli toutes
les gazettes d'Angleterre et probablement
celles^ de toute l'Europe. Là, étaient aussi les
meubles magnifiques , les envois splendides que
ces mêmes gazettes ont tant annonces. Le pa«
lais de bois s'est trouve n'être qu'un certain
nombre de madriers bruts, dont on ne sait que
faire ici ; et qui demanderaient plusieurs années
pour être employés convenablement; le reste
s'est trouve à l'avenant. L'ostentation , la
pompe , le luxe ont été pour l'Europe ; la vé-*
rite et les misères pour Sainte-Hélène.
Mardi 7.
Iliade ; Homère.
Le Gouverneur est venu vers les quatre
heures , a fait le tour de l'établissement et n'a
demandé aucun de nous. Sa mauvaise humeur
s'accroît visiblement , ses manières deviennent
ferottches et brutales.
Sur les cinq beures, l'Empereur m'a fait
demander ; le Grand-Maréchal y était depuis
longtemps. Après son départ nous avonç causé
littérature ; nous avons passé en reviié tous les
L
270 MÉMORIAL (Maî 1816)
poëm^s ëpl^ues ancieàs et modernes. H s'est ar-
rêté sur riliade j en a pris un Toiume et en a
hi tont liant plusieurs chants. Cet ouvrage lui
plâisaiit infiniment. « Il était , disait41 , ainsi que
tf )a Genèse et la Bible , le pign^ et le gage
te (}u temps* Homère , dans sa prod^etiony était
« poëte , orateur , Mstorieri , législateur, g6o-
« graphe , théologien : G*était Teneyelopédiste
« de son époque. »
L'Empereur estimait Homère inimitahle. Le
père Hardouin avait osé attaquer cette antiquité
sacfrée, et Tattribuer 4 ^^ moine du ^0^ siècle.
C'était une imbécillité, disait Napoléon. Du
reste, ajoutait -il,, japptais il n'avait été aussi
frappé de ses beautés qu'en cet instant j et les
sensations qu'il lui ftiisait éprouver, lui confir-
maient tout à fait la justesse de l'approbation
universelle. Ce qui le frappait surtout , obser-
iiait-îl, c'était la grossièreté des manières , avec
Ja peïfection des idées. On voyait les héros tuer
leur viande, la préparer de leurs propres mains,
et prononcer pourtant; des discours d'une rare
éloquence et ^Mraè grande civilisation.
.L'-Empereup m*a retemi à dîner. <c Quoique,
« m'a^t-il dit , vous feriez pent-çtre mieux d'al-
z'
(Mai .816) DE SAI]yTE-HÉIJÈNE. 374
« 1er à la table de service, vous mourrez de
« faim avec moi,
« Sire , ai- je répondu , il est sûr que vous
« êtes bien mal j mais j'aimerai toujours ce mal
« au-dessus de toutes choses. »
Il avait souffert de la tête dans la journée.
Nous nous en plaignions tous aussi. Je regrettais
fort qu'il ne fût pas sorti ; il avait fait très-
beau.
Après son dînet il a fait enlret tout le teionde
dans sa chambre et nous a gardes jusqu'à dix
heures.
«
Mercredi 6.
y Empereur est sorti vers cinq heures, et a
fait un tour en calèche. Au retour, l'Empereur
a reçu plusieurs Anglais \ il leur a fait une
foule de questions, suivant sa coutume. Leur
vaisseau était le Corrwall^ se rendant en Chine
et devant repasser au mois de Janvier prochain y
dans son retour pour l'Europe.
Le dîner fini , l'un de nous disait à l'Empe-
reur qu'il avait souffert vivement dans la jour-
)aée en mettant au net sa dictée sur la bataille
de Waterloo , voyant que les résultats n'avaient
/
272 MÉMORIAL (M«i«i6)
tenu qu*à un cheveu. L^Empereur, pour toute
réponse j avec un accent qui venait de loin , à
dit à mon fils : « My son (mon fils ) / c'était son
«t expression d'habitude^ allez nous chercher
« Iphigénie en Aulide , cela nous fera plus de
ce bien. >> Et il nous a lu cette belle pièce , qu'on
aime toujours d^avantage.
Jeudi 9.
Paroles caractéristiques de l'Eoiperenr.
J'ai été diner à Briars avec mon fils et le gé-
néral Gourgaud ; nous y sommes demeurés à un
petit bal. J'y rencontrai TAmiral, et jamais je
ne le trouvai mieux. C'était la première fois
que je le voyais depuis l'aventure de Not^errazi
je savais combien il devait l'avoir sur le cœur.
Il allait retourner en Europe , et je connaissais
lies sentimens de l'Empereur. Je fus tenté vingt
fois d'aborder franchement le sujet, et de le rap-
procher ainsi de Napoléon. La vérité, la justice,
notre intérêt, le demandaient; je fus arrêté par
de trop petites considérations , sans doute j que
de fois je m'en suis blâmé depuis!... Mais je
n'avais pas reçu cette mission délicate, et je
à'osais la prendre tout-à-fait sur moi» L'Amiral
(M.ii8,6) DE SAINTE-HELENE. 273
pouvait lui donner de la publicité et une tour-
nure qui eussent fort déplu à l'Empereur, et
m'auraient expose' à des de'sagremens très-pos-
sibles. A ce sujet je vais citer le trait suivaht;
il caractérise trop Napoléon pour être omis.
Il me peignait un jour tous les vices de la
faiblesse et de la crédulité <lans le souverain;
les intrigues qu'elles alimentaient dans le pa-
lais, l'instabilité dont elles étaient les source^.
Il prouvait très-bien qu'il ne pouvait échapper
à l'adresse des courtisans ni à celle de la calom-
nie : « Et je vais vous en donner une preuve ,
« disait-il ; vous voilà , vous , qui avez tout
« quitté pour me suivre; vous, dont le dévôue-
(ç ment est noble et touchant. Eh bien I que
\ pensez-vous avoir fait?.... Qui croyez-vous
« être?... Rien qu'un ancien noble, qu'un émi-
^.gi'^j agent des Bourbons et d'intelligence
« avec les Anglais; qui avez concouru à me
« livrer à eu:j: , et ne m'avez suivi ici que pour
« m'observer et me vendre. Votre plus grand
f éloignemeïit contre le Gouverneur, sa plus
<v .grande animosité contre vous, ne sont que
« des apparences convenues pour mieux cacher
« votre jeu. » Et coœm^ je riais de la tournure
27 'J MÉMORIAL (Mai .«i6)
spirituelle qu'il créait , et de la volubilité avec
laquelle il l'exprimait : « Vous riez, a-t-il
« repris; mais je vous assure qu'ici je n'impro-
« vise pas y je ne suis que l'ëcho de ce qu'on a
«t essaye' de faire parvenir jusqu'ici Et corn-
et ment voulez^ous, continua- t-il , qu'une tête
« sans sagacité, faible et crédule, ne soit pas
« el>ranlee par de tels rapprochemens et de
«^ telles combinaisons. Allez, mon cher, si je
^ n'étais supérieur à la plupart des légitimes,
« j'aurais pu dëjà me ptiver de vos soins ici , et
« votre cœtir droit serait' peut-être réduit au-
« jourd'hui à de'vorer au loin les cruels tour-
a mens que cause l'ingratitude. » Et il finit
disant: « Pauvre et triste humanité !... L'homme
<c n'est pas plus i l'abri sur la pointe d'un ro-
« cher que sous les lambris d'un palais ! Il est
« le même partout I L'homme est toujours
«f l'homimel... »
Vendredi lo.
Hoche. — - Divers généraux»
Le temps a été affreux ; il était impossible
de sortir. L'Empereur a été contraint de pro-
mener dans la salle i manger j il a fait .allumer
(!«« .9i6> DE SAINTE-HELENE. 275.
du feu dans le saloii, et s- est mis à jouer aux
échecs avec le Grand-Mare'chal. Après dînçi^ il
nous a lu l'histoire de Joseph^ dap3 la Bible ^
et ensuite TAndromaque de Racine^
Pllisienrs hâtimens ç'taieut entre's la veille aii,
soir : c'e'tait la flotte du Bengale. Lady Loudpii ^
femme de lord Moira, gouverneur-géoçral de
rinde, e'tait au nombre des passagers.
Aujourd'hui, dans le cours de la conversa-
tion, le nom de Hoche ayant e'te' prononcent
quelqu'un a dit qu'il e'tait bien jeune encore »
mais qu'il donnait beaucoup d'espe'rance. « C'e§t
ft bien mieux que cela , a repris Napoléon , dites
« qu'il les aVait de'jà beaucoup remplies, « Ils
s'étaient vus tous les deux^ continuait-il, et
avaient causé deux ou trois fois. Hoche avait
j^our lui de l'estime jusqu'à l'admiration. Na-
poléon n'a pas fait difficulté de dire qu'il avaitj
sur Hoche Tavantage d'une profonde instruc-
tion et les principes d'une éducation distin-
guée. Du reste, il établissait cette grande dif-
férence entre eux. ft Hoche^^ disait-il, chér-
ie chait toujours à sq faire un parti, etn'obte-
K naît que deft créatures; moi, je m'étais créé
% une immensité dç partisans, sans rechercher
S76 MEMORIAL (M*ii8i6)
« nullement la popularité. De pitis, Hoche était
tt d'une ambition hostile , provoquante : il e'tait
« homme à venir de Strasbourg, avec 25 mille
fr hommes, saisir le gouvernement par force;
ce tandis que moi, je n'avais jamais eu qu'une
« politique patiente, conduite toujours par Tes-
« prit du temps et les circonstances dii mo-
« ment. »
L'Empereur ajoutait que Hoche , plus tard ,
ou se serait range , ou se serait fait écraser par
lui i et comme il aimait l'argent , les plaisirs , il
ne doutait pas qu'il ne se fût range'. Moreau,
dans cette même circonstance , observait-il,
n'avait su faire ni l'un ni l'autre j aussi Napo-
léon n'en faisait aucun cas, et le regardait
comme tout à fait incapable ; n'entendant pour-
tant pas en cela parler de son me'rite militaire.'
« Mais c'e'tait un homme faible , disait - il ,
« mené par ses alentours , et servilement sou-
H mis à sa femme : c'était un général de vieille
ce monarchie.
<c Hoche , continuait l'Empereur , périt subi-
« tement et avec des circonstances singulières
ce qui donnèrent lieu à beaucoup de conj^tures;
«( et comme il existait un parti avec lequel tous
{MiâiM) DE SAINTE-HELENE: 2tT
«les crimes me revenaient de droit» Ton essaya
« de répandre que je l'avais fait empoisonnera
(t II fut un temps ou rien de mauvais ne pouvait
« arriver que je n'en fusse l'auteur; ainsi de
(c Paris je faisais assassiner Kléber en Egypte ;
« à Marengo je brûlais la cervelle à Desaix ; j'e'-
« tranglais, je coupais la gorge dans les prisons ,
« je prenais le Pape aux cheveux , et cent absur«*
« dite's pareilles j toutefois, comme je n'y faisais
« pas la moindre attention , la mode en était
«passée, et je ne vois pas que ceux qui m'ont
« succède se soient empressé de la réveiller; et
« pourtant s'il eût existé un seul de ces crimes,
« ils ont à leur disposition les documens, les
* exécuteurs, les complices , etc. , etc..
« Toutefois, tel est l'empire des bruits, quel-
« ques absurdes qu'ils soient, qu'il est à croire
« que tout cela a été cru du vulgaire, et qu^une
« bonne partie le croit pe]ut-être encore; heu-
« reusement qu'il n'en est pas ainsi de l'his-
« toire : elle raisonne.
Puis revenant, « c'est une chose bien remar-
ie quable, a-'t-il dit, que le nombre de grands
« généraux qui ont surgi tout à coup dans
« la révolution. Pichegru , Kléber , Masséna ,
27g MÉMORIAL («*-.*)
f< MarCeati^ D€sai:£ , Hoche ^ etc. ; et pf esqae taxa;
ce de simples soldats ; mais aussi y là semblent
« s'être épuises les efforts de la nature j elle n'a
<c plus riei^ j^oduit depuis, je yeux dire da
(( moins d'une telle force. C'est qu'à cette
(( époque tout fut donne au comours panm
ce trente millions d'hommes^^ et la nature dut
t< preiidreses droits ; tandis que plus tard on était
it reirtré dans les hornes plus resserrées oe 1 or-
ct dre et de la socie'té. On a été jusqu'à m'ac^u-
« ûet de ne m'êtîe entouré, au militaire et ati
« civil 5 ^ue de gens médiocres , pour mieux me
«conserver la supériorité ; mâiS aujourcflitiî,
« quW ne rouvrira sûrement pas le concours, à
« eux de mieux choisir. On verra ce qu'ils trou-
ce yéront.
ce Une autre chose ^ non moins remarquable ,
ce continuait-il j c'est l'extrême jeunesse de plu-
ie sieurs de ces généraux qui semble les montrer
<e sortant tout faits des mains de la nature. Leur
« caractère est à l'avenant. A l'exception de
ce Hoche, qui donnait le seâludëilQ 4eS'ûïoeurs,
(c lés antres ne Connaissent uniquennent que
•( leilï affaire, la ghite et> la paiftè. YtÀli
(M« isi^ DE SAINTE-HELENE. 279
^ toat leur cercle de rotation f ils tiennent toat
« à fait de Tantique,
«c Cest Desaix , qtre les Aral)es nommcfnt le
ff Sultan juste }ce%l Marceau, pour les obsèques
* duquel les Autrichi^ens observent une armis-
m tice , par la vénération qu^il kur avait ins-
«piree; c'est le jeune Duphot, <jui était la
« vertu même.
« Mais on ne peut pas dirô qu'il en fut ainsi
« de tous ceux qui étaient plus avancés en âge^
« c'est qu'ils tenaient du temps qui venait de
•^ disparaître j Massena, Augereau, Brune, et
« beau<:;oup d^autres étaient, des dépradateurs
« intrepidesi.
« Masséna , en outre , était d'une avarice
« sordide , et Ton a prétendu que je lui avais
« joué un tour pendable. Que révolté un jour
« de ses dernières déprédations , j'avais tiré sur
« son, banquier pour 2 ou 3 millions. Grand em-
« barras; car enfin, mon nom était bien quelque
« diose^ Le banquier écrivit qu'il ne pouvait
M payer sans Tautcnrisation dô Màsséna; il lui
« £at répondu de paye!r tout de même, que
« Mnssena aui^it lés tribunaux pour se faire
280 MEMORIAL (MâîiBiô)
« rendre justice ; mais Massëna n'en fit rien St
« paya.
ftO y Murât, Ney, étaient communs,
« n'avaient que de la bravoure personnelle.
« Moncey était un honnête homme , Macdo-
« nald avait une grande loyauté; B ••;••• est une
ce mes erreurs. >
« S.... avait bien aussi ses défauts et ses qna-
« lités; toute sa campagne du midi de la
«( France est très-belle ; et ce qii'on aura dcf la
€f peine à croire, c'est que cet homme, dontrat*>
<c titude et la tenue indiquent un grand carac-
« tère, était esclave dans son ménage. Quand
«c j'appris à Presde la défaite de Vittoria et la
ce perte de toute l'Espagne due à ce pauvre Jo-
ie seph , dont les plans , les mesures et les com-
«c binaisons n'étaient pas de notre temps , mais
« semblaient tenir bien plutôt d'un Soubise que
« de moi , je cherchai quelqu'un propre à repa-
ie parer tant de désastres : je jetai les yeux sur
« S.... , qui était auprès de moi , il était
« tout prêt, me disait-il; mais il me suppliait
te de parler à sa femme, dont il allait avoir béan-
te coup à souffrir; je lui dis de ine l'envoyer.
« Elle parut avec l'attitude hostile ^ le verbe
(Mai i8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. à8i
(c haut; me disant que son mari ne retournerait
«f certamement pas en Espagne ; qu'il avait de'jà
« beaucoup fait, et méritait après tout du repos,
c Madame , lui dis-je , je ne vous ai point
•f mandée pour subir vos algarades ; je ne suiff
« point votre mari , moi ; et si je Fêtais ce serait
« encore tout de même. Ce peu de paroles la
it confondit ; elle devint souple comme un gant,
« obséquieuse , et ne s'occupa plus que de ga-
« gner quelques conditions : je n'y pris seule-
« ment pas garde et me contentai de la féliciter
K de ce qu'elle savait entendra raison. Dans les
c grandes crises , lui dis-je , Madame , le lot des
« femmes est d'adoucir nos traverses; retour-
t nez à votre mari et ne le tourmentez pas* »
Samedi ii.
laritation ridicale de sir Hadson Lowe*
A quatre heures j'étais che^ l'Empereur. Le
Grand-Marechàl y est entré; il lui a donné un
billet. L'Empereur , après l'avoir parcouru des
yeux , l'a rendu en levant les épaules et disant :
« C'est trop sot, point de réponse. Passez-lè
K à Las Cases ; »
3. 48
^B% BfËMORIÀL (Mai laïf)
Le cjroira-t-on? c'était un billet du Gouyer-
nenr au Grand-Maréchal, invitant le général
Bonaparte à venir rencontrer a dîner, à Planta-
tion-HQUse,ladyJuOudon, femme de lord Moira.
Je suis devenu rouge de rinconvenance.Pouvais-
\e imaginer rien au monde de plus souveraine-
jjQjent ridicule. Sir Hudson Lowe ne trouvait
sans doute rien de plus simple ; et pourtant il
a été long-temps dans les ^artiers-genéraux
du continent; il s'est trouvé mêlé aux tran^
sactions diplomatiq[ues du temps I!.,
M. Skelton, sou$ - gouverneur de l'île , et sa
femme , qui partaient pour l'Europe , sont venus
primdre congé de l'Empereur j ils ont été retenns
à dîner.
Ce digne ménage , auquel , sans notre gré , à
la vérité, nous avions enlevé Longwood, eux
dont nons avions détruit toute l'existence en
f^içant supprimer leur place par notre arrivée;
ce digne ménage auquel nous avons causé de
vrais maux personnels , est pourtant le seul de
l'île qui ait eu pour nous des égards constans
et des politesses non-interrompues. Aussi avons-
nous accompagné leur départ des vœux les pins
imim) DE SAINTE-HÉLÈNE. 283
sincères ; notre souvenir les suivra tou}icmrs avt^c
un ve'ritable intérêt.
Dimanche 12.
*
Napoléon à llnstitut. -«- An Conseil d'Elaf* — Coda
civil. «^ Mot pour lord Saint- Vincent» — Snr l'inté-
rieur de l'Afrique. — - Ministère de la marine* '—
Decrès.
L'Empereur se promenant au jardin, et cau-
sant sur divers objets, s'est arrêtée sur l'Institut,
sa composition, son esprit. Lorsqu'il y parut à
S(m retour de l'armée d'Italie, dans sa classe,
composée d'environ cinquante membres , il pou-
vait s'y considérer, disait-il, comme le dixième.
Lagrange, Laplace, Monge en étaient la tète;
Cétait un spectacle assez- remarquable , ajou-
tait-il, et qui occupait fort les cercles, que de
voir le jeune général de l'armée d'Italie dans
les rang^ de rinslitut » discutant en public ,
avec ses ëoUëgues, des objetsvtrès-profonds et
forts métaphysiques. On l'appela alors le Géor
métn des batailles , le Méeohuâén de la vic-
ttfiire, etc., etc.
Napoléon^ deventil Prasnier Consul, ne causa
pas moins de sensation au Conseil d'Etat. Il pré-
28Jt^ MÉMORIAL (Mai 1816)
sida constamment les se'ances de la confection
du Code civil. « Tronchet en était rame,
ce disait-il , et lui , Napoléon , le de'monstra-
« teur. Tronchet ayak un esprit éminemment
* profond et juste ; mais* il sautait pai>dessus les
c< developpèmens , parlait fort mal , et ne savait
« pas se deTendre. » Tout le Conseil, disait
l'Empereur, était d'abord contre ses énonces j
mais lui, Napoléon, dans son esprit vif et sa
grande facilite' de saisir et de cre'er des rapports
lumineux et nouveaux , prenait la parole , et sans
autre connaissance de la matière que les bases
justes fournies par Tronchet, de'veloppait ses'
ide'es , écartait les objections et ramenait tout
le monde.
En effet , les procès- verbaux du Conseil d'É-
tat nous ont transmis les improvisations du Pre-
mier Consul, sur la plupart des articles du Code
civil. On est frappé, à chaque ligne, de la jus-
tesse de ses observations, de la profondeur de ses
vties , et surtout de la libéralité de'ses sentimens.
C'e^ ainsi qu'en dépit de diverses opposi-
tions, on lui doit l'article que : ToutindSvUu
né en France est Français, « En effet , disait-
tt il , je demande quel inconvénient 'il y aunit
f
;(Mai ,816) DE SAINTE-HELENE. 285
« à le reconnaître pour Français? Il ne pent y
« avoir que de Tavantage à e1:endre les lois «ci-
« viles françaises j ainsi , au lieu d'e'tablir qUê
« rindividu né en Francç , d'un père étranger,
c( n'obtiendra les droits civils que lorsqu'il
« aura déclare' vouloir en jouir, on pourrait
« décider qu'il n'en est privé que lorsqu'il y
« renonce formellement.
« Si les individus nps en France d'un père
a étranger n'étaient pas considérés comme étant
« de plein droit Français, alors on ne pourrait
« soumettre à la conscription et aux autres
« charges publiques les fils de ces étrangers
« qui se sont mariés en France par suite des
« événemens de la guerre.
« Je pense qu'on ne doit envisager la ques«:
tt tion que sous le rapport de l'intérêt de la
« France. Si les individus nés en France n'ont
« pas de bien , ils ont du moins l'esprit français,
tt les habitudes françaises; ils ont rattachement
«-que chacun a naturellement pour le pays qui
« l'a vu naître > enfin , ils supportent les char-
« ges publiques. »
Le Premier Consul n'est pas moins remar-
^able. dans la conseruatîon du droit de Fnm»;
28^ MÉMORIAL (Mai i^is)
^iuê aux enfans nés de Français établis en
pays Aranger^ ({^'il fit étendre de beaucoup,
en dépit de fortes oppositions. « lA vàivm
m française, disait-il ,' naclion gi^ande et indus*
<r trieuse est l'epa.ndue partout; elle Se répandra
* encore dayaaiagô par la suite; mais les Fran.
« çais ne Tont chez l'étranger qfLé pour y hkt
« leur fortune. Les actes par lesquels ils parais*
% sent se rattacher momentanément à un autre
«e gouvernement , ne sont faits que poui? obtenir
« une protection nécessaire k leurs pvojéts. S'il
« est dans leur intention de rentrer en France
m quand leur fortune sera acheva , faudra-t*il
« les repousser? Se fussent-ils mime afGUyjésà
c des ordres de chevalerie ^ il serait injuste de
% les confondra avec les émigtvés (|ui ont été
«f prendre les armes contre leur patrie.
•c Et s'il arrivait un jour qu'une contrée ema-
« hie par l'ennemi lui fût cédée par un traité;
« pourrait^on avec justice dire à ceux de ses
« habitans qui viendraient s'établir suf le teni-
« toire de la république^ qu'ils ont perdu leur
« qualité de Français, pour n avoir pas ^bafl-
ct donné letir ancien pays > au moment même où
% il a été cédé^ pacCe qu'ils amsaient prêté mo-
(Hm i»Mi} DE SAINTE-HÉLÈNE. 387
« mènUlne'ment isiermex^ à un nouveau soutc^
« rain , pour se donner le tiaps de dénaturer
« leur fortune et de la transporter en France? i^
Dans une autre sâtnce sur les décè$ des mili^
faires, quelques difficultés s'éleyant mr ceui^
fliourant sur une terre étrangère, le Premier
ConsDl reprit vivement : « Le militaire n'est
« jamais cbez^ l'étranger, lorsqu'il est sous le.
«drapeau; oà est le drapeau^ là est la
• France ! * ....
Sur le divorce, le Freimer Gïnsul est pour
l'adoption du principe, et parlé longuement
Air la cause d'inccmpatilnlité qu'on cherchait à
repoQMser ; il dit : «c On prétend qu'elle est con«
« tmire à l'intérêt des femmes, des en£ins.et à
« l'esprit des familles; mais rien n'osit plus Con^
• traire à Tintérèt des époux , . lorsque leurs
« humeurs sont incompatibles , que de les ré<^
*duire à raltemative ou.de vivre ensemble ou
t de se séparer avec éclat* Rien n'est pkui eon^
< traire à l'esprit de famille qu'une Emilie
«divisée^ jL^s séparations de. corps avaiait
«sàitrefoi«9 par rappcnt à la femme , au mari ^
« aux enfans , à peu près le» mêmes effets que
• le dm>sea, et pmtrtant n'étaient^elles pas
288 lilÉMORlAL (IM1816)
M missi muktpliees que' les divorces le sonf
« aiij<mrd'hui ; seulement elles avaient cet in-
« convenient de plus^ qu'une femme, effrontée
«1 continuait dé déshonorer le nom de son mari)
<( parce qu'elle le conservait, etc. , etc. «s.. . »
. Plus loin> combattant la rédaction d'un article
qui spécifie les causes pour lesquelles le divorcç
sera admissible. «1 Mais quel malheur, dit -il,
« ne serait-ce pas que de se voir forcé à les
« exposer 9 et à révéler jusqu'aux détails les plus
ft minutieux et les plus secrets de Tintérieur de
« son ménage?
•t D'ailleurs , ces causes , quand elles seront
« réelles, opéreront^elles toujours le divorce?
« La cause de l'adultère, par exemple, ne peat
<c obtenir de succès que par des preuves ton-
«
tt jours très-difficiles, souvent impossibles* Ce-
ce pendant le mari qui n'aurait pu les faire serait
«c obligé de vivre avec une femme qu'il abhorre,
« qu'il méprise et qui introduit dans sa £simille
ce des enfans étrangers. Sa ressource serait de
(t recourir à la séparation de corps f mais. elle
ce n'empêcherait pas que son nom ne continuât à
ce être déshonoré. »
JVevenant à appuya de nouveau le prin-
(Maii8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. Î89
;eip^ du divorce , et combattant certaines res-
trictions, il dit encore, dans un. antre mor
ment : «c Le mariage n'esJ; pas toujours,
« <:omme on le suppose , la conqUisim de
«L l'amour. Une jeun^ personne consent à se
« xaarier pour se conformer à la mode , pour
«c arriver à Tindépendance et à un établisse-
ce ment. Elle accepte un; mari d'un âge dis--
« proportionne, dont l'imagination,, les goûts,
R les habitudes ne s'accordent pas avec les
<c siens ; la loi doit donc lui ménager une
«f ressource pour le moment où, l'illusion
a cessant, elle reconnaît qu'elle se trouve
ft dans des liens mal assortis, et que sa vo-
« lonté a été séduite»
ce Le mariage prend sa forme des mœurs i
ce des usages, de la religion de chaque peu-
« pie : c'est par cette raison quai n'est pas
ft le même partout. Il est des contrées où les
<t femmes et les concubines vivent sous le même
«toit; où les esclaves sont traités comme
« les enfans : l'organisation des familles ne
« dérive donc pas du droit naturel. Lès ma*
« riages des Romains n'étaient pas organisés
ft comme ceux des Français,
y
tdO MÉMORIAL (liai i8f6)
« Les précautions établies par la Loi pour
* isupéefaer qu'à 45, à 48 ansi(m iie contracte
.« zrec légèreté uu engagement cpii s'étefid à
m toute la vie , sont certainement sag^es^ cc-
« pendant sont-elles sufiSsantes ? Qu'après dix
«ans de mariage^ le divorce ne soit, plus
c admis que pour des raisons tribs^graves » qq
« le conçoit, mais, piÂsque les mariages cou*
«tractéi. dans la première jeunesse sont ^
«c rarement l'ouvrage des époux , puisque ce
«sont les &milles qui les forment, d'après
« certaines idées de convenasiee , il" faut ^a ,
« si les époux reconnaissent qu'ils ne soat
«^pas faits l'un poQtr l'autre, ils puiaseut
« rompre une union sur laquelle il ne leur
« a pas été permis de réfléchir. Cependant
«cette facilité ne doit favoriser ni la l^è-
« rété ni la passion ; qu'on l'entoure dcnc
« de toutes les précautions, de toutes les formes
« propres à en prévenir l'abufi : qu'cm décide,
« par exemple, que les époux seronit entendus
« par un conseil secret de famille , formé soii5
« la {fr^idence du magistrat } qu'on ajoute
ic encore^ si Von vlsut> qiub'une feopae ne
« pourra user qu.'aue seule, fois . d^ dir^^e^i
(Maii8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE- 29i
^ iju'oii ne lui permette 4e se reinfitri:eY qu'a-
« preis 5 ans , afin que le projet éf'mL autre
ic mariage iie la porte pa& à disseitdie le
fc premier; Qu'après dix ans de aiariage^ la
« dijssolution soit rendue très-difficile, ete.
«Vouloir n'admettre le divorcé que pour
« cause d'adultéré publiquement prbuTe , c'est
•c le proscrire absolument; car d'un cQté, peu
» d'adultère$ peuv ent être prouves j de l'au-
à tre^ il est peu d'homme asse^ deliontes pour
« proclamer la turpitude de leur épouse. Il
« serait d'ailleurs scandaleux et contre l'hon-*
« neu^ de la nation de rëvëler ce q;ui se
« passe dans un certain nombre de ménagea;
«t cm en conclurait, quoi qu'à tort, que ce sont
« la les mœurs françaises. >i
Les premiers légistes du conseil étaient pour
que la mort civile entraînât k' dissolution
dtt ccHatrat civil du mariage. La discussion
fui) très-vive* Le Premier Consul, ^hins un
beaa mouvèmeirt r s'y exposa en ees termes :
«. IL setdât donc défendu à une femme , pro*
ft fend^ent GQnvatiïcufe de riiin<H$exi%e' dé so^
«t/marl, de sume , dftns s» d^ortation , rhotaîne
«;atti{u^ -fMi^ est' ti9 pliiâ ëtroJitélne^tL ùnit^ ;
A
292 MÉMORIAL ( Maî i8i6)
M. ont si elle cédait à sa conviction, à son de-
ce voir, elle né serait plus qu'une concubine!
« Pourquoi ôter à ces infortunés le droit de
fc vivre Tim auprès de l'autre, sous le titre
ce honorable d'époux légitimes ?
« Si la loi permet à la femme de suivre
ç son mari, sans lui accorder le titre d'é-
« pouse, elle permet l'adultère.
. < La société est assez vengée par la con-
« damnation , lorsque le coupable est priye
« dç ses biens, séparé de ses amis, de ses
fc habitudes; faut-il encore étendre la peine
« jusqu'à la femme , et l'arracher avec violence
« à une union qui identifie son existence avec
(c celle de son époux? Elle vous dirait : Mieux
« valait lui ôter la vie , du mioins me serait-
« il permis de chérir sa mémoire j; mais vous
« ordonnez qu*il vive , et vous ne voulez-pas
« .que j'e le console ! Eh I combien d'hommes
«c^^e.^nt Coupables qu'à caaae de leur fai-
(«r l^çtS^e pçHir: leurs femmes l Qu'il. soit donc
fc.p^rn^is à q^Ues qui ont cau&é leurs malheurs,
«de les adoucir, en les: partageant. Si une
« femme satis&it à te devoir,, vouâ estimez sa
« ^leitu^ et çeûendam vous n^ me($ez Jau/cune
( VA 18.6 î DE SÀINTE-HELÈNE. 29S
« différence entre ell et rêtre infâme qui
« se prostitue , etc.-, etc.? » On pourrait faire
des volumes de pareilles citations.
En* A Si 5 9 après la restauration , causant
avec M. Bertrand de MoUeville , ancien mi-
nistre de la marine de Louis XVI, homme
très-capable et fort distingue' ' à plus d'un
titre, il me disait : « Votre Buonaparte , votre
« Napoléon était un homme bien extraordinaire,
« il faut en convenir. Que nous étions loin de
« le connaître, de Tautrè côté de Teau ! Nous
« ne pouvions nous refuser à l'évidence de ses
ce victoires et de ses invasions, il est vrai; mais
tt Genseric , Atilla , Alaric eh avaient fait au-
« tant. Aussi me laissait-il l'impression de la ter-^
ce reur bien plus que celle de Tadmiratidnc Mais
ce depuis que je suis ici, je me suis avisé de
ce mettre le nez dans les discussions du Code
<c civil , et dès cet instant ce n'a plus été que
c( de la profonde vénération. Mais où discble
ft avait-il appris tout cela!..; Et puis voilà que
«chaque jour je découvre quelque chose de
c< nouveau. Ah! Monsieur, quel homme vous
ce aviez-là! Vraiment, il faut que ce soit un
ce prodige !,..• »
29% BIÉMORIAL (Mai i&ie]
Sur les 5 heures TËmperei^r a reçu le ca*^
pîtaine Bowen , de la fr^ate la Salcete , qui
part demain. Il a été fort gracieux pour lui;
et comme la couyersation a amène le nom
de lord St. -Vincent, qu'il disait être son
protecteur y l'Empereur lui a dit s k Vous k
« verrex. Eh bien je roui charge de lui faire
« mes complimens comme à un bon matelot^
« à un brave et digne vëtëraû. »
Sur les 7 heures l'Empereur s'est mis au
bain; il m'a fait yenir, et nous ayons beau-*
coup parlé des affaires du jour, puis de lit*
térature et enfin de géographie. U s'étonnait
qu'on n'eût pas de notions certaines sur l'in-
térieur de l'Afrique, Je lui disais que j'ayais
eu ridée, il y a quelques années, de présen-
ta à son ministre de la marine un projet
de yoyage dans l'intérieur de TAfrique; non
pas une excursion furtiye et ayentureuse ;
mais une véritable expédition militaire, di-
gne en tout du temps et du faire de rEin*
pereur. Le ministre me rit au ne^ lors de
ma première conversation à ce sujet; et traita
mon idée de folie.
J'aurais voulu , disais-je, attaquer l'Afiri*
(IMU .8i«) DE SAINTE-HÉLÈNE. 295
que par les quatre points cardinaux^ soit
que de ces quatre points on fût venu se
réunir au centre ; soit que , del)arqués à l'Est
et à rOuest , vers -son milieu , les deux par*
tiês de l'expédition fussent venues au-devant
l'une de l'autre ,* pour se séparer de nouveau
et aller Tune vers le Nord , l'autre vers le
Sud. Il est à croire y pensais-je, qu'en exi-
geant de la Cour de Portugal tous les ren-
setgnemens qu'elle eût pu procurer, on eût
trouve que la communication de l'Est à l'Ouest
existait déjà , ou que ce qui restait à faire était
peu de chose. Avec nos idées du jour, notre
enthousiasme, nos entreprises, nos prodiges,
on eût facilement trouvé 5 à 600 hons soldats ,
des chirurgiens , des médecins , des botanistes ,
des chimistes, des astronomes, des natura-
Ustes , tous de honne volonté , qui eussent indu-
bitablement accompli quelque chose digne du
temps.
L'.attirail nécessaire en bêtes de somme ,
en petites nacelles de cuir pour traverser les
rivières I en outres pour porter de l'eau à
travers les déserts , en petite artillerie très-
296 MÉMORIAL (wti 1816}
maniable, etc., etc., en eût. assure une ^-
tière et facile exe'cution.
cr Nul doute, disait TEmpereur, que votre
« idée ne m'eût plu. Je m'en serais saisi, je
<i l'aurais fait passer dans les mains de quelque
ce commission et j'aurais marche' à un re'sultat. »
Il regrettait fort, disait-il , de n'avoir pas eu
lui-même le temps, durant son se'jour en Egypte,
d'accomplir quelque chose de cette espèce. Il
avait des soldats tout propres à braver le désert.
Il avait reçu des pre'sens de la Reine du Dar-
four, et lui en avait envoyé'. S'il fût demeuré
plus long-temps,. il allait pousser fort loin nos
ve'rifications ge'ographiques dans les parties sep-
tentrionales de l'Afrique, et cela avec la plus
grande simplicité' d'exécution , eu plaçant seu-
lement dans chaque caravane quelques officiers
, intelligens , pour lesquels il se serait fait don-
ner des otages, etc., etc.
La conversation est passée delà à la marine
et à son département. L'Empereur la traitée à
fond. Il ne pouvait pas dire qu'il fût content
de Decrês'f et Ton pouvait, pensait -il, lui
reprocher peut-être sa constance à son égard.
Mais le manque de sujets avaient dû le mainte-
(iw i«ic) DE SAINTE-HELENE. f9T
nir^.cajT nprèet tout, as^ur^iitf-U, Decrb étaitf
çBcorê ce. qu'il avait pu j^r^u^f^r de mieux^
Ganteaimc notait qu'un n^telot nul ^\ s^n«
moyens* C^fitrelU avait ete {îei'du daite sou
esprit^ disait-il /parce qu'où, lui avait peint, sji
feimuQ com»^ une iaisauaç d^Wairesî ce qui
était pouc lui ^ obiservuib-ii » ;itUQ proficriptiou
sans retour^ ilfi^^^^W était: uuhmiiuepw ^ûr^
sa faïuilk avait livre Ton lou. L'Exupf seus ayai|
Qu uu mon^^ut l'idée A^Emériau ; mai^ il ne 1«
trouva paf^ à w%t^ liauteur. Il se d^ipaudait M
T.. 4.». n'eut pa^ réu^$i , il le çroyaitfort peu ça^
pable, bon administrateur pou^taud» niais il
avait e te ti^op isâle, 4i«ait-iU dans la r^voluti^n;
et puis c^ qui avait alcbevlS dp le perdre, c'est
que» même fort tard« l'Ejup^i^w? lisait parjbi#
ses. lettres secrètes, daua ki^qUfall^s \\ jfaçabipi-r
s«ît encore;
ir Dû reste , ol^$ervait l'Empereur ^ pfnpa^t «
/ j'atmis liendu tous mas mipi^terc^ si i^c}h^% ,
« que )e Jm avaia luv à k portée de tout Iç
« monde • p^ur peu qu'on possédât du dévoue-r
« meut, du ïèlfs, de l'actijit^i du travail. l\
' « fallait en excepter tout au plus celui des
« relations cxt^Mur<«, pavcç ^il %*\
S, .4»
498 • ^UOKÎAh ' (Mâî-isi^
« soureïitf disait-il, dans celui-là, d'improyi-.
K ser et de sëdairel Ais( vrai, conclpait41, dans
« la marine la stérilité' e'tait. réelle* et Decrès,
ft après tout, éfait peût*étre encore le meil-
« leur. Il avait du commandement'; son adnû'-
^ nistration était rigoureuse eC pure;. Il avait
« de l'esprit , ët^beaucôup , mais seulement pour
« sa conVeiisa^ion et sa politique personnelle.
« II' hé créait rien, exécutait mesquinement,
« marchait et lïe voulait pas courir. Il eât du
(c passer la moitié' de son temps dans les ports
« On sur les flottés d'exerchî^ j je lui en eusse
«^ tenu compte; n^ais,. en, courtisan, il craignait
r de s'éloigner de son portefeuille; Il me con-
« niLissait mal ; il eût été- bien miiçux défendu
«t. là que dans ma Cour : sonieloignement eAt
« été son meilleui: avocat. »
L'Empereur regrettait fort, disait-il, LaUm^
chè'-Tré$>ille } liilseul lui avait présenté Tidee
d'un yrai talent \ il pensait que cet amiral eût .
pu donner une autre impulsion, aux affaires.
L'attaque sur l'Inde, cejle sur F Angleterre,
eussent été du moins entreprises,, disait-il, et se
fussent peut-être accomplies.
' L'Empereur se blâmjait touchant les: péniches .
(Mai r8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE, 299
de Boulogne. Il eut mieux fait d'employer,
disait-il , de vrais vaisseaux à Cherbourg. Tou-
tefois VUleneui^e j avec plus de vigueur, au
cap Finistère , eût pu rendre Tattaque pratica-
ble. « J'avais combine' cette apparûtion de
« Villeneuve dé très-loin, avec beaucoup d'art
« et de calcul , en opposition à la routine de^
« marins qui m'entouraient. Et tout réussit „
«f comme je l'avais prévu, jusqu'au moment;
K de'cisif } alors la mollesse de Villeneuve vint
« tout perdre. Et Dieu sait, d'ailleurs, ajou-
te tait l'Empereur , les instructions que lui
« avait données Decrès. Dieu sait les lettres
« particulières qu'ils se sont écrites et quç jq
K n'ai jamais pu ëclaircir;/Car j'étais bien puisn
« sant, bien fureteur, ^^ ^^ croyez pourtant
« pas quei ]t vinsse à bout de vérifier tout ce
« que, je voulais autour de moi. »
fc Le Grand - Maréchal disait l'autre jour,
«qu'il ét^it reconnu parmi vous autres, au
« salon de service, que je n'e'tais plus aborda-
« ble sitôt que j'avais reçu le ministre» de la
« marine. Le nioyen qu'il n^en fût. pas ainsi?
* il n'avait jamais, que de: mauvaises Apuvellcs
« à me donne! b Moi-même j'ai jeté le ipançUe
900 MEMORIAL ( ^*i m)
« après la coignëe , lors du désastre deTrafalgar.
•c Je ne pouvais pas être partout, j'avais trop
« à faire avec les armées du Continent.
« Long-temps j'ai rêvé une expédition déci-
« sive sur l'Inde , maii^ j'ai été constamment
« déjoué. J'envoyais A 6 mille soldats , tous sur
^ des vaisseani de ligue; chaque 7tt en eut
« porté 5 cents , ce qui eût demandé 32 vais-
* seaux. Je leur faisais prendre de l'eau pour
« quatre mois; on Feût renouvelée à l'île de
« France ou dans tout autre endroit habité du
« désert de l'Afrique, du Biésil ou de la mer
* des Indes. On eût, an besoin, fait la con-
* quéte de cette eau partout où on eût voulu
« jet^T Tauci'e. Arrivé sur les lieux, les vais*
n seaux jetaient les Soldats à terre, et repai*
« taient aussitôt complétant leurs équipages par
« le sacrifice de sept ou huit d'entre eux , dont
<i k vétusté avait déjà marqué la condamnation ^
« si bien qu'une escadre anglaise , arrivant
« d'Europe à la suite :de la jpotre, n'eût pin»
^ rien trouvé. »»
« Quant à l'armée, al>andonnée à elle-même,
« mise aux mains d'un chef sûr et capable, elle
« eût renouvelé les prodiges qui nous étaient
{Mai iBt6) DE SAINTE-HÉLÈNE. 304
« familieri^, et rËuro|>e eût appris la conquête
de rinde commet elle avait appris celle de
' TEgypte- 9
J'aYaÎ3 beaucoup connu Decrès; nous avions
commence ensemble dans la marine. Il avait
pour moi^ je le crois, toute l'amitié dont il était
susceptible; quant à moi je lui étais tendrement
attaché. C'était une passiou malheureuse, ré-
pondais- je à ceux qui m'en plaisantaient ^ c^
qui arrivait souvent, car son impopularité était
'extrême ; et j'ai pensé plus d'une fois qu'il s'y
complaisait par calcuU J'étais à Sainte*Hélène ^
comme ailleurs , presque toujours seul à le dé-
fendi^e. Or je disais à l'Empereur que j'avais
beaucoup vu Decrès pendant le séjour à l'île
d'Clbe, qu^il avait été parfois pour lui. Nous
nous étions parlé alors à-cœu^ ouvert et j'ai
lieu de croire que depuis il aurait eu en moi
une confiance pleine et entière»
<r A peine Votre Majesté rentrait aux Tuileries,
« disais-je^que Decrès et moi nous nous sautions au
fc cou y nous écriant : Nous le tenons i nous le
« tenons! Ses yeux étaient remplis de larmes, je
« lui dois ce témoignage. ITi^ens, me dit-il encore
« tout ému y et sa femme présente, tu me prou-
30? MÉMORIAL (Mai i8i«)
<c ves en cet instant que j'ai eu des torts avec
« toi, et )e t'en dois la réparation; mais tes
« anciens titres te rapprochaient si naturelle^
m ment de ceux qui nous quittent aujoutd'hni,
« que je ne doutais pas que tôt ou tard tu ne
ce fusses très-bien auprès d'eux , si bien que ta as
•f gêne' plus d'une fois peut-être mes expressi(ms
ft et mes vrais sentimens. *— ^ Et vous l'aureis cru,
« pauvre niais? s'est e'crie l'Empereur en riant
«t aux éclats; n'e'tais-ce pas là plutôt l'admirable
« iinesse de cour , une touche pour La Bruyère,
«f un vrai trait d'esprit du reste; car s'il lui e'tait
« arrive pendant mon absence de laisser e'chap-
«c per qiielque drôlerie contre moi, vous voyez
« que par-là il remédiait à. tout, et une fois
« pour toutes, -»-Eh! bien, Sire, aî-je continue,
« ce que je viens de dire peut n'être que plai-
« sant ; mais voici ce qui est plus essentiel : ^
« Au plus fort de la crise de 184^, avant la'
« prise de Paris, Decrès fut sonde' de la manière
« la plus de'licate pour conspirer contre Votre
« Majesté', et il s'y refusa franchement. Decrès
« murmurait facilement et souvent; il avait une
« certaine autorite' d'expjession et de manières}
CI c'e'tait une acquisition à né pas dédaigner dans
< jw i«fl) DE SAINTE-HÉLÈNE. S0$
« un partii II se troaya, à cestté epocpie 4iQtd()Ur
f( leur, faire visite à uin personnage faJiùeuxf le
<cc héros des josachinàtions du jour. Geluwci, qui
^ s'était avance au-devaut de Itecrès , le rame-
« nant en boitant à sa cheminée , y prit xm livre
M disant: (c Je lisais tout à Theure quelque chose
« ^i nie fmppait sii]^ulièrement , écoutez •:
4t Motttesquieu^ livre tel, chapitré tel, p^ge
« telle* Quand lé prince s^bâttilevé auniëssus
« de toutes les lois ,■ que la tyrannie est dsvenue
« insupportable, il ne reste plilâ aux bpprii-
«e mes. . .\ -^ C'est àsseis, s'e'critt De<arès en lui met-
i< tant la main sur la bouche, je n'ëcoute plus^
« fermei^ votre livre. » « Et Tàutre ferma trarir
(( quillënient son livre conime si de rien n'dt^itf
« et se mit à causer de tout autre chose. » .
Plus tard un Marechdi, après sa fatale^ dëfec-»
tion, effraye àè ses résultats sûr l'opinion, et
eh^rchant vainement autour de. lui de l'apprd-^
baûon et de Tappui, essaya d'y intëresseï^ De^
crès en quelque çl^ose-, « .Je i^iie sui$ toujouriî
« souvenu, Im disait^il» d'une d^ pos convei^a-
r tions oéi vous nous peigniez si ënergiqu0ment
«les maux et les embarras de 1|l patrie^ Votre
<*' souvenir > la force de' vos argumipns, sont pour
S9I ^ MÉKtORUH (Mi fSt^)
t^ h%^iii6oup dans <âQ qcii m'a pbrté à j retneÂief /
i *-^ Oui/ nmi lâier, ^mprit DeNt^rès aireé une
k* yeprelmtidDltiiarqiiee; mais rùus étes^vtmfi dit
^ aussi que tMs aVies saote par - dessus fe
« £t pour upprifcièr Jnst^oieiit ces oneo
:«*dbt%8vdisfais<^jei TËmpeilBaF ,* U faut savoir
a^^'ellsi m'étaient raèontëés par Decrès Ini*^
^ mfyae^ pmdant Tafasmce dé Votre M^^t^
tf et lâeu assurément issais la m(âu)dre aoftpçoa
a de yotrc retour, a
La convernitioa arait dure près de 2 heures
4kui le baia) l'Ëpipereu^ li'a duis qu'A àeikfv
il m'a retenu* Nous ayons cause de l'ëcolt
jdiilitaire de Paris, Cotiime je n'eu étais sorti
qu'un a A ayant <{u'il j aniv&t^ les mêmes offî^
eâerst leèni&aiesmaître^y lès même^ camaiiades
faotts ayalent été iooàuùniis. . Il krouiraùt ml
ebaraiis partiitolier i. repasser , ainsi dB compsk'*
gïile^ '€ê tènapsde too^U^ enfaBce ; nos.oocu^
tkms > lioÀ ^j^i^lelries , tios jejïx « ëtu»' < '-
IDnai 'Ék^ttéi il a d^mandéma yevre deiÂa
d^ Chaprj^gnej ièé qu'il feit bien rarement, el
sa sobriété ^m telle ^l'il mSil de ce seuii;«en«
peut ^oref son yi|ago et le porter à parler
(Mai ,8,6) DE SAITïnB''HËLÈNE. 80^
d'avantage. On sait qu^il ne passe •goi^tt plus
d'un quart d^heure ou d'aune demi - heure à
table : il y àtfeiit plus de deux licui'es que nous
y étions. Sott è'tonnenient a etë grand en appro^
nant de Marchand qu'il ^tait onze heures»,
m Gotnme lé temps a passé! disait*il a\^c une
« espèce de satirfaction. Que ne puis-je àvoit
«' Souvent de pareils ttii6fiien3 ! Moû dber \
« m'a^^t^il dit en me ren^foyant^ touH me quitter
it h«areux 111 '
Lundi i3.
,>
daogepeox de inoo fils. -^' Paroles rextenjud^les»
— Dictionnaire des Girouettes. — • Bertholet* * /
docteur Waiden était Yetiû se jtcundre à
leux autres dests toufrères pour ibtraer une
eoRsultsttion pour mon fils , dont l'indispositioii
me donnait de l'inquiétude*
L'Empereur a bien yôulu receroir, àma tc*
quête, cette aticieime counaissance du Nor^
dMtimberland ) et a causé près, de deux heures ^
]^ssaut faïf ilièrement en revue ks atctes de son
iHiminittratioia qui ont accumulé' sur lui le
plus de haine, de ti&ensoages et de calomnies^
Hien n'était pluft correcty plus clair ^ plus sim«
/
50Q BIÉMORUL. (MtiiSii)
fie y plos curieux , plus satisfaisant , me disait
pli^s tard ce docteur. .
. JL'Empereur termina par ces paroles remar^
cpialj^les : u Je m'inquiète peu de tous les libelles
jK lances contre moi j. m^s actes et les eVene-^
M mens y repondent mieux que les plus habUet
4c plaidoyers. Je me suis assis sur un trône vides
« J'y suis monté vierge de tous les crimes or^
« dinaires aux chefs de dynasties. Qu'eii aille
« chercher dans l'histoire , et que Ton compare!
<( Si j'ai à caindre un reproche de la postérité
« et de l'histoire, ce ne sera pas d'avoir été
« tropméehant, maiar peut-être d'avoir été tro]^
<c bon. » '
Après* le dîner , l'Empereur a parcouru le
Dictionnaire des GiraneUes, nouvellemieiit
arrivé, dont l'idée est plaisante et l'exécution
manquée. C'est le recueil alphabétique, des per«
sonnefr vivantes qui avaient p%ru sur la scène
depuis la révolution^ ,et dont les expressions^
les sentiiuens^ou les actes avai^ent 3Uivi la varia-
tion du vent. Des girouiettes accompagnent leur
noniLj.avec Textrait des dj^cours an regard- ou-
l^s actes qui les leur avaient méritées., En l'ou-'
vraat, l'Empereur a d^imandé fi >il s y trouvait
/
(ifaiisie) DE SAINTE^HjSfcENE. SOT.
quelque ;de bous.* Non, Sire, lui a-t-on ré-
pondu plaisamment} il n'y a que ^ Vôtre Mar
jestë. En effet , Napoléon y était pour avoir
consacrfî la république et exercé la royauté.
L'Empereur s'est mis à nous lire divers arti-
cles. La transition d^s discours de chacun était
vraiment curieuse. Le contraste était ; parfois
exprimé avec tant d'impudeur et d'effrori-s
terie que l'Emjpereur , tout en lisant , ne pou-,
vait s'empêcher d'en rire de bon cœur^ Néan-.
moins , au bout de quelc[uês pages il a rejeté
le livre avec l'expression du dégoût et de la
douleur > observant , qu'après tout , cie recueil
était la dégradation de la société, le code de la
turpitude, le bourbier de notre honneur. Un
article lui a été particulièrement sensible : ce-.
lui de Beriholet, qu'il avait tellement comblé,
sur lequel il devait tant compter ,disait»il.
Tout le» monde connaît ce trait charmant :
Bertholet ayant éprouvé des pertes et se trou-
vant gêné, l'Empereur, qui l'apprit, lui envoya
''OO mille écus, ajoutant qu'il avait à se plain-
dre de lui, puisqu'il avait ignoré que lui , Napo-
léon, était toujours au service de*«es amis. Eh
bien ! Bertholet, lors des.désasrtres, a été très-
SOS MÉIiliORIAL (MaiiSié)
mal .pGtir l'Empereur , qui ea fut vraim^it
affecte dans le . t^np», rëpëtant plusieurs fois \
m Quoi Bertholetl Mon ami Bertbolet !.,, Ber^
« tholet sur lecpiel j'aurais dû tant coni!jpt«r I »
' Au retour de l'ile d'Elbe, Bertholet sentit
se réreiller ses sentimens pour soan bienfai*
leur. ILse bsksarda a reparaître aux Tuile^
TÎes, faiisant dire paç Monge k l'Empereur que
s'il n'en dbtenait un regard, il se tuerait à
la porte . en sortant. Et l'Empereur ne crut
pas ponTQ(ir lui riSuser un sourire en. passant
devant lui.
. L'Empereur, durant son règne, ayait re*
pe'té sa noble et généreuse obligeance eu fa-
reur de plusieurs gros manufacturiers > Qber-,
lamp^ Richard Lenoir et autres. U vçji-
lait chercher leur article , mais toutes jLes Toix
se sont élevées pour témoigner en leur fa-i
TCur. • ^
Mardi 14.
Réception des passagers de la flotte da Bengale.
Vers^ les % heures il nous est arrivé im
très^grand nombre de visiteurs j c'étaient les
passagers de la flotte des Indes ^ que l'Emp^-
(M- .M) DE SABVTO^HÉLÈNE. ^
reur avait agrée dé recevoir • On comptaitr
paniii eux aa M. Strang^^ b^ur frère de lord
Melvily ministre de la marine ;d'Angleterr^l^
un M. ^rbutknol^ sir WiUumis Burottg^fUn,
des juges delà G>ur suprême de Cùlcuta; 2 aidefr^
de-camp de lord Moira ; d'antres encore ^ pariai
lesquels plusieurs femmes. Hous étions tous
à causer dans la salle d'attente, UE^nperetir^
sortant de sa ckanibre pour gagner le jardin ^
a excité parmi nos visiteurs un empmssement
extrême» Ils se tout préeipités aux feiàètrea^
pour le voir passer : cela nous rappelait tout
à fait Plymbutli, Le Grand-Maréchal a «en-
duit toutes ces personnes à l'Empereur^ qui
les a teçues avec une grâce parfaite et ce
sourire qui 'exerce tant d'empire. L'avidité^^
était dans les regards de touaj; l'ànotion init-
ia figure de plusieurs.
L'Empereur a parlé à chacun d'eux , coii-'
naissant, suivant sa coututne, ce ^i se rat^
tachait à certains noms i mesure- <ju'il les en-
tendait. *Il n Beaucoup parlé législation * et
* justice avec le juge suprême;' eomteereé et
administration avec lés offîcrera'dé la ^ompa*»
gnié ; questionné les militaires sur leurs an^-
UO- MEMORIAL (Mm i«i6)
Heek de service et leurs blessures; dit à deux
de ces dames des chdsèS* fort aimables sur
leur figure et leut teint respecte, leur a-
t^il ditVpw>fesr rigueurs :du Bengale. Puis
s'adressàut à Vun des aides^^de-camp de lord
Moira, il «lui a dit i|ue son Grand-Marechal
lui avait appris que lady Loudoa était dans
Vile, que. si elle eût été en. dedans de ses
limites ^7 il sefùtiaitun vrai plaisir de lui faire
sacour ; mais qu étant en dehorsdé son enceinte,
c'était pour lui comme si elle était encore au
/ ■
Bengale*
Durant ces conversatiy)ns , dont j'ai. été Tin-
terprète, M. Strànge^ avec qui j'avais déjàcauié
aupaTavant , ne put s'empêcher de «'attirer à
lui .par le pan de knon habit, pour me dire,
avec raccent de lasurpi ise et de la satisfaction':
« Ah 1 combien d'esprit et de grftce dans la ina-
« nière doii); votre Empereur tient un lever, —
<c Mon^ieur^ c'est qu'il n'est pas ,sans quelque
ce habitude U<^^u& >>
Nous ; les aVoUS reconduijtç à notre, salon,
d'où, la curiosité ie$ a fait péi6tï*er jusqu'à la
seconde pièce, Jbç salon * de l'Empereur. Sir
Williams ?Bi;rough, qUe^on' emploi rendmar-
(mviByn) DE SAINTE-HELENE. 344^
q^uant dans le gouyernement, m'a demande 'sr'
c'e'tait la salle à manger. Je lui ai* dit qtié*
c'e'tait le salon, et' ppnr mieux dire*, le^ tbttt.'
H a e'te fort élôïmé. Je lui ai montré alors par*
la fenêtre les -deux petites pièces ..qui compo-
sent tout Finte'rieur de l'Empereur^ sa figure^
était peine'è, son espVit semblait faire dcs*com-'
pararsons avccle passe, et considérant les meu-
bles misérables et la petitesse dé respacè^ il
m'a dit- d'un air pene'tre' : « Mais bientôt voùb?
« serez mieux. — Comment donc, quitteriôiisrt
« nous cette île? — ^ Non; niais il vous arrive*
«de fprt beaux meubles , et une belle -maison/
« — Le vice n'est point dans les'medblés et^
«c dans ia maison qui sont ici ; il est dans lé roc
* SUT lequel elle repose, dans la latitude qu'elle
««occupe. Tant qu'on ne changera • pas cette'
«latitude, nous ne serons jamais ^bien.^»^ /
Je lui ai re'pëte' littëralement/oe- que l'Em-
pereur avait dit peu de jours aiipârâvalit au
Gouverneur, sur le même sujet. Cet 'homme
s'est emu j et me serrant la nlaii>, m'a dit avec
chaleur: « Mon* cher Monsieur, c'est uti trop'
« grand homme, il a de trop grandie talens/ il
tt s'est rendu trop redoutable, il est ^ trop à;
342 MÊMORIAX. (ikiiaii)
a craindre pouur, nous. — « Mais, lui ai- je ^t i
M mon tour, pourquoi n'avoir pas tire en^eib-
(K .i>l6 le char de front, au lieu de se tuer rcbi*
« proquement à le tirer en sens opposé? Quelle
a n'eût pas pu alors être sa course? » U ma
regardé, et me serrant de nouveau la znak
d'un air pensif , m'a dit ; n Oui , cela vaudiait
a bien mieux sans doute; mais, . • »
Du reste , tous étaient également frappés «or-
tout de la liberté dés manières et du calme dé
figure de TEmpereur. Je ne sais ce qu'ils s'at-
tendaient à trouver. L'un d'eux me disait qu'il
ne pouvait pas se faire une juste idée de la
force d'ame qui avait été nécesssûre à Napoléon
pour 4(uppar ter de pareilles secoussi^s. «< C'est
a que personne ne connaît encore bien l'Em-
« pereur, ai-je repris. U nous disait l'autre jour
c qu'il avait ^'té de marbre pour tous les grands
« événemens , qu^ils avaient glissé sur lui sans
« mordre sur. son moral ni sur ses facultés. 9
Après diner TEmpereur a demandé, ce qui
lui arrive Souvent , ce <|ue nous lirions. Quel'^
qu'un ayant proposé de reprendra 1^ lecture de
la veille 9 le Dictionnaire des Giroii^ttes, 1'^*
pereur l'a repoussé oomme rendant ses nnits plus
\
(M« U.6) DE SAINTE-HÉLÈNE. â>13
pénibles. Occupons-nous plutôt aujourd'hui de
chimères, a-t-il dit } et il a demande la JërU"*
salem délivrée , en a parcouru tout haut plu-
sieurs chants, plus souvent en Italien qu'en
français. Delà il nous a lu la plus grande partie
ée Phèdre et d'Athalie, toujours en s'extasiant
davantage sur Racine.
Mercredi i5.
Egalité des peines» *— L'Empereur me eommande
l'historique miantiensement détaille de mon Atlas.
L^Empereur ^ dans la promenade , traitait
divers sujets ; il est tomhé sur celui des délits
et des peines. L'Empereur disait que les grands
jurisconsultes , même ceux qui avaient e'té in-
fluences par l'esprit du temps , se partageaient
Sur le principe de l'e'galite' des peines. A la
consécration du Code , il eût e'te' pour leur iné-
galité , si les circonstances n'avaient force' à une
décision contraire. Il m'a commande' de donner
mon avis. «< J'e'tais tout-à-fait pour l'ine'galite'.
« Nos idées demandaient une hie'rarchie dans
« les peines analogues à celles que nous concè-
de vions dans les crimes. L'harmonie de nos
t sensations semblait le demander aussi. Je ne
3. 20
1
t
Z^h MÉMORIAL <Bfai 1816)
« pouvais prendre sur moi de mettre sur la
•c même ligne celui qui aurait e'gorge' son père
« et celui qui n'aurait commis qu'un léger vol
« avec effraction : pouvaient -ils être punis des
ce lùêmes châtimens ?
« Le coupable est celui qui m'impoi*tait le
« moins dans la question; la peine e'tait &(m
« affaire , il l'avait me'ritee j et puis l'humanité
<c avait bien des moyens occultes d'arriver au
a secours de ses souffrances physiques. C'é-
« taient ses ide'es morales avant le crime , c'e'-
« taient celles des spectateurs , celles de toute
ce la société' que le législateur devait pre'tendre
« frapper par l'inégalité des peines. C'est à
ce tort que l'on prétendrait que la mort seule
c< suffit et que le genre de supplice n'influe en
•t rien sur l'esprit du criminel , ni sur la pré-
ce méditation du crime j car s'il y avait inéga-
ce lité , il n'y a pas de condamné qui ne fit un
fc choix, si on Ten laissait maître; que chaque
« membre deia société 3e consulte, il frémit à
ce l'idée de certains supplices, lorsqu'il serait
ce à peu près indifférent à certains genres de
ce mort,. L'inégalité des, peines, l'appareil des
« supplices sont donc dans la justice et dans la
(Mai i8i6) DE SAINTE^HÉLÈNE. 315
K politique de la civilisation. Et je ùbnçaU
« néanmoins qu'il serait impossible aujourd'hui
« de vaincre l'opinion sur ce point *. »
L'Empereur était tout-à-fait de cet avis , et
comme on avait parlé du meurtre du souverain ^
il disait qu'il était en effet au-dessus de tous
les autres crimes , à cause de ses grandes consé-
quences. « Celui qui m'aurait tué en France,
« a-t-il dit, aurait bouleverse' l'Europe; et que
« de fois j y ai «été exposé! etc. »
Lady Loudon, femme de lordMoira, gouver-
neur-général des Indes, était depuis quelques
jours dans l'île et attirait toutes lesattention&des
siens. C'était une grande dame, répondant peut-
être à nos duchesses de la vieille monarchie.
Les ofiiciers a.nglais lui prodiguaient les der«
niers égards. L'Amiral l'avait à bord du Nor*
thumberland, ce jour-là, et lui donnait un^
petite fête. Il envoya une ordonnance à. cheval
* Et encore devraîa-je confesser qne .mon opinioa
ponrrait bien être erronée , si, comme on me l'a démon-
tré , le relevé des registres en France , depuis l^intror-
doction de Tégalité des peines, comparé à celai &it
pendant le même espace de temps, :soqs les andennes
lois pénales , présente nu moindre nombre de crimtaeW
346 MEMORIAL (Mai iSiS)
me prier de lui prêter mon Atlas pour la soi-
tée, voulant le faire considérer à lady Loudon,
dont le mari s'y trouvait indiqué comme le 4 ^^ re-
présentant des Plantagénet , et conséquemment
comme le légitime du trône d'Angleterre.
L'Amiral et moi nous étions sur le pied d'une
complète indifférence, à peu près étrangers l'un
à l'autre, depuis qu'il m'avait débarqué. Celait
donc moins une bienveillance pour moi qii'un
compliment pour l'ouvrage lui-même. On s'en
était entretenu , la dame avait désiré le voir et
Ton avait eu envie de le lui montrer. Toutefois
je ne pus satisfaire ce désir ; il était dans la
/chambre de ITEmpereur j ce fut ma réponse.
L'Empereur rit du succès que l'Amiral avait
voulu me ménager , et moi je plaignais fort la
dame sur l'esp^e de divertissement qu'on avait
voulu lui donner. Tout cela conduisit l'Empe-
reur à s'arrêter lui-même sur l'Atlas et à rappe-
ler une partie de ce qu^il en avait déjà dit plu-
sieurs fois. Une revenait pas , disait-il , d'enten-
dre , toujours et partout , parler de cet ouvrage ;
de le voir couru des étrangers, à l'égal au moins
des nationaux : il en avait entendu parler à
bord du Bellerophon, à bord du Norlhumber-
I
(Mai 181^) DE SAINTE-HELENE. 317
land, à File de Sainte-Hélène; partout ce.
qu'il y avait d'instruit et de distingué le con-
naissait ou demandait à le connaitre. c Voilà ce
<t que j'appelle , obseryait-il gaîment , un vrai
« triomphe et beaucoup de bruU dans la répur^
blique des lettres^ etc., etc. Je veux ^e
vous me fassiez à fond l'historique de €-/
ouvrage, quand et comment il a été conç
de qu'elle manière il a été exécuté; se9 reVc.
tatsj pourquoi, dans le principe, vous Favez
mis sous un nom emprunté; pourquoi , plus
tard , vous ne lui avez pas substitué le véri-
table? etc., etc., enfin y mon chei-, un vraî
rapport i entendez* vous^monsieux le Conseiller
d'État?»
J'ai répondu que ce serait long; maïs que ce
ne serait pas sans charme pour moi ; que mon
Atlas était l'histoire d'une grande partie de ma
vie; que je lui devais surtout le bonheur de me
trouver ici près de lui, etc. ...7
En effet , voici ce récit tel qu'il s'est trouvé
rédigé peu de jours, après. Sa longueur réclame
l'indulgence^ sans doute; mais qu'on en cherche
l'excuse dans des détails où se G<Hnplaîsent les^
souvenirs de mes plus douces, de mes plus heu-
nf
348 MÉMORIAL (^i ,816)
reuses années , IVpoque de ma jeunesse , celle de
ma force et de toute ma santë, en un mot, le
2>recieaî et court instant de la plénitude de la
vie. On le trouvera long, je le répète; mais
qu'on le pardonne aux jouissances qu'il me rap-
pelle ; même en relisant plus tard je ne me sens
pas la force d*en rien effacer.
HISTORIQUE DE L'ATLAS-
« Cet Atlas a ete' tout à fait le fruit du hasard
et surtout de la nécessite', qui, comme dit le
proverbe banaU est la mère de l'industrie
Au moment des premiers revers de notre émi-
gration, je fus jeté par l'ouragan politique dans
les rues de Londres , sans connaissances , sans
moyens, sans ressources; mais avec du courage
et de la bonne volonté : or, avec de telles disposi-
tions, Londres alors e'taitpour chacun un ter-
rain assure'.
f^ Après avoir tâte' sans succès plusieurs di-
rections , je résolus de n'avoir recours qu'à moi-
même, et je mede'cidai à e'crire : c'e'tait à peu
près faire comme Figaro. Je balançai un mo-
ment à me jeter dans les romans : les proposi-
tions d'un libraire m'en donnèrent la pense'e ;
mais il me demandait trop, et prétendait me
(Maii«,6) ok SAINTE-HELENE. Z\%
donner trop peu. Je me décidai pour l'histoire,
qui, dans tous les cas , m'assurait un gaiifi moral
en me procurant des connaissances positives i
alors naquit l'idée mère de l'Atlas. historique.
Ce fut une inspiration du Ciel, je lui dois le
reste de ma vie. Ce ne fut d'ahord qu'une
simple esquisse, bien éloignée de l'ouvrage
d'aujourd'hui, une pure nomenclature. Toutes
fois c'en fut assez pour me tirer dès l'instant
d'embarras, et me composer même, relativement
aux misères de l'émigration , une véritable for-
tune. Vint la paix d'Amiens et le bienfait de
votre amnistie , Sire. Je me trouvais assez bien
dan$ mes affaires pour pouvoir me rendre à
Paris, sans objet, et purement comme voyageur,
sauis autre l?ut que de respirer l'air de la patrie
et de visiter la capitale. Une fois là, je me sentis
maître de mon langage } les recherches étaient
faciles ; mes idées , mon jugement , s'étaient
agrandis j je disposais de mon temps et de ma
personne ; j'entrepris l'ouvrage tel qu'il est
aujourd'hui. Je me mis à en publier régulière-
ment quatre feuilles par trimestre. Alors vrai-
ment l'eus, âu moral et aumatérielj, un succès
prodigieux : intérêt, bienveillance, offres de
âaO MÉMORIAL (Mm iai6)
tonte espèce, argent ^ connaissances, me tomba'
rent de tontes parts : c'est, sans contredit,
Tepoque la pins douce de ma vie. »
« En Angleterre, j'avais mis ma publication
sous un nom emprunté > pour ne pas compro-
mettre riionneur du mien : j'écrivis Le Sage,
comme j'aurais écrit Leblanc , Legris , Lenoin
Je ne pouvais du reste plus mal choisir, ou
du moins en prendre un plus banal j car, à
ipielque temps de là , une lettre m'ayant . ét^
mal adressée sous ce nom, elle ne me parvint
qu'après avoir passé dans les divers rassemUe-
mens français, par les mains de 22 prêtres qui
^portaient ce nom; et le dernier, qui avait
découvert apparemment qu'il ne m'appartenait
pas, me renvoyait ma lettre, fort en colère,
en y joignant l'avis , que quand on voulait
changer son nom , il fallait éviter du moins de
prendre celui des autres.
« En France , je conservai ce même nom de
Le Sage. Il était devenu désormais celui de T At-
las; un nouveau nom pouvait tromper quel-
qu'acheteur en le faisant croire à un nouvel
ouvrage. Je n'eusse pas voulu d'ailleurs ex*»
poser le mien au hasard d'uix succès, peut-être
(M« 1816) DE SAINTE-HÉLÈNE. 321
aux affronts d'un journal, et aux éclabous-
sures de la polémique. Quand l'ouvrage eut com-
plètement réussi , je n'en eus pas d'avantage la
pensée, et peut-être, par un reste de vieux
prejuge's, que je me d^uisais mal.
« Cette gloire litte'raire me flattait beaucoup
sans doute j mais j'étais d'une race militaire >
et forcé rigoureusement , me disais-je , à pour-
suivre une autre espèce de gloire. Les circons-
tances me le rendant impossible , je voulais
consacrer du moins que j'en reconnaissais l'obli-
gation. Au reste, je n'ai jamais eu lieu de me
repentir de ce double nom ; mais au contraire
j'ai eu souvent à m'en applaudir. Indépen-
damment du vrai motif, il répandait un vernis
d'aventure et de roman, qui n'a jamais rien
eu que d'agréable , et qui était assez d'ailleurs
dans la nature de mon caractère. Il a produit
une foule de quiproquos et de scènes fort gais,
qui n'étaient pas sans prix pour moi. En Angle-
terre , par exemple , il m'est arrivé d'être ques-
tionné, en société, de la meilleure foi du monde,
touchant le mérite de l'ouvrage de M. Le Sage ;
et dans une pension ^ je me suis vu dire des
în|urcs pour m'êtrc obstiné à le dénigrer, etc.
S22 MJÉMORIAI. (Mai 1816}
ce Tant qu^ je me chargeai moi-même de l'ou^
vrage, je voulus recevoir lous ceux qui se pre'-
sentèreut, et traiter directement avec eux. Dès-
lors je pus faire les connaissances les plus agréa-
bles, je n'eus. p]u$ rien à rechercher, mais bi^
plutôt à me défendre. En France, surtout, je
me trouvai comble ; c'e'taient les manières , 1^
expressions les plus flatteuses , les plus douces,
les plus recherchées 5 les uns parce qu*ils sa-
vaient qui j'étais, les autres pre'cise'ment pent-
^tre parce qu'ils l'ignoraient j tous parce que
je demeurais en parfait équilibre avec d^cun.
De mon côté je jouissais d'un spectacle fort
.curieux : comme on était obligé de me donner
son nom pour la souscription, je passais en
revue beaucoup de personnages ^ue je me trou-
vais connaître à merveille, et que j'observais en
^silence. C'est là surtout que j'ai pu méditer à
,mon aise sur la diversité des opinions , des ju-
.gemens et des goûts parnii les hommes. La
seule chose que Vun trouvait à redire dans l'ou-
vrage était précisément ce que le suwant admi-
rait le plttsj ce ç^'un /roîsî^/»^ conseillait
comme indispensable , un quatrième le réprou-
vait comme inadmissible^ et chacun, suivant
{Mai laiS) DE SAINTE-HÉLÈNE. 323
Tusage , ne mancpalt pas de présenter son opi-
nion conune l'expression générale : c'était abso>-
himent celle de tout Paris, celle de tout le
monder
« C'est là surtout qiie j'ai pu me convaincre
du grand avantage de faire ses affaires soi^
même , et de tout l'empire qu'exerçait la com^
plaisance et les bonnes manières dans les tran*
sactions de la vie. J'acceptais tout ce qu'on me
proposait , j'étais aussitôt d'accord sur tout ce
qu'on voulait, et j'en e'tais paye' au centuple.
Tel qui était entré dans l'intention peut-être
de ne pas prendre l'ouvrage , non-»seulemen4l
l'emportait, noais encore me ramenait dix , vingt
souscripteurs, il eu est qui ont été jusqu'à cent*
« Celui-ci faisait déclarer mon ouvrage clas-
sique au ministère de l'intérieur j celui-là le
faisait adopter aux relations extérieures ; un
troisième voulait me procurer la décoration de
la légion d'honneur ; un quatrième insérait
d'excellens articles dans les journaux. La bien-^
veillaiice, l'affection^ allaient chez quelques-uns
jusqu'à Tenthousiasme. Je ne citerai ici que ce
souscripteur de province , m' écrivant, sans me
coniiaître , pour me supplier en grâce de mettre
32^ MÉMORIAL C»« ^^9)
mon portrait, à la tête de Fourrage ; s'offrant^
si je le permettais, de payer la moitié des frais.
Et cet autre y propriétaire du beau château de
Montmorency , qui chaque semaine , sous pré-
texte de voir s'il n'y avait pas une feuille nou-
velle, venait, disait-il, passer ses heures le&
plus heureuses, ajoutant que s'il, me prenait
envie.de faire payer ma conversation , comme
mes feuilles , il ne tenait qu'à moi de le "ruiner-
Je sus depuis que c'e'tait un homme extrême-
ment bizarre, vrai caractère de Labruycre^
tout-à-fait à la Jean-Jacques. Il épuisa long-
temps auprès de moi, fort délicatement, les
offres de toute espèce, même des inductioas
paternelles* « M. Le Sage , m'a-t-il dit plus
« d'une fois, vous devriez vous marier, vou5
« feriez le bonheur d'une femme, et plus en-
« core celui d'un beau-père. » Or, il n'avait
qu'une fille et très-riche. Enfin je le perdis de
vue , et ce ne fut que long-temps après que,
faisant une partie de campagne avec des fem-
mes de ma connaissance, la vue du château de
Montmorency , dont il était propriétaire , m'en
rappela le souvenir. Je racontai mon histoire,
notre curiosité s'en accrut et nous donna l'enri»
(M*» ,816) DE SAINTE-MELÈNE. 825
de visiter Fendroit. On nous réfusa la porte; le
maître n'y ëtait-il pas ? Aucontraire, c'e'tait parce
qu'il s'y trouvait. Je viens de dire qu'il e'tait
fort extraordinaire; il s' e'tait claquemure' dans
sa demeure et s'y e'tait rendu tout à fait inabor-
dable. J'obtins avec beaucoup de peine qu'on
lui portât le nom de M. Le Sage; la magie du
nom ope'ra sur-le-cliamp. L'affront fait à une
calèche e'ie'gante , à une riche livrée , fut aussitôt
reparé. Les portes s'ouvrirent, au grand étonne-
ment, surtout de ceux qui les gardaient. Il y
eut ordre à l'instant de tout montrer, de tout
offrir. Nous avions apporte' de quoi faire uu
petit repas champêtre ; mais il fut commande
sur-le-champ un excellent dîner qu'il fallut
accepter de gre' ou de force, et dans le beau
salon en stuc. Tout cela e'tait fort de'sinte'ressé j
car le bon vieillard e'tait retenu dans sa chambre
par la goutte. Quand il me revit, sa joie fut
extrême; c' e'tait pour lui le retour de l'enfant
prodigue. Il voulut absolument voir ma compa-
gnie et se fit traîner pour nous faire les honneurs
du dessert. Mais ce qui nous ravissait par-dessu3
tout , c'est qu'il ne doutait pas qu'il n'eût à faire
à de petites bourgeoises; or, c'étaient vraiment
S28 MÉMORIAL ( Mai m\
mon obscurité, je m'ctais tu entouré de la
bienveillance de tousj ntion éléyation m'attira
des ennemis directs , et . ce sentiment vague
de jalousie et de malveillance qui marche sur
les pas de la fortune. Les journaux , dans
lesquels depuis long -temps on avait épuisé
en quelque façon les expressions flatteuses et
agréables en faveur de T Atlas historique , mon-
trèrent alors quelques articles fort mauvais j
et quand on remonta à la source, Técrivam
avoua franchement que la différence des opi- .
nions et de la situation politique en était U
seule cause.
« Il fut fait un rapport de l'Institut sur
les ouvrages qui avaient paru depuis quel-
ques années j l'Atlas y fut maltraité,
ce Me trouvant un jour, par hasard et sous
mon nom de Le Sage , avec l'auteur de ce rap-
port, je lui témoignai ma peine. Il me con-
fessa de bonne foi que l'ouvrage et l'auteur
lui avaient été inconnus} que n'ayant pu faire
tant de travail à lui seul, il T^ivait subdi-
visé. L'article de Le Sage lui était revcQu plus
mauvais encore qu'il n'avait paru, il l'avait
fort adouci. >; Il m'a été aisé de voir, con;
(Mai 1816) DE SAINTE-HELENE. »^2tt
« tinua-t-îl , que vous avez des ennemis parmi
« nous , et vous le devez à vos habitudes , à
« votre situation. Vous vous êtes associé avec un
tt M. le Comte de je ne sais qui , qui a des places
ft à la Cour : les courtisans et les lettres ne
« vont pas hïevL ensemble. Ces messieurs"* ne
« sont pas des nôtres. On dit que vous met-*
ff tez votre me'rite , et que lui fournit l'argent,
« A quoi bon cela? Il fait sans doute des prdr
« fits sur vous , ce M. le Comte ? Votre ou*
ft vrage étant très-bon, votre libraire vous eût
"«fait crédit. Du reste, je ne répète ici que
t ce que j'ai entendu , et je vous parle dans
« vos intérêts. Si vous désirez notre suffrage,
a il faut vous rapprocher de nous, s'identi-*
« fier avec nos doctrines, et laisser là les grands,
ff Je répondis , avec le plus de ménagement
possible, que je le remerciais, sans doute, mais
que je ne pouvais suivre tout à fait cette mo^
ralej qu'il jugeait mal mon ami; que notre
bourse, Tiotre existence étaient communes;
notre union, notre intimité indissolubles; que
nous nous étions promis de ne jamais nous
séparer, de vivre et de mourir ensemble, et
qu'il serait bien diflicile de nous y faire man-
330 MEMORIAL ( Mai 1816 )
quer 1 c'était une yraie scène de eomëdie. A
quelques temps de là je dînais chez un Prince;
j'étais à ses côtes et tout chamarre. Inaper-
çus mon membre de l'Institut au nombre des
convives. L'étonnement et l'inquiétude étaient
dans ses yeux} je lui adressai plusieurs foiêi
la parole; il se penchait vers ses voisins, leur
parlait tout bas; il prenait des renseignemens.
Après le dîner il me joignit; et, prenant la
chose avec beaucoup d'esprit, me pria^ disait-
il, de le tirer d^embarras; qu'il se rappelait
bieit d'avoir eu l'honneur de me voir chez
lui ; mais qu'il ne comprenait pas le mauvais
tour que je lui avais joue', ni la mystification
complète à laquelle je m'étais plu. « Aucune,
ic lui dis- je; tout ce que vous avez vu , tout
« ce que je vous ai dit est re'el, seulement vous
« vîtes alors M. Le Sage qui met sa science , et
it vous voyez aujourd'hui M. le Comte, qui
« fournit les fonds : voilà comme on fait les
« histoires et comment se font les rapports.
K Ce fut aussi quelque méprise de la sorte et
tout aussi ridicule qui valut à M. Le Sage, dan»
le fameux Nain Jaune , les honneurs de la gi-
rouette , coioiiie géne'alogiste de l'ordre , sous
(iw isifi) DE SAINTE-HÉLÈNE;, SBA
le nom^ assez plaisant, du reste, de paruulus
sapiens (Petit Le Sage). Cette fayeur, ai-je
appris plus tard, était fondée sur la suppres--
sion qui avait ete faite, sous le Roi, de la
généalogie de Votre Majesté, que j'éts^is sup-»
posé faire descendre d'Ascagne et d'Enée. Il
serait difficile de comprendre ce qu'on ayaili
Toulu dire , n y ayant jamais eu rien dans
r Atlas qui pût mettre, en quoi que ce ffit,
de ptès ou de loin, sur pareille voie. Au de-
meurant, dans ces diverses circonstances où TAt?
las et son auteur se trouvèrent attaqués /une
foule de partisans zélés et fervens vinrent, me
demander sHl me serait agréable qu'ils le dé^
fendiss^ent. Je les suppliai instamment de n'en
rien faire } il me semblait dangereux pour
mon repos d'occuper le public de la sorte.
Je riais moi-même des tours joués à M. Le
Sage; mais il m'eût été pénible de les voir
remonter peut-être par-là jusqu'à son homo-
nyme*
« Si l'Atlas du reste eut un succès si général
et si étendu, c'est qu'il devait en être ainsi j
cet ouvrage étant en effet de tout âge, de
tous les pays, de tous les temps ^ de toutes les
332 MÉMORIAL ( M.i i$dj
opinions, d€ tmiles les classes , de toiites les
instnietioni; C'était Tindicateur âe celui qui
voulait apprendre-; les ressotiyenirs de telui qui
avait su; lé guide pour Tecolier j le développe-
ment pour le maître : il reunissait la chronolo-
gie, l'histoire , la géographie y la politique y
etc. y etc.
« Quand on le comprend bieû et qu'on sait
s'en servit , il est vrai de dire qu'il composé a
lui seul une vraie bibliothèque : e'est le f^de
Mecum du commençant , celui du maître, ce-
lui du savant, celui de l'homme du lâonde.
« Aussi eut-il un immense àébit\ et jamais
Ouvrage littéraire, je crois, ne produisit autant.
A son apparution, on eut k inscrire jusqu'à
2 et 3 cents louis de souscription dans un jour.
Tant que je suis demeurer chargé personnelle-
ment de cet objet, j'ai dû compter les recettes
pour un revenu de soixante à quatre-vingt mille
francs att moins. Il m'avait créé une véritable
fortune j je n'en ai pas d'autre; la révolution
m'avait enlevé mon patrimoine , dont je n'avais
pas dA m* occuper depuis , puisqu'il m'avait
fallu faire serment d'y renoncer, pour pouvoir
mettre le pied sur le territoire.
(Mai î|ie) DE SAINTE-HELENE. 8S5
. « Mon ourragé m'ayaît fait , dans^ la librairie ,
une réputation équivalente, au besoin, à un véri-
table fonds. Des libraires sont yehus plus d'une
Ibis m'offrir 2 cents, 9 trois cents louis pour
approuver seiilement et né faire (jue mettre
mon nom au ba$ d'ouvrage tout faits. Ils me
quittaient bien étonnés de mon refus. J'appris
parrlà que c'était l'habitude de la capitale,
parmi les imprimeurs de livres. Dn auteur de
célébrité peut en faire trafic y c'est une por-
tion de sa fortune ; il l'a place à gros intérêts ,
sans aucune mise dehors j elle devient un afrti-
ele essentiel de son budjet de recette.
<( Il s'est déjà publié, en plusieurs éditions, de
8 àiOmille exemplaires de l'Atlas, qui ont mis
m circulation au-delà de 8 à^ 900 mille francs ,
peut-être plus d'un million, desquels SOO mille
&ancs ont été réalisés quitte de frais, et sont en
mes maius : ils composent ma fortune nette, ne
possédant rien qui ne me soif venu de l'Atlas ,
et ne soit couché sur ses registres. ^50 mille
francs demeuraient encore à mon départ en
créances arriérées, bonnes ou mauvaises i ainsi
que plus de 200 mille francs en valeur de
livres choisis , qbtenue par des échanges , et
33» MÉMORIAL {Maii8i«)
qui , morcelëe par assortimens de mille ccus , et
expédies aux pays lointains ^ me promettait avec
le temps des rentrée» certaines. Malheureuse-
ment au jour d'Ixui de tout ce brillant produit,
je ne puis, je ne dois plus compter que sur ce
que je tiens déjàj le reste est trop hasardé
pour ne pas le considérer comme perdu. Per-
sonne n'est au courant de mes affaires; je n'ai
pas eu le temps d'en charger quelqu'un, les
détails en sont trop nombreux , trop épars ,
trop diversifiés, pour en donner le fil d'ici.
Les dettes arriérées vieillissent j les créanciers
meurent, se déplacent et disparaissent j et pour
les livres , il seront égarés , gaspillés , gâtés et
perdus*
« Quoi qu'il en soit, cet ouvrage avait été
sur lé point de me faire une fortune bien autre-
ment brillante encore. La tracasserie la plus in-
juste m'en priva : les détails sont assez curieux
pour que je les mentionne à Votre Majesté*
<c Au commencement de 48^3, deux négo-
cians, qui avaient découvert que j'étais l'auteur
de l'Atlas historique de Le Sage , pénétrèrent
»hez moi et me proposèrent, si je voulais leur
en donner poui» deux millions, de m'en payer
^
(Mai 1816) DE SAINTE-HÉLÈNE. 885
aussitôt le vingt pour cent, argçnt comptaut,
et de me les transporter gratis à Londres , où
ils seraient encore ma proprie'té et demeure-
raient à ma disposition. J'ouvris de grands yeux,
je ne pouvais comprendre, je craignais qu'on
ne voulût me mystifier. Eux , de leur côté , cher-
chaient à m'expliquer, et me disaient que c'é-
tait la marche et le taux actuel des licences^
auxquelles ils voyaient hien que j'étais étran-
ger. Toutefois il me resta assez de cette con-
versation pour que je pusse m'éclairer entiè-
ment ailleurs. En effet, j'appris que les bâii-
mens de licence , pour aller à Londres chercher
des denrées coloniales, ne pouvaient partir , de
France sans une exportation égale en valeur
nominale à l'importation qu'ils projetaient. Le^
livres étaient compris dans les objets d'expor-
tation permise , et les négocians en.cherchaiei^t
d'un transport léger et d'un pri\X très^haut , qui
à peu de frais pussent leur donner, des^drpits
à une importation considérable. 0;r, mon ou-
j^rage semblait être précisément: calcul^ pour
cette opération. Cependant avaht de Ventre-
prendre, je fus auprès du dirpcteurr-générail des
douanes et du président du comité d'exppita-
n
3M : MÊMORIAt '(>W ift*)
tion, m'assurer que j'avais bien compris et que
j'etai? en toute règle. Sur leur affirmatioui je
me mis aussitôt au travail. J'accomplis une des
belles opérations qui se puisse iniaginer; le
temps pressait; on me prescrivait un term^
très-court. Une trentaine de planc}i.es in-folio
furent distribuées au trente plus grandes pres-^
ses de Paris j et travaillèrent dès ce moment
sans relâchef tout le papier vélin, d'une certaine
forme, fut arrêté et s'accrut successivement de
prix chaque jour, jusqu'au ^elk de 400 pour
400, Ce fut un véritable mouvement dans
toute l'imprimerie de la capitale , au point
d'en inquiéter la police , jusqu'à ce qu'elle eût
découvert et compris ce que ce pouvait être.
J'employai à l'intant^^ directement ou indirec-
tement, de 3 ^ ^ cents ouvriers. Au bout de
vingt et un jours, je devais avoir mes 2
millions d'Atlas, et recevoir mes UCO mille
fi-ancs d'argent comptant. J'étais le seul dans le
monde qui ei\t pu faire cette opération : un ha-
sard unique faisait que j'avais imaginé dans le
temps de garder mes planches toutes compo-
sées , en faisant la très-grande dépense des ca-
ractères. Je recueillais donc en ce moment le
CMaîiSiô) DE SAINTE-HÉLÈNE; Sât
fmit d'une industrie et d'une mise dé hovs de
^€ ans.<]'e'tait un Vrai quine à Ja loterie ; la tête
mû tourtiait d'une telle circonstance; mais je
bâtissais sur le sable, et je devais expier cruelle-
ment ces premiers instans d'illusion.
« Le cynique M. de P .^ directeur-genëral
de la librairie, mon camarade au Conseil d'Etat,
s acharna à me nuiref , sans que j'en pusse deyi*
ner la cause, Tout en m'assurant qu'il ne m'é-
tait nullement défavorable, qu'il aiderait plutôt
son collègue , il ne cessa d'écrire sous main et
de pousser en avant, contre moi , les expeits li-
braires, qu'il avait trouve' le moyen de faire
nommer pour ces opérations. Je n'en pouvais
douter, on me communiquait de confiance dans
les bureaux ses lettres secrètes j et la délicatesse
m'interdisait encore la satisfaction de pouvoir
lui reprocher son indignité,-
K II me fit objecter d'abord que mes feuilles
ne pouvaient être admises, parce que la loi n'ad-
mettait que les livres. Je demandai à cela si la
loi n'admettait pas les ouvrages en feuilles j et,
sur Taffirmalive , j'observai que mes feuilhs
étaient un livre qui attendait sa reliure. Alors
M. de P.. prononça que lafavcur accordée
838 MEMORIAL ( Mai 1816 )
par l'Empereur, concernait les libraires et non
pas les auteurs* Le ministre de Tinterieuri
rhonnête M. de Montaliçet^ se révolta contre
cette partialité', et fit taire M. de P.... .....Alors
celui-ci prétendit qu'on avait de beaucoup accru
le prix de mes feuilles. On lui prouva, par plus
de deux cents annonces dans les journaux,
depuis dix ans , qu'il avait été constamment le
même. Alors il se» rabattit sur le prix intrin-
sèque , et voulut prouver que ce que je vendais
cent sous ne m'en coûtait que cinq ou six , et
créa encore d'autyes difficultés aussi ridicules.
Cependant le temps courait , les vaisseaux se
remplissaient, les avantages offerts par les ar-
mateurs diminuaient^ les évaluations arbitraires
des comités arrivèrent, et moi, qui avais con-
tinué mes opérations au milieja des difficultés,
je dus me regarder comme très-heureux, à tra-
vers mille inquiétudes , mille contrariétés, mille
vrais chagrins, de ne pas me trouver ruiné, de
retirer mes frais, qui avaient été au-delà de 80
mille francs. »
«r Mais c'est à peine croyable, disait l'Empe-
« reur, comment cela a-t-il pu se passer ainsi?
« Votre opération eût été dans mes goûts ; elle
( Mai iôi6 ) DE SAINTE-HÉLÈNE. 839
* vous eût avancé dans mon esprit, elle m'eût
« plu; l'activitë, l'organisation de vos détails
« m'eussent frappée Rien , d'ailleurs , ne me
« faisait plus de plaisir que de faire gagner lé-
« gitimement de l'argent à ceux qui étaient
« autour de moi. Que n'êtes-vous venu me trou-
« ver^que ne m'avez-vous amené P ,vous
«eussiez vu comme je l'eusse mené. — Sire,
« ai-je répondu , j'étais bien loin dé le voir
n ainsi , les momens étaient, critiques , votre
•f temps était précieux ; comment aurais-je pu
« prétendre à me faire écouter , à me faire cotn-
« prendre de Votre Majesté, dans une affaire
« aussi compliquée et aussi délicate ? Comment
« lui expliquer que cet ouvrage , qui n'était pas
«sous mon nom, était le mien? Comment oser
fc vous présenter quelqu'un si voisin de Votre
« Majesté, mêlé avec des licences, des vingt
« pour cent, des millions de librairie? Je me
cf sentais si peu connu de Votre Majesté, que je
« frémissais au contraire qu'il vous en arrivât
<( quelque chose. Aussi je me donnai beaucoup
•r de mouvement; mais je fis le moins de bruit
K possible , et je me résignai à tout souffrir.
« Vous eûtes grand tort, disait l'Ëmperéur ,
Sm MÉMORIAL ( H» 1816)
« TOUS avez été très^maladroit ayec moi, et peut-
tc être arec P....M..*, je ne saurais expliquer
ic autrement un. acharnement §i peu natu-^
« rel, etc., etc. •
Jeudi i6.
tVisite da Gonvernear* — • Conrers^Uon chaude ayec
l'Ëmperear*
La brèche était décidée entre nous et le Gou^
vetneur,. depuis ce que Ton m*a vu appeler
plus haut sa première méchanceté, sa première
injure et sa première brutalité. L'eloig,nemeQt,
la mésintelligence et Taigreur mutuelle allaient
toujours croissant } nous étions fort mal dis-
posés les uns et les autres.
Il s'est présenté sur les trois heures j suivi de
son secrétaire militaire ; il désirait voir l'Empe* '
reur pour lui parler d'affaires. L'Empereur se
portait assez mal ; il n'était point habillé ; toute-
fois il m'a dit qu'il le recevrait sa toilette faite.
En effet 9 peu d'instans après il est passé dans son
salon y et j'ai introduit sir Hudson Lowe.
Demeuré dans le salon d'attente avec le
secrétaire militaire , j'ai pu entendre y par le son
de la voix de l'Emperiéttr, qu'il s'animait, et^
(ttit t8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE; 31H
que la scène était cikaude. L'audience a été fort
longue et très- orageuse. Le. Gouverneur congé-*
die 7 j'ai couru au jardin , où ^Empereur me
faisait demander. Depuis deux jours il n'était
pas bien : ceci a achevé de le bouleverser»
«e Eh bien I m'a-t - il dit en m'ai^ercevant , la
« crise a été forte, je me suis fâché, mon cher \
« on m'a envoyé plus qu'un geôlier I Sir Lowe
« est un bourreau ! Quoiqu'il en soit , je l'ai
^ reçu aujourd'hui avec ma figure d'ouragan )»
tt la tête penchée et l'oreille en avant. Nous
« nous sommés considérés comme deux béliers
« qui allaient s'encorner; et mon émotion doit
« avoir été bien forte j car j'ai seiiti la vibration
« de mon mollet gauche. C'est un grand signe
ff chez moi , et cela ne m'était pas arrivé depuis
« long-temps. »
Le Gouverneur avait abordé l'Empereur avec
embarras et en phrases coupées. Il était arrivé
des pièces de bois, disait-il ...... Les journaux
devaient le lui avoir appris , à lui Napoléon...**
C'était une babitatioi(i pour lui.... Il serait bien
aise^de savoir ce qu'il en pensait..^.,», etc. , etc.
A quoi l'Empereur a répondu par Iç silence et
fm geste tvj^ - significatif. Puis passant rapide-
8Ji2 MÉMORIAL (Mai iSi6)
ment à d'autres objets , il lui a dit avec chaleur
qu'il ne lui demandait rien, qu'il n'en voulait
rien, que seulement il le priait de le laisser
tranquille; que tout en se plaignant de l'Ami*
rai, il lui avait constamment reconnu un cœur;
qu'au milieu^e ses contrariétés, il l'avait pour-
tant reçu toujours en parfaite confiance ; qu'il
n'en était plus de même aujourd'hui; que depuis
un mois qu'il était en d'autres mains , il avait
été plus agacé que durant les six autres mois
qu'il avait été daTts l'ile.
Le Gouverneur ayant répondu qu'il n'était
pas venu pour recevoir des leçons. « Ce n'est
(c pourtant pas faute que vous en ajqz besoin,
<c a repris l'Empereur. Vous avez dit, Mon-
K sieur, que. vos instructions étaient bien plus
« terribles que celles de l'Amiral. Sont-elles
«c de me faire mourir par Iç fer ou par le poi-
« . son ? Je m'attends à tout de la part de vos
« ministres; mç. voilà, exécutez votre victime l
<t J'ignore comment vous vous^y prendrez pour
<c le poison; mais quantàm'iimiibler par le fer/
« vous en avez déjà trouvé le moyen. S'il vous
m arrive , ainsi que vous m'en avez fait mena-
m cc>, de violer moû intérieur^ je. vous préviens
(Mai 1816 j DE SAINTE-HÉLÈNE. 33^3
«e que le brave fiS^ n'y entrera que sur mon
te cadavre.
« En apprenant votre arrive'e, je me félici*
ft tais de trouver un ge'ne'ral de terre , * qui ,
«c ayant e'té sur le continent et dans les grandes
« affaires , aurait su employer des mesures con-
« yenables vis-à-vis de îaoij je me trompais
« grossièrement, » Le Gouverneur ayant dit
qu'il était militaire dans l'intérêt et lesformes de
sa nation. L'Empereur a repris : « Votre na-
« tion, votre gouvernement, vous même, serex
« couverts d'opprobre à mon sujet j vos enfans
a le partageront; ainsi le voudra la poste'*
•e rite'. Fut-il jamais de barbarie plus raiffmee
K que la vôtre ,♦ Monsieur , lorsqu'il y a peu de
w jours vous m'avez invite' à votre table sous
« la qualification de général Bonaparte^ pour
«c me rendre la rise'e ou l'amusement de vos
« convives? Auriez-vous mesure' votre consi-
« dération au titre qu'il vous plaisait de
te me donner ? Je ne suis point pour vous le
« général Bonaparte; il ne vous appartient pas
ce non plus qu'a personne sur la terre, de m'ô-»
ic ter les qualifications qui sont les miennes. Si
« lady Loudon eût été dans mon enceinte ^
n
8»» MÉMORIAL (Mai im)
m j'eusse été la voir sans douté , parce que je
« ne compte point avec une femme; mais j'eusse
« cm l'honorer beaucoup. Vou^ avez offert,
« m'a-t-on dit, des officiers de votre ëtat-ma-
« jor , pour m'accompagner dans l'île , au lieu
« du simple officier établi dans Longwood.
« Monsieur, quand des soldats ont reçu le bap-
cc tême du feu dans les batailles , ils sont tous
« les mêmes à mes yeux; leur couleur nest
ce point ici ce qui m'importune; mais Tobli-
« gation de les voir , quand ce serait une re-
« connaissance tacite du point que je conteste.
« Je ne suis point prisonnier de guerre; je ne
« dois donc point me soumettre aux règles qui
« en sont la suite. Je ne suis dans vos mains
« que par le plus horrible abus de confiance ,
« etc. , etc. »
J-ie Gouverneur, au moment de sortir, ajant
demandé à l'Empereur de lui présenter son
secrétaire militaire; l'Empereur a répondu que
c'était fort inutile, que si cet officier avait
l'ame délicaîe, il devait s'en soucier fort peu;
que pour lui il le sentait de la sorte. Qu'il
ne pouvait d'ailleurs exister aucun rapport
de société entre les geôliers et les prisonniers;
(Mai 1&16) DE SAINTE-HÉLÈNE. U$
que c'était donc parfaitement inutile* U .a^ co^
gédié le Gpuvernçur. « : ,
Le Grand-Mareclial ^est venu :nqa8 }oindi*f(|
il arrivait dç chez lui, ou le Gouverneur : ptai|
descendu avant ^t après s^: visite à rSippe*
reur. If a rendu un compte détaille de. cet
deux visites. r
• . ^ . , . , ...
En repassant , le Çrouyerneur avait montré
une extrême mauvaise kumeui* ^ et s'était plaint
fortement de celle de TEinper^^ur. Ne^ Veu
fiant point a son propre esprit , 11, avait ça
recours à celui de l'abbé de Fa'CMlt , idçnt Tou-
vragé nous, était psésçnt .à 4ousf 4jit ce momçpiÇ^
II; avait dit :.«:Q»^ Pfs^yoJéo^ ne s'était pa&
CG^t^nté de 's<? qré^r un^iFi^^c^. isiiagifiaire,^
uniB Espagne i«fi2(ginaiçfB ,j u«<^ ?plf gf^o; Wgih
nairej mais qu'il :yqitlaifc.«wpo^fi,Sç. créer ^uw^ç?
Ste^Hélènc imfigi^aire^ ».JEjt IfEmn^rçfirn'a
pu s'empêcher d'en rire. / . ; . .
Nous avons alors fait /notre tpi^r de calècbe.
Au retour, TEmperpur s'est ; mis au bain.. U
m'a fait appeler j a dit qu'il ne dînerait qu'à,
Ujeuf heures, et m'a retenu.. j|l est beaucoup
revenu sur la scène du jour , $UÇ; les abomina*
blés traitemens dont il çst l'objet, sur la Ixa'^e
3: 22- ■"■. ■
àttèdè 4ui l^s tfoMitihiidè^ là brUtaUte qui l6é
exécute. Et après queiqûies ihi^tàlis de silence
ÏEft âk iùMiikvknij il Iti est ëdiappë ce qu'il
^e dit SdûTènt c « Mdn cher, Hs tnfe tueront
•ic ici! e'cSt eertàiùl. ( quelle horrible prophè-
te tle h....,) » '
Il m'a renvoyé' à dix heures et demie.
^Vendredi 17.
J'ai été fl>« malade toute la^huitj TEm-
pëtéii^ à déjeâné d^m le )Urdift; il m'y a fait
a^jpelélrj il étéik Itii-mènie trktè et abattu;
il fté 5ë pbrfeit pas bi^ii d?u tout. Après le
dëjeuiibr uoû^' ^ità^ prôai^ié long-temps dans
le jardin; il ilè d^s^t'mdt. La chaleur Ta forée
dte Teht^r téri ii«è' héaté. Il regrettait vire-
MM de h'atdit peint d'ctobrag^.
VWiJ quatre h^fes il a ètitt^yé saVôir si
j'e'tais toujours malade j il Irevtenait tie la priôn
mehfàAte éli èâlèthfe, 6ù je n'avais pu le sui-
^*e. J*âi ptt)Aené avec ix\ï et le érrattd-Maté-
ëhàl jùîjqu'à cmq héitres et demie. 11 conti-
ùualt d'être triste, indiff^ènt , distrait; il a
fait raconter à Bertrand son stÇjonf à Gons-
tantinoplc eu 4t9ô, son voyage â Athènes et
(tidi t%îi) DE SAINTE-HÉLÈNE. S»T
son retoul" au travers de'TAilbmie. U «ëtait
beancimp qiielstîon de Sélîm XXI^ ^ sl^s amé^
UDrations , ^ù %aroa de Tott , ^te^ > <etGk Tout
eela était idrt burieûx^ malUèiureiiselnêDt je
me tï!Ouve «daiiB imcm nàamiscrit que de ^«m«^
fies iftdicaiteirs ^e tna m^moia^e m i8aurai%
m'aidw .à idé^lopper aajotti?d'hiîi. ^
.Après dînèr l'ËqapcBreur^ ipii avait à ^potiift
mapgé., a essayé de nous lire dans .Amlohikr^
si# lu sentie de l'acàd^aid. Sob ^^eeUt et
toate isa pedPS^mi^e n avaient 14 ù force .ni .la
feu ordiaaire^ Gimtre sa coutume il ft ftfii
sans analjrse^ sans observatiLjw. Il s'!e9t relire
auaaîtot quîe le tsliapître a été feemlioe* ,
Samedi i8.
I
*
M*"* la maréchale iLeCàvre*
sL'finj^ereur a t^ontisiiie d'étre< souffrant An
tetcmr d'une promteaiade en caifèchte , il Vést
aJB au bàinf il m'y a appeler U y est de^
veuLU gai } nouis savons cause a^ec ^lajplos g^atfde
Vibktté j«»|n'àiiuiî;: kto t'es et ' demie. H f a ; voulu
dtaer dans eoUfcàbinet, «t JMi'ia tetenu^iLé ]«ili^
le tête^-à-tète 9 Telegance du serrîsee;, ia pii)<*
pitfté de la UUie >i^ licniaîtnt;. disais - je ,
1
à»8 MÉMORIAL . (Maî.sis)
ridée d'uac politc ^ bonne fortune; il en a ri.
Il m'a beaùceiip questionné et fait causer sur
Londres, mon émigration, nos Princes, rÉvê-
que d'Amrasj il revenait lui-même sur les
priflcipales -époques de son consulat ^ il en
donnait des détails et des anecdotes bien cv-
lieuses ; de. là nous sommes passés à l'aRcienûe
GoQiT; Â la nouvelle ) etciv etc. Beaucoup de '
ces choses ^ne-seraitent que' des répétitions; je
eirois'les avoir cléjà mentionnées ailleurs. D'au-
Itei^'qttii^^bnt quUndiqttées danà mon ina-
nuscrit^ demeurent désormais perdues.
Voici seulement ce que je transcris comme
nouveau. Je nie suis/trçuvé égayer l'Empereur
avec les anecdotes et^ les coqs-à-Fâne prêtes
gratuitement, nul doute, à M™« la maréchale
Lefèvre, qui, pendant long- temps, a joui du
privilège. de. faire lès gorges chaudes dé *nos
salons et même des Tuileries. «^ Je m'en étais
a domié, diJsais-je, Ijout comme* un autre^ jus-
« qu'à ce qu'iin jour je. me l'interdis à jamais
9 en apprenant un Irait d^èliJe qui prouvait Te-
fc lévation :dt!t^es sentitaiçiKS'âdtantr^que la honte
ic de son cteur. . "'♦ ''•'•"''!"/! ,• *ij .;"i .
•t M**** Lefèvre , femme d'uu/soldat aux gardes»
(Mm .8.»(|-) DE SAINTE-HÉLiïffi;. 3tt9
« et p^r cpnséijuentd'un etat^V^v^^^DAntii, cour.
« rait elle-même gaîmeivt , et: yolaptieiis ^. au^
a devant de ces sou venirs , et mémQ4^ ses oçcu-,
« pations manuelles de cette epoqpuî. - EUe , et
« sou mari se trouvaient dans c^ temps avpit.
« donne des soins domesticjues à lou: capitaine.
«( (le mar<j<iis de Val^idy) , parrain de leur en-^,
ce faut et fameux, dans la de'fection des gardes >
« non moins fameux encore dans, son .fanatisme,
« de republique et de liberté , qui ne lé privsiiti
^ pourtant pas de certains sentimens généreux i,
« car, membre de. la convention/ il a përi pour,
« s'être oppose' à* l'exécution de Loui$ XVI „
« qualifiant hautemeQt cet acte de . véritable^
« meurtre , ajoutant , de la meilleure foi da
« monde 9 qu'il était déjà, assez malheureuiL d'àr^
« voir été Roi, pour qu'on songeât à lui infliger
« d'autre cbâtiment.
« La veuve de ce député, au retour de son
« émigration, reçut tout aussitôt les offres <et
« les soins les plus touchans du ménage, Lefè-
« vre , parvenu alors à un baut degré de splen-
« deur.et de crédit.
« Un jour M"* Lefèvre accourut chez elle ^
^ et dans son langage usité ; « Mais savez-vous y^
\
« lui «l(t-elte , ^e tous n*ètes pas bons , et qte
I
à voi» avet iitn pèu^ èe cœav entre yoas antres
« gens ct5nmi€r il fànt. Wons, tont lêtemenf sol-
i dat^r, nôtrti len agissons mîenx. On vient dé
« nous aj^prendiip (jtic Iff. nn tel , nn dé nt)S
» anciens ofliciers et le camarade dfe votre mari ,
...
« tien* d'àrrirw dfe son ântgration:, et qn'on lé
n htisÊd: ici monrir de Ikim; ce serait grande
èhotïtel.... Nons craindrions , nons antres, dé
* Pofïbnscr si nons venions à son secours; mais
« vons, c^est antre chose y vans* ne pouvcx que
•f itiî feirt plairir, Pbrtez-lnî donc cela de votre
m jmrt . » Et elle ïui jeta nn ronlean de cent leurs ,
«p ou mille écus. Sire, depuis ce temps, disais*
^ je^je n'ai plus en envie de me moq^ner de
« M°*^ Lefêvre ; je rfai pins senti pour elle
«' (jû'une vénération profonde ; je tn^erapressais
« de lui donner la main aux Tuileries, et je me
« trouvais fier de la promener dans vos salons ,
« en dépit de tous lés quolibets que j^entendais
^ bourdonner autour de moi. »
Nous âvoï» parcouru alors un grand nombra
de rapports de bienveillances exercées par tes
nouveaux parvenus en feveur des anctiens ruine's,
et cité beauco^up de traits à Tavenantj entre
(liai i8i4) DE SAEïTErHiUiÈNE. ^
autre la, galanterie irecWrchéfi , pwt-4tr$, .4»
celui qui, 4e simple soldat p^yenu .^^ gmdc
de maréchal cm 4e ha^t gf ner^l , )e ne n^ f au-^
^ex^ plus, se jprpcuF? ^^ j^url^ snUsfaçtiQii ^
4ws sa ^pleBdwr nouY^Ue, 4e réunir en dîne»*
de famille son ancien eolonelf H quatre ou cinq^
ofi^Giefs 4n ré^ivmnti qu'il Imta, revêtu de $on.
^^ijLqf]0^i^ priîftitif^. et n^emplojîaut vis-^è-t^isi
dVm^ q^e les in}ên^es (|u^iAcatippiiF 4«nt il ji*e%^
tait servi autrefois.
«• ♦ • F - i ^
« Et Toilà pourtant, observait l'Empereur^
« la vraie manière déteindre la fureur des
« twpç; car 4^ paFpils prQçëjiçs àqivç»^ P^-i
« j66ssaireme&torë^degraiicbëcliangeadel>iei»-
* veillances re'ciprotjues entre les parties oppc-»
« sees , et il est à croire que dans les derniers
« temps les oblige's auront oblige à leur tour^
« ne fut-ce que pour demeurer guîttes, »
Ce mot de quittes me rappelle un trait carac-
téristique dé l'Empereur; qui doit trouver ici'-
sa place. - ^
Un gc'neral, dans son département, s'ëfait*
» ' *
rendu coupable d'excès, qui, portes devant leà-
tribunaui: , devaient lui douter Fhonneur , pêwt-'
être la vie. Or , jEe gién^râl avait vendu: les ph»
958 MËMORIÀt {miM)
grjands serri^^s à Napoléon dans lu journée de
l>niili^ite« Il mande le gênerai , et après lui
avoir reproché ses infamies. « Toutefois/ lui
A dit-il, vous m'avËz obligé, je ne Tai point
« Oublié. Je vais peut-être outrepasser les lois,
« et mancpier à itoes devoirs. Je vous fais grâce ,
« Monsieur, allez vous-en; mais sachez qu'à
» compter d'aujourd'hui nous sommes quittes.
m Desoimais teuex-vous bien , j'aurai les yeux
« 5iir VOUÉS. j>
Dimanche 19,
Le Gonternear de Java. -— Le docteur Warden* »-^
<ioaveriatton familière de VEmperear. sur sa famille*
m
Le docteur Warden est venu, déjeûner avec
moi. Pendant le déjeuner est arrivé le gouver-
neur de Java^Raffles) , avec son état-major , re-
tournant en Europe. Il connaissait fort tous les
Hollandais que j'avais vus en iSIOj lors de ma
iuissiou à Amsterdam. L'Empereur m'a dit qu'il
le recevrait pe^t-être de trois à quatre heures.
J'ai causé plusieurs heures en attendant avec le
docteur Warden, auquel J!ai donné des éclair-
oisdemens sur des faits historiques concernant
( Mai 18.6) DE SAINTE- HÉLÈNE. 3 53
TEmperenr, et sur lesquels il me semble vou-
loir écrire*.
Sur les trois heures , l'Empereur a reçu dans
lé jardin les. Anglais venant de Java. Il a fait
en suite un tour en calèche.
En rentrant sur les six heures, il m'a faillie
suivre dans soîi cabinet^ il a fait appeler le
Grand-Maréchal et sa femme ^ et s'est mis à
causjer familièreinent jusqu'à diner, parcou-
rant mille objets de sa famille et de son plus
petit intérieur au temps de sa puissance. Il s'est
arrêté surtout sur l'Impératrice Joséphine* Ils
avaient fait ensemble , disait - il, un ménage
tout à fait bourgeois-^ c'est à dire fort tendre
et très-uni, n'ayant eu long-temps qu'une même
chambre et qu'un même lit. « Circonstances
«r très-morales, disait l'Empereur, qui influe
« singulièrement sur un ménage , assure le
•c crédit de la femme, la dépendance du mari,
€c maintient l'intimité et les bonnes . moeurs^
''' J ai TU âTCC regret , dans ToaTrage da docteur, qu'il
avait tout à fait néglige les observations et les redresse-
mens que je m'étais permis; et surtout étrangement
défiguré les communications que je m'étais plu à lui
donner.
351 MÉMORIAL (lUiit»}
K On ne se pçrd point de vue , en quelque
«c sorte , continuait-il , quand ou passe la nuit
« ensept^hW i autremetit ou devieut bientôt
a ^tran^ers. Aussi , tant que dura cette liftM*^
ce tude, aucune pensée , aucune actions n'ëchap-
cc pait à Joséphine. Elle suiyait, saisissait, de-
cf yinait tout; ce qui Jiarfois n'était pas sans
« quelque gène pour moi et les affaires. Uu
« moment d'humeur y mit fin lors du cam|^ de
<i Boulogne. >j Certaines circonstai^oes politiques
arrivëes de Yien^ie , la nouvelle de la coalition
qui éclata en 4805, avaient occupé le Premier
Consul tout le jour, et prolongèrent son travail
fort avant dans la nuit. Revenant se coucher fort
mal dispose , on lui fît une vëritahle seene de
ee retard. La jalousie en était la cause ou le
prétexte. Il se fâcha à son tour , sVvada , et
ne voulut plus entendre à reprendre sou assu-
jétissement. Toute la crainte de TEmpereur ^
disait-il , avait été que Miarier-Louise n'en eût
exigé un pareil; car enfin ^ il l'eut bien fallu.
C'est le véritable apanage , le vrai droit
d*une femme, ohservait-il.
. « Un fils dç Joséphiuç m'eijit été nécessaire^
fc et m! eût rendu heureux, continuait TEiape-
{(Mm Mt) DE SAINTE-HÉLÈNE. 555;
» reur, noti^senlementcomme résultat politique/
« mais encore comme douceur domestiipie.
«r Comme résultat politique , je' êen^s encore
« sur le trône j car les Français s'j> serai^it at-
« taches comme au Roi de Rome, et je n^aurais
« pas mis le pied sur l\ibyme couvert de
m fie ar& qui m*a perdu. Et qu^on inédite après
• sur 1% sagesse des. combinàisofis kumain^s !*
« Qu*o» ose prononcer avant la fei sur ce qui
« est heureux ou malheureux îcî has î
« Comme douceur domestique , ce gage eût
<r fait tenir Joséphine tranquille, et eÂt mis fiu
♦ i une jalousie qui ne me laissait pas de rc-
« pos } et celte jalousie se rattachait Bien plus
« à la politique qu'au sentiment. Joséphine
«f prévoyait l'avenir, et sWfrayait de sa sté-
« rililé. Elle sentait bien qn^tn mariage n*est
•
ir complet et réel qu*aTec des enfans; or elle
a s'était mariée ne pouvant plus en donner.
« A mesure que sa fortune s*c1evait, ses in-
« quiétudes s'accrurent; elle eïnploya <ous les
« secours de la médecine ; elle feignit souvent
te d'en avoir bhtenu du succès. Quand elle dut
« enfin renoncer à tout espoir, elle mit sour
« vont son mari sur la voie d'une grande su-
356 MÉMORIAL (Mai iM)
« percherie politique ; elle finit même par oser
^ la lui proposer directement.
«c Joséphine avait k l'excès le goût du luxe ;
« lé* désordre , l'abandon de la dépense , na-
ît turels aux créoles. Il était impossible de
« jamais fixer ses comptes; elle devait tou-
« jours : aussi c'e'tait constamment de grandes
a querelles quand le moment de payer ses
« dettes arrivait. On Ta vue souvent alors en-
« voyèr chez ses marchands leur dire de n'en
« déclarer que la moitié'. Il n'est pas jusqu'à
« rile d'Elbe où des mémoires de Joséphine
« ne soient venu fondre sur moi, de toutes
« les parties de Tltalie. »
Quelqu'un, qui avait connu l'impératrice
Joséphine à la Martinique , a répète' à l'Empe-
reur beaucoup de particularités de sa jeunesse
et de sa famille. Il est très- vrai qu'on lui avait
pre'dit plusieurs fois, dan^ son enfance, qu'elle
porterait une couronne. Et une autre circons-
tance , non moins remarquable ni moins bizarre,
serait que la sainte-ampoule^ qui servait a sa-».
crpr nos Rois, eût e'te' brisée, ainsi que quel-
ques-uns l'ont pre' tendu, preçise'ment par son
premier mari , le gënëial Beauharnais , qui ,
(M.Î »8,«) DE SiAINTE-HËLENE. S5T
dans uu monieut ^e défaveur populaire , aurait
espe're' , par cet acte , se remettre en crédit.
On a dit , on a écrit mille bruits absurdes sur
Je mariage de Napole'on et de Joséphine. On
trouTcra dans les campagnes d'Italie la véritable
et première cause de leur connaissance et de
leur union. C'est par Eugène, encore enfant,
qu'elle se fit. Après vendémiaire il. alla dem^Ln-
der r^»ée de son père au général en chef de
TaWnée de l'intérieur ( le général Bonaparte ) ,
Taide-de^oamp Lemàrrois introduisit ce jeune
enfant, qui, en revoyant Tépée de son père, se^
mit à pleurer. Le général en chef fût touché de
ce sentiment, et le combla de caresses. Sur le
récit d'Eugène à sa mère, touchant les manières
du jeune général, elle accourut lui faire visite.
« On sait, disait TEmpereur, qu'elle croyait
« aux pressehtiniens, aux sorciers j on liii avait
« prédit dans son enfance qu'elle ferait une
« grande fortune, qu'elle serait souveraine. On
« connaît d'ailleurs toute sa finesse ; aussi
« me répétait-elle souvent depuis , qu'aux
«, premiers récits d'Eugène, le coeur lui avait
«. bs^ttu, et qu'elle avait entrevu dès cet ins-
6S8 MÉMORIAL (lu iM)
ce taiït tihe luexit de :$a destinée; faceoinj^Usse-
« ment des prédictions ^ëlc, etc.
a Une autte tiuîittw caTactdriiHcjtie de Jdse-
ce pliinié, continuait TEmpcreur , ftail sa conS'*'
« tante déùégation. Dans quelque montent que
<t ce fût, quelque question ique je lui fisse , îson
« premier mouvemetit tEÎt^it la négîaitWc , sa
€ première parole ntmf et ce nit^^^i^t TËuh
û pereur > n'était pas.préoisemeiKt vùik mensonge)
« c'était une précaution y une simplb deféBéiye;
m et c'est ce qui nous d^istingte -éttinenmietitt
<c disait-il) à M""* Berliraad^ de vous attitrost
« Mesdames, ce qui a' est au fond ent^re nous
« que différence de sexe et d'éducation : vous
ce aimez, etronvous.apprendÀ'direizajv.NouSy
ce au contraire, nous faisons gloire de dire que
(c nous aimcms^ mêine quand cela .n'e$t pas. De
tf là toute la clef de nos conduites si différentes;
K Nous ne sommes yraiment pas, nous ne sau*.
ce rions être de même espèce dans la vie.
<c Lors de la terreur, 5osephine étant en
ce prison, son mari mort sur techafaud, Eugène
ce soli fils' avait été tnrs tliéz un menuisier , et y
u fut Ktte'ràlètnetit eh^pprenti«àge«t eu sèrtioe,
ee Hûttcnsc ne fut guère mieux ; iéile fflt mise,
t
(W i«i6;} DE SÀmTË-HËLÈNE, ^59
-• fil )û ne ttké trompée , dhet une ouvrière en
€ linge, à»
Ce fut Fouche' qui le premier toucha la corde
fatale du divorce; il fut, sans mission, conseiller
à Joséphine de dissoudre son mariage, pour 1«
hipen de la France* Le tnovacnt pourtant n'était
^aà énôoré arrivé pour Napoléon. Cette démar-
j^he causa beaucoup de chagrin et de trouble
dans le ménage^ eUe irrita fort l'Empereur } et
Vil h<e chaâsa pas alorâ Foiiché, à la vive solli-
citation de Joséphine , c'^est qu'au fait il avait
déji<s6bràtement &rrèté ce divdrce en luindoèËié,
H qu*il né voulut pas , par ce châtiment, donner
un contre-coup à l'opinion.
Toutefois, ildoit à la ju^liieé dé dhre que Aès;
qu'il le voulut, jToséphine obéit. Ce fut pour
elle une peme moj:telle i mais elle se Mumît et
ie bonne foi > sans vouloir iheittie à profit de*
tracasseries inutiles qu^elle eut pu essayer de
Ï3iire valoir "^^ Elle sç conduisit avec beaucoup
* Je tiens de la bpache da prince PriÀat des.dëtasls
curieux «nr le mariage.et le divorce» fiS^^ de Bca«harimis
fut mariée an général Bonaparte, par un prêtre iaser^«
nienté; mais qui avait îitfgtigé, par pur accident, l'auto-
fîiatioQ obligée du curé de la paroisse. Ce défaut de for-
"^
360 ME;^0HIAL c^ai 1816)
j4e grâce et d'adresse 5 elle désira que. le Vice-
Roi fût mis à la tête de cette affaire, et fit elle-
malité , oa tout aotre , occupa fort depuis la cardinal
Fescb, et soit scrupule 9 ou autrement, il fit si bien,
qu'il viat à bout, au moment du couronnemjeot , de per-
suader aux deux époux de se laisser marier par lui, à
buis clos, autant que de besoin* Lors du divorce, la sëpa*
ration civile fut prononct^e par le Sénat. Quant à la sé-
pc^ratipn religieuse,; ofi.ue voulait, pas s'adresser au Pape,
et on eu n'eut pas besoin^ Le cardinal Fescb ayant refait
le mariage*, sans témoins^ l'officialité de Paris l'anooUa
pour ce défaut , et déclara qu'il n'y avait pas ea de ma-
riage^ A ce jugement, l^mpér^UrifOe JosépbiiiQ -fit appe*
1er le cardinal Fescb à la Malmaison, et lui demanda
s'il oserait attester et signer par écrit qu'elle avait été
mariée , et bien mariée. «' Sans dbdte,' répondit le car-
ie djnal Fesab , ^e lesoqiitifîuIrbil^rt^At'? M je v^b vous
« en signer le témoignage. » Ce qu'il fit en effet.
« Mais, disais-je alors au prince Primat, quel juge-
« ment a donc porté l'officialitédè Paris ? — Celui de
c la vérité, répondait le prince :•— Maii^que^ veut dire
« alors la déclaration di^ cardinal Fescb? Serait-elle
« donc fausse ? -^ Pas dans son opinion , disait-il, parce
« qu^l a adopté les ^doctrines ul tra montai aes, par les-
«e quelles les cardinaux prétendent avoir le droit de
« marier sans témoins^ ce qui n'est pas reconnu en
« France, et frappe de nullité. »
Toutefois il semble que rimpératrîce Joséphine ne
demanda cet écrit que pour sa pro^ire satisfaction , et
n'en fît pas autre ment usage* /
{Mû isiê) DE SAINTË-HELÊNE; ^ S6i
méôi^, à cet égard , des offres de serrice à la
maison d'Autriche*
Joséphine eût tU Volontiers Marie-Louise)
elle en paflait s^ôuvent et avec beaucoup d'iti*
tërêt, ainsi que du rôi de Rome : quant à
Marie^Louise , elle traitait à merveille Eugène
et Hortensej maid elle tnbiitrait une gratide
rëpugir^iice pour Joséphine, et surtout u&e
vive jalousie» «Je Voulus la mener un jour
tr à la Matmaison , di sait l'Empereur; mais sur
« cette proposition , elle se mit i £>ndrè en
tt larmes. Elle ne m^empichait pas d'y aller;
« me disait'-elle^ se contétitatit de be vouloir
tt pas le savoir» Touteft)!^ dès cfu'elle en sus^
«~ pectait Tiiiteiitiou y il «"éint pas de ruse qu'elle
le r/empleyâl pôui* me gêttef là-dessus* Elle he
•f me quittait plus j et comme ces visite» isem-
«tWaient lui fkire beaucoup de peiné, je me
« fis violence , et ne fiià presque jamais à la
« Malmkisoîi. Quand il în'arrivaît d'y aller,
«c'était alors d'autres larmes de ce côtë^ c'é-
« tait des tracasseries de toute espèce^ Jose-
tr pbiue avait toujours devant les yeux et dans
tt ses intentions l^exemple de la femme de
« Henri IV, qui, disait-elle ^ avait v^cu à Paris f
3. 28
362 MEMORIAL (Mai 1816)
« après son . divorce , venait à la Cour , avait
« assisté au sacre. Elle, Joséphine, était Lien
«mieux située encore, prétendait - elle j elle
« avait ses propres enfans , et ne pouvait plus
fc en avoir d'autres, etc.
Joséphine avait une connaissance accomplie
de toutes les nuances du caractère de TËm*
pereur et un tact admirable pour la mettre
en prati(jtte. « Jamais il ne lui est arrivé, par
•c exemple, disait l'Empereur , de rien deman-
« der pour Eugène, d'avoir janiais même re-
m mercié pour ce que je faisais pour luij
« d'avoir même montré plus de soins ou de
m coinplaisance lé jour des grandes faveurs,
m tant elle avait à cœur de ise montrer pér-
it suadée, et de me convaincre que tout cela
•c n'était pas son affaire à ellej mais bien la
it mienne à moi, qui pouvais et devais y re-
V chercher des avantages. Nul doute qu'elle
« a eu plus d'une fois la pensée que j'en vien-
« drais un jour à l'adopter pour successeur. >»
L'Empereur se disait convs^^incu qu'il . avait
été ce qu'elle aimait le mieux. Et ajoutait
en riant, qu'il ne doutait pas qu'elle n'eût
^itté un rendez^vous d'amour pour venir au-
(Mai îai6) DE SAINTE-HÉLÈNE, 868
près de lui. Elle n'eût pa$ manque un Voyage,
quelque péniîile qu'il fut, pour tout au monde.
Ni fartigue, ni privation, ne pouvait la rebu-
ter, elle employait Timportunite', la ruse
même, pour le suivre. « Montais-je en vbituré
K au iniliéu dû la nuit' pour la course la pîu^
* lointaine. A.nia grande surprise, j'y trouvais
« Joséphine toute établie , bieiti qu'elle n'eût
M pas,dû être du "voyage. Mais il vôiiè est im-
fi possible de venir j je vais trop loin ; vous
tf auriez trop à souffrir. — Pas le moindf e-^
« ment, repondait Joséphine. -« Et puis ,' il
if faut que je parte à l'instant. — Âu^si, tne
* voilà toute prête, ~ Mais il vous' faut un
«grand attirail.— —Aucun, disait-elle ; et toitt
« est pourvu. Et la plupart dû tesnps il fallait
«bien que je cédasse. • ''
« En somme ,' concluait rEnipe^reur , José^-
« phinè avait donné le bonheur à son mari ,
« et s'était cpnstanîmént montrée son amie la
« plus tendre.' Professant à tout, moment et^ en
« toute occasion la soumission, le dévouement,
« la complaisatice la plus absolue! Aussi^ >Iui
* air-je toujours ^bnsefvéles plus tendres sou*
•* venirs , «t la' plus vive reconnaissance.
8M SIÉMORIAL iU»i t»te}
^ « Jofcpiitne , disait enCOTe l'EmpextiiT ^ me^
!< tatt ces dispoBrttons et ces qualités : la soumis-^
m $ion , le déTonement , la complalBaixce ^ ait raog
p de redresse politique dans son sexe, et ellebla'
m nâit fort et grondait sourent stir ce point sa
n fille JHortense et sa parente Stéfiianie^ qui
9 vivaient mal avee leurs maris , moatrdnt des
% càprites et affectant de rindepèndance.
« JI[fVuis^ disait l'Empereur^ & ce Eujet, était
fi un en&nt gâté par la lecture de Jèan^Jacqiies«^
m n n'avait pu è^ bien, avec sa f en^me qm
». txk^^^m d».nm«. Be^akp d'«»gei>ce de
« ^a p^rt 9 ]»ea¥k€OUp dé légèret# de la part
if d'Hortçâasf : Voila les torts réciproques. Toute*'
m fois iU saiâiaient eï)[ s'épousant» ils s'^aietit
fi tmli^ l^ttu et l'autre; ^ a ta^ariage, au mte^
fc était le résultat des intri|[ti6S de Joséphine ^
m ^ y trouvait Èbn 'compte. J'aurais votùlu au
« ^çopitfftire Inléteildrcl da^s d autres fa^uillês, et
fK l'à^a \m moocnœt jeté les yeux '$ik une
« ) nièce de M. de Tadlejrsted ^ devl^nue dépuis^
tf M>>^ Juste die NoàUles. »
On avait fidit éourii ies lirpîts lei^ plus ridi*-
€ules sur lès Tâppotts de lui ^ Napoléon, avec
Hor^nsef on at«ît voulu qfxè son aîné fi&t d«
(tfas Ui6) DE SAITfTE-HÉUBNE. 86i
Itti. Mais depardlles liaisons n'ëtaient, disait-il,
fit dans #0(5 idées, ni dans ses tecÊuisV^t pour
peu qu'ioi^ eonnût celles dès Tuileries^ ûbsent
bien y obseirait-^il , qu'il eut pu s'âdrcisser à
beaucoup d'autres, ayant d'en être rediiit à' un
choix, aussi peu naturel^ aussi îevolfaixt. a Louis
« savait bien apprëeier la natUM de ees bmits,
« dfsait i^Empereiir; mais ocm amour propre^
« s^ biaarrerie ^ n'en étaient p4s moixis cboquéa ,
« ei il les «xettait sourient eu aVanC 4st]inme
« prétextes.
« Toutefois Hortenfûy cantinnaii FEmpe--
« renr, Hortense si bcmne, si gén^euse, si
M dévouée, n'çst pas sana avoir eu quelques
«c torts avee son mari -, j^en dois convenir , en
« 4^^!^^ ^^ toute Faffeetion que je lui porte et
W dt) véritable attacbeoiant que je sais qu'elle
M a pour moi. Quelque bizarre^ quelque insup^
«t pOrtsible que fût Xouis,^ il l'aimait, et, en
« pareil cas, avec d'aussi grands iiiteVéts, toute
« femme doit toujours être maîtresse de se
.ff Vainere, avoir l'adresse d'aimer à son tour.
#c $i elle eût su se contraindre , elle se serait
« épargné le cbagrin de ses derniers .prêtes;
« elle efLieti une. vie phiis heureuse;; elle eût
^66 MEMORIAL (MrfiBitfr
<c. suivi son.mari en Hollande. Louis n'eut point:
M fui d* Amsterdam 9 je ne me userais pas vut
K contraint, de réunir son royaume , ce. cpii a
m contribué à me perdre en Europe, et bien
« des choses se seraient passées . différemment.
ce La princesse de Sade, a<*t*il dit, s'est
ti montrée plus habile. Sitôt qu'elle a vu le
K divorce de Joséphine, elle a. connu sa posi-
« tion, »elle s'est rapprochée de son marijiils
«„ ont. formé depuis le mariage le plus^heu-
« reux.
«c Pauline était trop prodigue, : elle avait
•c trop d'abandon, elle, devrait être immensé-
«c .ment riche par tout ce que JQ lui ai donne' j
w. mais elle donnait tout à son tour, et 3a mère,
«c la sermonnait souvent à cet. égard , lui prê-
te disant qu'elle pourrait mourir, à l'hôpital;
« . ïûaxs Madame elle-même était, aus^i par trop
•c parcimonieuse : c'en, était .ridicule;' j*ai. ëte'
« jusqu'à lui offrir des sommes foi't considéra-
* blés par mois si elle voulait les distribuer.
€< Elle voulait bien les recevoir; mais poui:vu,
« disait-^elle , qu'elle fut maîtresse de les gar-
^ <ler. Dans le fond tout cela n'était qu'excès
« de prévoyancede sa part; toute sa peur était
(Mkî ,ei6) DE SAINTE-HÉLÈNE, 367
« de se trouver un jour sans rien. Elle avait
« connu le besoin , et ces terribles momens ne
« lui sortaient pas de la pensée. Il est juste de
«c dire d'ailleurs qu'elle donnait beaucoup à
c< ses enfans en secret; c'est une si bonne
•c mère !•..•
« Du reste, cette même femme à laquelle on
« eût si difficilement arracbé un ecu, disait
•c l'Empereur , m'eût tout donné pour mcm
« retour de l'île d'Elbe; et après Waterloo elle
« m'eût remis entre les mains tout ce qu'elle
« possédait pour aider à rétablir mes affaires;
« elle me l'a offert; elle se fût condamnée au
« pain noir sans murmure *• C'est que chez
'^ Qae l'Emperenr connaissaît bien sa mère ! A mon
retour en Earope , j'ai tu se yërlfier à la lettre ce quHl
en dit ici , et j'en ai joni ayec délices*
A peine ens-je fait connaître à Madame Mëre la situai
tion de TEmperenr » et ma f ésolation de me consacrer
uniquement à y apporter quelque adoucissement , que
sa réponse y par le retour du courrier , fut que toute
sa fortune était à la disppsitl9n de son. fils, qu'elle se
réduirait à une simple serrante, s'il le fallait, m'auto-
risant , bien que je n'en fusse pas connu personnellementt^
à tirer, dès l'instant même 9 telle somme que je croirais
nécessaire au bien-être de l'Empereur^ Le cardinal
m «l|et le gKwâ riMBport^^ enoare ntt la^petit :
« b ft«te% la noblç amhilion XDaîchaient ches
m. elle âvpttt ravarîpe. ^ >»
St iei i^Empereùr a <d)serTë qu'à l'heuro
même <|u'il Qtait , il airait encore présent à k
mémoire des leçons de fierté qu'il en avait reçuesi
4an9 f^Qn eblance) et ^u'eUes araieiM; agi mr lui
tfmt^ 1?L vie. Mad^fftt) Mère avait une ajD^erfort^
et trempée auxplitô grands eyeniemensj elle
avait «prouvé cinq à six révolutions^ elle avait
eu trois fois sa i^iaisou hnx\m ^ p^ l^ factions >
en Coi$Q«
« Jfosçph ne m'a guère aidé ; mais c'est up
fc £6rtl;)Qn homme; sa femme , la Rçinf: JulUj^
« est la meilleure créature qui ait existé. Jo-
« sepli et moi nous nous sommes toujours fort
Fesch joignait ses -èfifret d'une trianiSré font dnssi tottt
eHante; éfc^est ibî le cas ie ftiire connâalre que tous les^
tnembreis de la famHie de l'Emp^renr s'empre^èrent de
Ijftnorgner le même zële , la même tendreissré , le même
d^ônement* Tant qne ma santé me permit dfe corres^
poudre hfcc enx, î\il rerça une foule de léttfe^dotft
l'ensemble formerait lé recueil le pins fonchààt. El!e$
tionorcnt leur ceenr, et eussent pn être une dônce coq;?
«olatîon poup'ITtmpeîretiri'sî tes restrîèlSôiiV jatigtàfses
lîi'ei^sMnt permis de le$ fairié paryisnir jus<}^'à lui* '
(IW im DE SAINTE.HELÈNE. 8a9
« aimjés et fort accordes; il m'aime «ucèrement,
4c Je ne doute, pg^ qnil &e fîl tout au m^mde
M pour moi ; mais toutes ses ^palitéa' tictment
« umqueiaettt de rhoimneprire : il est ëmiikenir
« mettt doux et boa; il à dé l'esprit et de l'ÎJis^
fc truction; il est ainiable. Dan^ les hautes
« fonctions que je lui avais corifiées, il a fait ce
0f (pi il a pu j ses intentions étaient bcmnès;
91 aussi la principale faute n'est pas à lui ; mais
« bien plutôt à inoî , qui Tarais jetë lïors de sa
•r sphère ; et dans des circonstances bien gran-^
« des , la tâche s'est trouvée hors de proportioil
« avec ses forces. »
».
« Za Reine de Naplçs s*è'taît beaueoup for^
« me'e dans les eVenemens , disait TEmpereur,
^ « n y avait chez elle de l'e'toffe , beaucoup de
ft caractère et une ambition de'sordonne'e
i[c Elle devait Bat^relleme^t soufirir en cet ins^
« tant, disait-il, d'autant plus qixon pou/vait
«c dire qu^elte e'tait née Reine. Elle, n'avait pas
r comm^ ueus> observait l'Empcjreur, eonnu le
« simple partioolter. Eile^ Pauline^ Jefôma
« étaient encore des enfans^ que jetais le pre«
ff miejr hcrome de France; aus^i ne se sont- ils
370 MEMORIAL . CM«i i«i6)
« jamais cru d'autre état que celui dont ils ont
« joui au temps de ma puissance.
« Jérôme était un prodigue dont les déborde-
te mens avaient été criansj il les avait poussés
« jusqu'au hideux du libertinage. Son excuse
« peut-être pouvait se trouver dans son âge et
ic dans ce dont il s'était entouré. Au retour de
« l'île d'Elbe , il semblait d'ailleurs avoir beau-
«c coup gagné et donner de grandes espérances;
« et puis il existait un beau témoignage en sa
« faveur , c'est l'amour qu'il avait inspiré à sa
« femme j la conduite de celle-ci > lorsqu'après
« ma chute , son père , ce terrible Roi de Wur-
4c temberg/si despotique , si dur, a voulu la
« faire divorcer, est admirable. Cette princesse
« s'est inscrite dès-lors de ses propres mains
« dans l'histoire, etc. , etc. »
A notre grand regret on est venu annoncer le
dîner. L'Empereur a continué d'être fort cau-
sant toute la soirée, parcourant comme en fa-
mille une foule d'objets divers , principalement
la conduite d'un grand nombre de personnages
pendant son absence et lors de son retour. Il ne
s'est retiré qu'à minuit, et en terminant par ces
paroles : « Qu'est en ce moment la France?
(Mai ,8i5) DE SAINTEnHÉLÈNE, S74
« Paris? et que sera-t^il de nous d'aujourd'hui
« à un an.««,..^
Lundi 20.
L'Empereur endormi* — - Morale.
J'e'cris à M. Balcombe , <jui mWait prévenu
être cliarg(^ de nous fournir nos besoins aux
frais du gouvernement anglais, qu'ayant les
moyens de m'en passer, j'avais re'solu de ne
profiter nullement de cet avantage , et que je le
priais de s'autoriser auprès du Gouverneur à
recevoir de moi une nouvelle traite sur l'An-
gleterre , ce dont nous ne pouvions user sans sa
permission spe'ciale. Je voulais demeurer libre
de reconnaissance , et qu'elle ne pût me g^êner
en rien dans le juste et triste droit des repro-
ches et des imprécations.
L'Empereur est monté en calèche de fort
bonne heure. Au retour, vers 3 heures, il m'a fait
le suivre dans sa chambse. « Je suis triste , en-
«t nuyé, souffrant, m'a-t-il dit, asseyez-vous
te danSce fauteuil, tenez-moi compagnie. » Il
s'est e'tendu sut son canapé et a fermé les yeux ;
il s'est endormi, et moi je le veillais !... Sa tète
$19 MénaaiAi. iMm)
était d^tiTerto; fétâUà deu jms de kti^je
comtemplais son front; ce front. où je lisais
Marengo, Austerlitz et cent autres actes im-
mortels. Quelles étaient en ce moment mes
idées, m» «o»iiJBatîont l ^Qu'cm k». Juge si l'on
peut; potir moi , je ne saurais le rendre !...••
L'Empereur , au bout de trois (juarts d'heure^
s'est levé', a fait (juelques tours dans sa cliàm*
bre , puis il lui^ a pris fantaisie d'aller visiter
toutes les nôtres. En enumërant en détail les
inconvéniens de la mienne, îl en riait d'indi-
gnation, et a dit en sortant : « Non, je ne crois
« pas qu'il y ait de chre'tien plus ïnal abrite' que
« cela. »
Après le dîner, l'Empereur a essaye de par-
courir le Carapanserait de Sarrazin. Il en a
effleuré^lusieurs contes sans s'y arrêter. Après,
quelques pages de l'un deux il a dit r « La mo-
« raie va être sans doute que les }iotnme$ ne
ic changent jamais. Ce qui n'est pas vrai j ils
« changent en mal et *même en bien. Il en est
« ainsi d'une foule d'autres toafximes consacrées
« par les auteurs^ toutes également fausses :
*t Les hommes sont ingrats , disent-ils j non , il
« n'est pas vrai que les hommes soient aussi in-
CM* iM) DE SABTTE-HéLÉNË. 3TS
M gf ats ^u'ofi le 4i*} et si l'on ^ ri isoavent à
« «en j^laiiadre*^ c'est fu^ 4'ordinaire le b^n&i^
iK tear ex^e encore plus ^u'il ne doune^
«c On vous dit enwre que ; quand <>n icon^f
u nattle caraotèrc d!ufi homme, <^7% u la clef
^ desa candidte /c'est &ut : tel fait une mau^
«(vyaise action, qui €st fcmâèrement lioia^pêt^
« homme j tel fait uij^e xaëcliancet^ sans étr^
ji laeF^ant; CW que presque jamais rhointne
«c n'agit par l'acte natuifel de son earactèi^ |
«< mais par une passion secrète du moment,
« réfugiée, caclie'e* daM l€s derniers replis du
«L çœw:, Ajatfe erreur, quand on ,yoxi& dit -qiif
A le visqge est le miroir de Vame^ I^f vrai est
« que l'homme est très-difficile à connaître, et
« que, pour ne païf se tromper, il faut tie le ju-
te ger que sur ses actions jet encore, faudrait-
«" il *que ce fût sur celles dii imoment, et seu-
^K lement pour ce moment.
« Au fait, les hommes ont leurs vertus' ti
« letirs ticés , leur héroïsme et leur perVersiw \
it les homtnes ne sont ni gén^i^ïement bons ni
<t i^nëfaktnént i^ativais; mais ils possèdent -et
Sk exercent tout^ee qtfil y a de bon «t dé niaw-
m Vais >di hàB} vt^ilâf lé principe : ensuite lé fta^-
/
z'
3TH MÉMORIAL {M«i i«i6)
€c turel, rëducatiouy les accidens font les appli-
ft cations. Hors de cela tout est système , tout
« est erreur j tel a e'te' mon guide, et il m*a réùsd
a assez géne'ralement» Toutefois je me suis trom-
•c -péenASikj en croyant que la France , à la vue
« de ses dangers , allait ne faire qu'un avec moi;
te mais je ne m'y suis plus trompe en 4 8-1 5, au
« retour de Waterloo, jd , -
L'Empereur ne se sentait pas Lien, il s*esl
retire' de fort bonne heure.
Mardi 21.
Le Gcayeraeiir arrêtant loi-même un domefitlq^e* -^
Lecture de la fiible. — Lirre sai^.
L'Empereur a continué d'être souffrant. Nous
n'en n'avons pas moins été' en calèche comme de
coutume. Au retour, nous avons trouvé que le
Gouverneur était venu pendant notre absence,
et qu'il avait arrêté lui-même un de nos domes-
tiques, dernièrement au service du Sous-Geu-
verneur Skelfon, et depuis peu de jours à celui
du général Montholon. En l'apjrenant, TErope-
ïeur a dit : «c Quelle turpitude! c'est. ignojble !
« un Gouverneur !.,.,. Un liieuteoarit-giénéral
■ A,^
X • . 5>. .
(Mai i8t6) DE SAINTE-HELÈNE. sVs
« anglais, arrêter lui-même un domestiq[ue}
•f Vraiment c'est par trop dégoûtant ! »
Le Grand-Marëchal est venu nous joindre ,
nous annonçant l'arrivée d'un vaisseau magasin ,
parti d'Angleterre le 8 mars.
Après le dîner, l'Empereur a demandé. « Que
« lirons-nous ce soir? » On s'est accorde' pour la
Bible. K, C'est assurément bien édifiant, disait
«f l'Empereur , on ne 1% devinerait point en
•t Europe. » Et il nous a lu le livre de Judith ,
observant à presque chaque lieu , chaque ville ,
ou village qu'il nommait. « J'ai campé làj j'ai
•c enfevé ce poste d^'assaut j j'ai donné bataille
« dans. celui-là , etc., etc. »
Mercredi 22.
Qipriees de l'aatoritë. — La princesse Stéphanie de
Sade, etc*
Dans la journée, il a été beaucoup question
des matelots anglais du Northumberland ,
qu'on nous avait donnés comme domestiques, et
qu'il s'agissait de nous retirer en cet instant. Ils
étaientpourtant avec nous en vertu d'un con-
trat réciproque qui liait les deux partis pour
un an. Mais nous sommes en dehors du droit
376 MEMOAUt (tâà iM)
commun. Lé Gourexteeur disait que l'Amiral
les demaoidait absolumfeiit; l'Amiral disait qti'il
les laisserait, si le Gouyerneur le voulait. On
nous Connaît des scMats tn Change > inais on
nous les a pris^ rendus^ repris et rendus de hou^
yeaii , sans que nous puissions deviner ce qu^on
voulait^
Me tr^vantchez l'Empereur, et en attendant
son diner , la conversation est towhéi^ sur Tëta-
!blissement de madame Campain » les personnes
qui y ont été élevée»^ les fortunes que l'Empe^
reur a Êiites à plusieurs d'entre elles; et il s'eiit
arrêté particulièrement sur Stdphani^dà Beau-
Harnais y devenue Princesse de ^ade^ qu'il a
dit affectionner beaucoup; et il est entre' dans
un grand nombre de de'tails à son sujet.
La !Pîinces5e Stéphanie ddBadeavaitt)erdti saf
mère,n'e'tant encore qu'un enfant, et fut laissée
par elle auic soins d'une Anglaise , son ande in«
time i celle^i ^ fort riche et sans eiodans » 1 avait
en quelqtie sorte adoptée i et avait confié son
éducation à d'ancieimes religieuses, dans le midi
de la France •> à Montauban, je crois.
.Napoléo|p, encore Premier Ccmsul , entendit
un jour Joséphine , dont elle était la parente f
^Hu <t*6) DE SAINTE-HÉLÉNE. $7?
mentionner cette circonstance. ccCommeiit pou»'
M vez-vqus, s'e'eria-t-il, permettre une pareiH^e
« diose ? Quelqu'un de votre nom à là charge
jR d'une étrangère 9 d'une Anglaise en cet instant
tt.notare ennemie, ne craignez-vous pas que votre
« mémoire en souffre un jour ?» Et aussitôt un
courrier fut expédie pour ramener la jeune en«
fa^nt aux Tuileries , mais les religieuses ne vou^
lurent point s'en dessaisir. Napoléon , heurte,
prit les informations et autorisations nec^ssàiresj,
et bientôt il fut expe'die' un second CQiiii:rier au
Préfet du lieu, avec ordre de se saisir à Tins*
(ant mêine de la jeune Be$iuharnais, au noni d^
la loi.
Or, telles étaient, par les circonstances^ du
temps, certaines éducations et les opinions
qu elles cherchaient à créer , qn:e la jeune Sté-
phanie ne se vit pas réclamée sans douleur^ et
qu'elle ne vit pas sans effroi celui qui se disait
son allié , et voulaitétre son bien faiteur. Elle fut
plsicée chez madame Gampan, à Saint-^Germain;
on lui prodigua toutes sortes de jnaitres et ell^.
n'dn sortit que pour .jeter un grand éclat par i»a
beauté , ses grâces, son e^rit et ses véitus;
L'Empereur l'adopta pour fille ,; et ia maria aul
3, ^ ^' ^^
87S MÉMORIAL (iiu i^)
pria^ héréditaire de Bade. Le mariage , durant
cpelques années, fut loin 4*étre heureux; mais
ayec le temps les prérentions disparurent , les
époux se réunirent et ils n'ont plus eu> dès cet
instant , qu'à regretter le bonheur dont ils s'cf^
taient prirés.
La Princesse de Bade , aux conférences d'Er^
furt, aTait été fort distinguée par l'Empereor
Alexandre , son beau- frère , qui ^ui prodiguait
de véritables attentions. On le savait, et pour y
obvier, les gens dirigeant la haute politique,
lors de nos désastres de 4 84 3 , craignant l'enr
trevue d'Alexandre avec la Princesse de Bade ,
à Manheim, cherchèrent à détruire à temps son
influence par des rapports mensongers et des
propos inventés qui lui aliénèrent l'esprit de
ce monarque. Aussi lors de Tanivée d'Alexan*
dre à Manhetm, dans sa marche triomphale vers
Paris, la Princesse Stéphanie fut loin d'en être
bien traitée : elle put s'en trouver blessée dans
ses séintimens ; mais sa fierté demeura tout en*
tière, et alors commença pour son mari une vé«
ritable gloire de caractère. Les personnages les
plus augustes le circonvinrent d».toutes parts et
l'importunèrent long-temps pour qu'il répudiât
(miM) DE SAINTE-HELENE. 379
la femme cju'il avait reçue de Napolëon; mais
il s'y refusa constamment )^ répondant, avec iine
noble fierté, qu'il ne commettrait jamais une
bassesse qui i^epugnait autant à sa tendresse qu'à\*
son lionneur. Ce Prince ge'héreux, auquel nous
n'avions pas rendu assez de justice à Paris , a
succombeVdepuis sous une maladie longue et'
douloureuse , et la princesse lui a prodigué jus-
qu'au dénier moment , de ses propres mains i les *
sçins les plus minutieux et ks plus toucKans ,
qui lui ont mérité la plus vive affection de ses^
proches et de ses peuples.
Elle avait embelli l'exercice de la souverai-'
neté. Elle a honoré son caractère de femme et
de fille i elle a professé dans tous les temps la
plus haute vénération et la plus vive reconnais-^
sance pour celui qui, au sommet d'un pouvoir
sans bornes, l'avait bénévolement adoptée pour
Elle.
Jeudi 23*
Maximes de lIEmpereur. — Scène de Portalis au Côa^
fieil d'Etat) elc.^—Accidens de l'Empereur à St-CIoiid>
à Auxonae,à lHlarlj*
L'Empereur m'a fait venir sur les deux heures
dans sa chambre; il me trouvait l'air malade;
380 MEMORIAL (HbttMj
il Titait lui-même.^ il avait mal dormi. Il a fait
sa toilette , me disant qiie cela le remettrait.
Delà nous sommes passes au jai*din. La conver*
sation Ta. conduit à dire que nos moeurs vou*
laient que le souverain ne parût que comme un
bienfait; les actes de rigueur devaient passer
par les autres; la clémence devait lui demeurer:
c'était son premier domaine. A Paris on lui
avait reproche parfois , disait-il , certaines con-'
versations, des paroles qu'il n'aurait pas dû, il
est vrai , exprimer liii-méme« Cependant , ajou*-
tait-il » sa situation personnelle y son extrême
activité', la plupart de ses actes, qui yenaieut
tons réellement de lui, auraient dû lui faire
passer > disait-il, bien des choses. Du reste, il
rendait justice au tact extrêmement fin de la
capitale; nulle part sans doute, observait-il, il
ne se trouvait autant d'esprit ni plus de goût
qu'à Paris. Il se reprochait la scène de ^ortalis
au Conseil d'Etat. Moi, qui l'avais présente,
je lui disais l'avoir trouvée , en quelque sorte ,
paternelle. * « Il y avait pourtant quelque chose
« de trop, a-t-il repris. J'eusse dû m'arrêter
* Vojrei Yolnme i > page 349.
ti«.*i(r) DE SAINTE^HÉLENE. aBM
«avant de. lui commander àé S9t\^t\ ^^'^kne
<f eût dû finir, puisqu'il ne se Justifiaif >paâ, jpar
« un simple i^esl bon. Il n^eùt du Irpùvér le
.te. châtiment que chez lui.- Le souverain à ton-
« jours .tprt de parler* en- colère .Peut-^tre etailS*
tt je excusable dansmoii céii^eiï, j y étais eu 1^
• ...» ^
« mille; ou bien peut-être encore, ihôh: cher »
« après tout, cela d€fmeùrè*ï41 un vràJtort de
<c ma part : on a sei^ d<^fâut^, ta nature a ses
* . •
•c droits. » • ''
Il se reprochait au^si, disail^il, la scène faite
à M. de G. •..,., aux Tuileries, daiis une de ses
grandes audiences du dinàânche, én^prësencte
de toute la Coui*^ « Mais ïk- côritihuait-il, fe
«fus vraiment pousse à boiitv J'ëclatai contre
« mon gre'. Je venais de lui ^(^ner une lëgioti
.« de la capitale, qu'il s'agissait de défendre.
« J'ai appi*is plus tard qu'il se réjouis^it de
«c nos désastres^ et les appelait; mais je n'en
« savais rien encore: Nous allions avoir Fen-
« nemi sur lies lûcas; ce M*. dé G.;..,, m^'ëcrît
«froidement, que sa santé ne lui permet .pas
«ce Service; et il ose sq mpntrer : frais Jet
« dispos, soos: mes yeux , en ciûdajtisan vj'eii fi($
« indigné. Toutefois je me .contins et lô passai^
«88 MÉMORIAL c»u^i€f)
<« tnai9 il trouva lé secret de se replacer encore
« trois on qfftatre fois, avec empressement, sur
; « mes pa;s. Je n'y pus plus tenir et la bombe
fc éclata* Gomment , Monsieur. • ,
. Je passe le teste qui est a^ez long.
41 Ce qui m'affligea le plun dans tout cela^
. « discUt rÇippereur en finissant , c'était la situa-
c.tion du Als:^ .mc»i chambdlan > dont j'étais
ic loin d'avoir à me plaindre. »
De4ày l'Empereut en est isvenu au faubourg
^Saint-Germain et m'a qciestionne'.$ur bi^uconp
de familles et beaucoup d'individus* Le hasard
.a amené le nom de M^»» de S £Ue avait été
constamment 9 disai$-je> d'un attachement ex-
Irême pour l'Empéîéur, et on devait le lui faire
expier cruellement , sans doute , eh cet instant.
^'Empereur ne soupçonnait pas toute l'étendue
et la vérité de son cèle et de son ssittàchement,
. ^ • . "
Toutefois , il avait été fort touché dans le temps
rde la générosité avec laquelle elle s'étart dé-
vouée à demeurer auprès de l'Impérato-ice José-
phine. Il avait à sê reptocher de n'avoir rien
fait pour elle. Il fallait qu'elle e4t été triàlheu-
TÊuse dans le choix des moments où elle avait
CM« iM) DE SAINTE-HELENE. 3»»
demandé la nomination de son mari au Sénats
J'ayais été dès mon enfance ttksr lié avec
M™® de S....^i ellç avait dç la cojiSance eu
moi 3 j'ai Raconté à TEmperei^r Fanecdote de sa
nomination de dame du Palais. Son mari la con-
duisit un matin à rimpératricô Joséphine, qui
1^ remercia de bonne foi d'avoir demandé
d'entrer à son service , et lui dit qu'elle l'ac-
ceptait. Ce fut un coup de foudre pour M"*" de
S ) qui était bien éloignée d'y avoir songé ,
etqui^ dans sa timidité naturelle, garda le
silence. J'étais loin, sans doute^ alors d'approu-
ver ou de conseiller un tel emploi , toutefois je
lui rcQdis un vrai service en retenant une lettre
de refus qu'elle m'avait confiée à Tinsu des siens,
€t qui eût pu devenir funeste aux intrigues de
ceux qui avaient mené toute cette affaire.
L'Empereur demandant d'où avait pu venir
sa grande répugnance, je répondais que c'était
par sa connaissance et ses rapports directs avec
nos princes. « Elle avait raison , disait-il , com-^
ic méni s^ou mari pou vait^-il la placer ainsi dans une
ce fausse position ?«*^ C'^t cconme dans mes nc^
m. minations de GbambeUans } l'un d'eux me fit
«(prier de trouve^ bon qu'il refusât, ayaiit ébi f
■
ii% MÉMORIAL (miAtey
n disait*il , premier gentilhomme de la Chambre
« de Louis XVI et de Louis XVIII. Je fus le
« premier à m'ecrier : Gomment vent^on que èela
« fftt possible?... Il a raison. C'était un manque
« de goût dans ceux qui mè le proposaient ;
fc mais moi , qu*aTais-je à y faire ? Pouvais-je
« deviner de pareils détails ? mes grandes affai?-
ir reis me permettaient-^Ues d'j décendre?
« Quoi qu'il en soit> continuait FEmpereur,
1» si M"* de S eût su s y prendre, elle efftt
ce obtenu de moi ce qu'elle eût demandé. J'a«
«t vais de l'estime pour elle. Mais elle n'a,
« montré de l'intérêt et ne s'est employée que
« pour des personnes qui n'ont pas été très-
« reconnaissantes. Entre autres , pour quelqu'un
« qui, pair du Roi, eût voulu l'être encore
« de moi. A mon retour, sa fille étant venue
« m'assurer que si je voulais lui accorder cette
« faveur, il en profiterait avec empriessement. et
If se conduirait avec zèle , ne connaisss^i^t , di^
.« sait'il 9 d'autre parti que celui de la^xiation,
« ce qui du reste était très-bien , etc. , etc« »
Sur les quatre heures , l'Empereur est nioiité
en calèche; dorant notre côursç accoutumée
/
tMâî iM) DE SAINTE-HÉLÈNE. 3»5
il a parle de plusieurs accideus fort graves qui
avaient menacé sa vie..
A Saint^Cloud, il avait voulu une fois mener
sa calèche à six clievaux et à grand'-guides,
.l'aide*de*-camp Cafarelly, ayant gauchement
traverse les chevaux, les fit emporter. L'Emr
pereur ne put prendre le tour nécessaire, la
calèche dfut avec toute la &)rce d'une vélocité
extrême , frapper contre la grille j l'Empereur
se trouva violemment jeté à 8 du - 4 pieds en
travers sur le ventre. Il a été mort, dii^it-il,
8 ou 4 secondes : il avait senti lé moment où
il avait cessé d'exister ce qu'il appelait le mo^
ment de la négative. Le premier qui se jetant
à bas de son cheval, vint à le toucher le res-
suscita , le rappela soudainement à la vie par le
; simple contact comme dans le cauchemar, où
Ton se trouve délivré, disait -il, dès qu'on a
pu proférer un cri.
Une autre fois, disait-il encore, il avait été
noyé assez long - temps. C'était en 4 786, à
Auxonne, sa garnison ; étant à n^er, et seul il
avait perdii connaissance , coulé ,' obéi au cou-
rant; il avait setiti fort bien la vie lui échap-
per ; il avait même entendu^ sur les bords, des
\
386 MEMORIAL (VmIiM)
camarades annoncer qu'il ëtait noyé, et dire
qu'ils couraient chercher des bateaux pour re-
prendre son corps. Dans cet état un choc le
rendit à la vie. C'était un banc de sable contre
lequel frappa sa poitrine; sa tête se trouvant
merveilleusement hors de l'eau , il en sortit lui-
même^ yomit beaucoup y rejoignit ses vêtemeiis
et avait atteint son logis, qu'on cherehait en-
core son corps.
Une autre fois à Marly, à la chasse du san-
glier, tout l'équipage étant en fuite, en véri-
table déroute d'armée ^ disait l'Empereur ; il
tint boïi avec Soult et Berthier contre trois
énormes sangliers qui les chargeaient à bout
portant, «c Nous les tuâmes roides tons les trois
« disait-il, mais je fus touché par le mien, et
«c j'ai failli en perdre le doigt que voilà* » En
«ffet, la dernière phalange de l'avant dernier
doigt de la main gauche portait une forte bles-
sure. « Mais le risible , disait l'Empereur était
« de voir la multitude des hommçs entourés de
ce tous leurs dûens, se cachant derrière les trois
« héros j et criant à tue tête : à r Empereur ,
-« saurez t Empereur y à V Empereur!! Mais
« pourtant personne u'avaiïçant, etc. > etc.
(itoi me) DE SAINTE-HÉLÈNE. 387
Vendredi H-
Politiqae.
L'Eoapereur n'est sorti que pour monter en
calèche- Notre promenade a e'té de près d'une
lieiire et demie , nous allions lentement et noits
avons redoublé notre tour. L'Empereur était
sur la politique j la lecture des derniers jour-
xiauxj arrivés depuis trois jours, en a fourni
le; sujet.
En FrçKice l'émigration des patriotes était
rapide , et l'on semblait vouloir la favoriser en
ne confisquant pas les biens, etc. , etc. ..••••
«#Â ##• • • # % 9#V 99 •#9#ft#9> •#•#•9 •VAtfS
L'Empereur croyait voir dans les débats du
parlement d' Angleterre l'arrière-pensée du par-
tage de- la France , il , en était navré. « Tout
«cœur vraiment français, dîsait-il, doit être
<t au désespoir j une immense majorité sur le sol
-«( 4e la piEitrie doit ressentir les angoisses de la
« pli^s vive douleur; Ah! $'€Sst41 écrié-, que ne
« suîs-je dans une sphère en dehors de ce globe I
« Que n'ai- je le pied sur un sol évidemment
« libre et indépendant, où Fon ne pourrait
^ soupçonner aucune influeiK^e d'autrui ! Que
3«» MÉMORIAL (M.îigi6|
« j'ëtonuerais le monde ! J'adresserais une pro-
«f clamation aux Français j je leur crierais : Vous
il allez finir si vous ne vous reunissez. L'odieux,
« Tinsolent étranger va vous morceler, vous
« anéantir. Relevez-vous Français, faites masse à
« tout prix y ralliez-vous s'il le faut^ même aus
« Bourbons,... car l'existence de la patrie, son
« salut avant tout!.. »
Toutefois il pensait que la Russie devait
combattre ce partage j elle devait avoir à crain-
dre par-là l'accroissement et l'agglomération de
l'Allemagne contre elle. L'un de nous ayant
observé que l'Autriche devait s'y opposer aussi ,
dans la <!rainte'de n'avoir plus un soutien néce»-
sair« contre les entreprises de la Russie, et
ayant de plus mentionné qu'elle pourrait vou-
loir être utile au Roi de Rome et s'en servir,
l'Empereur a répliqué : « Oui , dofmtne d'ins-
K trument de menace , peut-être ; mais jamais
« comme un objet de bienveillance : il doit leur
if être trop redoutable. Le Roi de Rome serait
itr rhomme des peuples , il sera celui de l'Italie';
« aussi la politique autrichienne le tuera, peut-
« être pas sous son grand-père , qui est un hon-
« nête honune, mais qui n e vivra pas toujours . Ou
/^
(Mai ,8.6) DE SAINTE-HELÈNE. 3&9
« bien encore , si les mœurs de nos jours n'ad-
« mettent pas un tel attentat , alors ils essaye-
or ront d'abrutir ses facultés , ils rheT)êteronlj et
« si enfin il échappait à l'assassinat physique et
« à l'assassinat moral , si sa mère et la nature ye-
« naient à le sauver de tous ces dangers , alors ! . . •'
« Alors!... a-t-il répe'te' plusieurs fois, comme
« en cherchant. Alors... Comme alors. «. Car, qui
« peut assigner les destinées d'aucun ici bas ! »
L'Etopereur est retourne' de-là à l'Angleterre,'
concluant qu'elle seule e'tait véritablement in-
téressée à la destruction de la France. Et dans
l'abondance, la mobilité de son esprit, il s'est
mis à parcourir les divers plans qu'elle pouvait
suivre. Elle ne devait pas trop accroître la Bel-
' gique, disait-il, autrement Anvers lui devien-
drait formidable comme sous la France j elle
devait laisser les Bourbons dans le centre avec
huit ou dix millions d'habitans seulement, et
les environner de Princes, Ducs ou Rois de
Normandie , Bretagne , Aquitaine et Provence j
de telle sorte, que Cherbourg, Brest, la Ga*
ronne et la Méditerranée se trotiyassent dans
des mains différentes. C'était, disait-il, faire
rétrograder la monarchie française de plusieurs
390 MÉMORIAL (M«f iSt^j
siècles 7 faire recommencer les premiers Capéts
et ménager aux Bourbons quelques centaines
d'années de nouveaux efforts pénibles et labo-
rieux. « Mais heureusement, pour en arriver là,
« observait TEmpereiur , l'Angleterre devait
ce avoir à surmonter des obstacles invincibles :
« l'uniformité de la division territoriale en dé-
<c partemens, la similitude du langage, Tiden-
« tité de mœurs, l'universalité du Code, la
« généralité de mes lycées, et la gloire, la splen-
« deur que j'ai léguées. Voilà autant de nœuds
ce indissolubles, d'institutions vraiment natio-*
« nales. Avec cela on ne morcelle pas , on ne
ce dissout pas un grand peuple, ou il se renou-
ât velle et ressuscite toujours. C'est le géant de
« l'Arioste que Ton voit courir après chacun de
<c ses membres abattus , sa tête même i la repla-»
« cer et combattre de nouveau. — Ah, Sire, a
tt dit alors quelqu'un , la vertu et la puissance
« du géant tenaient à un seul cheveu arraché ,
ce et si le cheveu vital de la France devait être
ce Napoléon ! — Non , a repris assez brusquement
ce l'Empereur, ce ne saurait être, mon souvenir
ce et mes idées survivraient encore* » Et puis
reprenant , il a dit : ce Avec ma Fraiice , au con-
(Mai 1816), DE SAINTE-HELENE. 294
« traire, T Angleterre deyait natureUement finir
« par n'en être plus qu'un appendice. La nature
« l'avait faite une de nos lies aussi bien que
« celles d'Oleron ou de la Corse. A quoi tien-
« nent les destinées des Empires , disait-il ! Que
« nos révolutions sont petites et Insignifiantes
« dans l'organisation de l'univers ! Si au lieu
•c de l'expe'dition d'Egypte, j'eusse fait celle
« d'Irlande j si de légers derangemens n'avaient
ce mis obstacle à mon entreprise de Boulogne ^
« que pouvait être l'Angleterre aujourd'hui?
« Que serait le Continent? le monde politique?
« etc., etc^ »
Samedi 26.
Brutos de Voltaire*
Après le dîner l'Empereur a lu Œdipe, qu'il
a extrêmement vanté; puis Brutus ^ dont il a
fait une analyse très-remarquable. Voltaire ,
disait - il , n'avait point entendu ici le vrai sen-
timent. Les Romains e'taient guide's par l'amour
de la patrie comme nous le sommes par l'hon-
neur. Or , Voltaire ne peignait pas le vrai
sublime de Brutus , sacrifiant ses enfans y malgré
ses angoisses paternelles ^ au salut de la patrie ;
392 MÉMORIAL (Mai i*i6>
il en avait fait un monstre d'orgueil , immolant
ses enfans à sa situation présente , à son nom , à
sa célébrité'. Tout le nœud de la pièce, conti-
nuait-il, e'tait conçu à Favenant. TuUie e'tait
une forcenée qui mettait le marché à la main
pour son lit^ et non une femme tendre dont la
séduction et l'influence dangereuse pouvaient
entraîner au crime, etc. , etc.
Dimanche 26.
Etablissement français sar le fleuve Saiat-Lanrent. —
L'Empereur eût pn gagner l'Ai^ërîqae. — - Camotaa
moment de l'abdication.
m
L'Empereur m'a fait appeler vers les deux
heures. Il n'était pas bien y il était fatigué
souffrant. Nous avons parcouru quelques jour-
naux.
Ces journaux nous disaient que son frère
Joseph avait acheté de grandes propriétés au-
Nord de l'état deNew-Yorck, sur le fleuve
Saint'Laurent, et qu'un grand nombre de Fran-
çais se groupaient autour de lui^ de manière
à fonder bientôt un établissement. Qn observait
que le choix du lieu semblait- être fait dans les
intérêts des . litats-Unis , et - en ^ opposition i la
A
(Mai 18^6) DE SAINTE-HÉLÈNE. «98
politique : de rAîigle^erf e j c%t , • d^^is le Susjl ,4
la Louisiane par exempl^ilesrefugifîs i>'*w^i4BA
fia avoir d'airtileslTuejs etr.d a^itre avefti? qflç le
repos et la pri>s|>di-i*éflomestiljR^ità5a4feqil^'â^
lieux 6û flii les:plaçait^iil:elidLt évidej^^ qwr!Us
dèvaieiit deTtmir: bieiitpt lïii attrait »atjWel pi?us
la populationdaCaixada^d^&ançaise^'^t fpriip^
par la suite une .forte ;bamài:e^ !du. i^oièisté i jfti^
P9int Jbostilë. ccmli^' les Anglais, qui: evi bpq1{
encore' les dbmiiiateursV L'Eihperêar dleait^cjiie
cet ëtabli^sémçlit devait doftipter eu |^tt^'d4
temps une réunion d'horrraiês • trèà-fofrls dîÀïi
tous les genres i'Silsréiaâpli'ssâîënt leiitdevofr;
ajoutait-il, il sortirait de là d'exèfellèns écrits j
des i-efùtâtiôns victorieuses ' dii^ système qui
rlomplie àùiourd'huî en "Europe; rEmpereur
avait déjà eu.^â nie'd'ïlbe quelque idée
semblable.
De-la il est passe a jecapituler tout ce qu'il
avait donne' aux .membres de sa famille: les
• «>« »• (.' ■' -y-^». -•-■•.
somipesr qu'ils pouvaient avpiï reçu eillie^; elles
devaient ^tre tr^-.conside'rableSi Lui ç^ùl> ob-
servait-il , n'avait rien ^ s'il se. troçfyait, avec le
Jenîips, ppssedqr quelque çl^se :eu Europe , il. ne
. • 25
89« MÉMORIAL (m«i8i6>
le'tléyrait qu'à la prévoyance et à la combi-
naison de quelques amis.
' Si l'Empereur eût gagné FAmérique, il
comptait j disailr^il , appeler à lui tous ses pro-
ches j il supposait qu'ils eussent pu réaliser au
mbiûs HO millions. Ce jptoint serait devenu le
Àoyau d'un rassemblement national , d^une
patrie nouvelle. Avant un an y les événemens de
la France , ceux de TEuf ope auraient groupé
autour de lui cent millions, et soixsmte mille
individus, la plupart de ceux-ci ayant propriétés,
talens et instruction, L'Empereur disait qu'il
aurait aimé à réaliser ce rêve, c'eût été une
gloire nouvelle,
ft L' Amériqiie p continuait-il , était notre vé-
ft ritable asile, sous tous les rapports. C'est un
« immense continent^d'une liberté toute'particu*
« lière. Si vous avez de la mélancolie, vous pouvez
« monter en voiture , courir mille lieiies et jouir
« constamment du plaisir d'un simple vpya-
ce geurj vous y êtes l'égal de tout le monde j
« vous vous perdez à votre gré dans la foule
« sans inconvéniens , avec vos mœurs , votre
« langage, votre religion, etc., etc. »
L'Empereur disait qu'il ne pouvait désormais
(Mat 1816) DE SAïNTE-HÉLÈNE, 895
se trouver simple particulier sur le continent
de l'Europe , son nom y e'tait trop populaire j il
tenait trop désormais par quelque côte à chaque
peuple; il e'tait devenu de tous les pays.
« Pour vous, m'a-t-il dit en riant, votrç lot
« naturel e'tait les pays de FOrenoque ou ceux
ce du Mexique : les souvenirs du bon Las Casas
« n'y sont point efface'sj vous y auriez eu ce que
« vous eussiez voulu. Il est de la sorte des des-
«c tinations toutes marquées. Gre'goire y par
«c exemple , n'a qu'à aller à Haïti , on Ty fera
« Pape. »
Au moment de la seconde abdication de l'Em*-
pereur, un Américain à Paris lui écrivait r
« Tant que vous avez été à la tête d'une nation ,
« tout prodige de votre part était possiMe ^
n toutes les espérances pouvaient être conçues*
« mais aujourd'hui rien ne vous est plus possible
« en Europe. Fuyez, gagnez les Etats-Unis, je
«( connais le cœur des chefs , et les dispositions
« de la multitude ; vous trouverez là une patrie
«et de véritables consolations* » L'Empereur ne
le voulut pas. Il pouvait sans nul doute, à la
Ëiveur de la célérité ou du déguisement, gagner
Brest, Nantes, Bordeaux, Toulon, et probable-
896 MÉxMORIAL (Mai i8i«)
ment atteindre l'Amëriqne; mais il ne pensait
pa5 <pie sa^ dignité lui permit le déguisement ni
la fmte \ il se ci^oyait tenu à montrer à tonte
. FEuropc son entière confiante au peuple fran-
çais, et l'extrême affection de celui-ci à sa per-
sonne, en traversant son territoire dans une
telle crises en simple particulier et sans escorte.
En^n y et c'est par-dessus tout, ce qui le dirigeait
en cet instant critique, il espérait qu'à la vue
du danger , les yeux se dessilleraient , qu'on
reyiendrail à lui, et qu'il pourrait sauver la
patrie : c'est ce qui lui fit alonger le temps le
plus, qu'il pût à la Malmaison ; c'est ce qui le
fit retarder beaucoup encore à Rochefort, S'il
est à Sainte-Hélène , c'est à ce sentiment qu'il
le doitj jamais il ne put se séparer de cette
pensée. Plus tard , quand il n'y eut plus d'autre
ressource que d'accepter l'hiospitalité du Bellé-
rephon , peut-être ce ne fut pas sans une espèce
de secrète satisfaction intérieure qu'il s'y voyait
irrésistiblement amené par la jforce des choses:
être en Angleterre, c'était ne pas s'être éloigné
de la France, Il savait bien qu'il n'y serait pas
libre; mais il espérait être entendu; et alors
que de chances s'ouvraient à la nouvelle dircc-
(Mai iSi«) DE SAINTE-HÉLÈNE. 397
tion qu'il pourrait imprimer! « Les ministriBS
r( anglais , ennemis de leur patrie ou vendus à
« Te'tranger, disait-il , ont trouve'.m^ seule per-
« sonne encore trop redoutable; ils on,t pens^'
ce que .ma seule opinion dans Londres eut et«
€< plus que l'opposition toute entière j qu*il le:ur
« eût fallu changer de système ou quitter leurs
« places j et pour conserver leurs places, ils Ont
« lâchement sacrifie' les vrais intérêts de lefur
c( pays; le triomphe, la gloire de âes lois, la
« paix du monde j le bonlieur de l'Europe, la
« prospe'rite' , les bene'dictions de l'avenir. »
. Le soir , l'Empereur, dans le cours de la eon-r
yersation, s'est trouve' revenir de nouveau sur
Waterloo, sur ses anxie'te's , ses indécisions avant
de prendre un parti décisif touchant sou abdir
cation. Je passe une foule de détails, pour ne
pas me répéter, je n'en garde que ce qui suit : »
Son discours à ses ministres, en agitant l'aby
dication, fut la prophétie littérale de qe que
nous avons vu depuis. Carnot fut le seul qui
sembla le comprendre: il combattit cette abdi--
cation, qui, selon lui, était le coup de toort de
la patirie; il voulait qu'on se défendît, jusqu'à
extinction, en désespérés j il fut le seul de fcou
/^
308 MÉMORIAL (Iffai letS)
airisj tout le reste opina pour l'abdication ; elle
fut résolue ; et alors Carnot s'appuyant la tête
de ses deux mains, se mit à fondre en larmes.
*
Dans un autre endroit l'Empereur disait:
te Je ne suis pas un Dieu, je ne pouvais pas
•c faire tout à moi seulj je né pouvais sauver la
« nation qu'avec elle-même; j'étais bien sûr que
« le peuple avait ce sentiment; aussi souffre-t-
ft il aujourd'hui sans l'avoir mérité j c'est la
te tourbe des intrigans; ce sont les gens à titres,
K à emplois, qui ont été les vrais coupables;
te Ce qui les a séduits, ce qui m'a perdu, c'est
•c la douceur du système de ^ 84 ^ , la bénignité
« de la restauration; ils ont cru à sa répétition.
M Le changement de prince était devenu pour
« eux une mauvaise jplaisanterie. Il n'y en a pas
«t un qui n'ait cru demeurer tout ce qu'il était
te en me voyant remplacé par Louis XVIII , ou
ce par tout autre. Dans cette grande affaire, ces
« hommes malhabiles, avides , égoïstes ne
tt voyaient qu'une compétition dont ils s'im-
« portaient peu, et ne songeaient qu'à leurs
tt intérêts individuels, lorsqu'il s'agissait d'une
« guerre de principes à mort qui devait les
«^dévorer tous ; et puis, pourquoi le dissimuler?
(Mai 18x6) DE SABSTE-HÊLÈNE. 399
« conyenons-en , j*avais élevé ^ et il s'est trouvé
« da&s mon entourage J(^^r£r^ can /x> Et se
tournant vers moi ^ il a ajouté : « Et ceci encore
« n'est pas pour votre faubourg Saint-Grermain.
« Son affaire est une autre question , ceux-là ne
« sont pas sans pouvoir fournir quelcpi'espèce
« d'excuse. Lors du premier renversement en
« ^ 84 W^ , les grands traîtres ne sont pas partis de
ir là; je n'eus pas trop à m'en [plaindre j et à
tt mon retour ils ne me devaient plus rienj j'a-
« vais abdiqué , le Roi était revenu ; ils étaient
« retournés à leurs premières affections : ils
« avaient recommencé un nouveau bail, etc« ^
Lundi ay.
Etat de Ilndostrie en France. -*« Sor les physionomies.
L'Empereur est sorti vers les deux heureSjp
le temps était fort beau. La. saison est sensible-
ment différente de celle que nous avions en arri'*
vaut i elle est infiniment plus fraîche. L'Empe-
reur néannfmins était souffrant, semblait fort
ennuyé. Il a marché vers Textrémité du bois
en attendant que la calèche vint nous prendre.
iPïous avons fait notre tour ordinaire.
La conversation est tombée sur l'état de rin-*
Jf§0 atÉMORIAL f»aiMrtj$)
dustritea' Fja»cd, ^Empereur Tavait porlçoi,
disait-il, à un degve Uicoûnu jusqu'à l^i; et on nfi
le croyait pas. en Europe , même en Fjrance. Lçf
«l;tanger$ en ont e te grandement surpris à l^ur
arrivée. L'abbé dé Mont^squiou» dirait- il, ne
revenait pas. d-en avoir les preuves humains
lors de 3on ministèriS de l'intérieur.
L'Empereur était le premier en Finance qui
eût dit : D'abpiid, l'agriculture, puis l'industrie,
c'èst-àrdire ' les manufactures ; enfin ; le com'
mefce, qui !ne doit être que la surabondance
des: deux: premiers.' C'e'tait encore: lui qai avait
défini et iiniis .en pratique j d'une n^anière claire
et suivie, les intérêts des manufacturiers et des
ne'gocians. C'e'tait lui à qui on devait la con-
quête du sucre, de Firidigo' et' du Coton. H avait
proposé 4 million pour celui qui /trouverait i
£lèr le lin conime le coton, et il ne doutait
pas que ce résultat n'eût^été obtenu et que la
fatalité des circonstances' avait seule empêché
de cohsàdrer cette magnifiijue d^buverte, etc. y
Les ennemis de ^otré propre bieki y la vieille
sTristocratie, disaifc^il, s' étaient rperdue en mau^
valses plaisanteiries, en frivoles caricatures sur
(Maiiiiô) DE SAINTE-HÉLÈNE. io4
tous ces objets > mais les Anglais ^ qtii sentaient
lé coup,: n*en riaient point ■, et en demeurent
pucore af£ec!te's àujounl^uiv : . . :.\ i
; Qttçlque temps évânt de dîner, L'Empereur
m'ia fait yenirdanis sa chambre- il e'tait fort' souf-
fipaiitv il essayait dé caHser; il n'en avait pas
Ig foï^ce; il. attribuait sa situation à de mau^
T^is \Ein jiouvellement arrive'. Et à propos de
tin, il racontait que Côrvisatt, Bertholet et
QUt're$, cbimistes et inëdecins lui avaient sou»-
vent recommande' et re'pe'te', à lui qui e'tait.si
9
(éminemment expose', que si jaunis en buvant J
il lui arrivait de trouver le moindre itnauyais
goitt à dû vin V il devait le recracher à XHnstant.
De -là, la cpnrVersatiqn l!a conduit! s'eton*
ner du. caractère dé quelqu'un dont les Straitâ
e'taient un vrai contraste. « ' Celai prouve ^ disait-
« il, qu'on tté doit pas prendre les hommes a
ce leur visage j on ne les connaît bien qu'à l'es-
« sâi. -Que de figures j'ai eu à juger dans ma
«t vie ! que d'expe'riences j'ai eu à faire ! que
fi de de'nonciàtions, que de rapports j'ai €ritén-
« dus ! Aussi m'e'tais-je fait la loi constante de
« ne me laisser influencer jamais par les traits
« ni par les paroles. Ne'anmoins , il faut conve-.
nÔSt MÉMORIAL ( Mai 1816 )
K nîr que les traits fournissent parfois de bi*
« zarresrapprochemens ! Par exemple, en consi-
« derant notre Monseigneur ( le Gouverneur )
ic qui ne trouve du chat-tigre dans ses traits?
€c Auti'e exemple : J'avais quelqu'un en service
«( intime auprès de moi ; je l'aimais beaucoup^
« et j'ai été obligé de le chasser parce que je l'ai
« pris plusieurs fois la main dans le sac et
« qu'il volait trop impudemment : eh bien !
« qu'on le regarde , on lui trouvera un œU de
^ pie »
; Quelqu'un lui cita à se sujet Mirabeau qui ,
en parlant du visage de Pastoret^ disait : « H y
« ^ du tigre et du veaUy mais le veau domine. »
Ce qui l'a beaucoup fi^it rire , parce que cela ,
a-t-il dit , était exactement vrai.
L'Empereur a voulu dîner seul dans sa cham-
bre. Il m'a fait revenir sur les dix heures ; il était
mieux, il a parcouru plusieurs des livres dont son
canapé était couvert. Il a entamé l'Alexandre
de Racine , qu'il a en grand dégoût , et a pris
l'Andromaque, qui est une.de ses passions.
(Mai t«,«) DE SAINTE-HÉLÈNE: h{iS
Mardi 28.
/ L'Empereur devant le camp anglais.
L'Empereur est sorti sur les deux heures. Le
temps était fort doux et fort agréable. Nous
avons été' en calèche près d^nne heure. Il avait
d'abord été question d'aller à cheval; l'Empe-
reur en sent le besoin pour sa santé; mais il
semble y porter un dégoût extrême. Il ne sau-
rait, dit-il, tourner sur lui-même de la sorte.
Dans nos limites il se croit dans un manège ,
il en a des nausées. Cependant, au retour nous
sommes venus à bout de l'y déterminer. Il nous
avait tous auprès de lui ; nous avons gagné la
crête du prolongement de la montagne des
Chèvres <jui sépare l'horizon de la ville d'avec
celui de Longwood. Nous sommes revenus
en passant sur le front du camp : c'était la
seconde fois depuis notre séjour à Longwood.
Tous les soldats , quelles que fussent leurs occu-
pations, ont tout quitté, et sont accourus spon-
tanément pour former la haie. « Quel soldat
« européen , disait l'Empereur à ce sujet , n'est
« pas ému à mon approche ! » Et c'est parce
qu'il le savait, qu il évitait soigneusement ici de
passer élevant' le camp anglais , dans la crainte
^
»0» MÉMORIAL (MaiiaiS)
qu'on ne l'accusât iie Vouloir exciter ce senti-
ment. Cette petite course et U £abtigtjue qu'elle
a causée a été agréable à tout le monde « JSous
étions de retour à cinq heures. L'Empereur
trouvait la journée bien longue : depuis quel-
que temps il ne. dicte plus. Il a aperçu des
espèces de quilles façonnées par les gens pour
leur usage; il les a fait apporter et nous avons
fait une partie. J'y ai perdu contre l'Empereur
un napoléon et demi , qu'il m'a bien fait payer,
pour les jeter au valet de pied qui nous servait
la boule.
Mercredi 29.
La Corse et le pays natal. —P?iroles de Paplî. — Magna-
nimité de Madame mère. — Lacieu destiné à la Corse.
— Conr du Gonsal. — M"** de Chevrense. — Lettre
de Madame mère.
Depuis long-tanps l'Empereur se promet;
cliaque soirée, à notre sollicitation, de monter
à «cheval le lendemain de bon matin j mais au
moment d'exécuter ce projet, il ne s'en trouve
plus le courage^ Aujourd'hui il était donc au
jardin dès huit heures et demie j il m'y a fait
appeler, h», conversation est tombée 5ur la
j
(Mw :ito6) DE SAINTE-HÉI.ÈNE. HO»
Ccnrse, et y est demeurée plus d'une liêure, «La'
te patrie ' est toujours dière , disait-il , Sainte-
«Hélène même pourrait l'être à e^ prix, v La
Corse* avait donc mille charmes ^ il éxt détaillait
les grands traits-; ki coupe hardie dé sa struc-
ture physique. Il disait que les insulaires ont
toujours quelque chose d'original par leur iso-
lement qui les préserve des irruptions , et du
mélange perpétuel qu'éprouve le Continent J
que les habitans des montaghes ont une énergie
de caractère et une trempe d'ame qui leur est
toute particnliète. Il s*arrêtait sur les charùies
de la terre natale: tout y était meilleur, disait-
il ; il n'était pàS jusqu'à l'odeur du soi inênfe ,
elle lui eût suffi pour le deviner les ^eux^
fei^mésj il ne l'avait retrouvée nulle part, IF
s'y voyait' dans ses premières aniiééS , a^ ses pre-
mières amours; il s'y trouvait dans Sâ jeunesse,
au milieu des précipices ,' franchissant les som-
mets élevés, les valees profondes, les gorgés
étroites ; recevant les honneurs et les plaisirs
de Thospitalité; parcourant la ligne des parens
dont les querelles et les vengeances s'étendaient
jiTsqu'au septième degré. Une fille,' disait-il,
voyait entrer dans la valeur de sa dot le homliré
»06 MÉMORIAL (Mai xSifl)
de ses cousins. Il se rappelait avec orgueil que
n'ayant que vingt ans , il avait fait partie d'une
grande excursion de Pàoli , à Porte di Nuovo.
Son cortège e'tait nombreux ; plus de 5 cents
des siens l'accompagnaient à cbeval. Napoléon
marchait à ses côtes. Paoli lui expliquait , che-
min faisant , les positions , les lieux de résis-
tance ou de triomphe de la guerre de la liberté.
Il lui de'taillait cette lutte glorieuse j et sur les
observations , le caractère et l'opinion qu'il
avait pris de son jeune compagnon, il lui dit :
<c O Nc^oléon l tu n^as rien de moderne l tu
cç appartiens tout àfaU à Plutarque. »
Quand Paoli voulut livrer son île aux An-^
glais ^ la famille Bonaparte demeura chaude à
la têtie du parti français, et eut le fatal [honneur
de voir intimer contre elle une marche des
habitans de Tile , c'est-à-dire d'être attaquée
par la levée en masse. 12 ou 15 mille paysans
fondirent des montagnes sur Ajaccio, la maison
fut pille'e ou brûlée, les vignes perdues, les
troupeaux détruits. Madame, entourée d'un
petit nombre de fidèles, fut réduite à errer
quelques temps sur la côte, et dût gagner la
France, Toutefois Paoli, à qui cette famille
CMaî »Si6) DE SAINTE-HÉLÈNE. *07
avait ete si attachée^ et cpii lui-même avait tou-
jours professé une* consideratiou ' particulière
pour Madame ^ Paoli avait essayé la persuasion
avant d'employer la force. « Renoncez à votre
« opposition, lui avait-il fait dire, elle perdra
« vous , les vôtres , votre fortune j lès maux
«c seront incalculables, rien ne pourra les repa-
ie rçr. »En effet, l'Empereur disait <jue sans les
chances que lui a procurées la révolution , sa
famille ne s'en serait jamais relevée. Madame
répondit en héroïne , comme eût fait Çornélie ,
cpi'elle ne connaissait pas deux lois ; qu'elle ,
ses enfans , sa famille ne connaissaiient que
celles du devoir et de l'honneur. Si le vieil ar-
chidiacre Lucien eût vécu , disait TEmpereur ,
son cœur eût saigné à l'idée du péril de ses
moutons , de ses chèvres et de ses bœufs , et sa
prudence n'eût pas manqué de conjurier l'orage.
Madame, victime de son patriotisme et de
son dévouement à la France , crut être accueil-
liiB à Marseille en émigrée de distinction^ elle
s'y trouva perdue , à peine en sûreté , et fut
fort déconcertée de ne trouver le patriotisme
que dans les rues> et tout-à-fait dans la boue.
Napoléon, dans sa jeunesse , avait écrit une
KOH . MÉMORIAL . (Hafc lè.e)
hiàtôire de la Corse, qu'il Adressa à ]:'aM9eRaynal^
éè qui liii tulttt (Juelqties lettres et des distinc-
tions flatteuses de b parï de cet e'crivain , alors
Photrinie à la mode. Cette histoire s'est perdue.'
^ L'Empereur nous disait cjue lor^ de la guerre
de Corse , aucun dés Français qui étaient venus
dans Vile ïi*eii sortait tiède sur le caractère de
ces moijtagna,rds; les. uns ten étaient pleins d'en-
thousiasme, les autres ne youlaient y voir quç
des brigands. .
A Paris, on avait dit au Sénat que la France
avait été' çherche;r un maître chez un pçuple
dont les Homains.ne voulaient pas pour esclave^
« Ce sénateur a pjui vouloir m'inj^ieai, disait
« rEja^pQreur,^mai$ ilpsiyàit làun-gr^nd com-
« plinieïit aux Gorise^, Il disait Tsai i jamais les
« Romains n ache£aie«i^ d'escl^i?^/ corses j ils
« $ayaiei\t :<pb^Q9; n'caa;BOuyaitricatt ti?:«E; il e'tait
c( inipas^ihlé. dç^ l^s.plier à' L'esclavasge. »
Lors de la gufiére d^ 'la libeaite; en Coirsc,
quelqu'un pi'oposaiè singulier iplaoi de; couper
ou dia })rûler tpus)ies»châtfligniers5dt€rat:le frtoit
faisait la, 'iu)ttmtomtdi;gfmdntagnardsl^ a Y ans
« lej fpiwterM i îdisaittiivià descendre dsçis- la
{ M^t »M) DÉ SAfNTE-HÉLËNË. ftfl»
« plaine tous demander la paix et dm padm m
Heureusement, disait l'Empereur, cpie c'était d£î
«es plans inexecutaUes , qui ne sont qtielcjiie
chose que sur le papier. Par un sentiment couh
traire , Napoléon , dans ses premières annéer,
déclamait constamment contre les^ chèvres, qtû
sont nombreuses dans l'ile , et causent de graii<^
diftgâts aux arbres. Il voulait qu'on les extii^t
entièrement. Il avait, à ce sujet, des prisses tet^
ribles avec le vieil archidiacre , sou oncle f qui
en possédait de nombreux troupeaux, et les dé*
fendait en patriarche. Dans sa fureur il ;repro-»
chait à son neveu d'être im not^ateur^ «t accix^
sait les idées philosophiques du péril de sey
chèvres.
Paoli mourut fort vieux à Londres; il vit
Napoléon Premier Consul et Empereur, et Id
chagrin de celui-ci est de ne pas l'avoir rappelée
t C'eût été une grande jouissance pour moi, ui»
•c vrai trophée , disait* il ^ mais entraîne par )efl[
(T grandes affaires^ j'avais rarement le temp^ dç
<( me livrer à mes sentimens pèrsoni^ls. ^ '^
; Au retour: de l'Empereur, en i8^ 5^ Joseph V
 Famy^e die Lucien à Paris, ^dnseiUa à l'Ëm^
percur de l'enfoyer gouverneur ^ g^tfral «ni
3. 2«
M% MÉMORIAL (MûiSifr)
Corse : cela ayait même e'té résolu j Timpor-
tance et la précipitation des eVenemens l'ont
empêché. S'il en avait été ainsi, disait FEmpe-
reur, il y fut demeuré le maître^ cela eût offert
de grandes ressources à nos patriotes persécutés.
A cpmbien de malheureux la Corse n'eût-elle
pas servi d'asile ! Du reste , il répétait qu'il
avait peut-être fait une faute, en abdiquant, de
ae pas s'être résçrvé la souveraineté de la Corse ^
avec quelques millions de la liste civile j de
n'avoir pas. emporté ce qu'il avait de précieux ,
et gagné Toulon, d'où rien n'eût pu gêner son
passage} qu'alors il.se fût tr9uvé chez lui j la
population eût été sa famille; il eû^ disposé de
tous les bras, de tous les cœurs. Trente. mille^
cinquante mille alliés n'auraient pu le soumet-
tre. Ai^cun d'eux n'en eût voulu prendre la
charge j mais c'.est cette position heureuse même
qui la retenu. Il n'avait pas voulu qu'on eût
pu dire que dans le naufrage du peuple fran-
çais, qui lui était visible , lui seul avait eu l'art
de gagnj&r le port.
, On lui bbsjçrvait alors qu'il avait couru dans
le monde. qu'il eût été le toaître en i844d'^v6ir>
k Corse au lieu dç l'île d'Elbe*. «Sans doutai
(Mai i8i6) DÉ SAINTE-HÉLÈVE. %Ù
« di^it TEmpereur, et q[uand on saura bien 1^
« affaires de Fontainebleau , on sera bieïi sur-
* pris !... J'eusse pu alors me reserver ce que
« j'eusse voulu ; rhumeur du moment me de'-
« cida pour Tîle d'Elbe. Toutefois si j'avais eu
« la Corse, il est à croire que le retour de 48i 5
« n'eût pas été tente'. A l'île d'Elbe même, ce
«n*est qu'en gouvernant mal, qu'en n'accom-
« plissant paîi vis-à-vis de moi les engagement
« stipules qu'on a prononce' mon retour. *
Nous avons alors rappelé' à l'Empereur sa
îpremière intention de monter à cheval j il nous
à dit qu'il aimait "mieux causer et marcher. Il
a demanda son de'jeûnër , à la suite duquel nous
sommes demeure's long-temps à parler sur l'an-
cienne Cour, la noblesse qui la composait, ses
pre'tentions , les carrosses du Roi , etc., etc., et
tout cela se comparait à mesure avec ce qu'avait
crée l'Empereur.
De-là il est remonte' à Tepoque de son cpnsu-
lat et aux grandes difficultés qu'avait pre'sen-
te'es l'espèce de Cour qu'il s'agissait alors de
composer. Le Premier Consul , en arrivant aux
Tuileries, suece'dait à des orages, des temps,
àés mœurs qu'il ftait rc'solu de faire oublier^
h\% MlSMORIAL {UÛM6}
|fat8 il arait toujoiiiv el» aux arméek j il arrii*
Tait d'Egypte ^ il arait quitté H France jeunr
et sans expérience. Il ne eœinaisfiait personne ^
et c'est ce qui lui tan» d'abord un grand éta^
barras. Lebrun]fut pour lui, dans ces premierg
Q!K>mens, une espèce de tuteur fort précieux,
lies banquiers ou faiseurs d'affaires étaient alorf
ceux qui donnaieiit le ton ; a peiiie le Gcmsut
était ^ommé, que plusieurs s'empressèrent d'ofr
frir des p^èts considérabks. Ce dévoùment ne
semblait que généreux, mais il renfermait d'ar-
rières, espérances. G^étaient en général des geut
mal famés j ils furent refusés. Le Premier CoidsilI
avait une répugnance naturelle contre les fai-t
seurs d'affaires j il s'était fait un devoir, disait-*
il, de montrer d'autres principes que ceux dç
Scherer, de Barras et du Directoire. Il voulait
çue kl probité devînt le premier ressort et Iç
caractère de son nouveau gouvernement. Le
Consul se vit aussi presque aussitôt entouré de
femmes de fournisseurs j elles étaient toutes
çbarmantes et_de la dernière élégance : ces deux
circonstances semblaient être de rigueur parmi
tous les faiseurs d'affaires, et entrer pour beau*»
coup dans leurs spéculations* Mais la sévère
iW iM ) DE SAINTE-Hl^MNE. ^f |
l^ebrufi était là pour qdairer son jefine TUâér
flaque. Il fut résolu de ne pas les adi^ettre daii§
la société des Tuileries. Toutefois op xÇé^it
pas saas emb^ras pour la composer : ôa ne ycar
}^it pas de noblies > pour W pas effaroucher le$
l^pinioBS politiques} on i^e youlait pas de fair
^urS 4'i^ffaires, afin de releT$r les mœurs nou-
YçjUes; il U13 restiUt donc p^ grand^ chose, ai^sj
fut-ce d'abord pendant quelque temps un^ é$«'
pèce de l$uitenie magique fort mêlée et t:rès-
cbmgeante. Cepeadaut cette réunion eut bientôt
^a eouleur , son toii , son mérite.
■ " ' '*
A Moscow le Vice-Roi trouva uxie corres-
pondance de la Princesse DoIgproAyski ^ qui
avait habité Paris à cette époque. Elle parlait
fort bien des Tuileries dans ses lettres. Elle di-
sait que ce n'était p^s précisément une Cour,
mais que ce n'était pas non plus un camp ; que
c'était une autorité , une teiiue toute nouvelle*}
que le Premier Consul n'avait pas le cliapeati
^ous le bras ni Tépée d'acier, il est vraij maîlsi
^ue ce n'était pas non plus un homme à sabre',
etc., etc. c( Et , continuait l'Empereur, voilà
« pourtant ce que sont les hommes et les rap*-
'u ports; c'est sur: de pareilles cxpressithS, mais
M n^ MEMORIAL ( m» 1816 }
tt mal présentées, que la Princesse Dolgorowski
« a dù^tre fort mal traitée par moi. Je dois lui
« avoir donne Tordre dans le temps de quitter
ce la France; nous la supposions mauvaise, et
« nous étions, comme onlevoUy dans Terreur.
tE La maîtresse de M. de T «.. , d(nit il
M n'avait point encore fait sa femme ^ madame
« G • • . . , a beaucoup contribué à nous aliter
« les Russes. ^
L'Empereut observait qu'au retour de Tîle
d'I&lb^) il aurait éprouvé moins d'embarras
pour composer sa société. « Elle était même
•c toute trouvée^ disait-il, dans ce que j'appelais
ir mes veui^es : la duchesse d'Istrie, M"* Duroc,
le M""*" Régnier, Legrand, et toutes les autres
•t veuves de mes premiers généraux. Je disais
« aux princesses qui me demandaient comment
« recomposer leur Cour, de suivre mon exemple.
« Rien n'était plus naturel ^ plus beau, plus
èr moral. Elles étaient encore jeunes, et pourtant
« déjà formées au monde; dans le nombre il
« s^en trouvait même de charmantes et de fort
« aimables : la plupart auront été ruinées > plu-
ie sieurs , ditH:>n , se remarient et changent de
(M«^i8t6) DE SAINTE-ÏIÉLÈNE. U^
« jiôm *, de sbrte que de tant de fortunes et de'
« tant d'eleVation fondées par moi , tout, ju$-'
K qu'aux noms même disparaîtront peut^étrt.
« S'il en était ainsi, ne donneront-^ils pas Tocca-
« sion de dire qu'il fallait après tout jù'il y eût
« un vice radical dans les choix que j'avais faits r
ce ce serait du reste tant pis pour eux ; ils ne
« feront là que ménager un triomphe et des^
« insolences à la vieille aristocratie. >«
Nous sommes revenus à lui rappeler la course'
à cheval j nous y tenions, parce que nous savions^
que sa santë en dépend ; mais il n'y a pas eu
moyen. « Nous sommes bien ici, a-t-il dit,
ce bâtissons-y trois tentes , etc. , etc. » Et la cau-
serie a continué sûr le faubourg Si. - Germain,*
l'hôtel de Luynes qu'il en disait (la Me'tropole;
et il a raconté l'exil de M*"* de Chevreuse. Il
l'avait menacée maintes fois , et pour des torts
réels, pour de véritables insolences, assurait-il.
Un jour poussé à bout il lui avait dit : « Ma-
te dame , dans vos maximes et dans vos doctrines
'^ On avait dit à TEmperenr qae trois ou quatre «le
ets veaves les plus distingnëes Tenaient de $9 r«inft~
Ti«r* Ce qoi s'est trooTë faux*
!> •
\
Mé MÉMORIAL (Uti ai^)
«;. féodales t TOUS vous prétendes les seigiiiéur&
« de TûS terres; eli bien: J moi , d'après vos prin«
« iïipes , je me dis le seigneur de la France ^ et
« Paris est mon village. Or, je n'y souffre per-
ce sonne ^i veuille m'y déplaire. Je vous juge
« par vos propres lois ; sortez-en, et n'y rentrez
;<(. jamais» ^ L'Empereur, en l'exilant, s'était
pro^is d'être inflexible pour son retour, parce
qu'il avait beaucoup supporté avant de punir^
et qu'il fallait, disait-il, un exemple sévère qui
épargnât le besoin de répéter sur d'autres» C'é^
tait là un de ses grands principes.
Je disais à l'Empereur que j'avais été beau-
coup à Thôtel de Luynes , que j'avais beaucoup
connu M"* de Ghevreuse et sa belle -mère,
à laquelle je demeurais toujours fort atta->
ché. Celle-ci avait fait preuve d'une rare et
constante affection pour sa belle-fille, ayant
voulu partager son exil , et l'ayant suivie dans
tous ses voyages. Dans ma mission en Illirie , je
les rencontrai de nuit dans une auberge au pied
du Simplon, et ce leur fut une véritable joie,
une bonne fortune inattendue que de pouvoir se
procurer au milieu du désert les plus petits
détails de Paris et de la Cour : c^étail l'av^idiW
tiuî.i8*6]i DE SAINTE.HÉ|.ENE> iïfT
de Fou(}uet aux récits de Lauzun ; cat TeloigHe-
xoent de la capitale était devenu pour elles une
véritable morty.et elles en étaient au désespoir.
Enfin 5 j'observais à l'Empereur que j'avais vu
rhotel de Luynes pendant long-temps sinon
conquis 9 du moins calmé, et peut-être moin^
qu'indiffér^id. Les désastres inattendus avaient
tout réveillé,
, Quant à M"** de Chevreuse , jolie , spirituelle,
aimable, presque un peu pbis que bizarre, elle
avait été sans doute poussée par l'appât de la
célébrité, et l'essaim de ses courtisans ou de
ses adorateurs > dont quelques-uns étaient pèù
dignes d'elle. « J'entends, reprit l'Empereur,
«elle espérait recommencer la Fronde j mais
€i moi je n'étais pas un Roi mineur. »
Le brick le Musquito, parti d'Angleterre le
23 mars, est arrivé avec les journaux des Débats
jusqu'au 5 mars et ceux de Londres jusqu'au 21 ^
Rentrant dans son cabinet , l'Empereur m'a dit
de le suivre. Il y a lu les journaux des De'bats.
Pendant cette lecture, il m'est arrivé du Grand-
Maréchal une lettre venant de l'Europe pour
l'Empereur. Je la lui ai renûse ; il l'a lue une
fois , a soupiré. Il l'a relue encore , décUix ée et
JH8 MÉMORIAL (Maî 1816)
jetée sous la table; elle e'tait arrivée ouverte!....
Zl s'est remis à sa lecture des journaux y puis s'in-
terrompant toutà coup au bout de quelques minu-
tes, il m'a dit: « C'est delà pauvre Madame ; elle
« se porte bien, et veut venir me joindre ! »
et il s'est remis à lire. Ces nouvelles, les pre-
mières qui fussent parvenues à l'Empereur sur
sa famille , étaient de la main du cardinal Fescb,
et l'Empereur se montrait visiblement blesse de
les avoir reçues ouvertes.
Jeudi 3o
Moreau. •— Georges. — PIchegra. •— Opinion^da camp
et
de Boulogne , de Paris.
L'Empereur est sorti sur les deux heures;
Nous nous trouvions tous autoui: ide lui ; il est
revenu sur les journaux des Débats, sur les
statues que les papiers annonçaient devoir être
eleve'es à Moreau et à Pichegru, « A Moreau,
« disait-il, dont la conspiration dé 4803 est
«f aujourd'hui si bien prouve'e; à Moreau, qui,
«^en 48i3,est mort sous la bannière russe! A
« Pichegru , coupable d'un des plus grands
cf crimes que l'on connaisse; un général qui
«s'est fait battre exprès, qui a fait tuer ses
lM«i8t6) DE SAiNTE-HELÈNE. ïllé
K Soldats, de connivence avec l'ennemi! Et
« après tout , contieuait-il , comme l'histoire
« n'est guère que ce que repètent les hommes ,
' «c à force de répéter que ce sont de grands hom«
« mes qui ont bien mérité de leur pays , ils
«f finiront par passer pour tels, et leurs ad ver-
te saires ne seront plus que des misérables: »
On lui observait qu'il ne pouvait en être
ainsi que dans les temps de ténèbres et d'igno-
rance ; qu'aujourd'hui la quantité d'actes et de
xnonun^pns publics , l'impression y la gravure et
l'universalité des lumières feraient toujours
ressortir la vérité pour ceux qui voudraient la
connaître, que chaque parti aurait ses histo-
riens, à l'aide . desquels l'homme sage pourrait
toujours porter un jugement impartial.
L'Empereur alors a repris toute l'affaire de
Moreau, Georges et Pichegru, dont j'ai déjà
parlé, et dont j'ai promis plus tard les détails;
il a dit aujourd'hui que celui qui confessa les
premières indications , désigna, sans pouvoir la
nommer, une personne à laquelle Georges et
les autres chefs ne parlaient que chapeau bas ,
avec beaucoup d'égards et de respect. On pré-
suma d'abord que ce devait être le duc de Berri.
I^SO MÉMORIAL ( w iSi»)
Un inttant on pensa que cela aTait pu être l'apr
parition momentanée du duc d'Engliien* Charles
d'Hosier, Tun des conspirateurs ^ <pie la mélanr
colie saisit dans sa prison, déchira le Toile, sans
intention. Il se pendit peu de jours après son
arrestation ; on accourut au bruit , on le déliv
yra, mais la nature avait repris ses droits: gis^
sant sur son grabat , et dans la crise qu'il venait
d'éprouver, il repétait des imprécations contre
Moreau , Taccusait d'avoir appelé traîtreusement
un bon nombre d'honnêtes gens , de leur avoir
promis une grande assistance, et de n'avoir per»
sonne; il nommait aussi Georges et Pichegru,
Ce furent les premiers soupçons (ju'on eut contre
Moreau , les premiers indices contre Pichegru ;
on n'avait pensé jusque là ni à l'un ni à l'autre.
Ce fut alors que Real , qui était accouru à cette
espèce de confession de mort de d'Hosiekr',
proposa au Consul d'arrêter Moreau.
. « La crise était des plus forte$ , disait rEm-»-
#t pereur; l'opinion publique fermentait^ on
« calomniait la sincérité du gouvernement sur
«i la conspiration dont il parlait, sur les cons*-
m pirateurs qu'il dénonçait. Ils étaient au nwn-
« bre d'environ quarante que le gouvernement
liM$iiM) DE SAINTB-HÉLÉNE. :»«4
<c affirmait être dans Paris. On en publia les
fc noms, et le Premier Consul mit son honneur
fc à s'en saisir. Il manda Bessières» et commande
« que sa garde entourât Paris et gardât se$
« murailles. Pendant six semaines personne ne
te sortit plus de Paris sans des motifs précis et
« autorisés. Tous les esprits étaient sombres;
• mais cbaque matin le Moniteur annonçait
fc la capture d'un , deux ou trois des individus
tr mentionnés. L'opinion tourna, elle me revint^
« et l'indignation croissait à mesure qu'on sair
<c sissait des conspirateurs. Il n'en échappa paj;
jc un^seul y ils furent tous arrêtes, n
Les papiers du temps disent cominent le fut
peorges , qui ne succomba qu'après avoir tu4
deux hommes. Il paraît qu'il avait été Irshi
par son camarade, qui conduisait le cabriolet
où ils étaient ensemble l'un et l'autre*
Quant à Pichegru , il fut victime de la plu$
infâme trahison. « C'est vraiment , disait l'Em-
« pereur, la dégradation de l'humanité ; il fu^C
« vendu par son ami intime. Cet homme , disait
« l'Empereur, que je ne veux pas nommer,
« tant son acte est hideux et dégoûtant. > Et ic^
«OU9 lui apprîmes qu€ ce nom était dans le
W2 MEMORIAL (M.î 1816)
Moniteur, ce qui l'e'tonna. « Cet homme ,
« continua-t-il, ancien militaire , et qui depuis '
^ a fait le négoce à Lyon , vint offrir de le
« livrer pour cent mille e'cus. Il raconta qu'ils
« avaient soupe la veille ensemble , et que Pi-
i< chegru , se lisant chaque matin dans le Mo-
fc niteur, et sentant approcher sa destinée , M
« avait dit : Mais si moi et quelques géne'raut
« nous allions re'solûment nous présenter au
« front des troupes, ne les enlèverions-nous
fc pas?— Non, lui dit son ami, vous ne vous
« doutez pas de la France ; vous n'auriez pas
« un seul soldat. Et il disait vrai, La unît
9 venue, Tinfidèle ami conduisit les agens de
« police à la porte de Pichegru , leur détailla
« les formies de la chambre , ses moyens de dé-
« fense. Pichegru avait des pistolets sur sa
«c table de nuit, la lumière était allumée, il
ff dormait ; on ouvrit doucement la porte avec
•< de fausses clefs que l'ami avait fait faire ex-
•c près. On renversa la table de nuit, là lumière
« s'éteignit, et Ton se colleta avec Picliegru,
« réveillé en sursaut. Il était très-fort^ il fallut
<c le lier et le transporter nu^ Il rugissait
ic comme un taureau. »
(Mai »8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. »28
Le Premier Consul, arrivant au gouverne-
ment, avait eu à cœur d'appaiser les depar-
temens de TOuest. Il avait fait venir la plu-
part des chefs; il en avait emu plusieurs ^ et
avait, dit-il, fait verser des larmes à quelques-
uns au nom de la patrie et de la gloire. Georges
eut son tourj l'Empereur dit qu'iltâta toutes
ses fibres, parcourut toutes les cordes^ ce fut
*n vain , le clavier fut épuise' sans produire
aucune vibration. Il le trouva constamment
insensible à tout noble sentiment et froidement
avide du pouvoir: il en demeurait toujours à
vouloir commander ses cantons. Le Premier
Consul, après avoir épuise' toute conciliation,
prit le langage du premier magistrat. Il le
congédia en lui recommandant d'aller vivre
chez lui tranquille et soumis, de ne pas se'
méprendre surtout à la Aature de la démarche
qu'il venait de faire en cet instant, de ne pas
attribuer à faiblesse ce.qui n'était que le résultat
de sa modération «t de sa grande force; qu'il
se dît bien «t répétât à tous les siens que tant
que le Premier Consul tiendrait les rênes de
l'ail torité, il n'y aurait ni chance ni sahit pour
quiconque oserait conspirer". Georges s'en fut;
I
I
i.
«2» MÉMORIAL' («ai »8f6)
et la suite a prouré que ce n'était pas sans ayoir
puise dans cette confeTencé quelqu^estime pour
celui qu'il ne cessa de vouloir détruire.
Moreau était le point d'attraction et de rallie^
ment qui avait attiré la nuée de conspirateurs
qui vint de Londres fondre sur Paris. Il paraît
queLajoUais, son aide-de-camp, les avait trompés
en leur parlant au n(»n de Moreau , et en leur
disant que ce générai était sûr de toute la
France, et pouvait disposer de tojute Farmée,
Moreau ne cessa de leur dire a leur arrivée qu'il
n'avait personne, pas même ses aldes-^de-camp^
mais que s'ils tuaient le Premier Consul ^ il
aurait tout le monde.
Moreau , livré à lui-même , était un fort hou
homme , qu'il eût été facile de conduii-e : c'est
ce qui explique ses irrégularités. Il sortait du
palais tout enchanté, il y revenait plein de fiel
et d'amertume : c'est qu'il avait vu sa helle-mère
et sa femme. Le Premier Consul, qui eût été
bien aise de le rallier à lui, se raccommoda une
fois à fond; cela ne dura que k jours. Le Consul
jura alors de n'y plus revenir. En effet, depuison
essaya mainte fois de les rapprocher j Napoléon
ne le voulut plus. Il prédit que Moreau ferait
(Mai i8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. »«5
des fautes , qu'il se perdrait i et certes II ne le
pouvait d'une manière plus avantageuse an
Premier ConsuL
A Wittemberg, quelques jours avant la ba-
taille de Leipsick, on intercepta des chariots et
des effets dans lesquels étaient les papiers de
Moreau qu'on renvoyait à sa veuve en Angle-
terre, L'une de ces lettres e'tait de M** Mo^
reau elle-même , qui avait écrit à son mari de
laisser là ses hésitations, son insignifiance ha-
bituelle, et de savoir prendre hardiment un
parti ; de faire triompher le légitime^ celui des
Bourbons. Moreau répondait à cela, peu de
purs avapt sa mort , qu'elle le laissât tranquille
avec ses chimères» « Me voilà bien rapproche
« de la France, lui mandait-il, bien à même
« de prendre de bonnes informations. . • Eh bien ,
« on m'a fait donner dans un ve'ri table guêpier. «
L'Empereur fut au moment de faire impri-
mer ces papiers dans le Moniteur; mais il exis-
tait encore en France quelques personne aveu-
glement tenaces sur l'opinion qu'elles avaient
toujours conservée de Moreau , s'obstinant à le
, regarder comme une victime de la tyrannie. La
contre-rëvolutionn' avait pas encore permis qu'on
3. 27
ft26 , MÉMORIAL (Mai iSi^y
vint se vanter de ces actes désavoues jusque là,
et en réclamer la récompense. La circonstance
d'inimitié personnelle arrêta l'Empereur. Il ne
trouva pas qu'il fût bien de la réveiller à son
avantage, et de flétrir un homme qu'un boulet
venait de frapper sur le champ de bataille.
Le grand procès de Moreau et de Pichegru
fut fort long , et agita grandement Tesprit pu-
blic. Ce qui vint ajouter à l'éclat de cette affaire
et à la crise, fut de se trouver compliquer avec
l'affaire du duc d'Enghien , qui vint à la tra-
verse, ce Les hommes d'État, disait l'Empereur,
« m'ont reproché une grande faute dans ce
ic procès, et l'ont comparée à celle de Louis XVI
Il dans l'affaire du collier , qu'il mit entre les
« mains du Parlement , au lieu de la faire juger
ce par une commission. Selon ces honunes d'E-
« tat , j'aurais dû me contenter de livrer les cou-
i< pables à une commission militaire ; c'eût été
Cl terminé en deux fois vingt*quatre heures j je
« le pout^aiSj c'était légal, et l'on ne m'en eût
« pas voulu d'avantage; je ne me serais pas ex*
« posé aux chances que je courus. Mais je me
tr sentais un pouvoir tellement indéterminé;
« j'étais en même temps si fort en justice, que
(Miai8t«) DE SAINTE-HELENE; *2Y
«je voulus que le monde entier demeurât til-
« moin.' Aussi, les ambassadeurs, lei ageâif de
« toutes les puissances a^istèrent^ils ' atix^ àé^
K bats !» . '. .^ ijri:v").
L'un de nous alors observa à rEiïi;përeUr (Jtte
le parti (Ju'il avait pris se trouvait bieii' heu-
reux aujourd'hui, et pour rhislofere , etpo'tirsoh
caractère. Il existait par là trois voluihes de
J)ièces authentiques du J)rbclfèS;. ' ^ *
•
Un de nous , qui servait alorà à V^tiàéëâh
Boulogne , disait qtte toiis cèÈ eVènémiehsT*,
même celui du duc d'Enghîen/y avaient; J>àr&
simples j qu'ils y avaient-eté tous attôptek'; è\
que sa surprise avait ëtë gran4é , revenant quel*
ques mois après à Paris , d y trouver Texaspëi-
t-ation qu'ils y avaient créée.
L'Empereur convenait qu'elle ayait ëte' ex-^
tremè , surtout celle causée ^âr la mdrï <Ju due
d'Enghien,'sur laquelle inéme éricoife aujour-
d'hui eii Europe, on semblait/ <iisait-U, juger
aveuglement et avec passion. Il enumemt de
nouveau sbh droit et ses taisons^ il a. fait pasr
ser en revue les nombreuses tentatives prati-^
qùëés sûr sa personne. Il obsefvait que pourtant
il devait à la justice de dire qu'il n^avaît Jamais
ft28 MEMORIAL (Mti 1816)
trpulre Louis XVIII dans une conspiration di-
Acte contre sa TÎe, ce qui avait ëtë, l'on pou-
t^t^dire, permaxœnt ailleurs. Il n'ayait jamais
connu de ce prince que des plans systématiques,
^es opérations idéales , etc. , etc....
.à.
. :: ^[ Si Je £âsse deuieure en 4845^ a-t-il conti-
>^ n^^ey fallaîd produire au grand jour queV-
r ques^uns des derniers attentats. L'affaire
u Maubreuil surtout eût été solennellement
» instruite par la^ pteniière Cour -de l'Empire ,
•r ,pt.rEurope eut jrémi d'horreur en voyant
« jusqu'où pouvait remonter la honte de Ta»-
A sassioat et di^ guet*à-peps. ^
■■'. Vendredis..
l^olitiqaei —Angleterre.,— Lettres retenues par le Goa-<
vernear. -«Paroles caractëristiqaes.
^ A cmq heures, j*ai étp joindre l'Empereur
dans le jardin; nous y étions tous réunis. Il
était sur la politique ; il peignait la triste si-
tuation de l'Angleterre , au milieu de ses triom^
phes; le gouffre de sa dette, la folie, le besoin^
llmpossihilité pour elle d'être un pouvoir con-
tinental, les dangers de^a constitution, les vé-
ritables embarras des ministres ; la juste clameur
>
(Mai 18.6) DE SAÏNTE-HÉLÈNE. im
de tous. L'Angleterre mec ses 4 50 ou 200. mille
hommes, faisait autant d'efforts ^e lui, Empe*
reur, en avait jamais fait au temps de sa grande >
puissance et peut-être davantage. Jamais il, n'a-
vait eu plus de 500 mille Français au complets .
Les traces de son système continental étaient
suivies désormais par toutes les puissances du.
Continent : elles le seraient plus à mesurer
qu'elles s'assiéraient davantage. Il u'I^esitait;
pas à dire, et il le prouvait, que maigre l^^.i
eVenemens du jour , l'Angleterre eut gagné à
demeurer fidèle au traité d'Amiens ; ^u.e. VEu-/
rope entière y eût gagné j que lui spul, N^pOri
léon, et sa gloire y eussent per^u. Et que c'é-;
tait l'Angleterre pourtant , et nçn pas lui» qui i
l'avait rompu. , .. >
Il n'était plus qu'un système pour l'Auglpnr
terre y continuait-il , celui de revenir à sa co^ii^t
titution f a'abandonner le système militaire^'
de ne plus se mêler du Continent que paT;.
Tinfluence de la mer, sur laquelle elle régnait,
seule désormais. Si elle prenait toute. auAre
marche , on pouvait lui prédire de grands fuaU.
heurs , et elle la prendrait înévitableptent cettev
marche, parce que toute son aristocratie le
MO MEMORIAL (Mai 1816)
Toudrait ainsi 9 et que l'ineptie , l'orgueil ou la
Tënalitede[son ministère pre'sent le feraient per-
sister dans sa marche actuelle.
* La conversation finie , l'Empereur est rentré
dans son cabinet et m'a dit de le suivre. Il m^a
parlé d'une lettre qui , m'ayant été envoyée
d'Angleterre par la poste ordinaire , aurait été
retenue par le Gouverneur , pour ne lui avoir
pas été adressée officiellement. On en disait
autant d'une lettre pour le Grand-Maréchal J
L'Empereujr observait que s'il en était ainsi , il
y aurait quelque chose de barbare et d'inhu-'
maiii dans la conduite du Gouverneur y de les
avoir renvoyées sans nous en avoir parlé, sans
noi^s donner la consolation d'apprendre de qui
elles étaient ..•• Un défaut de forme , disait-il ,
peut Se réparer aisément dans l'île ; il ne sau-
rait en être de même à 2 mille lieues de dis-î
tance de nous. A ce sujet j'ai raconté à l'Empe-
t^VLv qu'il m'était arrivé, du reste, quelque
chose d'à peu près pareil , il y avait 8 à 40
jburs. « Une personne allant en Enrope m'avait
« persécuté J)ôur m'être utile. Je m'étais rendu,
n Je l'avais chargée d'un vieux soulier, comme
n modèle, et d'une piontrè à me faire changer ,
(Maîi8i6) DE SAINTE-HÉLÈNE. Wi
« puisqu ici on ne saurait les raccommoder. Le
« Gouverneur avait de'fendu ces commissions ,
« parce qu'elles ne lui avaient pas ëte' adressées
«c-à lui - même. Je n'en ai rien dit à per-
ce sonne , Sire , parce que mon principe est de
ce dévorer une injure que je ne puis pas faire
^ réparer j mais je trouverai le moment d'en
ce faire connaître mon opinion au Gouverneur,
«t En attendant , ni lui , ni mon commission-
« naire n'ont eu la satisfaction de m' arracher
ft ni un mot, ni une ligne , bien que le dernier
•f soit revenu plusieurs fois à la charge. »
r
Après le dîner , l'Empereur , causant sur notre
situation et la conduite du Gouverneur , qui est
venu aujourd'hui faire rapidement le tour de nos
murailles, revenait sur la dernière entrevue qu'ils
avaient eue ensemble, et disait des choses prë-*
cieuses à ce sujet. « Je l'ai fort maltraite' sans
« doute , disait-il , et rien que ma situation pre-
« sente ne saurait me justifier; mais la mau-
« vaise humeur m'est permise : j'en rougirais
« dans toute autre situation^ Si c'eût e'të aux
« Tuileries, je me croirais en conscience oblige
« à des réparations. Jamais, au temps de ma
« puissance , je ne maltraitai quelqu'un qu'il
Îi32 MÉM. DE S«*-HÉi;. CMaî i8i6)
« n'y eût de ma part (juclque mot qui raccom-
m modâtle tout j mais ici, il n'y en a eu aucun,
« et je n'en avais pas Fenvie. Toutefois , il y a
«c été peu sensible; sa délicatesse n'en a pas
« semblé blesse'e. J'aurais aime', pour son bon-
« neur , par exemple , à lui voir témoigner de
« la colère, ou repousser la porte avec violence
« en sortant. J'eusse été certain du moins qu'il
« y avait en lui du ressort et de l'élasticité;
« mais je n'y ai rien trouvé. »
La conversation a continué sur la politique;
elle était animée, vive, courante et d'un tel
intérêt que j'ai pu oublier quelques instans le
coin du monde où je me trouvais ; j'aurais pu
me croire encore aux Tuileries ou dans la rue
de Bourgogne.
Fm DU TliOJStKmS VOLUME.
TABLE MAISONNÉE
DES MATIÈRES
GOKTElfUES DANS LE TROISIÈME VOLUME.
ff, B. Les chiffires sont 1(» Dunéros des pages. Ce signe (<*} indique qtie
les sujets se snÎTent ; et ee signe ( — ) qne le sujet qui suit est différent do
c<liii qai précède*
AmiQXTB. Projet d^expédîtîon
pour explorer son inlérienr ,
«94-
ANGLETERRE. Bapproche-
mens de sa réTolulîon aTec celle
de France, aj^* L^Empereur
disait qu^aTecsa France,!' Angle-
terre devait finir par n'en êlre
plos qu'an appendice. - La na-
ture Pavait faîte une de nos lies,
339. Eût gagné & êlre fidèle au
traité d** Amiens. - N'était plus
qu'un système pour elle 9 celui
de rcTenir à sa constitution , ou
s'exposait auljremeni à de grands
malheurs, 4^8.
AncoLB. ( Bataille i*) Cha-
pitre de la campagne d'Italie
dicté par l'Empereur, 181.
Asker-Kan. ( ambassadeur,
dé Verse à Paris ). Détails. -
Anecdotes, i34*
Atlas historique , etc. , de
Le Sage. - Son historique de-
mandé par l'Empereur, 5 17*
Autriche. ( Puissance d* )
L'*£mpereur disait avoir £aît
une grande faute de ne l'avoir
pas morcelée en plusieurs cou-
I Tonnes. - Insinuations d'un
prince de cette maison. - Le
mariage de Marie-Louise a
perdu Napoléon , i3o«
Bade. ( Stéphanie de Beau»
harnais , princesse de ) Lors du
divorce de Joséphine, s'est rap-
prochée de son mari , et n*ont
plus fait qu'*un ménage des plus
heureux, 366. Son enfance. •
Circonstances de son élévation.
- Son beau caractère 576.
Bertholet ( Comte , Pair. )
Trait charmant de l'Empereur
envers lui. - Sa Conduite en
1 8 1 4 et au retour de Tile d'Elbe,
307.
Bertrand de Mollevillb
( M. Bx " Ministre de Louis
XF"! ). Son opinion sur Kapo-
léon, 398.
Bonaparte (Z^af£/V/j, mère de
PEmpereur ). Paroles de TEm-
pereur, 366. Donnait beaucoup
h ses enfans en secret. > Ei^t
tout donné à son fils pour le re-
tour de l'Ile d'EJbe et apr^s
Waterloo.-Sa fierté. -Sa noble
ambition. - Avait nne aine forte
434
TABLE
et trempée aux grands tYéne-
mcQS, 567. Sa maison à Ajaccio
brûlée. - Réduite a errer sur la
£Ôie aTani de gagoer la France,
•'Sa réponse magnanime à Paoli)
406.
Ca7Aiiil|«i ( yicô' Amiral ).
CAMBÀcéRis(Z)z^ de Parme).
L'£mpereur le disait Phomme
des abus , avec on goût décidé
pour Tancien régime , 4^.
CARNoT.Gombatiit la seconde
abdication. - Quand elle fat
résolue se mit à fondre en larmes
3$7-
G^ROLIBE 60KA PARTE ^Rçifie
de JYaples). L^Ëmpereur disait
qu'il y avait chez elle de Pétoffe,
beaucoup de caractère et ane
ambition désordonnée , 369*
Castiglione ( Batailiedc),
Chapitre de la campagne dlta-
lie dicté par T^Ëmpereur, i5i,
CÉRACHi ( Sculpteur). Avait
projeté de poignarder le Premier
Consul quand il poserait. -Dé-
tails du complot, 20.
Chevreuse ( D/Jfadame de).
Son exil amené par son opinion.
•• Avait rêvé de recommencer la
Fronde, disait Na[>oléon^4^^*
CocKBURN [Amiral^ , Présente
sirHudson Lowe, son succès -
senr. - Mortification , 68. Griefs
des captifs contre lui, 71* S^en
louent comme geôlier. - S*en
plaignent comme hÔLe, 71 ,
Code civil. Grande part ï]uV
prend Napoléon. • Ses diverses
împrOTisatiODS au Conieil d'É-
tat , a84.
Corse ( 12e (ie ). Sa descrip-
tion par PËmpereur. - Amour
de KapoléoQ pour le pays na-
tal. - L'eût deviné, disait-il ,
au seul odorat, 4^^*
DECRia ( Duoy Ministre de la
marine ). Constance de l'Empe-
reur à son égard. C^est quHl
était, disait-il, ce qn^il avait pu
trouver de mieux, 296. Ses sen-
timcns en i8i4* " Anecdotes,
3oi.
Desaix ( Général }• Nommé
par les Egyptiens et les Aiabes
le Sultan juste, 97g.
DicTioNET Aire des Girouet-
tes'. Selon TEmpereur : la d^
gradation de notre société , le
code de la turpitude , }e bour-
bier de notre honneur, 3o6«
DoLGOROVSKi ( Princesse ) .
Maltraitée à toit par le Premier
Consul^ 4^3*
Emeriau {^ Comte y yice^
Amiral). L^Empereur Tcût fait
ministre, s'il Peut trouvé à U
hauteur du poste, 297.
Émigrés. Le Premier Consul
avait eu l'idée d'une masse .ou
syndicat de leurs biens reslaas
pour leur être distribués pro*
portionnellement^ 258.
Espagne. L'Empereur disait
que cette guerre Tavail per^lu.
- Charles IV. demandait que
rEmpereur adoptât . une llHe
quelconque , et en (].( une priu-
cesse des Asturics, 267.
RAISONNÉE.
435
EtraiNB BbàurAlUKAts. L^Em-
percur dit lui avoir donné plus
de 4o millions. - Pensait avoir
de grands comptes à régler
•Tec lui, 97. — Dans les mi-
eères de la révolution en ap-
prentissage chez un menuisier ,
558
Fanatiqub db ScH(BNBRTJN,
Met Napoléon en grand péril.
«* Son sang froid. - Sa férooilé,
Favbovkg Saiict-Germaih.
li^ Empereur pas trop dcfa'vora-
ble, observait que les grands
traîtres n^éiaient point partis
de là , 399.
FoucHÉ ( Duc tPOtrante ).
Ses intrigues en 181 5, causes
cle la seconde abdi<iation.- Avait
toujours son vilain pied sali
dans les souliers de tout le
monde, disait TEmpereur , aS.
Le Talleyrand des clubs, 5a.
£&t été fidèle , si TEmpercur
eût élé victorieux , 53. Reçoit
dans les cent jours un agent se-
cret de M. de Métier nich. -
L'Empereur le découvre. - Son
apostrophe, 54- — Conseille,
sans mission, à Joséphine de
dissoudre son mariage, SSg.
Fraucb. Rapprochement de
sa révolution avec celle d^An-
gleterre, ^48. L^Empercur croit
voir dans les débats du parle-
ment d»Aiigleterre , Tarrlére
pensée du partage de la France,
r Ses réflexions , 587
ÇtAntaume ( f^ice-jimiral ).
Matelot nul et sans moyens^,
disait TEmpereur , 397.
GborgeCadoîtsal. Avait été
ion prés de Napoléon , lors de<
son complot, 19. — Détails sur la
conspiration ,419* Son arresta-
tion, 491. Sous le consulat Na-
poléon le fît venir et le trouva
constamment insensible 6 tous
sentimens , généreux et froide-
ment avide depouvoir , ^^"S.
Grégoire ( Abhé), N^a qu'à
aller & Hayti, selon TEmpereur,
on Vy fera Pape , 596.
GRiTRT. Obtient de TEm-
pereur , après de langues sollici-
tations que Ton joue Richard
Cœnr-de-Lion. - Réflexions ,
io5.
H.ocR'E (^Général), Portrait.
•- D^une ambition hostile , ayS.
Sa mort , ^76.
. HORTBNSE BeàUHÀRNAIS ,
i^Reine de Hollande ). Dans if s
misères de la révolution , en
apprentissage ches une Ungèrc,
etc. , 558-365.
HuDSON LowE ( Goupeméug
de Ste, -Hélène, ) Son arrivée
à Sle.-Hélène , 58. Sa première
visite. - N'est point reçu, 60,
Exige des captifs des déclara-
tions individuelles d'unir leur
sort à celai de Napoléon, 6i. -
81. Son introduction auprès
de l'Empereur , 68. Son fi-r
gnalement , 73. Insinuations
équivoques , 107. Avait clé
chef de haute-police , ngent
s^ctif d'espionnage et d'cxpLaU"
436
TABLE
chag« CQ Italie» 108. Sa pre-
miére ni^chauoeU» 109. Fail
«omparalure devant lui totw les
clomcstiques de TEmpereor «^
Sa première insulte, 11 3. Sa
première barbarie, 11 5. Goa-
i^ersaiioa ▼ive avec TEmpe*
rear , i45. Vent faire accepter
fon médecin à rEmpereor, qui
le refuse, 149. Défiance de
rEmperénr, i5o« Veotétteas*
snré chaque jour, par témoi-
gnage évident , de Texistence de
TEmpereur , si55* Prédiction
gnr sa mémoire , 243- Ar«
réte Ini-méme an de nos do*
mestiqiies. - Paroles de TEo^
pereur h ce sujet ^ 374* Fait
retirer et rendre plusieurs fois
des matelots qo^on avait d<»i-
nés aux captifs pour les servir,
576.
HvoeaN Lowb ( 2/cm^). Son
portrait, 106.
HoM^KE. Po5te ,' orateur ,
historien , législateur , géogra-
phe, théologien, disait Napo-
léon 9 qui le pensait inimitable ,
370.
Ii^DEs. Projet de TEmpe-
rcur pour une expédition dans
celte partie du monde, 3oo.
Jj&nOMB BOWAFA&TE ( jân^,
eien Roi de Westphaîie ). Paro-
les de i*Empcreur. - Au retour
de rilc d'Elbe , avait beaucoi^p
fvgué. > Noble et belle con-
duite de sa femme, princesse
de Wurtemberg ^ 570.
Josératvx ( Impénuricê» )
L*£mperenr disait avoir fait
avec elle an ménage tout à
fait boiirgeois, 353. Un fils
d''elle eût rendu Napoléon fort
heureux, 354* Elle propose k
Napoléon one grande super-
cherie politique, 555. Avait A
Texcés le goût du luxe, 356. On
loi avait prédit dans son eo«-
fance quelle porterait une cou»
ronne. - Anecdote sur son pre.
raier mari et la saiute-ampôule,
556. - Son mariage avec Napo»
léon, 357. — Se soumit de
bonne foi an diyorce, malgré
la peine mortelle qn^elle eu
éprouvait, SS^. - Parlait sou-
vent et avec amitié de Marie*
Louise et du roi de Rome»
- Aurait voulu venir & la Cour,
361. - Savait mettre à profit la
connaissance parfaite qu^elle
avait du caractère de Napoléon,
063. L'Empereur persuadé qu^il
était ce qu'elle aimait le mieux,
362. mie lui avait donné le
bonheur.- Salait constamment
montrée son amie la plus vraie.
- Il disait lui avoir conservé les
plus tendres souvenirs et la
plus vive reconnaisaaDce, 363«
Mettait la soumission ^ le dé-
vouement , la complaisance, an
rang de Tadresse politique dans
son. sexe, 368. Blâmait et gron-
dait sur oe point sa fille Hor-
tense et sa parente Stéphanie,
564.
RAISOJSNEE.
437
rftft«). Anecdote sor -sa re*
lâche h Canton, 346.
liAs Gabes (lé comte de)»
DécUraiioD exigée du Gouver-
neur, 81. L'Empereur lui de-
mande rhistoriqae de son At-
las, 317* L'Empereur lui disait
qu^en cas d'expatriation, son
lot naturel était les \my8 de
rOréooque et du Mexique, où
les sourenirs du bon Las Casas
notaient point effacés, 395.
Latouchb-TrIcville {Ami-
rmiy Fort regretté de Napo-
léon ; lut présentait Tidée d^un
Tral talent, agS.
Latodr-FoissAc {Général),
L^Empereur disait que Pacte
cl||j Consuls qui Pavait frappé
était indubitablement tyran-
nique, illégal; mais qu^il avait
été indispensable, iia.
LiBsauir {Due de Plaifonce).
L^Emperenr le dit Phomme
des idéalités , 45* Napoléon se
plaisait k reconnaître qu^l lui
avait servi de guide h son avè-
nement au pouvoir, ^12,
LsFÈT&B {Madame la ma-
réchale, ducheise de DanUick),
Les mauvaises plaisanteries
dont elle était Pobjet tombent
devant Pélévation de ses sen-
timens et la bonté de son coeur,
347-
Lovis Bonaparte {ancien
roi do Hollande ). L^Emperenr
le. disait un enfant gâté par la
lecture de Jean- Jacques. -Son
mariage élait le résaltat des
intrigues de Joséphine j io4«
L^Emperenr aurait voulu le
marier h une nièce de H. de
Talleyrand , 364.
LvciBN Bonaparte {Archi*
diacre SAjaccio, grand'Oncle de
Napoléon )» Sa colère contre
son neveu Napoléon. - Accusq.
les idées nouvelles du péril de
ses chèvres , 409.
Lucien Bonaparte. Destiné,
en 18 15, au gouvernement gé-
néral de la Corse, 409.
Macdonald {Maréchal^ duo
de Tarente )• L^Empereur men-
tionne sa loyauté, ado.
Mahomet. Idées de PEmpe-
renr ; il doutait de tout ce qu'on
lui attribuait, io3.
VUiXiGEKV {Général), Vénéra-
tion qu'il a inspirée à l'enn^ni.
-Les Autrichiens observent une
armistice pour et$ obsèques,
«79.
, Marbt {Dmao de Bastano),
L'Empereur persuadé de son
yéritable attachement, 44*
Masséna {Maréchal)» Anec-
dote, 279,
Metternich {Minisire d* Au
triche ) . Opinion de PEmpereur,
44.
IVIxssiBssi ( F'iee 'Amiral),
L*empereur le croyait peu sftr .Sa
famille avait livré Toulon^ S97.
Mongbt ( Maréchal), L^Em-
perenr mentionnait son bonne-,
teté, aSo.
MoRALJl, Dissertations de
l^mpereurf or différentes maxi*
438
TABLÉ
mc«. - Disait que les hommes ne
sont point si ingrats qu'on le pré-
tend. -Combattait qne les hom-
mes ne changent point. •»• IViail
qne les yeux fussent le miroir
de l'amc. - Exception , etc. 3^.
MoREAU ( Générai) Portrait
par Napoléon, -Le disait un gé-
néral de monarchie, 2^6. Impli-
qué dans la conspiration de Pi-
ohegru. - Gouverne par^ sa
femme et sa belle-mére. - Lettré
caractéristique à sa femme in*
terccptée. - Première idée de
Napoléon est de la rendre pu-
blique; il en est détourné par
grandeur d^ame, 4M*
Nàïoléoit, Description dé
son appartement h Longwood,^.
Détails mintaieux de sa toilette,
ï2. Son costume à Sainte, *• Hé-
lène, i5, — Se regardait à la
tête de* «ffaîres, comme an mi-
lieu des balailles dont les cons-
pirations étaient les boulets. -
S'aban'doBnait à son étoile, ly,-
comptait 3o et quelques conspi-
rationa à t»iccs authentiques. -
En cachait autant qu^il pouvait,
18. Complot de Georges, 19. De
Céracbi, 20. Attentat du fana-
tique de Scbœabrun, 22, — Par»
tïs à prendre après Waterloo,
SL^. Pensait qu'il eût sau>é la
patrie, si le corps législatif eût
voulu y concourir, 25. Avait
été surnommé le 100 ntille hom-
mes , 35. — N'avait ni préjugés
ni passion. - Sa raison dictait
toujours ses jngemens. - Gar-
dait en lui-même les impresâions
de la peine qu^On Ibî éaosàit , et
les émotions de bienveillance et
de sensibilité qu'on lui faisait
éprouver, 37. -*- Dit que s'UeuÉ
gagné TAmérique, eût de là
protégé la France contre les
réacteurs, 41 • Ses paroles suf
les idées libérales et leur mar->
chë irrésistible, ^i. Dit qu'il
avait refermé Tôutre des vents
déchirée depuis pat. les baïon-
nettes des réacteurs, S8. — Re-
fuse la première visite de sir
Hudson Lowe, 60. Remontrant'
ces paternelles ,64» — DèsFon-
tainebleau , avait ptevu soil
retour en France , 66, — ■ Cop-«
vention des souverains relative
à sa éaptivîté, 76. Ne tojait q\i,
deux grandes chances pour sor-
tir de Sainte-Hélène, 70. — Dî'
sait que dans 10 ans l'Europe
serait toute cosaque ou tout en
république, Bo. — Belle conver-»
sâtion avec le colonel "Wilst,
84. — Demandait au prîiice Ré-
getit la liberté ou uû boutreatf,
91. ^- porte feuille perdu à"Wa*
terloo, 93. Au retour de MosCo\f
est sur lé point d'être arrêté etf
Silésîe, 95. Son compte de toi-
lette à Sainte-Hélène bese mon-
tait qu'à 4 ^«'P^l^^^s par mois,
96. Songe à prendre sur Eugène
un crédit annuel de 6 miUé
napoléons. - Lui avait donné
plas de 40 millions, 97. Sorf
ameublement rue de là Victoire,
98. Donne le prix du trÔne et
des nmeublémens impériaux. '^
Détails , etc. , 98. Son faire
RAISONNÉE;
dans son admîoîstratîon dômes-
ih
tique ,99. — Disait que les
hommes qui ont changé Inni-
vers n*y sont jamais parvenons
en gagnant des chefs; mais en
remuant des masses. * C'était
la marche do génie , io3« En ra-
menant à la ciTilisation a rame*
né au l»on goûi, io5. ^— Richard
CJœur-de-lion ^ io5. — Ses pro-
clamations en Italie, 109. Kit
de celles qu^il avait faites en
timens trop bourgeois sar l^ant»
ticle des âlliances.-Son mariage
l'avait perdu, i5i. — -Kéclusioa
pour maladie, iSa. Disaill'mdé-
pendance de la patrie êire aussi
comme Thonneur unetle escar-
pé» et sans bords, 144. Disait
que pour avoir possédé qq trône
et distribué des couronnes . il
n'avait point oublié sa condi-
tion première, 147. Ne deman--
dait point une maison et des
Egypte, 110. Disait avoir été Meubles ; mais un bourreau et
obligé de parler légèrement lui- un linceuil, 14S. Disait qu'il fau-
même de la religion , pour pou-
voir amener les soldats français
h. en entendre parler , iio. Ne
s'est jamais habillé en Musul-
man. - N'est entré dans une
mosquée que comme vainqueur,
110. Disait que l'Empire d'O-
rient et la sujétion de toute
l'Asie eussent bien Talu un tur-
ban et des pantalons, m.—-
Recommande aux captifs près
de lui d'être /rér*^, 116. — Dé-
tails sur la guerre de Russie j
Zife4> Parallèle de ses succès en
Allemagne, avec ceux de«alUés
cOntreJa France, ia8. Ses con-
ditions après la victoire, & Aus-
teilitz, à léna, à Wagram, 139.
Ambitionnait d'arbitrer un jour
la grande cause des peuples et
des Rois, i5o. A fait la grande
fautB à Wagram de n'avoir pas
partagé l'Autriche en plusieurs
royauines. - A reçu à cet égard
des sollicitations d*nn des At-
fthiducs, iSo* Se sentait des sen-
dra bien qu'un historien fran-
çais, s'il a du ccBur, lui restitue
quelque chose. - Dit avoir ré*
compensé tous les mérites et
reculé les limites de la gfoir'e.
Analyse toute son histoire en peu
de lignes 9 aSg. Dit que le Mo -
niteur demeureraiti sa justifica-
tion; 243. Ses internions sur les
émigrés , 358. — Circonstances
heureuses qui ont concouru k
amener sa prodigieuse carrière,
262.' Le grand nombre de ses
frères lui a été très-utile. - Son
mariage avec madame de Beau-
harnais, Ta mis en point de
contact avec toute la noblesse,
a65. Son origine étrangère l'a
fait regarder comme un com-
patriote par les Italiens , lors du
mariage de la princesse Pauline
et du couronnement par le
Pape, a64* Le nom de Napo-
léon, peu connu, poétique, est
venu ajouter encore quelque
chose k la grande circon$tanc«
44o
TABLE
9Q5. — > AosterlUi ébranla la
-vieille amtocratie. - Tilsit la
ftubjogua. - Que n'est-U légi-
time? disait- elle, a66. " Ne
peut même, à Sainte -Hél éne ,
échapper aux suggestions du de-
hors, 273. — Appelé à rins-
litut le géomètre des batailles,
le mécanicien de la victoire,
a83. Avait présidé constam-
ment au Conseil d*£tat, les
•éaoces du Code Civil.- Grande
partqu^il y prend. - Ses bril-
lantes improvisation^! 283*—*-
Son opinion sur la marine et
les amiraux , «96. Avait rendu
tous ses ministères faciles, ^97.
-~ Se dit arrivé au trône vierge
de tout crime. - N^aura pas à
çraiadre de la postérité le re-
proche d''avoir été trop mé-
chant; mais peut-être trop bon,
3o6. — Reçoit les passagers de
la flotte du Bengale, 3o8. —
Ditqu^on lui a ekivoyé à Sainte-
Hélène, plus quun geôlier. -
Conversation vive avec le
gouverneur, 341* -^ Bruits
ridicules sur lui et la Heine
Hortease, §64* Ses paroles
SUT les membres de sa fa-
mille, 36o. — Dissertation sur
des maximes de morale, 37a»
Son jugement sur les hommes ,
373. Ses remarques sur la Bi-
ble, 374* — Disait que la clé-
mence était le premier donuine
du sonveraia. QuUl ne devait
parât Mre que comme un bien-
fait, 38o.Se reprochait la Rcéne
de PoruHs an conseil d^État. -
Celle de M. G.... aux Tuile-
ries , 38o. Questions sur le fau-
bourg Saint-Germain. -Sur ma-
dame de S...... 383. "— Dan-
ger qu^il court h Saint-CIoud
en menant une calèche , 385. A
Auxonne en se baignant, 386.
à Marly , à la chasse du san*
glier , 586 —^ Si au lieu de Tex-
pédition d^Égypte il eât fait
celle d'Irlande on si de légers
dérangemens n^eussent mis obs-
tacle à son entreprise de Bou-
logne , que serait aujourd'hui
l'Angleterre, le Continent, le
monde politique ? 391. — S^il
se trouvait quelque chose en
Europe , il le devait à la pré-
voyance de quelques amis ,
393. S^il eût gagné l'Améri-
que, comptait appeler à ial
tous ses proches. - Ce fût de-
venu le noyau d'un rassemble-
ment national, 394* L^a évé-
nemens de l'£^rope auraient
groupé autour de lui 100 mil-
lions et 60 mille individus ,
394* Disait ne pouvoir se trou-
ver simple particulier sur le
continent de l'Europe. -Était de-
venu de tous les pays, 594* £ût
pu gagner i'Amérique.-Ke pen-
sait pas que sa dignité lui per*
mit ie déguisement et Ja fàite^
395. Croyait , en s^éloignant
lentement, devoir donner une
grande' marque de confiance
au peuple français. - Ne dé-
sespérait pas de lui ètr« utile
RAISONNÉE.
«Doore* ^ S^il «st à Saint-
HélènÇy c'est à oe seatiment
qu^il le doit, 396. Ne pouvait
•aav«r la nation qu^aTcc elle-
même, 598? Avait porté Pin-,
dustrie en Ffance , à on degré
inconnu, r Était le premiev
en France qui eût dit d^abord
ragriculMire, puis VW^^^b^^c»
enfin le commerce. - On lui
doit la conquête du auorç , de
Pindigo. - A^^i^ proposé un
million pour celui qui eût
trouvé à filer le lin comme le
colon , 4^^* "~ Tous ses mëde^
cins le prémunissent contre le
poison, 4<'i. — Sur la Corse et
le pays natal. - Détails , 4^*
Paoli le dit un homme de Plu-
larque , 4^* Dans sa jeunesse
avait écrit une histoire de
Corse , qui se trouve perdue ,
407. — • A Fontainebleau eût pu
9e réserver ce qu'il eût voulu ;
rhumcur du moment le décida
pour rile d'Elbe, 4ii. Se dit
upe parcelle de rocher lancée
dans Tespace. - N'*avoir pas
regretté la perte do trône. -
Sous son consulat ne veut pas
admettre les faiseurs d'affaires
dans la société dep Tuileries. -
Difficulté pour la composer.
4ti. Trouvait moins d*embar« tait pas 9a translation enFran-
ras & son retoor de Tlle d'Elbe ,
la disait toute c omposée de ce
qu'il appelait ses veuves : marér
chale Duroc, duchesse distrie,
etc. , e(p. , 4i4* Conspiration
de George, 4? 9*
3.
If ARBONVB ( Le] comte de ).
I/£mpercur disait qu'il était
le seul qui eut mérité le titre
d'ambassadeur. Napoléon Tan
mait beaucoup et le regretta
vivement , 95. Par une biiar-
rerie ringulière, ses.talens ont
contribué à la perte de Napo^
léon,-95.
O'msàra ( Médecin deVBm^
pereurà Samte-Hélène'),'Exç\\'' •
cation qui lui est demandée pat.
l'Empereur. - Sa réponse fran-^
obe et droite, a55.
Paoli. Paroles sur Napoléon,
4o6« Sa mort. - Regrets de Na-
poléon de ne Tavoir pas fait
rentrer en France, 409.
Paeis. L^Empereur disait que
nulle part on ne trouvait plue
de goût ni aotant d'esprit, 58o.
Pjbiiixs ( Inégalitée des )^
Sujet débattu, 3i3.
Pease. L'Empereur avait
voulu la faire servir à înquiér
ter la Kussie, i33. - Asker-r
Kan. - Son ambassade à Paris, t
Détails, 154. Anecdotes i38.
PicBSOEU ( Général ). Son
arrestation -. Infamie de celui
qui le livre, 4a 1.
Pi£ VU. Avait du penchant
pour Napoléon j ne loi impu-
ce. • Paroles de loi à Lucien ,
lors du retour de File d*£lbe,
a65.
Physiunomie. Paroles de
l'empereur sur divers.-Le chat-
tigre. - L^foeil de pie, etc. 4^1.
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